Invasions barbares
La recherche historique regroupe sous l’expression invasions barbares les mouvements migratoires des populations essentiellement germaniques, à partir de l’arrivée des Huns dans l’Est de l’Europe centrale aux environs de 375 jusqu’à celles des Lombards en Italie en 568 et des Slaves dans l'Empire romain d'Orient en 577, invasions qui entraînèrent le départ des populations autochtones, leur assimilation ou leur assujettissement aux nouveaux arrivants[1]. Bien qu’ayant eu lieu au cours de l’Antiquité tardive, ces mouvements migratoires relient cette époque et le Moyen Âge. Selon les approches trans-disciplinaires reliant l'histoire et l'étude des paléoenvironnements, une des causes de ces mouvements pourrait être la série de dégradations climatiques commençant au IVe siècle de notre ère et s'achevant au Xe siècle avec l'« embellie de l'an mil »[2]. Loin de se réduire à un événement unique et continu, il s’agit plutôt d’un processus au cours duquel différentes populations, qui se forment et se modifient sous l’emprise de multiples facteurs, déferlent en vagues successives sur l'Empire romain, moins affecté au niveau du climat.
Après la mort de l’empereur Théodose Ier en 395, l’empire fut de facto séparé en deux parties, chacune d’elles régie par un coempereur dont les édits étaient supposés s’appliquer dans les deux parties de l’empire. En 382 et en 418, des accords furent conclus entre les autorités de l’empire et les Wisigoths permettant aux Goths de s’établir sur le territoire romain. Les Francs se virent octroyer la même autorisation et, à titre de fœderati, eurent comme mission de protéger la frontière nord-est des Gaules. Avec le passage du Rhin en 406 et l’irruption des Vandales et des Suèves dans l’empire on assiste à l’écroulement lent mais inexorable de l’administration impériale à l’Ouest, ce qui conduira à la déposition du dernier empereur occidental, alors qu’à l’Est les structures de l’empire, quoiqu’affaiblies par les guerres menées contre d’autres envahisseurs, tiendront bon. En Occident, les Ve et VIe siècles verront la création et la croissance de royaumes germaniques (regna) qui marqueront de leur empreinte la culture de l’Europe tout au cours du Moyen Âge[3].
Survol général
Terminologie
Les travaux menés depuis la Seconde Guerre mondiale ont conduit à remettre en question aussi bien le concept d’« invasions barbares » utilisé dans plusieurs langues romanes, que celui de Völkerwanderung (migration des peuples) utilisé dans les langues germaniques[4]. Les historiens allemands et germanophones préfèrent le terme, moins péjoratif, de « migration des peuples », tandis que la plupart des historiens anglo-saxons parlent aujourd'hui de « Migration Period » pour évoquer cette période de l'histoire.
Chacun des deux termes de l’expression « invasions barbares » pose problème. Le mot « invasion » implique un groupe homogène qui fait une entrée soudaine et violente sur le territoire d’une population autochtone et, par le pillage et la destruction, soumet, chasse ou annihile celle-ci. Divers modèles ont été élaborés au cours des dernières années, modèles qui remettent en cause l'image traditionnelle d’une communauté compacte se mettant collectivement en marche au même moment, de même qu'elle nuance le caractère systématique de violence. Ces modèles sont de deux types, nullement exclusifs. Le premier modèle appelé « avancée par vagues » part du principe que les civilisations agricoles, voyant croître leur population et par conséquent leurs besoins en nourriture, se sont étendues progressivement aux dépens des civilisations de chasseurs-cueilleurs qui les entouraient. On peut penser par exemple à la colonisation de l’Amérique où les Européens, toujours plus nombreux, se sont emparés progressivement des terrains occupés par les populations indigènes. Le second modèle est celui du « transfert des élites » où de petits groupes conquièrent un territoire déjà peuplé dont ils remplacent l’élite dominante tout en laissant en place les structures sociales et économiques traditionnelles. On pense ici à la conquête de l’Angleterre par les Normands : la population locale demeura sur place, mais fut soumise par la force des armes à un groupe étranger.
Le second problème est lié au mot « barbare ». Les Romains, et les Grecs avant eux, regroupaient sous ce terme tous ceux qui ne parlaient pas leur langue et ne partageaient pas leur modèle de civilisation basé sur la cité et l’écriture. Avec l’extension du christianisme apparaît un deuxième clivage, cette fois entre chrétiens et païens, le terme « barbare » étant alors utilisé pour décrire des populations non ou faiblement christianisées. D’où le sens péjoratif de non-civilisé qui était associé à ce terme et par voie de conséquence les préjugés de « cruel », « féroce », « inhumain » que véhiculent les sources :
- « Des nations innombrables et féroces se sont rendues maîtresses de la Gaule. Tout le territoire compris entre les Alpes et les Pyrénées, l’Océan et le Rhin a été dévasté par les Quades, les Vandales, les Sarmates, les Alains, les Gépides, les Hérules, les Saxons, les Burgondes, les Alamans, les Pannoniens… Mayence a été prise et détruite, et des milliers d’hommes égorgés dans l’église. Worms est tombé après un long siège. Reims…, Arras…, Tournai, Spire, Strasbourg, ont été transférées en Germanie ; Aquitaine, Novempopulanie, Lyonnaise, Narbonnaise ont été dévastées[5] ».
Dans de nombreux cas, l’arrivée d’étrangers s’est effectivement accompagnée de violence à l’endroit des populations existantes. Mais dans d’autres cas, les territoires où arrivaient les migrants étaient vides d’occupants ; les nouveaux venus pouvaient dès lors s’y installer sans brutalité même s’il s’agissait d’un territoire appartenant à l’Empire romain. Là où existait une population autochtone, surtout si celle-ci possédait une civilisation supérieure, c’est souvent cette dernière qui procéda à l’acculturation des nouveaux arrivants, moins nombreux qu’elle. Ce fut le cas dans les parties à majorité albanaise, grecque ou valaque des Balkans et de Dacie, où les Slaves adoptèrent la langue de la majorité de la population parmi laquelle ils s’étaient établis et où ils ne formaient qu’une minorité[6] (alors que, dans d'autres parties de ces territoires, c'est le contraire qui se produisit et les autochtones furent slavisés : voir l'évolution linguistique des Balkans). Le même phénomène semble s’être produit dans le cas des Lombards du VIe siècle qui perdirent progressivement leurs caractères distinctifs pour adopter les traditions des peuples établis sur le moyen Danube dominé par les Gépides[7].
La notion allemande de Völkerwanderung ou « migration des peuples » pose également problème. Elle présuppose, tout comme l’expression française, la « migration », c’est-à-dire le déplacement de toute une population quittant massivement le territoire ancestral pour faire fortune ailleurs. La réalité, comme le démontre la recherche, est plus complexe. Certes, il y eut des migrations massives, comme celle de dizaines de milliers d'Ostrogoths qui quittèrent la Pannonie pour les Balkans en 473[8], groupe qui atteignait presque cent mille personnes en raison de l’ajout d'Ostrogoths de Thrace et de réfugiés ruges, lorsqu’il quitta les Balkans pour l’Italie en 488[9]. Mais dans de nombreux autres cas, il est plus que probable qu’il se soit agi de petits groupes d’individus particulièrement aventureux, qui pour diverses raisons (climatiques, économiques, politiques ou par simple recherche de richesse et de gloire), laissaient derrière eux parents et amis pour se lancer dans une aventure. Progressivement, ce groupe est amené à grossir si l’aventure est couronnée de succès, mais aussi à disparaître en cas d’insuccès. Ainsi, de nombreuses scissions se sont produites chez les Hérules et amenèrent les uns en Scandinavie, les autres à se subordonner aux Gépides ou à l’empire d’Orient[10].
Par ailleurs, ce terme de « migration » fait référence à un processus que l’on conçoit de nos jours de façon bien différente que dans le passé. Le rapport que Jordanès fait de la migration des Goths vers la mer Noire a longtemps servi de modèle au concept traditionnel :
« Lorsque son peuple se fut beaucoup augmenté en nombre, le roi Filimer, fils de Gadaric […] prit la décision que l’armée des Goths et leurs familles devraient quitter cette région (près de la Baltique). Dans leur recherche de lieux habitables et plaisants, ils arrivèrent en Scythie, que l’on appelait Oium dans la langue locale. Ils furent enchantés de la richesse du pays et on dit que lorsque la moitié de l’armée eut traversé la rivière, le pont s’écroula de telle sorte que personne ne pouvait plus passer d’une rive à l’autre. […] Cette partie de l’armée qui avait traversé la rivière et qui était entrée avec Filimer dans le pays de Oium prit possession de cette terre convoitée. Elle fit bientôt face à des gens de la race de Spali ; il y eut combat et l’armée de Filimer fut victorieuse. De là, les vainqueurs se hâtèrent vers les confins du pays scythe qui est près de la mer Noire[11]. »
L’impression que l’on retire de cette description est celle d’un roi unique qui conduit un peuple unifié vers de nouvelles terres et fonde un nouveau royaume après avoir vaincu (et probablement chassé) les populations autochtones. D’une part, ce modèle étendu à l’ensemble des migrations ne rend pas compte des différences existant entre les invasions des IIe / IIIe siècles et celles des IVe / Ve siècle ; d’autre part, il ne correspond pas à la réalité des faits.
Dans le cas précis que décrit Jordanès, il est avéré que non seulement les Goths mais toute une série de peuplades germaniques prirent part à cette migration. Par ailleurs, celles-ci n’agirent pas comme un groupe unifié : aucune autre source que Jordanès ne fait référence à un Filimer qui aurait été l’unique chef des Goths ; elles mentionnent au contraire divers chefs comme Cniva, Argaith, Guntheric, Respa, Veduc, Thuruar et Cannabaudes. D’autres sources montrent que divers groupes opérèrent de façon différente, les uns par terre, s’alliant parfois à des tribus différentes, les autres par mer, sur un vaste territoire s’étendant de l’embouchure du Danube jusqu’à la Crimée distante de plus de mille kilomètres. Enfin, le résultat de cette migration fut, non pas la création d’un seul royaume comme le sous-entend Jordanès, mais de plusieurs. Selon Heather, Jordanès a simplement plaqué la réalité goth du VIe siècle où il a vécu sur le IVe siècle[12].
De la même façon, la notion de « peuple » héritée de l’ère des nationalités représentant des groupes sociaux homogènes fermés aux étrangers ne peut s’appliquer aux premiers siècles de notre ère. Ne serait-ce qu’en raison des difficultés de transport, les « peuples », si on se réfère à une notion géographique, se limitaient souvent à ce qui ne serait aujourd’hui qu’un département. En termes de société, et en dépit de ce qu’impliquent les termes latins de gentes ou de nationes, le terme de tribu ou de peuplade serait plus adéquat pour décrire la réalité que celui de peuple. Dans de nombreux cas, on voit de petites communautés s’intégrer à des collectivités plus importantes. Ainsi, on pouvait trouver des Ruges ou des Hérules associés à des communautés de Goths. Dans ces cas, on doit plutôt parler d’alliances que de peuples et l’identité ainsi engendrée serait de nature politique plutôt que culturelle. La recherche contemporaine a ainsi démontré que des similitudes de langues, de vêtements ou même d’armes ne suffisaient pas à confirmer l’appartenance à une communauté ethnique[13]. Ceci implique que divers groupes pouvaient se fusionner tout en restant loyaux à leur communauté[14].
Le déclin de l’Empire romain d’Occident
Il est difficile de définir le rôle précis que les grandes migrations ont joué dans l’effondrement de l’empire romain d'Occident. Il est certain que Rome à la fin du IVe siècle et au début du Ve siècle n’était plus en mesure d’empêcher comme elle l’avait fait dans le passé l’arrivée de nouveaux arrivants et encore moins de les intégrer dans l’empire. L’établissement de « royaumes » (regna) germaniques aux Ve et VIe siècles dans l’Ouest de l’empire s’avéra donc un processus complexe et malaisé à cerner, contrairement à ce que l’on a longtemps pensé en décrivant les choses de façon assez simpliste[15].
Ainsi, dans son livre L’Empire chrétien publié en 1947, l'historien André Piganiol affirmait que la civilisation romaine avait été proprement détruite par les Germains. Une thèse aussi simple ne peut plus être soutenue de nos jours[réf. nécessaire]. De la même façon, en particulier au cours de la première moitié du XXe siècle, de nombreux historiens aussi bien dans le monde roman qu’anglo-saxon ont avancé des théories qui reflétaient davantage les démêlés de leurs gouvernements avec l’État allemand d’alors que la réalité historique. En retour, de nombreux historiens nationalistes allemands, principalement au temps du nazisme, ont tenté de prouver le prétendu « héritage allemand » de l’époque des grandes migrations[16].
Les recherches faites depuis les années 1970 ont mis l’accent sur le fait que l’Antiquité tardive (et dès lors l’ère des grandes migrations) fut une période de transformation culturelle au cours de laquelle les peuples migrateurs ont joué un rôle vital. Elle reconnaît en même temps que ce fut une période de grande violence et de déclin économique considérable[17].
La plupart des historiens s’accordent toutefois pour voir dans l’arrivée des Huns l’une des causes premières du déclin de l’Empire romain d’Occident[18]. Au contraire, l’empire romain d'Orient, qui avait été leur premier objectif résista à leurs assauts principalement parce que ces peuplades ne parvinrent pas à passer d’Europe vers les riches provinces d’Asie mineure, les murailles de Constantinople se révélant toujours un obstacle infranchissable. Lui-même aux prises avec ces envahisseurs, l’empire d’Orient ne fut pas non plus en mesure d’aider efficacement l’empire d’Occident à leur résister. Sur le plan culturel, la culture classique de l’Antiquité n'aurait, suivant une hypothèse traditionnelle, plus possédé la vitalité nécessaire pour survivre sur la partie du continent européen où progressivement, après l’installation de ces peuples, s’effectua une fusion des cultures germanique et romaine[19] ; cette idée d'un déclin culturel est cependant généralement rejetée par les historiens actuels. Tout au long du Ve siècle, la politique romaine consista la plupart du temps à dresser les diverses tribus barbares les unes contre d’autres ; ainsi, elle oppose les Wisigoths d’Espagne aux Vandales et, plus tard, les Ostrogoths d’Italie contre Odoacre. Lorsque victoire il y a, c'est une victoire à la Pyrrhus, car chaque fois qu’une peuplade barbare sort victorieuse de ces batailles, elle se sert de sa nouvelle puissance pour mieux lutter contre Rome. Bien que l’on considère la « barbarisation » progressive de l’armée romaine comme l’une des causes de la décadence de l’empire, ce sont moins les barbares intégrés dans l’armée régulière romaine qui jouent un rôle décisif dans la chute finale que les foederati germaniques. Il s’agissait d’un cercle vicieux, car en s’emparant des provinces les plus riches, en particulier de celles d’Afrique du Nord, les peuplades germaniques de même que les Huns privèrent Rome des ressources financières qui lui permettaient de maintenir la puissance de son armée, ce qui obligea à l’enrôlement de foederati en nombre toujours plus considérable dans ses rangs. Intégrant ainsi de plus en plus d’éléments étrangers, les troupes échappèrent progressivement au contrôle de l’empereur, remplacèrent progressivement les troupes régulières et, là où leur groupe ethnique fut assez fort, établirent de facto des royaumes sinon indépendants, du moins autonomes. Alors qu’elles échappaient peu à peu à l’autorité de l’empereur d’Occident, elles continuèrent à accepter, du moins théoriquement jusqu’au VIe siècle, le pouvoir nominal de l’empereur romain d’Orient dont elles renforcèrent la légitimité. Les guerres sanglantes de l’empereur Justinien démontrèrent qu’en 550, il était encore possible d’envisager une intervention impériale en Occident ; mais elles rendent tout aussi évidentes les limites des ressources militaires dont disposait l’empereur d’Orient.
Les royaumes romains-germaniques
On doit à l’efficacité de l’administration romaine la création des royaumes (regna) germaniques sur le territoire de l’empire : royaume goth en Italie (occupé, plus tard, par les Lombards) et en Espagne, royaume vandale en Afrique du Nord, Francs et Burgondes en Gaule ; les petits royaumes anglo-saxons de Bretagne jouent à cet égard un rôle particulier. Ces royaumes ont une influence considérable sur l’évolution de l’Europe au Moyen Âge. N’eût été le modèle emprunté à l’Empire romain de l’Antiquité tardive, ces petits royaumes, qui continuent à maintenir de nombreux liens avec l’empire, n’auraient pu exister. C’est grâce à ce modèle par exemple que Wisigoths d’Espagne et Ostrogoths d’Italie peuvent assimiler la culture romaine et éventuellement se servir d’elle à leur propre fin sans la détruire. Comme l’a écrit le médiéviste Patrick J. Geary :
- « Le monde germanique fut peut-être la plus brillante et la plus durable création du génie politique et militaire de Rome[20]. »
Cette intégration des peuples germaniques fut cependant rendue plus difficile par les oppositions doctrinales qui divisaient le monde chrétien. En s’établissant sur le territoire de l’empire, les nouveaux arrivants jusqu’alors païens, adoptèrent assez rapidement la foi chrétienne mais souvent selon la confession arienne, venant ainsi en conflit avec les autorités impériales de mouvance catholique.
Numériquement, les nouveaux arrivants germains étaient nettement inférieurs aux Romains. Bien que seuls des estimations soient possibles, il est certain que les auteurs de l’Antiquité et du Moyen Âge avaient une nette propension à l’exagération. De 20 000 à 30 000 soldats constituaient probablement la limite absolue de ces groupes migrants qui en comptaient souvent beaucoup moins lorsqu’il s’agissait de groupes d’aventuriers conduits par des « seigneurs de la guerre »[21]. Les Germains ne constituaient dès lors qu’une minorité peu importante au sein des populations romaines dans les provinces où ils s’installaient, ce qui les incita souvent à adopter une politique de coopération avec les autochtones de sorte que l’on peut effectivement parler de « royaumes romano-germaniques »[22]. De ces divers royaumes, seuls ceux des Francs, des Lombards, des Anglo-saxons et des Wisigoths eurent une existence durable.
Première période : les mouvements migratoires germaniques du IIIe siècle
Les grands mouvements migratoires des populations germaniques commencèrent bien avant leur arrivée dans l’empire. C’est dans la deuxième moitié du IIe siècle que les Quades, Marcomans, Lombards et Sarmates firent leur apparition sur le Danube et envahirent les provinces de Rhétie, Norique, Pannonie et Mésie. Au début du IIIe siècle, les Alamans firent leur apparition et menacèrent le limes de Germanie à la charnière entre le Rhin et le Danube. En 233, la recrudescence des menaces sur le Danube força l’empereur Sévère Alexandre à ramener les Illyriens d’Orient. L’année suivante, les Alamans envahirent le secteur rhétique du limes et poussèrent vers les champs Décumates[23]. Une décennie plus tard, franchissant le limes, les Alamans parvinrent à leur tour en Rhétie. Au début de la deuxième moitié du IIIe siècle, les Alamans et les Francs envahirent la Gaule. Repoussés outre-Rhin par l’empereur Gallien, les Francs reviennent en Gaule dans les années 260 alors que les Alamans font de même à partir de Rhétie. Des groupes se rejoignirent alors et poussèrent vers le centre et le sud-est de la Gaule. Certains parvinrent même en Espagne et en Maurétanie ; d’autres envahirent l’Italie où ils furent battus par Gallien à Milan. Après le bref règne de l’empereur Claude, l’empereur Aurélien doit se battre en Pannonie contre les Vandales et les Sarmates pendant que les Juthunges envahirent l’Italie ; ils sont arrêtés à Fano et Pavie. En 275, les Francs pénétrèrent plus avant en Gaule par le Rhin et la Meuse pendant que les Alamans progressèrent en suivant les vallées de la Saône et du Rhône. Deux années plus tard, Probus mit fin à leur invasion en Gaule et, en 278-279, délivra la Rhétie des Burgondes et des Vandales[24].
Nous ne sommes renseignés sur les nombreux mouvements migratoires qui eurent lieu au-delà de l’horizon romain que par des récits émanant de traditions orales et mis par écrit alors qu’ils prenaient une dimension mythique. L’une des plus connues de ces traditions séculaires est la soi-disant De origine actibusque Getarum, ou Histoire des Goths (aussi connue sous le nom de Getica) de Jordanès qui date du VIe siècle. On sait maintenant que les Goths sont partis de la région de la Vistule au IIe siècle apr. J.-C. et se sont dirigés vers la mer Noire, chassant d’abord les Daces de leur territoire et les forçant à se réfugier en Transylvanie[25]. Les Goths occasionnèrent ainsi le premier grand mouvement migratoire en refoulant les Vandales et les Marcomans vers le sud et les Burgondes vers l’ouest. Ce déplacement de peuples fut l’une des causes des guerres avec les Marcomans au cours de laquelle les Romains ne purent venir à bout des Germains qu’avec difficulté[26]. Au cours des années cinquante et soixante du IIIe siècle, profitant de la crise du IIIe siècle, des bandes de Goths s’avancèrent toujours plus avant sur le territoire de l’empire[27]. En 252-253, ils ravagèrent les côtes de l’Asie mineure ainsi que la rive droite du Rhin avant d’envahir les Balkans et la Grèce par terre et par mer en 267. Ils furent écrasés par Claude à Naïssus en 269. En 275, les Goths, aidés cette fois des Alains, envahirent à nouveau l’Asie Mineure jusqu’en Cilicie. Trois ans plus tard, Probus lança une campagne contre eux et parvint à nettoyer la région du Danube[24].
Au cours des années 290, les Goths se divisèrent entre Thervingues/Visigoths et Greuthungues/Ostrogoths. Les Greuthungues ou « Goths de l’Est » s’établirent près de la mer Noire là où se trouve aujourd’hui l’Ukraine. Les Thervingues ou « Goths de l’Ouest » se dirigèrent d’abord vers la péninsule des Balkans pour s'établir dans un territoire au nord du Danube connu de nos jours comme la Transylvanie. Les Thervingues vinrent ainsi en contact direct avec Rome ce qui entraîna des conflits militaires qui ne furent cependant pas décisifs. En 332, les Goths vivant près du Danube obtinrent le statut de foederati ce qui les obligeait par traité à apporter une assistance militaire aux Romains. La migration des Goths revêt une importance particulière en raison des événements qui s’ensuivirent : non seulement l’invasion des Huns en 375 les chassa-t-elle de leur nouveau territoire, mais encore entraîna-t-elle de fréquents déplacements des Goths au cours desquels Rome dut lutter pour sa survie.
À peu près à la même période, les Lombards quittèrent la région située entre la mer du Nord et Hambourg sur l’Elbe pour se diriger vers la Moravie et la Pannonie. De petites incursions dans les territoires contrôlés par Rome furent repoussées ou se traduisirent par des rectifications mineures de la frontière. Plus à l’Ouest, la confédération des Alamans força Rome à abandonner le limes germano-rhétique ; les Alamans firent sentir leur pression de Mayence à Ratisbonne, soit à la fois sur le Palatinat, l’Alsace, la Suisse et la Cisalpine[28]. Plusieurs tribus s’établirent le long de la frontière de l’empire et, en tant qu’alliées, servirent de zones tampons contre les autres tribus ennemies.
Rome tira les leçons qui s’imposaient des invasions du IIIe siècle et, dès le début du quatrième prit les mesures appropriées. Depuis la fondation de l’empire perse des Sassanides, Rome était menacée sur plusieurs frontières à la fois. Les combats violents avec les bandes perses avaient monopolisé les forces romaines et avaient ainsi rendu possibles les invasions germaniques du IIIe siècle. Il devenait donc nécessaire de rendre l’armée romaine plus efficace et plus mobile. Les empereurs Dioclétien et Constantin Ier, après avoir réparti l’armée entre comitatenses (armée de campagne ou d’accompagnement de l'empereur) et limitanei ou armée de protection des frontières, reconquirent les territoires sur le Rhin et le Danube au nord, y construisirent plusieurs fortifications et renforcèrent les frontières du Nord et de l’Est. La bataille de Strasbourg, disputée en 357 entre l'armée de l’Empire romain dirigée par le César Julien et la confédération tribale alamane conduite par le roi Chnodomar, marqua le point culminant de la campagne pour empêcher les incursions barbares en Gaule et rétablir une ligne défensive forte le long du Rhin, ligne gravement endommagée pendant la guerre civile de 350 - 353 entre l'usurpateur Magnence et l'empereur Constance II. En dépit des difficultés qu’occasionna le regroupement au cours du IIIe siècle de diverses tribus en confédérations (Alamans et Francs) ainsi que la guerre qu’elle dut simultanément conduire contre les Perses, Rome réussit à repousser militairement toutes ces attaques[29] et à reprendre en 378 l’initiative des campagnes. Toutefois, l’invasion brutale des Huns devait radicalement changer le cours des événements. L’armée romaine avait atteint la limite de son efficacité et ne pouvait faire montre de plus de flexibilité. Cet état de choses ainsi que les augmentations en taille et en force des tribus migrantes sont les deux principales caractéristiques qui marquent les mouvements migratoires ultérieurs et les distinguent de ceux des siècles précédents[30].
Deuxième période : les grandes invasions des IVe et Ve siècles
L’arrivée des Huns et ses conséquences
- « Le peuple des Huns, dont les antécédents sont assez mal connus, habite au-delà de la mer d’Azov (alors connue comme paludes Maeoticas) près de la mer de glace et est d’une nature on ne peut plus sauvage […] Cette race d’hommes indomptables et habiles au combat ne vit que pour voler les biens des autres ; pillant et assassinant, elle attaqua ses voisins de proche en proche jusqu’à ce qu’elle arrive au pays des Alains, les Massagètes d’autrefois. »
- Ammien Marcellin, Res Gestae, 31,2,1 : 31,2, 12.
Les mémoires de l’historien et ancien officier romain Ammien Marcellin dans son 31e livre sont les seuls qui donnent une vue d’ensemble détaillée des invasions hunniques. Ammien, qui rapporte généralement les faits de façon consciencieuse, n’eut cependant pas une connaissance directe des événements qui se produisirent en 375 hors des territoires de l’empire dans ce qui est aujourd’hui l’Ukraine (la chronologie de cette période est incertaine de telle sorte que même la date de 375 retenue généralement comme celle du début de l’invasion des Huns est conjecturale)[31]. Quoi qu'il en soit, Ammien décrit les Huns comme des bêtes plutôt que comme des êtres humains. Il dépeint comment les Huns défirent d’abord les Alains, puis détruisirent le royaume gothique d’Ermanaric en Ukraine, avec l’aide des Alains[32]. On ignore précisément encore aujourd’hui d’où les Huns étaient originaires. On a longtemps cru qu’ils étaient apparentés aux Xiongnu que l’on retrouve dans les sources chinoises. La plupart des chercheurs contemporains ou bien rejettent cette hypothèse ou demeurent à tout le moins sceptiques, car un intervalle trop considérable sépare l’apparition des deux groupes. Quant aux causes qui poussèrent les Huns à migrer, on ne peut que spéculer[33]. Les sources antiques concordent sur leur cruauté et leur manque de culture ; par la suite, les auteurs occidentaux utilisèrent généralement le terme pour décrire tout groupe originaire des steppes d’Asie centrale (comme on le fit aussi pour le terme « Scythes »). Les auteurs chrétiens furent prompts à voir une punition de Dieu dans l’émergence subite des Huns dont la brutalité et la rapidité d’action étaient aussi légendaires que la nouvelle arme qu’ils utilisaient[34].
Il est établi que les Huns, qui n’avaient pas de commandement unifié, déclenchèrent la fuite désordonnée de nombreuses tribus germaniques et sarmates vers le sud et l’ouest de l’Europe. Ils s’en prirent d’abord aux Alains dont certains joignirent leurs rangs pour attaquer les Greuthungues. Ces derniers ayant vu leurs chefs, Ermenaric et Vithimer, périr dans l’une des nombreuses batailles qui les opposèrent aux Huns fuirent vers le territoire des Thervingues en compagnie desquels ils se dirigèrent vers le Danube pour demander à l’empereur Valens qui dirigeait la partie orientale de l’empire la permission de se réfugier dans l’Empire romain et de s'installer en Mésie (la Serbie et la Bulgarie actuelles). L’empereur finit par consentir à leur requête en 376. Des milliers de Thervingues et autres réfugiés se présentèrent ainsi aux frontières du limes[35]. Sans doute, avait-on sous-estimé du côté des Romains le nombre de ces réfugiés que l’on négligea de désarmer. Les autorités chargées d'organiser l'accueil des Goths, plus préoccupées par les possibilités de tirer un profit immédiat de la situation que de gérer la crise au mieux, furent vite débordées. L'administration n’était pas préparée à prendre en charge des populations aussi importantes de telle sorte que les Goths durent patienter longtemps sur les deux rives du Danube. Le comes de Mésie, Lucipinus, revendit à un prix exorbitant les matières premières et les ressources alimentaires que l'Empire avait mis à sa disposition pour la construction de centres d’hébergement, si bien que les Goths furent rapidement réduits à la famine et qu’au début de 377, ils se révoltèrent contre les Romains[36].
De prime abord, les événements qui suivirent ne semblaient guère présenter un grave danger. L’empereur Valens abandonna l’idée d’une campagne contre les Sassanides et rassembla ses troupes pour marcher contre les Goths de Thrace. Mais au cours de l’été 377, les Romains réalisèrent qu’il ne serait pas aussi facile de vaincre les Goths qu’ils l’avaient d’abord cru. L’empereur se rendit lui-même en Thrace au printemps de 378 et muta de nombreux officiers supérieurs. Gratien, le neveu de Valens et César d’Occident avait également promis son aide, mais ne put y donner suite en raison d’une attaque des Alamans ; ceci devait amener Gratien à conduire une opération outre-Rhin, la dernière qu’y dirigea un empereur romain. Le 9 août eut lieu la bataille d'Andrinople (aujourd'hui Edirne en Turquie européenne) entre les Goths commandés par Fritigern et l’armée romaine. Sans qu’il y ait eu nécessité, Valens et quelque 30 000 soldats, l’élite de l’armée de l’Est, se déploya en rase campagne[37]. De leur côté, les Thervingues avaient également reçu des renforts sous la forme de la « confédération des trois peuples », formée de Greuthungues, d’Alains et de quelques Huns déserteurs, laquelle voulait se soustraire à la domination des Huns[38]. De plus, les espions romains avaient sous-estimé la force de l’armée ennemie composée de quelque 20 000 soldats. Les Romains exténués par leur longue marche sous un soleil de plomb et sans approvisionnement suffisant, se trouvèrent dépourvus devant la cavalerie hautement mobile de leurs ennemis pendant que l’infanterie des Goths les assaillait de toutes parts. Seul le tiers des forces romaines put s’échapper et l’empereur Valens tomba au combat. Avec lui, de nombreuses unités d’élite de l’armée d’Orient furent anéanties de même qu’un grand nombre d’officiers supérieurs dont deux des plus hauts gradés[39]. Ammien, qui écrivit son ouvrage entre 391 et 394, la termine avec la bataille d’Andrinople qu’il compare à la bataille de Cannes où Hannibal remporta une bataille décisive sur les légions romaines au cours de la deuxième guerre punique[40].
De la bataille d’Andrinople au sac de Rome en 410 : les Goths s’établissent dans l’Empire romain
Le traité de 382 entre Rome et les Goths
Bien que les conséquences de la défaite d’Andrinople aient été sérieuses, elles ne signifiaient nullement la fin de l’empire. Si la Thrace était maintenant grande ouverte devant les Goths ceux-ci ne purent exploiter leur victoire[41]. Gratien, qui dirigeait la partie occidentale de l’empire, se hâta de nommer un nouvel empereur en Orient. Il choisit à cette fin un militaire originaire d’Espagne, Flavius Théodose, fils de Théodose l'Ancien qui s’était déjà illustré comme général[42].
Théodose, qui devait adopter le christianisme comme religion d’État, se révéla d’un tout autre calibre que Valens. Il établit son quartier général à Thessalonique en 379 d’où il conduisit de nombreuses opérations contre les Goths. Toutefois, les offensives romaines souffrirent de l’absence d’officiers qualifiés, si bien que Théodose dut finalement accepter de composer avec les « barbares ». Il commença par accueillir Athanaric, alors en mauvais termes avec Fritigern à Constantinople en 380/381 et à intégrer ses partisans dans ses propres troupes. Gratien qui, en 380, avait accepté de voir une partie de la confédération des trois peuples s’établir en Pannonie et en Thrace finit par envoyer des officiers qualifiés en Orient, au nombre desquels Bauto et Arbogast l’Ancien. Mais ce fut le commandant en chef Flavius Saturninus qui, en octobre 382, devait conclure un traité avec les Goths de Thrace. Le fœdus du 3 octobre 382 conclu avec Fritigern permettait aux Wisigoths de s’installer entre le Danube et l’Hémus. En tant que nation indépendante établie en terre d’empire, ils demeurèrent soumis à leurs propres lois et exempts d’impôts mais n’obtinrent pas la permission d'épouser des citoyens romains lesquels conservèrent les seules lois romaines. La terre sur laquelle ils furent établis demeura terre d’empire même si les Goths y jouissaient d’une certaine autonomie. En contrepartie, ils devaient servir comme fédérés mais sous leurs propres chefs lesquels demeurèrent sous la juridiction d’officiers supérieurs de l’armée romaine. Ce traité créait ainsi un précédent : une nation germanique fédérée pouvait s’établir à l’intérieur des frontières de l’empire tout en maintenant son statut de nation indépendante et, en théorie du moins, traiter avec Rome d’égal à égal[43]. Ce traité a souvent été considéré dans le passé comme le début de la fin de l’empire d’Occident puisque des barbares n’avaient jamais accédé auparavant à un tel statut d’autonomie ni ne s’étaient installés si près de Rome. Toutefois, un certain nombre de chercheurs contemporains soutiennent que ce traité ne tranche pas fondamentalement sur les autres traités similaires[44]. Rome continuait à revendiquer son autorité sur l’ensemble de l’empire tout en disposant à la fois d’une nouvelle main d’œuvre rurale et de nouvelles troupes permanentes alors que les citoyens romains de naissance hésitaient de plus en plus à s’enrôler dans l’armée. Ce n’est que par la suite que l’on constata que les soldes élevées consenties aux nouveaux soldats constituaient un poids financier important. Ces mêmes chercheurs considèrent donc plutôt ce traité comme le début du processus devant mener à la création de royaumes barbares sur le territoire de l’empire[45].
Les Goths à la fois « fédérés » et ennemis de Rome
Les nouveaux fédérés devaient jouer un rôle important dans la politique militaire de Théodose. Celui-ci poursuivit avec détermination une politique réaliste et, contrairement à ce que prétend Jordanès, ne fut pas qu’« un ami des Goths »[46] comme en témoigne le taux élevé de pertes au sein de leurs troupes. Toutefois, la politique d’intégration menée par l’empereur ne réussit pas à réconcilier tous les Goths. Si certains, comme Fravitta demeurèrent fidèles à Rome, d’autres considérèrent les concessions du traité comme insuffisantes. Déjà en 391 certains d’entre eux s’étaient révoltés et ne furent défaits par le général romain Stilicon qu’avec difficulté. En 392, le traité de 382 fut renouvelé ; c’est à cette occasion que l’on vit apparaître pour la première fois dans les sources le nom d’Alaric, descendant de la famille aristocratique des Balthes et chef d’un nouveau peuple émergeant, les Wisigoths[47].
En 394, dans la guerre qui l’opposa à l’usurpateur Eugène, l’armée de Théodose comprenait des troupes romaines sous le commandement de Timasius et de Stilicon, des fédérés goths sous celui d’Alaric et de Gaïnas et des contingents orientaux (Arméniens, Arabes et Mèdes) sous celui du prince géorgien Bacurius. Les Goths eurent à déplorer de nombreuses pertes ; il n’est pas impossible que Théodose ait agi délibérément pour affaiblir un ennemi potentiel. La mort de Théodose à Milan en 395 dégageait les parties de leurs obligations ; les Goths reçurent ainsi la permission de retourner à l’Est mais se rendirent compte bientôt que les territoires qui leur avaient été alloués avaient été dévastés par les Huns. Amer, Alaric se dirige vers Constantinople pour obtenir de force un nouveau traité[48]. Les deux années suivantes virent se succéder des hauts et des bas au cours desquelles Stilicon fut opposé aux Wisigoths pendant qu’Alaric fit le va-et-vient entre l’Est et l’Ouest, et que la partition de 395 entre les deux fils de Théodose, Honorius (Occident) et Arcadius (Orient) entrainait de nouveaux conflits qui s’exacerbèrent rapidement.
Arcadius dut finalement acheter la paix en nommant Alaric magister militum per Illyricum et en chargeant les Wisigoths d'occuper l'Illyrie que l'empereur d'Occident Honorius tenait, prétendait-il, au mépris de ses droits. En 397, les Goths occupèrent la région mais la quittèrent en 401, probablement en raison du sentiment anti-Goths qui allait croissant à l’Est et du caractère âpre de la région. L'Italie était toute proche. Ils se mirent en route vers elle en longeant les rivages de l'Adriatique. Pour sauver l'Italie menacée, l'Occident réunit toutes ses forces en un effort suprême. Stilicon rappela de Gaule, de Norique, de Rhétie, les légions qui défendaient le passage du Rhin et du Danube. Il défit les barbares dans deux grandes batailles, à Pollentia et à Vérone, et les rejeta dans le Frioul. Malgré ces victoires, les finances épuisées de l'Empire ne lui permettent plus d'entretenir sur les frontières les armées solides qui eussent pu contenir partout la poussée des Germains refoulés par Attila dont les hordes continuaient à s'avancer triomphantes vers l'Ouest. Stilicon n'avait sauvé l'Italie qu'en laissant sans défense toutes les provinces situées au nord des Alpes. Le résultat ne devait pas se faire attendre[49].
Depuis quelques années, Stilicon, qui était devenu le véritable homme fort de l’Occident, cherchait à se servir des Goths à ses propres fins[50]. Stilicon, qui planifiait une expédition pour récupérer l’Illyrie dut abandonner en 406 lorsque, de façon imprévue, des bandes de Germains venant de Norique et de la Rhétie traversent les Alpes sous la conduite de Radagaise, ravagent la Cisalpine et marchent vers Rome en demandant des terres. Une seconde fois, Stilicon dut réunir ses troupes en toute hâte et réussit à défaire les troupes de Radagaise près de Florence[51]. Pour sa part, Alaric, qui sentait monter en Occident une haine antigermanique semblable à celle qui s’était manifestée quelques années plus tôt en Orient, amena ses propres troupes sur la frontière italienne en 401 et exigea du gouvernement impérial de Ravenne une importante compensation financière[52]. De plus en plus isolé à la cour de Ravenne, Stilicon n’intervint pas lorsque, en août 408, des soldats de nationalité romaine massacrèrent les chefs germaniques de l’entourage de l’empereur. Les Goths abandonnèrent alors Stilicon qui fut tué le même mois.
La conquête et le sac de Rome en 410
En novembre 408, les non-catholiques furent exclus du palais ; à travers l’Italie, les familles des soldats goths furent massacrées. Aussi dès la fin de la même année Alaric se fit menaçant : non seulement ses forces étaient-elles intactes, mais elles s’étaient accrues de divers contingents goths qui avaient servi dans l’armée romaine sous Stilicon dont 12 000 soldats que celui-ci avait pu détacher des forces de Radagaise. Le faible empereur Honorius refusa de négocier si bien qu’Alaric décida de dénoncer le traité conclu précédemment et de marcher contre Rome, ce qu’il fit à trois reprises. Si, depuis des années Rome n’était plus la capitale de l’empire, elle n’avait rien perdu de sa valeur symbolique. En octobre 408, la population de Rome où régnaient la soif et la faim put échapper à son destin en versant un fort tribut[53]. Malgré cela, ni les sénateurs ni l’évêque de Rome ne parvinrent à convaincre l’empereur en sécurité à Ravenne de négocier. De telle sorte qu’Alaric se présenta à nouveau aux portes de Rome où il nomma empereur le sénateur Priscus Attale. Ce dernier ne répondit pas toutefois aux attentes d’Alaric et fut licencié quelque deux ans plus tard. En même temps s’effondraient les espoirs d’Alaric de pouvoir traverser en Afrique du Nord. À tout le moins, les Goths parvinrent-ils à battre le général romain Sarus, un ancien concurrent d’Alaric à la tête des Goths[54]. À court d’options, Alaric ne vit qu’une solution : le 24 octobre 410, les Goths s’emparèrent de l’ancienne métropole sur le Tibre qu’ils mirent à sac. Alaric, qui à l’instar de la plupart des Goths était chrétien, ordonna simplement d’épargner les églises[55].
La responsabilité du sac de Rome, le premier depuis l’invasion des Gaulois en 387 av. J.-C., est due sans nul doute à l’entêtement d’ Honorius. Non seulement celui-ci avait mal évalué la gravité de la situation, mais encore il n’avait plus de Stilicon disponible pour faire face aux Goths. Rome devait toutefois survivre à ce pillage. Pendant trois ans, les Goths demeurèrent en Italie. Passant par la Campanie, Alaric voulait les conduire en Sicile quand il mourut subitement non loin de Cosenza en 410. Les Wisigoths reconnurent comme successeur d'Alaric son beau-frère Athaulf. Pour se débarrasser de lui, Honorius se résigna à lui donner en mariage sa sœur Galla Placidia et le chargea d'employer ses forces à expulser les Vandales qui occupaient encore le sud de la Gaule. C’est là, entre 416 et 418 qu’un accord finit par être conclu qui leur donnait des terres fertiles en Aquitaine seconde et que leur chef fut reconnu comme un interlocuteur officiel de Rome[56]. La politique de Rome à leur égard avait évolué et huit ans après le sac de Rome, leur établissement en Gaule était vu comme un moyen de stabiliser l’empire.
La prise de Rome et son pillage fit courir une onde de choc à travers l’empire. Chez les chrétiens on la considéra parfois comme prémices de la fin du monde, alors que les païens y virent une punition pour s’être détournés des dieux ancestraux. Augustin d'Hippone (aujourd’hui Annaba en Algérie) y trouva la source d’inspiration pour son œuvre De Civitate Dei contra paganos dans laquelle il tenta de relativiser l’événement, déliant le sort du christianisme de celui de l'Empire. En revanche, l’historien chrétien Paul Orose tenta dans son œuvre Historiae adversum paganos de démontrer que la Rome païenne méritait un destin encore pire que celui qui lui avait été réservé. Les effets de ces discussions entre spécialistes furent profonds, moins sur le plan politique toutefois que philosophique, et se firent ainsi sentir pendant des siècles[57].
Le passage du Rhin de 406/407 et ses conséquences : les Goths en Aquitaine et les Vandales en Afrique du Nord
La débâcle sur la frontière du Rhin : invasions et usurpations
Le 31 décembre 406, plusieurs tribus barbares traversèrent le Rhin dans les environs de Mogontiacum (aujourd’hui Mayence) soit qu’elles fuyaient devant les Huns, soit qu’elles cherchaient des vivres[58]. Les trois principaux groupes étaient les Vandales, les Suèves et les Alains. Les Vandales pour leur part étaient divisés en deux groupes, les Hasdings et les Silings. Ils étaient établis vers l’an 400 dans le sud de ce qui est aujourd’hui la Pologne et la Bohême, quoiqu’une partie d’entre eux ait été fixée par l’empereur Constantin en Pannonie[59]. Pendant l’hiver 401/402, ils attaquèrent par surprise la province romaine de Rhétie. Une partie d’entre eux se joignit à l’expédition de Radagaise mentionnée plus haut. Il est plus difficile de déterminer l’origine des Suèves. Si ce nom apparaît dans les sources du début de l’empire, il disparaît entre 150 et 400. On désignait probablement ainsi certains groupes marcomans et quades qui avaient fait partie de l’ancienne confédération suève et qui s’étaient établis, comme les Vandales, dans la région du moyen Danube, à l’ouest des Carpates[60]. Les Alains iraniens avaient été chassés de leurs territoires traditionnels par les Huns. Une partie d’entre eux s’était jointe en 405/406 aux forces de Radagaise pour se mêler par la suite aux Vandales. Les Suèves finirent par les rejoindre et, de concert, ils s’enfoncèrent à l’intérieur de la Gaule. Les Francs fédérés, établis sur ces territoires depuis le milieu du IVe siècle tentèrent sans succès d’arrêter les assaillants. Les sources ne nous permettent pas de suivre chacune des invasions dans tous les détails. Selon toute apparence, les envahisseurs se dirigèrent d’abord vers l’ouest et le nord de la Gaule avant de faire demi-tour et de se diriger vers le sud et le sud-ouest[61]. Les sources indiquent clairement les ravages que firent cette invasion sans que les quelques troupes romaines stationnées sur le Rhin puissent véritablement s’y opposer. Toutefois, quelques années plus tard, la défense du Rhin fut, pour quelque temps du moins, renforcée. Le district militaire de Mayence put être rétabli à la suite de l’invasion de 406/407.
Le passage du Rhin de 406/407, comparable à la rupture d’une digue, était prévisible depuis quelque temps déjà. C’est ainsi que vers 400, le siège de la préfecture des Gaules, qui avec la préfecture de l’Italie constituait l’autorité administrative la plus au nord de l’empire occidental, avait été transféré de Trèves à Arles. Le succès des envahisseurs avait profité des combats décrits plus haut entre Stilicon d’une part, Radagaise et les Goths d’autre part, de telle sorte que la Gaule se trouvait pratiquement vide de troupes. C’est probablement ce qui explique les tentatives de Stilicon pour gagner les Goths d’Alaric et, avec leur aide, de rétablir l’ordre. La mort du général en 408 avait mis fin à ces plans. L’usurpateur Constantin III, le dernier d’une longue liste d’usurpateurs venant de Bretagne était passé avec le reste des troupes britanniques en Gaule et y avait établi sa propre autorité[62]. En même temps, le départ des troupes romaines de l’ile laissait présager à court terme la perte de la Bretagne. Les Pictes et diverses tribus irlandaises s’établirent dans la province romaine qui acquit de facto un statut d’autonomie. Ce sur quoi on appela les Saxons à l’aide en 440, ce qui résulta en une mainmise germanique même si de petits royaumes romains-britanniques purent subsister pendant longtemps dans le Pays de Galle et le sud-ouest de l’Angleterre[63].
Proclamé empereur par ses troupes en 407, Constantin III parvint à conclure des ententes avec certaines tribus germaniques de Gaule, calmant ainsi l’agitation qui y régnait tout en augmentant ses propres forces. Après avoir établi sa résidence à Arles dans le sud de la Gaule, il étendit son autorité sur l’Hispanie. Fin 409, il ne put cependant arrêter l’invasion des Vandales, des Alains et des Suèves, qui s’installèrent en Espagne. Il fut toutefois défait par le général Constantius (futur Constance III) et exécuté en novembre 411. En dépit de cette défaite, l’agitation reprit de plus belle en Gaule lorsque l’aristocratie gauloise proclama empereur l’un des siens, Jovin, avec l’aide des Alains commandés par Goar et des Burgondes qui avançaient sur le Rhin pour créer bientôt leur propre royaume[64].
L’empereur Honorius semblait avoir perdu tout contrôle sur la Gaule. Un nouvel usurpateur, Maxime, dont le règne fut de courte durée, se leva en Hispanie. Alors conduits par Athaulf, successeur d’Alaric, les Goths s’étaient retirés de Rome et s’étaient rassemblés autour de Jovin. Tout comme cela avait été le cas pour un autre usurpateur, Attale, cette alliance ne devait guère durer et Athaulf laissa rapidement tomber Jovin[65]. Athaulf épousa en 414 à Narbonne la sœur d’Honorius, Galla Placidia, tombée aux mains des Goths lors du sac de Rome ; l’année suivante toutefois, Athaulf devait périr, assassiné. Les Goths sous la direction d'Athaulf se transformèrent en une sorte d’armée nomade à cheval[66]. Celui-ci aurait déclaré pendant les cérémonies qu’il désirait remplacer la Romania par une Gothia[67]. Que l’anecdote soit vraie ou fausse, elle montre que les Goths désiraient s’établir de façon permanente sur un territoire reconnu comme leur par Rome. C’est aussi ce qui explique pourquoi Athaulf désirait fortement s’allier par mariage à la dynastie théodosienne, chose qui lui était difficile en tant que Goth et chrétien professant l’arianisme.
L’établissement des Goths en Aquitaine
Constantius, le général en chef d’Honorius, avait fait preuve de grand talent militaire au cours de la guerre contre l’usurpateur Constantin III. Il était alors devenu évident que des ressources humaines supplémentaires seraient nécessaires si on voulait lutter avec succès contre les envahisseurs. Le gouvernement de la partie occidentale de l’empire fit donc à nouveau appel aux Goths dont le chef depuis la fin de 415 était Wallia ; son but principal était de poursuivre la guerre contre les Romains afin de pouvoir traverser en Afrique du Nord. Dès les premiers mois de 416, il dut toutefois capituler devant Constantius. Gallia Placidia fit un retour sur la scène en épousant ce dernier le 1er janvier 417. Constantius apparaissait ainsi de plus en plus comme l’héritier de Stilicon[68]. Les Goths devinrent des foederati et Constantius les obligea à combattre les Germains et les Alains qui s’étaient abattus sur l’Hispanie, ce que les Goths firent avec un certain succès[69].
En 418, les Wisigoths se virent assigner l’Aquitaine seconde dans le sud-ouest de la Gaule comme foyer permanent. Les clauses des traités de 416 ou de 418 ne nous sont pas connues et doivent être déduits de citations éparses émanant des sources[70]. La recherche contemporaine demeure ainsi divisée sur des points essentiels. L’assujettissement (deditio) était la conséquence logique d’un traité (foedus) : les Wisigoths seraient installés dans la vallée de la Garonne de Toulouse à Bordeaux. L’une des grandes questions est de savoir si les Goths, comme il était d’usage dans le système des fédérés romains, devaient être approvisionnés conformément au système de l’hospitalitas en se voyant assigner des terres ou s’ils recevaient une quote-part des recettes fiscales[71]. Tout autant que les différentes modalités du traité, les conséquences de cette colonisation prêtent encore à controverse. Ainsi, la politique de plus en plus expansionniste que pratiquèrent par la suite les Wisigoths, résultat de la faiblesse du gouvernement romain, conduisit à l’obtention d’un statut d’autonomie de fait ; la création d’un soi-disant royaume des Goths avec Toulouse comme première capitale, Tolède ensuite, aurait été un facteur de stabilité dans la région[72]. Cette colonisation se serait faite avec l’accord de la haute société gallo-romaine qui n’y voyait pas de menace puisque les Goths ne constituaient qu’une petite fraction de la population romaine locale, remarque qui vaut de façon générale pour toutes les gentes qui se mirent en marche durant cette période[73].
Les Vandales en Hispanie et la conquête de la province d’Afrique
Dans l’intervalle, les Vandales de même qu’une large part des Suèves et des Alains avaient quitté la Gaule en 409 pour se diriger vers l’Hispanie[74]. L’une des sources les plus importantes pour les événements qui se produisirent dans la péninsule ibérique sont les Chroniques de l’évêque Hydace de Chaves. Celui-ci raconte avec éloquence l’épouvante que ressentit la population face à la dévastation qui suivit l’arrivée des envahisseurs. En 411, ceux-ci purent arracher de haute lutte un traité au gouvernement de Ravenne dont l’évêque Hydace nous a rapporté le contenu. En fonction de celui-ci, une partie des Vandales et des Suèves se voyaient attribuer le nord-ouest de la péninsule ibérique, les Alains la Lusitanie et la région de Carthagène, les Vandales Silings la Bétique (à peu près l’actuelle Andalousie)[75]. Lorsqu’en 416 les Wisigoths descendirent en Hispanie à titre de peuple fédéré pour débarrasser la péninsule des envahisseurs, ils massacrèrent la majorité des Silings et des Alains qui s’étaient installés dans le sud. Les survivants se réunirent autour du roi vandale Gondéric. Celui-ci se révéla un rassembleur de telle sorte qu’Alains et Vandales ne formèrent plus rapidement qu’un groupe homogène. Alors que les Suèves demeuraient dans le nord-ouest, les Vandales et les Alains se dirigèrent vers le sud. En 422, ils battirent une armée romaine et conquirent le principal port de la flotte romaine, Carthagène. Très rapidement, ils se transformèrent en audacieux pirates[76].
Après la mort de Gondéric, ce fut son demi-frère, Genséric (ou Geiseric) qui prit le commandement en 428. Ce fut l’un des plus remarquables chefs de toute la période des grandes migrations[77]. Jordanès, dans son Histoire des Goths, nous a laissé un portrait détaillé de Geiséric bien que l’on puisse se demander si, rédigé bien après la mort du roi vandale, il correspondait vraiment à la réalité[78]. Nous n’avons malheureusement pas de témoignage des Vandales eux-mêmes. Geiséric était certainement un chef déterminé et un homme avide de pouvoir pouvant agir lorsque nécessaire avec la plus grande brutalité. Afin d’assurer ce pouvoir, il n’hésita pas du reste à faire assassiner la famille de Gondéric. Il était également un militaire et un politique habile dont la suite des événements confirma les capacités. En 429, les Vandales et divers groupes qui s’étaient joints à eux, soit environ 80 000 personnes, traversèrent le détroit de Gibraltar et s’installèrent en Afrique du Nord[79]. Leur but était de s’emparer de la province d’Afrique, grenier de l’empire occidental et l’une des régions les plus urbanisées de tout l’empire. Les Wisigoths s’étaient donné le même but après le sac de Rome, mais avaient échoué. Les Vandales partirent donc de Ceuta pour franchir quelque 2 000 km en direction de l’est, s’emparant au passage de nombreuses villes romaines. En 430, ils se retrouvèrent devant Hippone dont l’évêque et célèbre théologien, Augustin d'Hippone, mourut pendant le siège. Les Vandales prirent ensuite la direction de Carthage, qui à cette époque était l’une des plus grandes villes de l’empire ainsi que l’un de ses ports les plus importants. Bien qu’ils ne réussirent pas à s’emparer de la ville[80], les Vandales accomplirent quelques remarquables exploits dont la toile de fond est rapportée différemment par les diverses sources. C’est ainsi que Procope de Césarée, écrivain ayant vécu au VIe siècle rapporte dans le cadre de ses Histoires (ou Histoires de la guerre) que les Vandales auraient été invités suivant les règles par le commandant romain pour l’Afrique, Boniface, parce qu’il avait eu maille à partir avec Ravenne[81]. La recherche contemporaine ne retient généralement pas cette hypothèse[82], car Boniface combattit les Vandales dès que ceux-ci se mirent en marche avec tous les moyens à sa disposition[83]. De plus, la situation entre Ravenne et Boniface s’était déjà régularisée en 429, ce dont ne parlent même pas les sources de l’époque[84].
Quoi qu'il en soit, les moyens dont disposait l’empire d’Occident ne suffirent pas à arrêter les Vandales. Afin de pouvoir se maintenir à Carthage, l’empire d’Occident se résolut à conclure un traité dont les clauses ne nous sont pas connues en 435. Ceux-ci se voyaient concéder la partie de la province déjà conquise. Pourtant, en 439, Geiséric profitant de l’occasion tomba sur Carthage où il s’empara de la flotte romaine qui y était stationnée, coupant ainsi Rome de son approvisionnement traditionnel en céréales. L’empire d’Occident n’eut d’autre choix que de reconnaître sa défaite dans un nouveau traité datant de 442[85]. La plus riche des provinces romaines était maintenant officiellement aux mains des Germains qui, de plus, devenaient une puissance maritime non négligeable. Sur ce point, les Vandales se distinguèrent des autres peuples germains de même que par le traitement réservé aux populations locales autochtones.
L’empire des Huns et la fin de l’Empire romain d’Occident
L’empire des Huns sur le Danube et l’ascension d’Ætius
Bien que les sources nous informent que les Huns franchirent le Don en 375 et qu’ils battirent les Alains et les Greuthungues, elles sont pratiquement inexistantes pour les décennies qui suivirent. Nous savons seulement que les Huns se livrèrent à d’innombrables razzias[86]. Pendant longtemps, les Huns ne semblent pas avoir agi sous un commandement unifié, ni même avoir eu une politique commune[87]. Pourtant, les Huns étaient capables de coordonner des opérations militaires comme le prouve leur invasion de l’empire sassanide et des provinces romaines orientales à l’été de 395[88]. À l’hiver de la même année, d’importants contingents de Huns fondirent sur les Balkans[89]. Toutefois, on ne peut encore parler à cette époque d’un empire hunnique, car on ne peut distinguer une forme d’organisation qui réunisse tous les groupes.
Le premier souverain que l’on puisse concrètement identifier à la tête des Huns (la figure de Balamir ou Balamber n’est aucunement certaine) est un certain Uldin qui aux environs de 400 régnait sur les Huns au nord du bas-Danube, peut-être dans le territoire qui est aujourd’hui la Roumanie[90]. Au cours de la même période, le maître des milices Gaïnas, un Goth, tenta de jouer auprès de l’empereur Arcadius à la cour de Constantinople un rôle similaire à celui de Stilicon à l’Ouest. Ceci traduit à la fois l’importance du rôle joué par ce « maître des milices » (magister militum) qui, en Orient, peut être beaucoup mieux contrôlé au Ve siècle que ce ne fut le cas en Occident et l’importance des foederati dans l’empire. Après l’arrivée au pouvoir de l’antigermanique Aurélien, devenu préfet du prétoire, Gaïnas entra à Constantinople avec ses barbares, mais la quitta bientôt. Ce fut le signal d’un massacre de Goths à Constantinople. Traqué par le Goth païen Fravitta, Gaïnas passa le Danube et fut battu par Uldin[91]. Ce dernier, dont le territoire s’étendait à l’Ouest jusqu’à la Hongrie d’aujourd’hui, conclut un accord avec Stilicon en 406 pour arrêter la progression des Goths de Radagaise. Bien qu'Uldin ait régné sur un vaste territoire, à aucun moment il ne put prétendre régner sur l’ensemble des Huns[90]. En 404/405, Uldin s’était déjà emparé de territoires appartenant à l’empire d’Orient, exploit qu’il répéta en 408. Il dut cependant les rendre par la suite et mourut peu après.
Après que le mouvement vers l’Ouest des Huns se fut heurté ici et là à une vive résistance d’autres groupes barbares[92] on assista à la lente création d’un centre d’autorité suprarégional dans l’est des Carpates. Malheureusement, nous ne disposons que de très peu d’informations à ce sujet[93]. Les rares sources à notre disposition font toutefois mention à plusieurs reprises de troupes de Huns venant en appui à l’armée romaine. En 427, les Romains auraient fini par céder la Pannonie aux Huns, mais le fait est contesté[94]. Divers leaders présidèrent aux destinées des Huns comme Charaton mais nous savons peu de choses à leur sujet. Vers 430, les deux frères Oktar et Ruga furent à la tête des Huns vivant le long du Danube. Après la mort d’Oktar en 430, Ruga continua seul à régner et semble avoir réussi à imposer un pouvoir plus organisé que ce n’avait été le cas auparavant. En 433, le général Flavius Ætius, nommé magister militum per Gallias, conclut un accord avec Ruga[95]. Élevé à la cour impériale de Ravenne, et plus tard envoyé comme otage à la cour d'Alaric, puis à celle de Ruga, il devient un ami du jeune Attila, neveu de Ruga (et son futur successeur). Pendant des années, Ætius se sert de diverses tribus, dont les Huns, pour combattre Wisigoths, Burgondes, Alains, Francs et autres, défendant ainsi le trône de Valentinien III et devenant le véritable maître de l'empire d'Occident[96]. En 436, Ætius battit également les Burgondes du roi Gondicaire et les obligea à accepter la paix. L’année suivante il envoya les Huns pour les détruire ; 20 000 Burgondes périrent alors dans une bataille qui aurait servi de base à la légende des Nibelungen. En 443, il négocia la réinstallation de ceux qui restaient en Sapaudie (la future Savoie, précisément les territoires entre Alpes et Jura)[97]. Il relocalisa également dans la région d’Orléans une partie des Alamans qui étaient demeurés en Gaule[98]. Dans ses efforts pour maintenir la souveraineté de l’Empire sur la Gaule, il combattit les Francs qui s’établissaient progressivement sur le Rhin, ainsi que les Bagaudes qui s’agitaient en Gaule et en Hispanie.
Ruga mourut en 434. Il n’est pas impossible qu’il ait été assassiné sur l’ordre de ses neveux Bleda et Attila qui prirent le commandement d’une grande partie des Huns maintenant établis en Europe.
Attila, chef des Huns
Bien qu’Attila ait acquis une renommée considérable quoique négative dans l’histoire de l’Europe, on sait relativement peu de choses sur sa personne et encore moins sur sa jeunesse[99]. Après qu’il eut pris le pouvoir avec son frère Bleda, il se mit en devoir de consolider « l’empire des Huns » fondé par son oncle Ruga.
Par le traité de paix de Margus (actuel Orašje, à l’embouchure de la Morava dont la date est incertaine, Constantinople acceptait de ne plus s’allier aux ennemis « barbares » des Huns et le tribut annuel qui leur était versé fut porté à 700 livres d’or (229 kg). De plus, les Romains s’engageaient à ouvrir un marché, dont la sécurité serait garantie par les deux parties, et à extrader les déserteurs qui viendraient chez eux en provenance du territoire des Huns. En dépit de ce traité, les deux frères conduisirent une expédition contre l’empire d’Orient en 441 et 442 qui leur permit de s’emparer des villes de Singidunum (Belgrade) et de Sirmium (Sremska Mitrovica)[100]. Après le meurtre de Bleda (probablement en 445) Attila devint le seul chef des Huns du Danube. À aucun moment de sa vie Attila ne fut le chef de tous les Huns. Pour consolider son pouvoir sur ce qui n’était encore qu’un empire très lâche, Attila entreprit bon nombre d’expéditions dont le but premier était l’empire d’Orient. C’est ainsi qu’en 447, et bien que l’empereur Théodose II ait relevé le tribut qui leur était versé, les Huns s’enfoncèrent profondément dans les Balkans et se rendirent jusqu’aux portes de la Grèce[101]. Parmi les peuples qui faisaient partie de son armée, se trouvaient des Gépides et des Goths qui étaient maintenant sous domination hunnique[102]. Bientôt l’empereur fut forcé de conclure la paix avec Attila.
Les difficultés qu’éprouvait l’Empire romain d'Orient ne pouvaient que réjouir le faible Valentinien III qui, à l’Ouest, était monté sur le trône encore enfant. La domination qu’exerçaient maintenant les Huns sur bon nombre de tribus germaniques réduisait les risques d’invasion pour autant que Ravenne entretînt de bonnes relations avec les autorités des Huns[103]. C’est ce à quoi s’employa Aetius qui avait toujours eu d’excellents contacts avec Ruga et qui entendait maintenir cette politique avec Attila dont il avait été l’ami d’enfance. À Constantinople toutefois, on n’entendait pas financer Attila indéfiniment. En 449, une ambassade fut envoyée par Constantinople auprès d’Attila, dont faisait partie Priscus (ou Priskos). Celui-ci fait plus tard le récit de cette ambassade dans une chronique dont seuls quelques fragments nous sont parvenus. Il décrit une ville de tentes autour d’un promontoire où se dressait le palais royal construit en bois entouré d’une haute palissade garnie de tours[104].
Lorsqu’à Constantinople, Marcien, le nouvel empereur, refusa de continuer à verser le tribut traditionnel, Attila se tourna vers l’Ouest. Jordanès, qui séjourna à Constantinople en 551, rapporte que Honoria, la sœur de l’empereur d'Occident qui était menacée d’être mariée de force en raison de son style de vie libertin, aurait demandé à Attila de la libérer et aurait offert de l’épouser[105]. La recherche contemporaine a jeté des doutes sur cette version des faits[106]. Cependant, il n’est pas impossible qu’Attila ait été en contact avec des mouvements d’opposition dans l’entourage de l’empereur d’Occident. Constamment aux aguets des avantages qu’il pouvait tirer de l’Est et de l’Ouest, Attila feint quelque dix ans plus tard de prendre cette proposition au sérieux et exige comme dot l’Aquitaine. Une telle demande compromettait toutefois la position d’Aetius, magister militum per Gallias, qui dut s’opposer à son ami d’enfance[107].
En 451, Attila envahit la Gaule à la tête d’une imposante armée qui comprenait aux côtés des Huns, un nombre indéterminé de contingents venant de tribus soumises ou versant tribut aux Huns. Toutefois ses efforts diplomatiques pour provoquer l’entrée en guerre des Vandales n’aboutirent pas[108]. Les Huns se dirigèrent vers Orléans qu’ils assiégèrent. Aetius réunit alors ce qui restait des forces régulières romaines dans la région composées de plus en plus de soldats provenant de peuples fédérés comme les Wisigoths, les Francs, les Sarmates et les Alains. La célèbre bataille des champs Catalauniques, dont on ignore toujours l’emplacement exact dans les environs de Troyes, ne fut pas décisive, mais Attila dut se replier. Il n’est pas impossible qu’Aetius ait laissé submerger les Wisigoths qui formaient l’aile droite de son armée et dont le chef, Théodoric Ier, mourut au cours de la bataille dans le but d’affaiblir un ennemi potentiel. Quoi qu'il en soit, il semble avoir craint que les Goths ne tentassent de se libérer de la domination romaine avant que les Huns soient complètement vaincus[109]. L’important était que les Romains et leurs alliés, s’ils n’avaient pu vaincre définitivement les Huns, leur aient infligé de lourdes pertes détruisant ainsi le mythe de leur invincibilité. En 452 Attila est contraint de se retirer en Italie. Il y remporta quelques succès, s’emparant entre autres d’Aquilée. Cette conquête ne fut toutefois pas définitive. Affaiblis par la faim et la maladie, Attila et son armée durent se replier[110]. La tradition voulait que le pape Léon I le Grand eût réussi à convaincre Attila de renoncer à envahir Rome ; en fait, le repli des Huns est plus probablement dû au fait qu’à l’Est l’empereur Marcien venait d’envahir le cœur de l’empire hunnique[111]. Attila dut ainsi retourner en Pannonie préparer une offensive contre Marcien et protéger sa frontière orientale, notamment dans le Caucase. C’est là qu’il mourut subitement en 453 au cours de la nuit suivant un festin pour célébrer son mariage avec une nouvelle épouse, Ildiko.
La mort soudaine d’Attila entraîna le démembrement de son empire. La plupart des peuples qu’il avait soumis se révoltèrent et secouèrent le joug hunnique. C’est en vain que les fils d’Attila tentèrent de conserver l’héritage de leur père. La bataille de la Nedao en 454 où les Ostrogoths combattirent aux côtés des Huns devait marquer la fin de cet empire[112]. L’empire des Huns s’écroula ainsi plus rapidement encore qu’il n’avait été érigé. La tête de Dengizich, fils d’Attila, fut envoyée à Constantinople où elle fut exposée. Le reste des Huns se dispersèrent ; on en retrouve encore au VIe siècle dans l’armée romaine d’Orient[113]. Aetius pour sa part ne put jouir longtemps de sa victoire : il fut assassiné en septembre 454 de la main même de l’empereur Valentinien III qui craignait le pouvoir qu’exerçait son général. Peu de temps après, en mars 455, l’empereur devait lui-même être assassiné[114].
Les dernières années de Rome : les empereurs fantômes et le régime de Ricimer
La mort d’Aetius fut lourde de conséquences pour Rome. Même si le pouvoir impérial ne s’étendait plus jusqu’aux limites de l’empire occidental, il subsistait en Italie et dans une partie des Gaules, tout en conduisant avec succès un certain nombre de guerres. À l’instar d’autres militaires influents, l'ambition d'Aetius avait certainement été une des raisons pour lesquelles le pouvoir impérial ne cessait de s’affaiblir. Aussi sa mort et celle de Valentinien III furent interprétées par de nombreux fédérés comme un signal : le temps était maintenant venu d’accroître leur puissance aux dépens de celle de l'empire. L’empire d’Occident fut ainsi gouverné pendant ses deux dernières décennies par des « empereurs fantômes » dont plusieurs ne restèrent que quelques mois au pouvoir et dont aucun ne parvint à stabiliser la situation[115].
De surcroît les barbares formaient maintenant non seulement le noyau des troupes d’élite de l’armée romaine, mais ils en occupaient de plus en plus les échelons les plus élevés. Non pas que ceci eut permis de mettre leur loyauté en doute ; au contraire, plusieurs d’entre eux s’avérèrent de loyaux serviteurs de l’empereur comme Flavius Victor, Bauto, Stilicon, Fravitta, lesquels du reste tentèrent de suivre le style de vie romain. Mais par la force des choses, plus s’accroissait le pouvoir des militaires de haut rang, plus s’amoindrissait celui de l’empereur d’Occident. D’autant plus que des gens comme Stilicon, qui était à moitié vandale, Aetius et Bélisaire disposaient de leurs troupes personnelles (bucellarii). Même si aucun généralissime germain ne revêtit lui-même la pourpre, chose impossible tant en raison de leur origine que de leur appartenance à l’hérésie arienne, ils n’en jouirent pas moins à partir de la fin du IVe siècle d’une influence considérable. Au contraire, dans l’empire d’Orient, les empereurs réussirent davantage à garder le contrôle sur les commandants de leurs armées. L’empereur Léon Ier mit fin à la dernière tentative véritable d’un général d’origine barbare, l’Alain Aspar, d’influencer la politique impériale[116]. Il faut porter au crédit des empereurs de Constantinople d’avoir au cours du Ve siècle si bien su renforcer les liens avec les maîtres du nouvel empire sassanide, traditionnellement l’ennemi juré de Byzance, que celles-ci furent meilleures que jamais auparavant. Même lorsque, à la suite de la mort d’Attila, la guerre éclata dans les Balkans avec les tribus formant maintenant les Ostrogoths, qui voulaient agrandir leur territoire de Pannonie, ceci ne mit nullement en danger la stabilité de l’empire oriental dont les plus riches provinces ne furent guère inquiétées[117]. Contrairement à ce qui se passait à l’Ouest, les empereurs d’Orient disposaient des ressources financières nécessaires pour payer leurs armées et même, à l’occasion, fournir à leur collègue de Ravenne de quoi payer les siennes.
Au cours du même siècle, les troubles de tous ordres se multiplièrent à l’Ouest[118] où Rome devait être conquise et pillée une deuxième fois en quarante-cinq ans, par les Vandales dont le roi, Genséric, considérait manifestement que le traité conclu en 442 avec Valentinien III était devenu caduc à la mort de cet empereur. Petronius Maximus qui avait épousé la veuve de Valentinien III, Licinia Eudoxia, s’était emparé du pouvoir après le meurtre de celui-ci. En mai 455, une flotte vandale qui, l’année précédente avait déjà menacé la Sicile, apparut aux bouches du Tibre. L’empereur qui ne disposait pratiquement d’aucun pouvoir fut assassiné le 31 mai par des soldats burgondes. Trois jours plus tard, les Vandales investissaient la ville qu’ils pillèrent de façon systématique mais non avec le désir de destruction que suggère de nos jours le terme « vandale ». Les Vandales ne partirent pas seulement avec un riche butin, mais aussi avec la veuve de Valentinien ainsi qu’avec deux de ses filles et de nombreux personnages importants qu’ils ramenèrent prisonniers à Carthage[119]. Aux environs de 460, l’une des filles de Valentinien, Eudoxie, épousa Hunéric, le fils de Genséric ce qui permit à ce dernier de revendiquer pour lui-même la Sicile et l’Italie au titre de l’héritage de Valentinien.
Commence alors une période pendant laquelle les empereurs se succédèrent rapidement et où chefs militaires et politiques germains furent profondément impliqués. Le premier fut Eparchus Avitus, descendant d’une noble famille gauloise et chef des armées qui fut proclamé empereur avec l’accord des Wisigoths, qui firent campagne avec succès contre les Suèves qui cherchaient à agrandir leur royaume en Hispanie. En 456, le général Flavius Ricimer, fils d’un prince suève et d’une princesse goth fit campagne contre les Vandales en Sicile et en Corse. Ricimer fut élevé par Avitus au rang de magister militum. Cette victoire lui ayant valu une grande popularité, Ricimer obtint du Sénat la permission de monter une expédition contre l’empereur Avitus qu’il défit à Plaisance le 16 octobre 456. Fait prisonnier, Avitus fut forcé d’accepter la charge d’évêque de Plaisance et mourut peu de temps après. Ricimer obtint alors de l’empereur Léon Ier le titre de Patrice des Romains alors que Majorien qui l’avait aidé à défaire Avitus le remplaçait comme magister militum.
Sous l’ordre de Ricimer, l’armée d’Italie acclama Majorien comme nouvel empereur[120]. Celui-ci se rendit en Gaule combattre les Germains qui voulaient tirer profit de la confusion qui régnait dans l’empire d’Occident[121]. Le nouveau magister militum nommé par Majorien, Egidius, remporta de nombreux succès contre les Francs sur le Rhin et reconquit Lyon qui avait été pris par les Burgondes[122]. Arles, depuis 407 siège du commandement civil des Gaules et de l’Hispanie, se défendit contre les Wisigoths qui ne se considéraient plus liés par leur traité de fédérés et qui désiraient s’étendre en Hispanie[123]. Majorien réussit toutefois à s’entendre avec les Burgondes et les Wisigoths. En 460, l’empereur se rendit en Hispanie ; c’était la première fois qu’un empereur d'Occident visitait la péninsule. Diverses sources comme Sidoine Apollinaire nous présentent Majorien comme un empereur énergique, volontaire et voulant redorer la fonction impériale en Occident. C’est ainsi qu’en 461, il planifia une expédition en Afrique contre les Vandales qui bloquaient les livraisons de céréales. L’empereur dut toutefois renoncer à son projet, les navires vandales bloquant les Romains en Hispanie et empêchant le débarquement des troupes[124]. Peu après, sur ordre de Ricimer, Majorien fut arrêté et assassiné, non probablement en raison de l’échec de cette tentative, mais plutôt à cause de l’indépendance d’action qu’elle trahissait. Faisant et défaisant maintenant les empereurs, Ricimer choisit le sénateur Libius Severus comme nouvel Augustus.
L’assassinat de Majorien eut pour conséquence qu’Ægidius, maintenant magister militum en Gaule et ami du défunt empereur, refusa de reconnaître Libius Severus. Lorsque Ricimer voulut lui retirer son commandement, Ægidius se rebella, mais une offensive des Wisigoths le força à se retirer dans le nord de la Gaule où avec une partie du commandement et des alliés francs il érigea son propre royaume dans la région de Soissons. La petite enclave gallo-romaine perdura jusqu’à la fin de l’empire d’Occident. Après la mort d’Egidius (464 ou 465), le pouvoir passa probablement à un officier du nom de Paulus, puis au fils d’AEgidius, Syagrius. En 486 ou 487, l’enclave fut victime de l’expansion franque de Clovis Ier[125]. Par ailleurs, à Trèves, le comes Arbogast le Jeune, probablement un Franc romanisé, se battit contre ses anciens compatriotes jusqu’en 475.
Libius Severus ne put se maintenir longtemps sur le trône et fut assassiné en 465. Au cours des six mois suivants, pendant lesquels le roi wisigoth Euric rompit le traité avec l’empire d’Occident et pénétra dans le Sud de la Gaule et en Hispanie, Ricimer ne se donna pas la peine de nommer un nouvel empereur[126]. La fonction impériale fut assumée en 467 par le général et aristocrate Anthémius, envoyé par Constantinople avec des troupes fraiches et un imposant pactole. Il s’efforça d’endiguer l’influence de Ricimer en nommant un deuxième magister militum en la personne de Marcellin que Ricimer fit assassiner en 468[127]. Pendant que s’émiettait la défense contre les Germains en Gaule et en Norique pour finalement s’effondrer, Anthémius planifia avec l’aide de Constantinople une expédition d’envergure contre Carthage, capitale du royaume vandale dirigé par Genséric que l’on voulait punir pour le sac de Rome tout en récupérant une des plus riches provinces de l’empire. La campagne débuta en 468, coordonnant une flotte venue d’Orient dirigée par Basiliscus et les troupes d’Occident. Mais celle-ci se termina en fiasco et la flotte romaine fut mise en flammes devant Carthage[128]. Cette bataille qui assurait la survie du royaume vandale ébranla de façon définitive le pouvoir de l’empereur d’Occident. En Gaule, les Wisigoths, les Burgondes et les Francs agrandissaient toujours plus leurs territoires aux dépens de l’empire d’Occident qui ne se maintenait qu’en Auvergne et en Provence. Un chef breton (ou britannique) autrement inconnu du nom de Riothamus aurait soutenu les Romains dans leur guerre défensive, mais fut battu par les Wisigoths. Anthémius s’étant brouillé avec Ricimer, la fin était déjà en vue. Une guerre civile éclata. Ricimer assiégea Anthémius dans Rome. En juillet 472, Anthémius fut assassiné par un neveu de Ricimer, le Burgonde Gundobad. Son successeur fut Olibrius[129]. Peu après Ricimer mourut. Les jugements portés sur lui au cours de l’histoire furent généralement négatifs et beaucoup moins différenciés que ceux sur Stilicon et Aetius[130]. Certes, il donna toujours la priorité à ses propres intérêts, mais cela ne l’empêcha pas d’utiliser au mieux les quelques ressources demeurant à la disposition de Rome pour assurer la protection de l’Italie[131]. Toutefois, ces efforts ne furent pas suffisants et quatre années plus tard, le dernier empereur d’Occident était déposé.
La chute de Rome
Olibrius, le dernier empereur nommé par Ricimer, mourut au début novembre 472, quelques mois à peine après la mort du magister militum suève. Son neveu Gundobad, déjà mentionné, lui succéda et choisit le fonctionnaire Glycerius comme empereur. Pendant ce temps, l'empereur d'Orient Léon Ier, qui avait refusé cette nomination en lui préférant le magister militum de Dalmatie, Julius Nepos, mourut. Neveu du comte Marcellin tué en Sicile en 468, Julius Nepos avait succédé à son oncle lorsque en 474 l'empereur d'Orient Zénon l’avait nommé César avec mission de renverser Glycérius. Nepos débarqua à Ravenne, poursuivit et captura Glycérius qu’il fit tonsurer et nommer évêque. Son armée le proclama empereur d'Occident le 24 juin 474. Il fut le dernier empereur romain d’Occident reconnu par l’Empire romain d'Orient. Gundobad, pour sa part, s’enfuit en Gaule et devint roi des Burgondes[132].
En 474, les coempereurs Léon II et Zénon conclurent un traité avec Genséric en vertu duquel celui-ci verrait son royaume reconnu par Constantinople à condition de cesser ses activités de brigandage[133]. Julius Nepos se trouvait ainsi confronté à une difficile situation. L’empire avait entre-temps complètement perdu l’Hispanie aux mains des Suèves et des Wisigoths. Ces derniers avaient assiégé Clermont-Ferrand en Gaule dont Sidoine Apollinaire avait organisé la défense ; en 471 la dernière grande possession de l’empire tombait. En 473, ce fut au tour d’Arles et de Marseille pendant que les Goths s’enfonçaient également en Auvergne et dans la vallée de l’Èbre en Espagne malgré une farouche résistance[134]. L’empereur qui avait déjà reconnu de facto la perte de l’Auvergne reconnut celle-ci de jure dans un traité de 475 avec le Wisigoth Euric et retira le magister militum Ecdicius de Gaule[135]. Cet abandon ébranla la confiance déjà chancelante entre l’empereur et l’aristocratie gallo-romaine[136]. En 475, Julius Nepos éleva à la dignité de magister militum et de patrice un ancien haut fonctionnaire d’Attila, Flavius Oreste, qui avait déjà servi à la cour de Constantinople. Ceci devait s’avérer une erreur fatale. Le 28 août de la même année, Oreste à la tête de fédérés prit le contrôle de Ravenne. Julius Nepos dut s’enfuir en Dalmatie dont il était toujours magister militum et d’où il continua à régner jusqu’à ce qu’il soit assassiné en 480. Oreste pour sa part nomma son jeune fils Romulus, âgé de douze ans, à la dignité impériale, ce qui lui valut immédiatement le surnom de Romulus Augustule. Il devenait de plus en plus évident que la dignité impériale avait perdu toute signification.
Pendant ce temps, les fédérés germaniques qui constituaient maintenant la presque totalité de l’armée et qui avaient été cantonnés en Italie depuis des années avaient demandé à Oreste de leur donner des terres où ils pourraient s’établir définitivement, chose qu’Oreste avait refusé. Les fédérés se tournèrent alors vers l’un des leurs, Odoacre pour conduire leur révolte. Fils, croit-on, d’un prince skire, Odoacre vainquit Oreste à Plaisance. Les Skires et les Hérules de même qu’une partie de l’armée romaine proclamèrent alors Odoacre « roi d’Italie ». En 476, Odoacre marcha sur Ravenne qu’il prit et força le jeune empereur à abdiquer le 4 septembre. Ému par le jeune âge et la beauté de l’adolescent, Odoacre se contenta de l’abdication et lui permit de vivre en paix en lui octroyant une confortable rente. Il se dispensa de nommer un nouvel empereur et renvoya simplement les insignes impériaux à Constantinople tout en s’affirmant sujet de Julius Nepos comme le prouvent les pièces de monnaie frappées en 480 à l’effigie de ce dernier. Toutefois l’empereur de Constantinople refusa de reconnaître Odoacre et mobilisa contre l’usurpateur les Ruges, qui avaient fondé leur propre royaume au nord du Danube sous la conduite de leur chef Flaccitheus en 470. Odoacre se vengea en ravageant leur royaume en 487/488[137]. Pour assurer la sécurité de l’Italie, il demanda à son commandant Pierius de transférer les populations romaines de la Norique alors menacée vers l’Italie[138].
On se réfère souvent à 476 comme date de « la chute de Rome ». Ceci appelle de sérieuses réserves. D’une part, le dernier empereur, Julius Nepos, continua à régner jusqu’en 480 en exil en Dalmatie. D’autre part, il est douteux que les contemporains aient vu cette date comme un « événement historique »[139]. En effet, l’Empire romain continuait à exister avec comme seul empereur celui de Constantinople. On retournait ainsi au système qui avait eu cours jusqu’à Théodose. Au cours des deux cents ans qui suivirent, de nombreuses tentatives furent faites pour faire revivre l’Empire romain d’Occident[140]. De plus, pendant des décennies, les autorités germaniques continuèrent à reconnaître et à respecter la prééminence de l’empereur de Constantinople[141]. Ce fut un chroniqueur oriental, Marcellinus Comes qui adopta en 520 la date de 476 comme étant celle de la fin de l’Empire romain d’Occident. Il n’est pas impossible que cette proposition soit aussi apparue dans d’autres sources. Si elle reflète surtout la vision orientale de ces années, elle est loin d’avoir été adoptée par l’aristocratie sénatoriale occidentale qui survécut à la crise. Par contre à Constantinople, les empereurs se servirent ouvertement de cette « fin de l’Empire romain d’Occident » pour mieux assoir leurs propres revendications sur ces territoires. Les avis des spécialistes demeurent partagés sur ce sujet[142]. De même, la thèse selon laquelle l’invasion des Germains aurait été l’unique cause de la chute de l’Empire romain d’Occident, est une grossière simplification et est rejetée par la majorité des spécialistes contemporains qui préfèrent parler d’un ensemble de causes[143]. À l’inverse, la survie de l’empire oriental au Ve siècle, malgré les attaques auxquelles il a dû faire face, semble montrer que rien ne condamnait le système romain à imploser. De même la thèse défendue dans les recherches antérieures que la déposition de Romulus Augustulus ait marqué la fin de l’Antiquité n’est guère retenue de nos jours.
Il est certain toutefois que le processus de décadence de l'empire occidental amorcé au plus tard avec la fin de la dynastie théodosienne en 455 s’accéléra rapidement à partir de 470. La « barbarisation » de l’armée romaine joua un rôle prépondérant dans ce processus. Affaiblie par les guerres civiles du IVe siècle, l’armée n’était plus en mesure au Ve siècle d’assurer la protection des frontières de façon efficace. Non que la loyauté des troupes ait été en cause, mais les caisses de l’État étant vides, les légionnaires n’étaient plus payés. La rébellion d’Egidius amorça la désagrégation de l’armée des Gaules. La perte des riches provinces des Gaules eut des retombées catastrophiques pour les finances de l’État, mais s’avérèrent moins dramatiques que celle de la province d’Afrique du Nord qui, elle, ne pouvait être compensée ; bientôt, Ravenne n’eut plus assez d’argent pour conserver les troupes, ce qui occasionna la perte d’autres territoires. Le territoire sur lequel s’exerçait l’autorité effective des empereurs d’Occident se rétrécit toujours plus jusqu’à en être réduit au noyau central d’Italie et de la région alpine. Le déclin de l’autorité impériale eut comme conséquence la progression de celle des commandants en chef de l’armée occidentale. Dans les dernières années, les ressources vinrent à manquer si bien que la dignité impériale devint le jouet de commandants avides de pouvoir qui faisaient et défaisaient les empereurs à leur guise. Après que nombre de généraux eurent gouverné par l’entremise d’empereurs-fantômes, Odoacre ne fit qu’en tirer la conclusion logique : la fonction était devenue inutile. Lorsque l’empereur Zénon envoya finalement en l’an 488 les Ostrogoths sous la direction de Théodoric en Italie afin de renverser Odoacre, celui-ci s’appuya sur ses propres forces et tira son autorité de sa position comme patrice de l’empire et de roi des Goths[144].
De l’Empire aux Royaumes : la création des royaumes germaniques en Occident et slaves en Orient
Les Ostrogoths en Pannonie et en Italie
Les Greuthungues (qui deviennent les Ostrogoths) furent parmi les plus durement touchés par l’arrivée des Huns en 375. Franchissant le Don et poussant devant eux les Alains, les Huns détruisirent le royaume des Greuthungues. Certains, sous la direction de leurs chefs Alatheus et Saphrax s’enfuirent, mais la majorité fut simplement assujettie aux Huns. Toutefois, ce furent les Goths qui procédèrent à l’acculturation des Huns et le gotique s’imposa dans les années qui suivirent comme langue d’usage dans l’empire d’Attila ; de nombreux noms d’origine goth furent utilisés par les Huns[145]. À la fin du règne d’Attila, trois frères semblent avec pris le commandement des Greuthungues vivant sous la domination hun : Valamer, Théodemer et Vidimer de la famille des Amales[146].
On doit à Jordanès et à son Histoire des Goths (XIV, 2), laquelle résume un texte plus long de Cassiodore, le nom d’Ostrogoths qui, selon une étymologie signifierait les « Goths de l’Est », tout comme les Tervingi, signifieraient les « gens de la forêt », et les Greutingi, les « gens de la grève ». Dans le cas des Ostrogoths toutefois, Jordanès lui-même propose une autre possibilité : « Ostrogoth » pourrait également avoir été le nom de leur premier roi : Ostrogotha. Divers auteurs, qui ne font guère confiance à Jordanès, proposent pour leur part : les Goths « brillants » (racine germanique ostr–).
Après la mort d'Attila, les Ostrogoths menés par Théodemer (ou Thiudimir) et alliés à leurs anciens vassaux et rivaux, les Gépides, écrasèrent les forces hunniques lors de la bataille de la Nedao en 454. Après s’être débarrassé de leurs anciens maitres, ils créèrent leur propre royaume en Pannonie[147]. Là, ils vinrent presque immédiatement en conflit avec les troupes romaines et avec diverses autres tribus déjà installées dans la région. Le point crucial fut la victoire des Ostrogoths lors de la bataille de Bolia en 469 au cours de laquelle ils défirent une alliance de Suèves, Gépides, Skires et Ruges[148]. Le fils de Théodemer, Théodoric l'Amale, (surnommé « le Grand ») avait passé une partie de sa vie à Constantinople en tant qu’otage. De retour en Pannonie, il fut associé au pouvoir par son père. Ses tentatives de s’élever dans la hiérarchie goth échouèrent, ne serait-ce que parce qu’un autre Ostrogoth, Théodoric Strabon, le chef des Goths fédérés installés en Thrace, fut nommé par l’empereur Léon Ier magister militum.
Les tentatives du successeur de Léon, Zénon, de se servir de Théodoric l’Amale comme contrepoids échouèrent et Théodoric Strabon tint bon[149]. Il devait toutefois perdre la vie en 481 des suites d’une chute de cheval. La voie était maintenant libre et Théodoric l’Amale put accroître considérablement les forces de son armée. Non seulement fut-il nommé magister militum, mais il accéda en 484 à la prestigieuse charge de consul. En 487, une nouvelle confrontation se dessinait que Zénon résolut diplomatiquement : il envoya l’Amale mettre fin à la souveraineté d’Odoacre sur l’Italie. À l’été de 488, les Ostrogoths de Théodoric plièrent bagage, mais une partie d’entre eux restèrent en arrière et se rattachèrent aux Ruges[150]. L’invasion de l’Italie réussit en 489. Odoacre fut assiégé à plusieurs reprises et finit par se réfugier dans Ravenne, puissamment fortifiée. Odoacre se rendit en 498 après qu’un compromis eut été trouvé en fonction duquel il serait associé au pouvoir goth. Peu de temps après, toutefois, Théodoric brisa sa promesse et assassina Odoacre sous un vague prétexte. Théodoric se livra par la suite à une purge rapide mais sanglante ayant pour but d’assurer la main mise des Goths sur l’Italie[151].
Théodoric mena en Italie une politique d’équilibre entre les Goths et les Italiens[152]. À cette fin, il utilisa l’appareil administratif bien rodé des anciens Romains et laissa au très distingué Romain, Liberius, le soin de s’occuper de l’installation des Goths en Italie. Liberius se déchargea de cette tâche difficile avec doigté, sans trop spolier les droits des premiers occupants[153]. Théodoric eut soin de se lier avec de nombreux membres de l’ancienne aristocratie sénatoriale parmi lesquels Cassiodore, afin de s’en faire des alliés. D’un autre côté, Théodoric eut soin de séparer Goths et Romains de façon à préserver l’identité de l’exercitus Gothorum (les unités goths de l’armée qui n’étaient toutefois pas complètement homogènes). De plus, le fait que les Goths étaient ariens alors que la population de l’Italie était catholique, renforçait la séparation entre les deux peuples. Théodoric eut à cœur d’encourager la culture antique dans le royaume des Goths, même si c’est sous son règne que le philosophe Boèce fut exécuté, Théodoric le soupçonnant de complicité avec Constantinople.
En 498, Théodoric fut nommé par Constantinople « gouverneur » ; mais les relations se tendirent rapidement. Théodoric mena une politique d’alliance avec les royaumes voisins. Toutefois cette politique ne devait pas être couronnée de succès, les Francs devant battre sévèrement les Wisigoths et s’emparer de la plus grande partie du royaume wisigoth des Gaules. En réaction les troupes ostrogoths occupèrent militairement une partie du sud des Gaules et, en 511, Théodoric fut reconnu comme roi des Wisigoths, lien qui fut rompu toutefois à sa mort[154].
Avec la mort de Théodoric commença une lutte pour la succession. La régente en fonction, Amalasonte, essaya d’améliorer les relations tendues avec Constantinople. Très impopulaire auprès des Goths, Amalasonte devenue reine associa son cousin Théodat (ou Theodahad) au trône afin d’affermir sa position. Le choix était malheureux, car Théodahad encouragea le mécontentement des Goths. Si bien que, sur son ordre ou avec sa permission, Amalasonte fut emprisonnée sur l’île de Martana en Toscane et assassinée en 534 ou 535. Ceci fournit un excellent prétexte à l’empereur Justinien Ier pour attaquer les Ostrogoths. Son général, Bélisaire, qui avait déjà en 533/534 battu les Vandales en Afrique du Nord, s’empara de la Sicile et de l’Italie du Sud. Ce fut le début de plusieurs années de guerre (pour lesquelles Procope de Césarée est la principale source) qui conduisirent à la dévastation de vastes territoires en Italie et au déclin économique d’une région jusque là prospère. Les Francs saisirent l’occasion pour s’infiltrer en Italie du Nord qu’ils pillèrent de façon systématique. Rome fut également le théâtre de féroces combats et changea de mains à plusieurs reprises. La résistance opiniâtre des Goths qui se regroupèrent à plusieurs reprises fut vaincue une première fois en 552 bien que des poches de résistance réussirent à se maintenir quelque temps[155]. Mais en 568, les Lombards firent leur entrée sur la scène (voir plus bas).
Le royaume des Wisigoths
En 418, les Wisigoths reçurent l’Aquitaine seconde pour s’y établir à titre de fédérés. Ce fut l’origine du royaume des Wisigoths que l’on devait aussi appeler dans sa première période (418-507) royaume de Toulouse, cette ville leur servant de capitale[156]. Dans les années qui suivirent, les Wisigoths tentent continuellement d’agrandir leur territoire et, à l’appel d’Aetius, vont combattre les Huns. Le règne d’Euric qui monta sur le trône en 466 après le meurtre de son frère constitua un tournant dans l’histoire du royaume. Celui-ci rompit le fœdus qui le liait à l’empire d’Occident et poursuivit une politique d’expansion territoriale : au nord, le royaume s’étendit jusqu’à la Loire ; au sud il occupa bientôt la plus grande partie de l’Hispanie sauf, dans le nord-ouest, la partie occupée par les Suèves qui réussirent à s’y maintenir jusqu’au VIe siècle[157] ; à l’est, où il avait déjà conquis Arles et Marseille et battu en 471 la dernière armée romaine intacte dans les Gaules, le traité de 475 lui donna l’Auvergne[126].
Ce fut la population romaine qui s’accultura aux « barbares ». Les sources mentionnent spécifiquement que dans les villes gauloises de nombreux hommes se firent pousser les cheveux et commencèrent à porter des braies, adoptant ainsi certains traits distinctifs des barbares, choses que les empereurs d’Occident avaient interdites même aux esclaves en temps de crise. De nombreux Romains entrèrent au service des Wisigoths et commandèrent même des unités wisigoth[158].
Euric mourut en 484 ; son fils, Alaric II, tomba alors qu’il combattait les Francs de Clovis Ier[159]. À la suite de ce désastre et des attaques des Ostrogoths sous la conduite de Théodoric le Grand, la presque-totalité de la Gaule goth fut perdue à l’exception de la région de Narbonne (Septimanie). Ceci modifia complètement la situation des Wisigoths en Hispanie où ils choisirent Tolède comme nouvelle capitale au VIe siècle (leur royaume porta par la suite le nom de royaume de Tolède). Dans sa politique de restauration de l’empire, Justinien Ier qui reprit les royaumes des Vandales et des Ostrogoths, s’empara également de territoires dans le sud de la péninsule ibérique, mais ne put les garder que jusqu’au début du VIIe siècle. Le royaume des Wisigoths fut le théâtre d’intenses querelles entre les différentes familles aristocratiques pour savoir qui prendrait le pouvoir alors que les problèmes religieux perduraient[160].
Considéré comme le plus grand des rois de l’Espagne wisigothique, Léovigild promulgua, ou reprit de ses prédécesseurs, 324 lois que ses successeurs regroupent dans le Liber judiciorum vers 654. Considéré par les Espagnols comme le premier unificador nacional, il mena une série de campagnes militaires contre les Byzantins de l'Andalousie et s'empara de Cordoue et de Malaga. Au nord, il combattit Vascons et Francs pendant que dans le nord-ouest de la péninsule, il lutta à partir de 575 contre les Suèves redevenus catholiques ; les ayant vaincus à la bataille de Braga en 585, il détruisit leur royaume de Galice. Arien convaincu, il eut fort à faire avec un peuple dont la majorité était profondément catholique. L'un de ses fils, le prince Herménégild, marié à une princesse franque catholique, prit la tête du parti catholique et se révolta contre son père, n'hésitant pas à s'allier aux Suèves et aux Byzantins. Herménégild souleva l'Andalousie en 579/580. Impitoyable, Léovigild combattit son fils, le fit prisonnier (584) et l'envoya à Tarragone où il fut exécuté en 585. Son plus jeune fils et successeur résolut le conflit. En 587 il se convertit au catholicisme qui devint la foi de tous les Wisigoths lors du troisième concile de Tolède en 589[161]. Les règnes de Léovigild et de Récarède sont importants dans l’histoire du royaume qui en sortit consolidé[162]. La mort de Récarède en 601 fut suivie d’une période de troubles au cours de laquelle diverses familles aristocratiques se disputèrent le pouvoir. Sur le plan culturel, le royaume vécut à partir de la fin du VIe siècle une période de prospérité dont le représentant le plus célèbre fut Isidore de Séville. Les écoles monastiques répandirent la culture de l’Antiquité jusque chez les Francs conférant ainsi au royaume wisigoth un rayonnement culturel important[163].
La fin des Wisigoths survint de façon abrupte. Les Arabes musulmans et les Berbères qui, au début du VIIIe siècle, avançaient le long de la côte d’Afrique du Nord traversèrent le détroit de Gibraltar et vainquirent le roi Rodéric qui perdit la vie à la bataille du Guadalete (Andalousie) en juillet 711. Cette bataille devait sceller le déclin du royaume wisigoth. Les Goths poursuivirent la résistance dans le nord-est de la péninsule jusqu’aux environs de 719. Les musulmans s’emparèrent des territoires situés au nord des Pyrénées de 719 à 725. Vaincus, les Wisigoths se réconcilièrent avec les envahisseurs et une partie du peuple se convertit à l’islam. Par la suite divers nobles wisigoths des Asturies devaient se rebeller ; de là partit le mouvement appelé Reconquista. Les rois du nouveau royaume des Asturies se considérèrent successeurs des anciens rois wisigoths et revendiquèrent la souveraineté sur leurs anciens territoires[164].
Le royaume vandale d’Afrique du Nord
Le royaume vandale dans la province romaine d’Afrique (laquelle couvrait ce qui est aujourd’hui la Tunisie, une partie de l’Algérie et la Tripolitaine, plus les Baléares, la Corse et la Sardaigne) constitue une exception dans le processus de création des royaumes barbares. D’une part, les Vandales, après avoir pris Carthage en 439, disposaient d’une flotte importante qui leur permit de contrôler une partie étendue de la Méditerranée occidentale et de s’aventurer jusqu’à la Grèce. D’autre part, adeptes convaincus de l’arianisme, les nouveaux maîtres pratiquèrent une politique de coercition à l’endroit des notables locaux, majoritairement catholiques. Les rois Genséric et Hunéric persécutèrent les catholiques qui s'opposaient à leur pouvoir, en bannirent certains, et, pour mettre fin à l'opposition systématique des évêques (sacerdotes), placèrent certains en résidence surveillée dans le Sud tunisien (Gafsa). Il faut toutefois prendre en considération le fait que la plupart des sources sont d’origine catholique comme l’évêque Victor de Vita qui devait accompagner ses coreligionnaires à Sicca Veneria et à Lares, puis dans le désert du Hodna[165]. En revanche, les Berbères catholiques qui se soumirent à leur pouvoir eurent peu de problèmes dès lors qu'ils payaient l'impôt comme au temps de l'administration romaine. Les Vandales conservèrent une bonne partie des structures politiques et administratives romaines y compris le culte de l’empereur[166]. Sans doute, les rois vandales ne perdirent-ils pas tout espoir d’en venir à une entente avec leurs sujets catholiques, mais les discussions entreprises à ce sujet en février 484, n’aboutirent pas[167]. Sans renoncer à convertir ses sujets, le roi Thrasamund mit fin à la longue persécution qui avait commencé sous son oncle Hunéric ce qui eut pour effet secondaire d’améliorer considérablement les relations du royaume avec l’empire byzantin[168].
Après l’échec de l’opération conjointe entre Rome et Constantinople qui se solda par l’incendie de la flotte romaine devant Carthage en 468, le royaume n’eut plus à craindre d’ennemis extérieurs d’autant plus que son existence même finit par être reconnue par Constantinople. Par la suite, il n’eut à se préoccuper que de l’hostilité des « Maures », nom sous lequel il faut entendre diverses tribus berbères qui avaient déjà créé leurs propres petites royaumes sur le territoire de la province romaine d’Afrique (parmi lesquels, le royaume de Masties, roi de l’Aurès) qui coexistaient la plupart du temps avec les populations romaines environnantes[169]. Les rois vandales, qui avaient pris le titre de rex Vandalorum et Alanorum (roi des Vandales et des Alains), recrutèrent des troupes auxiliaires chez les Maures alors que l’équipage de leur flotte était composée de Romains venus de diverses provinces[170]. Sur les plans économique aussi bien que culturel, les Vandales, qui avaient exproprié nombre de grands propriétaires catholiques[171] purent jouir des avantages de cette riche province romaine qui, sous leur gouverne, loin de péricliter, continua à prospérer. Le commerce continua à se développer et la culture antique à prospérer parmi l’élite. Les Vandales purent jouir du niveau de vie élevé auquel étaient habitués les Romains et apprécier aussi bien le théâtre que le cirque[172]. La réputation des Vandales que laissent les sources, reprise par les historiens du passé semble ainsi grandement exagérée et, aux yeux des historiens contemporains, passablement dénuée de fondement.
La fin du royaume vandale débuta avec l’usurpation de Gélimer qui renversa le roi Hildéric, un allié de Constantinople, en 530. L’empereur Justinien profita de l’occasion pour intervenir. Si l’on en croit Procope, le préfet du prétoire, Jean de Cappadoce n'y était pas favorable, car il considérait l’action trop risquée[173]. Finalement, la décision fut prise d’envoyer en mars une petite expédition sous le commandement du magister militum Bélisaire qui avait d’abord comme seul but de remettre le roi Hildéric sur le trône. Gélimer ayant fait mettre celui-ci à mort, Bélisaire débarqua avec seulement 15 000 soldats et remporta d’étonnantes victoires lors des batailles de Ad Decimum et Tricamarum à la fin de 533. Gélimer s’enfuit, mais fut fait prisonnier, et envoyé à Constantinople où il dut faire partie du triomphe de Bélisaire. Il put toutefois continuer une vie aisée sur un domaine qui lui avait été donné. Les troupes vandales furent intégrées dans l’armée impériale et servirent lors des combats de Justinien contre les Perses. Le royaume vandale revint ainsi sous la juridiction impériale et le demeura jusqu’à sa conquête par les Arabes au milieu du VIIe siècle [174].
Le royaume franc
Les Francs, une confédération de diverses tribus germaniques, furent établis par le César Julien en Toxandrie (probablement la région sablonneuse comprise entre l’Escaut et la Meuse)[175]. En 388, ils dévastèrent les environs de Cologne mais furent battus par les Romains[176]. Stilicon dut aussi se battre contre les Francs qui, en 407, avaient protégé les provinces de Belgique et de Germanie contre les envahisseurs vandales, alains et suèves en se ralliant à l'usurpateur Constantin III. Dans les années qui suivirent, les Francs mirent à profit la situation trouble dans laquelle se trouvaient les Gaules pour étendre leur territoire. Différents groupes tentèrent de s’installer le long de la Moselle, et le long du Rhin ; ils furent arrêtés par Aetius qui les incita toutefois à établir leur propre royaume dans le nord-est de la Gaule[177]. Après la mort d’Aetius, les Francs franchirent en masse le limes du Rhin et s’emparèrent de diverses villes dont Mayence. Par la suite, dans le nord de la Gaule les Francs se répartirent en un grand nombre de petites principautés pendant que le sud fut dominé par les Wisigoths, les Burgondes et finalement les Ostrogoths (en Provence).
Roi des Francs saliens et gouverneur romain de la province de Belgique seconde, Childéric Ier, établi à Tournai, et dont la sépulture magnifiquement décorée fut découverte en 1653, aida vraisemblablement le général gallo-romain Egidius qui s’était révolté contre Ricimer et l’empereur Libius Severus à repousser les Wisigoths. De la même façon, Childéric peut-être en collaboration avec le commandant romain Paulus, combattit les pilleurs saxons qui avaient envahi la Gaule sous la conduite d’un certain Adovacrius. Egidius devait établir son propre domaine dans la région de Soisson ; après sa mort, son fils, Syagrius, lui succéda pendant un court laps de temps. Fils de Mérovée, Childéric fut le premier représentant historique de la dynastie des Mérovingiens qui devait présider avec succès à l’expansion des Francs. Le fils de Childéric, Clovis Ier, détruisit les petits royaumes francs de Ragnachar et de Cararic. En 486/487, Clovis envahit le royaume de Syagrius. Les Wisigoths furent vaincus et durent quitter la Gaule en 507. Clovis entreprit probablement deux guerres contre les Alamans qui, après l’effondrement de la domination romaine en Gaule, avaient franchi le Rhin et s’étaient avancés à l’est dans la province de Norique (correspondant à une partie de l’Autriche, de l’Allemagne et de la Slovénie d’aujourd’hui)[178]. Clovis fit alliance avec les Burgondes et épousa une princesse de cette ethnie[179]. Païen dans ses jeunes années, Clovis se convertit au christianisme à un moment qui n’est pas précisé mais qui se situe vraisemblablement vers la fin de son règne. Contrairement à la plupart des autres chefs francs qui étaient de confession arienne, Clovis adopta la confession catholique, évitant ainsi les problèmes qui s’étaient posés dans les autres royaumes barbares entre souverains ariens et peuples catholiques. La politique habile mais également sans scrupule de Clovis assura aux Francs une place dominante en Gaule et jeta les bases d’une reconstruction de l’empire d’Occident sous Charlemagne et ses successeurs. En 508, Clovis reçut de l'empereur d'Orient Anastase Ier le titre de « consul » et fut salué comme « Auguste » au cours d'une cérémonie à Tours. C’est alors qu’il décida de faire de Paris sa résidence principale après Tournai et Soisson.
Conformément à la loi salique adoptée sous son règne, le royaume de Clovis fut divisé entre ses fils à sa mort en 511. En 531, ils détruisirent le royaume de Thuringe et en 534 ils envahirent le royaume des Burgondes qu’ils annexèrent au leur[180]. Thibert intervint en Italie du Nord ; pour souligner son indépendance, il fit frapper des pièces de monnaie d’or (solidus) qui portaient son nom, privilège qui n’appartenait qu’à l’empereur romain[181]. En 560, le royaume franc fut unifié par Clotaire Ier, mais divisé à nouveau une année plus tard à sa mort. À l’intérieur du pays, les Francs firent alliance avec la noblesse et les évêques gallo-romains pour les tâches administratives et utilisèrent le système romain des civitates ayant cours entre autres dans le sud de la Gaule[182]. Ansi, la domination franque fut remarquablement bien acceptée par la plupart des Gallo-Romains. L’évêque Grégoire de Tours, descendant d’une famille sénatoriale et dont l’œuvre historique constitue une source importante pour cette période, s’efforça d’harmoniser l’histoire des Francs et la tradition romaine. C’est ainsi qu’il présenta Clovis non comme un envahisseur germain, mais plutôt comme le gouverneur romain des Gaules[183].
Progressivement, les rois mérovingiens perdirent leurs pouvoirs et, à partir de la seconde moitié du VIIe siècle virent ceux-ci repris par les « maires du palais », ce qui conduit à leur remplacement en 751 par les Carolingiens.
Le royaume des Burgondes
Après que le royaume des Burgondes sur le Rhin moyen eut été détruit en 436 par Aetius et que les survivants eurent été transférés en Sapaudie, ceux-ci édifièrent leur propre royaume fédéré sur les bords du lac Léman[184]. La position des Burgondes face au pouvoir romain était ambivalente, car les souverains veillaient constamment sur leur légitimité. Contrairement à de nombreux autres confédérés germaniques, les Burgondes s’en tenaient scrupuleusement aux obligations que leur imposait leur devoir de fédérés et luttèrent à de nombreuses reprises contre les envahisseurs. Des troupes burgondes aux ordres d’Aetius combattirent les Huns et prirent part, par exemple, à l’offensive contre les Suèves au milieu de Ve siècle. En 457 après la mort d’Aetius, les Burgondes saisirent l’occasion que leur donnait la situation trouble dans les Gaules pour envahir la région autour de Lyon. L’année suivante, ils assiégèrent la ville qui finit par tomber en leur pouvoir en 469 et servit de résidence à partir de cette date aux rois des Burgondes. En Auvergne, ils combattirent à nouveau aux côtés des Romains, contre les Wisigoths. Dans les années 470 et 480, ils partirent en guerre contre les Alamans[185]. L’un des plus grands rois fut Gondebaud. Éduqué à la cour impériale de Ravenne et magister militum de la Gaule, il fut fait patrice des Romains en 456 et fut à partir de ce moment le véritable maître du gouvernement. Son royaume s’étend pratiquement jusqu’à la Méditerranée au sud et au lac de Constance au nord.
Avec la création du royaume fédéré en Sapaudie, le processus de romanisation des Burgondes s’accéléra. Le roi autorisa le conubium, c’est-à-dire les mariages entre Burgondes et Romains des provinces. L’étonnante faculté d’adaptation des Burgondes causa pratiquement la perte de tout sentiment d’identité et ils s’assimilèrent rapidement au peuple parmi lequel ils vivaient. L’aristocratie gallo-romaine qui coexistait sans peine avec les Burgondes y vit une garantie de maintien de l’ordre établi qui lui permettrait peut-être de reprendre possession de ses terres[186]. Ce n’est qu’avec la déposition de l’empereur Romulus Augustule en 476 que le roi des Burgondes reprit pour son territoire les pouvoirs de l’empereur d’Occident[187]. Toutefois, afin de légitimer sa bonne foi romaine, il demanda à l’empereur d’Orient de le confirmer dans son rang de magister militum. Un trait marquant de la royauté burgonde était qu’en cas de succession, divers membres de la famille royale pouvaient se voir concéder des apanages sans que la souveraineté soit pour autant divisée ; aux côtés de Lyon, Genève et Vienne devinrent ainsi des résidences royales[188]. Cette cohabitation des éléments romains et germaniques se concrétisa dans la « Loi Gombette » ou « Loi des Burgondes ». Promulguée au début du VIe siècle par le roi Gondebaud, puis complétée par ses successeurs, elle fixa les usages à respecter par les sujets burgondes du royaume. Une seconde loi ou « Loi romaine des Burgondes » fixait le droit des sujets gallo-romains du royaume. Prises dans leur ensemble ces deux lois démontraient le degré de cohabitation qui existait entre les éléments romains et germaniques.
Dans le domaine religieux, qui dans d’autres royaumes revêtait un aspect hautement politique, on n’observe aucune controverse entre ariens et catholiques même si les Burgondes étaient ariens. La maison royale semble s’être orientée très tôt vers le catholicisme. De plus, il n’est pas certain que tous les rois burgondes aient été ariens, même si les hauts postes de l’Église étaient occupés dans le royaume par des Ariens[189].
Après la mort du roi Godomar III, son frère Sigismond fut proclamé roi. Les Francs mérovingiens saisirent l’occasion pour tenter de s’emparer du royaume. Après avoir perdu la bataille de Vézeronce en 524, les Francs durent attendre dix ans pour s’emparer du royaume qu’ils divisèrent entre eux. Malgré l'effondrement de la dynastie burgonde et la victoire définitive des successeurs de Clovis, la cohésion entre les deux ethnies burgonde et gallo-romaine, née des actions pacificatrices et unificatrices des rois burgondes avait fait naître un particularisme qui perdura. C’est ainsi que la Bourgogne naît de l’effondrement du royaume des Burgondes.
Les Angles, Saxons et Jutes en Bretagne
Avec le départ des dernières unités de l’armée romaine au début du Ve siècle, la province romaine de Bretagne se trouva sans protection face aux attaques répétées des Pictes et des Scots. L’administration romaine s’effondra progressivement et fut remplacée par des autorités régionales qui se chargèrent de la défense. Le départ des troupes et de l’aristocratie romaines signifiait que les quelques civitates existantes dans cette province moins urbanisée que les autres devaient assumer seules les charges de l’administration publique[190]. L’écrivain païen Zosime qui écrivit aux environs de l’an 500 une Nouvelle Histoire, s’appuyant sur les récits de son prédécesseur Olympiodore de Thèbes, affirme que l’empereur Honorius informa les civitates britanniques que dorénavant elles auraient aussi à se défendre seules[191]. Quoi qu'il en soit, les autorités de Ravenne se désintéressèrent du sort de l’ile et ne nommèrent plus de nouveau magistrat. L’évêque Germain d'Auxerre visita la Bretagne en 429 et en 444. Un dernier appel au secours des Romains restés en Bretagne en l’an 446 et adressé au général Aetius nous est rapporté dans l’œuvre de Gildas le Sage intitulée Le Déclin de la Bretagne, rédigée au VIe siècle :
- « Les barbares nous jetèrent à la mer ; la mer nous rejeta sur les barbares ; nous n’avions dès lors d’autre choix que de mourir noyés ou sous l’épée[192]. »
Les sources manquant pour la période qui suivit, seuls les principaux faits nous sont connus[193]. Afin de parer au danger des attaques de diverses tribus barbares, les Romains avaient fait appel en Bretagne aux fédérés saxons (certains chercheurs situent cet appel un peu plus tôt). Au IIIe siècle, les pirates saxons avaient donné des difficultés aux Romains ; ils revenaient maintenant en tant qu’alliés. Très rapidement cependant, une nouvelle rupture se produisit que des chroniques galloises situent en 440 après que des Jutes et des Angles furent venus s’installer à demeure dans l’ile.
Depuis les années 1960, une controverse perdure parmi les spécialistes concernant le rôle joué par les peuplades germaniques installées en Grande-Bretagne à la fin du IVe siècle. De nombreux historiens et quelques archéologues soutiennent que l’« anglo-saxonisation » du pays au cours des Ve et VIe siècles est due à l’arrivée d’un large contingent d’émigrants en provenance d'Allemagne et des Pays-Bas ou du Danemark d’aujourd’hui. D’autres, surtout parmi les archéologues, croient plutôt que les immigrants auraient été peu nombreux mais que des Bretons romanisés se seraient joints à eux, et auraient adopté la langue et le mode de vie des nouveaux-venus conquérants, selon la théorie du transfert des élites[194]. D’après Gildas, un « arrogant tyran » aurait été responsable de l'appel aux Saxons fait par les villes romaines de Bretagne. Selon Bède le Vénérable, qui retraça au VIIIe siècle l’histoire de l’Église, ce serait le « souverain » Vortigern qui aurait engagé comme mercenaires les Saxons, chassés de leur royaume pour cause de surpopulation, et débarqués sur les côtes de l’île sous la conduite des frères Hengist et Horsa[195]. Ce genre d’épopée est également répandu chez les Goths et les Lombards alors que peu de faits historiques certains concernant la Bretagne sont parvenus jusqu’à nous. Toutefois les quelques sources dont nous disposons attestent qu’il n’y a pas eu d’effondrement de l’ordre établi. Bien plus, de petits royaumes bretons (les chercheurs parlent de Sub-Roman Britain pour la période s’étendant de la fin de la domination romaine à l’arrivée de la mission grégorienne en 597) fondés avant la venue des Saxons, ont continué à exister par la suite et à s’opposer aux Anglo-Saxons. Les « seigneurs de la guerre » germaniques auraient ainsi combattu les Bretons. C’est dans ce contexte que s’insère l’épisode de la bataille du Mont Badon aux environs de l’an 500. Reliée à la geste du roi Arthur, il est difficile de savoir qui en furent les participants (le roi Arthur ? un certain Ambrosius Aurelianus ?). On peut toutefois tenir pour acquis qu’elle arrêta l'invasion saxonne et permit la reprise de territoires précédemment perdus par les Bretons. Toutefois, ces derniers furent finalement repoussés vers les régions périphériques de l’île, que ce soit vers le nord ou vers le pays de Galles et le Sud-Ouest de l’Angleterre. Une partie de la population se réfugia sur le continent en Armorique, dans ce qui est aujourd’hui la Bretagne[196]. Les Anglo-Saxons opéraient en petites unités, n’avaient pas de commandement unifié et se faisaient la guerre entre eux. Ce n’est qu’au VIIe siècle qu’ils se regroupèrent en royaumes plus conséquents dont les plus puissants se maintiennent jusqu’à l’arrivée des Vikings au IXe siècle[197].
La Bretagne qui en raison de son insularité devait jouer un rôle particulier dans la migration des peuples vécut alors une véritable « barbarisation ». La langue latine se métamorphosa. Les dernières inscriptions latines que l’on retrouve au pays de Galles datent du VIe siècle. Selon l’archéologue Bryan Ward-Perkins, le niveau de vie dans l’île serait retourné à ce qu’il était durant la préhistoire[198]. Le christianisme aurait également subi des revers importants même si les sources, très limitées, prêtent à controverse. D’un côté, la mission d’Irlande semble avoir quitté la Bretagne au cours du Ve siècle, d’un autre, le pape Grégoire le Grand dut envoyer des missionnaires dans ce qui est aujourd’hui l’Angleterre (Canterbury) à la fin du VIe siècle. Les grands élans religieux et culturels semblent être venus avant tout d’Irlande, et c’est grâce à des missionnaires venus de ce pays que commença véritablement la conversion des Anglo-Saxons au VIIe siècle.
Les Lombards en Italie
La légende des origines des Lombards (ou plus exactement Langobards, ce qui signifie longues-barbes) nous est rapportée dans la Origo Gentis Langobardorum. Selon cette légende le dieu Wotan aurait assuré la victoire des Lombards qui seraient originaires de Scandinavie sur les Vandales[199]. Comme pour la plupart de ces légendes qui se perdent dans la nuit des temps, il est presque impossible de rétablir la vérité historique. De plus, leur principal historien, Paul Diacre écrivit son Historia Langobardorum entre 784 et 799, soit longtemps après les événements, sur la base de sources plus anciennes. Selon certaines sources romaines, les Langobards étaient établis aux Ier et IIe siècles sur les bords de l’Elbe supérieur où ils affrontèrent l’empereur Tibère. Mais ils sont peu souvent mentionnés dans les sources et les fouilles archéologiques ne permettent pas de reconstruire le trajet de leurs migrations[200]. En 488/489, ils profitèrent de la destruction du royaume des Ruges par Odoacre pour s’y installer. De là, ils commencèrent à étendre leur puissance, d'abord en défaisant les Hérules en 508, et à peu près à la même époque en chassant le reste des populations suèves du moyen Danube. La deuxième période se situe entre 520 et 540 alors qu’ils occupèrent l’ancienne province romaine de Pannonie au sud du Danube[201]. C’est alors qu’ils entrèrent en contact avec l’empire d’Orient. Durant la guerre de Justinien contre les Goths, le roi des Lombards, Aldoin, qui avait conquis les territoires anciennement détenus par les Ostrogoths en Pannonie, conclut un traité avec l’empereur de Constantinople. Ce traité servait l’intérêt des deux parties puisque les troupes romaines obtenaient du renfort pour mettre un terme à la résistance des Ostrogoths en Italie, alors que les Lombards obtenaient une protection contre l’expansion des Gépides[202]. En 552, le général Narsès fit campagne en Italie. Quelques milliers de Lombards sous la conduite d’Alboïn, fils d’Aldoin, l’accompagnaient. Narsès fut contraint de renvoyer les Lombards indisciplinés[203]. Peu après, les Lombards triomphaient des Gépides[204]. Paul Diacre raconte un épisode plus légendaire qu'historique, selon lequel Alboïn aurait tué le fils du roi des Gépides, puis, pour restaurer la paix, il se serait rendu au roi gépide Thorisind[205]. Arrivé au pouvoir aux environs de 560, Alboïn commença à planifier la destruction du royaume gépide. À cet effet, il conclut un accord avec les Avars, une tribu de cavaliers nomades qui avait migré depuis peu de l’Asie vers le centre de l’Europe et qui avait érigé peu après un riche royaume dans la région du Danube d’où il menaçait l’empire d’Orient[206]. En 567, Alboïn vainquit les Gépides sans que les Avars aient besoin d’intervenir. Alboïn tua le roi des Gépides, Kunimund, de sa propre main et se servit de son crâne comme d’une coupe à boire. Il épousa alors la fille du roi, Rosamonde, qui devait par la suite participer au meurtre d’Alboïn[207].
L’hypothèse qui a longtemps circulé que les Lombards auraient été obligés de fuir devant les Avars est maintenant pratiquement délaissée. En 568, Alboïn utilisa sa solide position pour partir vers l’Italie en compagnie de groupes appartenant à d’autres gentes de la région des Carpates. En dépit des ravages causés par la guerre des Goths, la province centrale de l’ancien empire offrait encore la perspective alléchante d’un riche butin. L’affirmation que les Lombards auraient été appelés par Narsès ne semble guère conforme à la réalité[208]. La contre-offensive de l’armée impériale fut impuissante, ne serait-ce que parce qu’il restait très peu de troupes en Italie. Dès lors, de nombreuses villes dont Milan se rendirent. Au contraire, Pavie n'ouvrit ses portes qu’au bout d’un siège de trois ans et devint par la suite la résidence principale des rois lombards. Des bandes isolées poussèrent vers le sud de l’Italie et les territoires francs. Ravenne, Rome et les villes de la côte comme Gênes, purent leur résister. Les sources parlent abondamment de la brutalité des conquérants, les uns encore païens, les autres ariens, De nombreux grands propriétaires terriens durent fuir devant l’envahisseur. Peu après le début de l’invasion, Alboïn créa à Cividale del Friuli un duché qu’il confia à son neveu, Gisulf Ier. Le duché était manifestement modelé sur le modèle militaire romain et Alboïn combina le système de défense existant et le système traditionnel lombard des farae (du germanique : bande)[209]. Cette forme de gouvernement, qui convenait à un peuple préférant la campagne à la ville, devait assurer la survie des Lombards après l’assassinat d’Alboïn en 572 lorsque le pouvoir central dégénéra.
Fondé en 568, le royaume lombard fut le dernier à s’installer sur le territoire de l’empire d’Occident pendant l’Antiquité tardive et marqua dès lors la fin de l’ère des grandes migrations qui avait vu l’éclosion d’une constellation de principautés en Europe centrale et occidentale. C’est à peu près à la même époque que les Bavarois (ou Bajuwaren) firent leur apparition[210]. Un peu plus tard, ce fut au tour des Slaves d’exercer des pressions sur de nombreux territoires germaniques de même que dans les Balkans sous domination romaine où, à partir de 580, ils commencèrent à s’installer[211].
Après la mort d’Alboïn, le royaume lombard d’Italie du Nord, du Bénévent et de Spoleto, dont l’organisation était encore très lâche, se divisa en nombre de duchés qui suivirent par la suite leur propre politique. Dans les années qui suivirent, ils vinrent de plus en plus souvent en conflit avec l’empire d’Orient qui maintint longtemps sa présence au centre et dans le sud de l’Italie. En 584, le roi Authari rétablit la royauté lombarde après un période d'anarchie alors que les Lombards devaient faire face à des incursions franques dirigés par le roi Childebert II. Agilulf lui succéda en mai 591, après avoir épousé sa veuve selon la coutume lombarde, la reine catholique Théodelinde. Sous l’influence de celle-ci, il fait baptiser leur fils Adaloald selon le rite catholique et lui-même abandonne l’arianisme en 607. Ceci marqua un succès important de la politique du pape Grégoire qui était intervenu en octobre 598 pour que les Byzantins concèdent finalement aux Lombards l'Italie du Nord. De 712 à 744, Liutprand tenta vainement d'unifier la péninsule italienne sous la domination lombarde, entrant régulièrement en conflit avec la Papauté. Il dut également soumettre les duchés lombards semi-indépendants de Spolète et de Bénévent, et tenter d'expulser définitivement les Byzantins d'Italie en assiégeant Ravenne en 734, sans succès[212]. Le royaume des Lombards prit fin sous les attaques des Francs conduits par Charlemagne en 774. Celui-ci était intervenu à la demande du pape l’année précédente et avait mis le siège devant Pavie. Après avoir conquis le reste du royaume, Charlemagne prit le titre de roi des Lombards et força le dernier roi, Didier de Lombardie, à se faire moine. Mais le royaume subsista du moins virtuellement puisque les empereurs du Saint-Empire romain germanique continueront à être couronnés avec la Couronne de fer de Lombardie.
Les Slaves dans l'Empire d'orient et la fin des grandes migrations
Les tribus de langue slave ont commencé à être connues du monde gréco-romain aux Ve et VIe siècles lorsqu'elles s'étendirent sur les territoires abandonnés par les Gépides, les Wisigoths, les Ostrogoths et les Lombards partis en direction de l’Empire romain d’Occident pour fuir les Huns et leurs successeurs. Autour du VIe siècle, les Slaves se présentent en grand nombre aux frontières de l'Empire romain d'Orient, dont la partie européenne était alors peuplée de Grecs sur les côtes, et dans l'intérieur de Proto-Albanais et de Thraces latinisés. À partir du règne de Justinien Ier (entre 586 et 610) la présence des Slaves est mentionnée par des auteurs comme Jordanès, Procope de Césarée ou Théophylacte Simocatta sous les noms d’Antes ou Skavènes. Procope précise en 545 que « Les Antes et les Sklavènes ont jadis eu un seul nom, car ils étaient tous appelés Spori dans les temps anciens ». Jordanès précise qu'au début, les Sklavènes s'installaient d'abord près des marécages et des forêts, qui leur rappelaient leur pays d'origine (selon la plupart des auteurs, plus ou moins les actuelles Biélorussie et Ukraine occidentale[213]). Par la suite, leur nombre croissant, ils occupèrent progressivement toutes les plaines, tandis que les populations antérieures hellénophones, latinophones ou albanophones se repliaient sur les côtes ou les piémonts et devenaient minoritaires.
Aux VIe et VIIe siècles, une partie des Slaves migre vers le sud contournant les Carpates, arrive dans la plaine pannonienne et en Dacie. Parvenus au Danube, alliés aux Avars (eux-mêmes arrivés en 567, les Slaves font irruption au sud du fleuve, atteignant l’Empire romain d'Orient. Ils pénètrent dans les Balkans et atteignent l’Adriatique. Vers 548, ils sont en Illyrie (en Carinthie, en Istrie et en Albanie), provoquant l’abandon du limes oriental. Dans les Balkans, des Slaves s’installent jusqu’au cœur de la Grèce, descendant jusqu'au Péloponnèse ; certains groupes passent le Bosphore et sont sédentarisés en Asie mineure ; d'autres traversent l'Adriatique et débarquent en Italie (où ils ont laissé des patronymes comme Schiavenno ou Schiano).
Au Ve siècle Procope et Théophylacte Simocatta mentionnent qu'« en 577, une horde de 100 000 Slaves envahit la Thrace et l'Illyrie : Sirmium » (actuelle Sremska Mitrovica, la cité byzantine la plus importante sur le Danube), est perdue en 582. Les débuts de la présence slave dans l’Empire d’Orient sont contemporains de l'arrivée des Antes aux bouches du Danube, et des Sklavènes dans l’Illyrie, la Dalmatie, la Mésie et la Thrace. Auparavant, les Slaves avaient déjà ravagé ces parties de l'empire byzantin en 545-546 (Thrace), en 548 (Dyrrachium, Illyricum), en 550 (Thrace, Illyricum), 551 (Illyricum), ce qui leur avait donné une connaissance du terrain, et affaibli les défenses impériales. Entre la fin du VIe siècle et le début du VIIe siècle, l’irruption des Avars vient bouleverser cette relative stabilité, mais il semble que les Slaves avaient recommencé leurs mouvements auparavant : les chroniques syriennes datent de 551 mentionnent une seconde vague d’invasion qui atteint la mer Égée. À la fin du VIe siècle, Jean d'Éphèse écrit que « toute la Grèce est occupée par les Slaves ». En tous cas, c’est sans doute à cause de l’invasion des Avars que le limes danubien est franchi à nouveau par les Slaves au début du VIIe siècle : en 609, 617 et 619. En 617, les faubourgs même de Constantinople sont menacés[214].
L’expansion des Slaves vers le sud est assez bien documentée, puisqu’elle a fait vaciller l'autorité de l’empire byzantin sur les Balkans, au profit des Avares et des Bulgares. Des chroniqueurs comme Jean d'Éphèse en ont fait le récit : « Trois ans après la mort de Justin II en 581, le maudit peuple des Sclavènes parcourut toute l’Hellade, les provinces de Thessalonique et de Thrace, ravagea quantité de villes, prit d’assaut de nombreuses forteresses, dévasta et brûla, réduisit la population en esclavage et se rendit maître du pays tout entier.» La tactique des Slaves, décrite par l'empereur byzantin Maurice, relève de la guérilla : ils s'abritaient dans les forêts et les marécages, et évitaient la bataille rangée. Un auteur carolingien les qualifie de « grenouilles ». La méthode s'avère efficace contre des États aux ressources limitées, qui ne peuvent maintenir leur armée en campagne pour de longues périodes. Les Slaves s'organisent d'abord en « sklavinies » (grec : grec moderne : Σκλαβινίαι, latin : Sclaviniae), intercalées entre les « valachies » du bassin du bas-Danube et dans l'empire byzantin aux VIIe et IXe siècles. Il s'agit de petites communautés rurales et guerrières appelées Kniazats (ou Canesats dans les chroniques en latin), et dirigées par des Voïvodes (« ducs » civils et militaires), tantôt indépendantes, tantôt alliés, tantôt mercenaires, tantôt adversaires de l'une ou l'autre des puissances environnantes, germanique, avare ou romaine d'orient. L'empire d'orient a accordé à certaines Sklavinies le statut de « fédérées » (foederati), mais concrètement, il n'a plus contrôlé que les côtes de la péninsule balkanique, et les slaves deviennent progressivement majoritaires dans l'intérieur de cette péninsule (si l’on excepte l’Albanie, les côtes grecques et les terroirs montagneux valaques comme la Romania Planina ou le Stari Vlah près de Sarajevo).
Les Slaves installés dans l'Empire byzantin sont désignés comme « Slaves du Sud » :
- les plus occidentaux d’entre eux, les Carentanes (qui ont laissé leur nom à la Carinthie actuelle) et les Slovènes (qui donnent leur nom à la Slovénie actuelle), tombèrent sous la coupe des Avars au VIIe siècle, puis ne tardèrent pas à passer sous la domination de l'aristocratie germanique (bavaroise et carolingienne) dans les duchés de Carinthie et Carniole ;
- les Croates, qui viennent de l'actuelle Pologne (Croates blancs), s’étaient établis au sud de la Save, et avaient transformé l’Illyrie et la Dalmatie antiques au VIe siècle en pays à majorité slave. Ils constituent un État portant leur nom au IXe siècle, qui est plus tard réuni à la Hongrie ;
- les Serbes, qui viennent de l’actuelle Allemagne orientale (« Serbie blanche »), se sont ensuite établis au centre et à l’est des Balkans sous la conduite du Prince de Serbie Blanche, formant en outre des enclaves jusqu’en Grèce orientale. Plus tard ils établissent un État puissant sous la dynastie des Nemanjic (voir Empire serbe) ;
- d’autres peuples slavophones, aujourd'hui disparus, se partagèrent le reste des anciennes provinces romaines adriatiques : ainsi, les Doukliènes et les Narentanes remplacèrent petit-à-petit les Istriens en Istrie et les Morlaques en Dalmatie ; ils s'intégrèrent ultérieurement aux Croates ;
- les plus orientaux des Slaves du Sud, les Slavons apparaissent d'abord dans le bassin du bas-Danube, en connexion avec la confédération irano-turcophone des Bulgares, dont ils prennent le nom et à laquelle ils donnent leur langue. Les Slavons/Bulgares s'étendent ensuite progressivement vers la Mer Égée, absorbent la plupart des Thraces latinisés (le restant donne naissance aux minorités aroumaines) et se différencient plus tardivement en Macédoslaves et en Bulgares, aux langues encore très proches.
Tant qu'ils restaient païens (fidèles de Peroun, Domovoï et des autres dieux slaves), les prisonniers slaves alimentaient le commerce d'esclaves, nom justement dérivé de Slaves, pratiqué par les royaumes germaniques christianisés et par les musulmans : il a amené certains Slaves jusqu'en Espagne musulmane où des esclaves de cour ont fondé des dynasties : dans le monde arabe médiéval, le terme de Saqāliba semble bien désigner des Slaves, en particulier les esclaves et les mercenaires. Les Saqālib étaient très prisés notamment en raison de leur blondeur, et ont servi ou ont été forcés de servir d'une multitude de façons : fonctionnaires, filles de harem, eunuques, artisans, soldats, et même gardes du calife de Cordoue. Convertis à l'islām, certains Saqālib sont devenus dirigeants des taïfas (principautés) dans la péninsule ibérique, après l'effondrement du califat.
Initiée à la fois depuis Byzance au sud, et depuis Rome à l’ouest, l’évangélisation des Slaves commence avec l’action de Cyrille et Méthode – le premier ayant apporté aux Slaves une écriture dérivée du grec : l’alphabet cyrillique – et achève le cycle des « Invasions barbares ».
La situation à la fin de la période des grandes migrations
L’arrivée des Lombards en Italie et des Slaves dans les Balkans constitue le dernier épisode des grandes migrations[215]. Cette époque vit naitre sur le sol de l’empire d’Occident chancelant un nouvel ordre politique qui subsista en grande partie au cours des débuts du Moyen Âge et d’où émergèrent progressivement les États modernes. Ainsi, le royaume des Francs se divisa à la fin de la dynastie carolingienne, en Francie orientale et Francie occidentale, ancêtres de la France et de l’Allemagne d’aujourd’hui. Le royaume des Wisigoths permet au cours de la Reconquista la formation d’une identité espagnole, alors que les Anglo-Saxons sont à l’origine du Royaume-Uni et que le royaume des Lombards préfigure, sous forme embryonnaire, l’État italien. Dans la majorité de ces royaumes en formation, où se parlait une forme de plus en plus vulgarisée de latin (sauf peut-être en Grande-Bretagne où il était déjà abandonné), les envahisseurs germaniques surent trouver un terrain d’entente, qui revêtait des formes diverses selon les endroits, avec les peuples qu’ils avaient conquis. Ceci ne doit toutefois pas faire perdre de vue les changements quelquefois dramatiques qui eurent lieu à la fin de l’Antiquité tardive, ni la violence qui s’exerça sur les populations concernées. Bien que l’Empire romain se perpétuât en Orient, on ne constata plus après la mort de Justinien en 565 le même intérêt pour ce qui se passait en Occident, et ce même si la dernière possession byzantine en Italie ne devait tomber qu’en 1071. Maurice Ier (582-602) fut le dernier empereur à s’impliquer en Occident et à y mener une activité politique intense. L’empire d’Orient avait ses propres problèmes et dut, dès le début du VIIe siècle, se concentrer sur le combat défensif contre les Perses et les Arabes, les Avars et les Slaves, combats qui requéraient toutes ses énergies. La création de l’exarchat de Ravenne doit être vue dans ce contexte comme l’une de ces mesures défensives. Enfin, l’empire d’Orient perdit définitivement sous Héraclius son caractère latin pour devenir un empire grec[216].
Déjà au Ve siècle, l’armée et l’administration avaient perdu en Occident leur caractère proprement romain. Ceci entraîna des changements complexes dans l’organisation politique, économique et sociale des sociétés concernées[217]. Si le climat de conflit permanent avait entrainé la disparition dramatique de la culture antique, plusieurs éléments de la trame culturelle traditionnelle survécurent dans les royaumes barbares, quoique le niveau d’éducation et la production littéraire aient été drastiquement réduits. Face au déclin de l’État, l’organisation de l’Église se modifia également et l’influence des évêques se renforça. L’Église devint ainsi le dépositaire de la culture antique, du moins dans sa tradition chrétienne : si cette culture ne parvint pas à se maintenir au niveau qu’elle avait déjà atteint, elle s’enrichit de nouvelles influences et fut appelée à jouer un rôle de premier plan dans l’architecture de la nouvelle société qui s’élaborait[218] Les Germains adoptèrent le droit romain qui faisait partie du mode de vie qu’ils s’efforçaient d’assimiler. Certains souverains germaniques qui tiraient la légitimité de leur pouvoir de l’armée et du caractère sacré de leur royauté adoptèrent des noms impériaux (par exemple, Théodoric prit celui de Flavius) et eurent recours aux élites romaines pour les tâches administratives. De telle sorte que, souvent, le terme « germain » cessa de s’opposer à celui de « romain » dans une population où ils ne formaient souvent qu’une minorité.
Au cours des dernières décennies, la période qui s’étend du IVe au VIIIe siècle a suscité un regain d’intérêt de même que la problématique de la continuité qui y est reliée[219]. Les modifications de la structure politique n’entraînèrent pas nécessairement de changements brutaux pour la population. C’est ainsi que dans le royaume des Francs, les citoyens n’étaient plus sujets de l’empereur, mais du roi même si on se référa jusqu’au VIe siècle à l’empereur de Constantinople comme au dominus noster. On « adopta » autant qu’on « adapta » les systèmes bureaucratique et politique romains. Pendant longtemps, les institutions de la Rome tardive subsistèrent, à tout le moins jusqu’à ce que l’on ne trouve plus le personnel formé nécessaire à leur maintien. Dans les provinces, les membres des élites locales optèrent souvent pour une carrière ecclésiastique. Par ailleurs, les comites qui avaient dirigé les civitates continuèrent à exister jusqu’à ce qu’ils se transforment en comtes. Dans les Gaules, les Francs en résistant aux envahisseurs alamans se dotèrent d’une personnalité propre : la Gaule devint la France et de nouveaux personnages firent leur apparition à la cour royale, comme les « maires du palais » sous les Mérovingiens[220]. Le commerce avec l’étranger diminua notablement durant le temps des grandes migrations et la production économique des royaumes devint moins spécialisée qu’elle n’avait été du temps des Romains. Une tendance déjà observable dans les dernières années de l’empire d’Occident vers une consolidation des structures aristocratiques s’accéléra, qui se transforma en opposition entre aristocrates et grands propriétaires terriens. La société se divisa bientôt entre hommes libres (auxquels appartenaient à la fois la noblesse germanique et les élites romaines), semi-libres et non-libres. En même temps, le nombre des esclaves s’éleva bien que de nombreuses questions de détail sur leur statut soient encore controversées. Le développement se ralentit mais à des degrés divers selon les royaumes. De façon générale, de nombreuses théories que l’on considérait comme acquises sont maintenant remises en question par les plus récents travaux[221]. On revoit ainsi à la hausse la population totale des villes en Occident. Dans certaines régions, comme en Bretagne et dans une partie de la région du Danube, ce qui était considéré comme la culture urbaine antique disparut presque complètement. Dans le domaine artistique, de nouvelles formes se firent jour tant dans l'écriture elle-même que dans le style de peinture (peinture animalière). Par ailleurs, représentants traditionnels des civilisations, les rites de funérailles se modifièrent profondément. C’est ainsi que progressivement l’« art romain » fut remplacé par l’« art germanique » ou « barbare »[222].
Dates importantes
• 375 : mort de l’empereur Valentinien Ier. À la même époque (vraisemblablement quelques années plus tôt) les Huns soumettent les Alains et les Greuthungues.
• 376 : fuite des Goths installés sur le Danube devant les Huns et arrivée de ceux-ci dans l’empire romain ; peu après les Goths se soulèvent contre Rome.
• 378 (9 août) : bataille d’Andrinople ; l’empereur Valens meurt au combat ; une grande partie de l’armée impériale est anéantie.
• 380 : sédentarisation de la « confédération des trois peuples » en Pannonie par l’empereur Gratien.
• 382 : traité avec les Goths ; l’empereur Théodose Ier permet l’établissement de nombreuses communautés goths en deçà du Danube.
• 395 : partage de l’empire ; irruptions des Huns dans l’empire des Sassanides et dans les provinces orientales de l’Empire romain.
• 405 : invasion de Radagaise et d’une armée imposante dans l’empire occidental ; Stilicon vainc les envahisseurs en août 406.
• 406/407 : passage du Rhin ; écroulement du limes romain ; Vandales, Suèves et Alains pillent la Gaule ; en Bretagne, l’usurpateur Constantin III fait son apparition ; départ des derniers contingents de l’armée impériale de l’ile.
• 409 : départ des Vandales, Suèves et Alains pour l’Espagne.
• 410 : sac de Rome par les Wisigoths sous la conduite d’Alaric Ier.
• 418 : établissement des Wisigoths en Aquitaine seconde.
• 429 : les Vandales débarquent en Afrique romaine.
• 436 : anéantissement du royaume des Burgondes sur le Haut-Rhin moyen par le magister militum Aetius qui, en 443, transfère les populations en Sapaudie.
- 439 prise de Carthage ; reconnaissance par Rome de ses pertes en 442
• +/- 440 : une partie des Saxons et autres groupes germaniques s’établissent en Grande-Bretagne à titre de fédérés et commencent à prendre possession du pays.
• 451 : expédition d’Attila contre l’empire d’Occident ; bataille des champs Catalauniques et retrait d’Attila des Gaules.
• 452 : invasion de l’Italie par les Huns. • 453 : l’empire d’Attila s’écroule peu après sa mort.
• 455 : sac de Rome par les Vandales.
• 466 : le roi des Wisigoths Euric rompt le traité avec Rome et commence une politique d’expansion ; la plus grande partie de l’Hispanie et du sud-ouest des Gaules passe aux mains des Wisigoths.
• 468 : attaque du royaume des Vandales par les troupes impériales d’Orient et d’Occident.
• 476 : renvoi du dernier empereur occidental, Romulus Augustule, par Odoacre et fin politique de l’empire d’Occident ; Julius Nepos continue jusqu’à sa mort en 480 à régner en exil ; en Gaule, l’enclave gallo-romaine érigée par Ægidius se maintient jusqu’en 486.
• 486/487 : destruction du royaume de Syagrius par les Francs de Clovis Ier ; le royaume des Francs prend forme.
• 489 : le roi Ostrogoth Théodoric le Grand envahit l’Italie et y fonde son royaume.
• 507 : le roi des Wisigoths est vaincu par les Francs ; son royaume se replie au sud-ouest des Gaules.
• 533/534 : destruction du royaume des Vandales par le général byzantin Bélisaire ; le royaume burgonde tombe en 534 aux mains des Francs.
• 535-552 : Guerre des Goths en Italie ; l’empereur Justinien Ier reprend le contrôle d’une partie de l’ancien empire d’Occident.
• 545-577 : invasion des Slaves dans l’Empire romain d'Orient.
• 568 : invasion des Lombards dans l’Italie du Nord. Fin des grandes migrations.
Voir aussi
Cartographie
-
Imperium et Barbaricum en 250.
-
Les premiers royaumes germaniques en Occident.
-
Royaumes « barbares » et Empire d'Orient sous Justinien.
-
Charlemagne, les Slaves et l'arrivée des Bulgares. Gallo vient du germanique Walha (« non-germain ») comme "Gallois", "Wallons" et "Valaques".
-
Le partage de Verdun et l'arrivée des Hongrois.
-
La mise en place de l'Europe médiévale en 1180.
-
L'Europe après les invasions mongoles.
Notes et références
- (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Völkerwanderung » (voir la liste des auteurs).
- ↑ Matthias Springer, « Völkerwanderung » dans Reallexikon der Germanischen Alterumskunde (RGA), 2e éd. Tome 32, Walter de Gruyter, Berlin/New York, 2006, p. 509-517. Il est évident que tous les découpages historiques sont des conceptions de l’esprit et reposent sur des conventions. Comparer : Stefan Krautschick, « Zur Entstehung eines Datums. 375 - Beginn der Völekerwanderung » dans Klio 82, 2000, p. 217-222, de même que, du même auteur, “Hunnensturm und Germanenflut: 375 – Beginn der Völkerwanderung? » dans Byzantinische Zeitschrift 92, 1999, p. 10-67.
- ↑ Jean Chaline : Histoire de l'homme et des climats au quaternaire, Doin, Paris, 1985, ISBN 2-7040-0489-7 et Monica Rotaru, Jérôme Gaillardet, Michel Steinberg, Jean Trichet : Les Climats passés de la terre, Vuibert, 2007, ISBN 978-2-7117-5394-9, 195 pp. : les péjorations climatiques se manifestent en Europe par un Gulf Stream plus intense qui fait du Groenland un pays vert mais augmente la pluviosité en Scandinavie, compromettant les récoltes et la pêche, et en Asie centrale par une suite d'étés torrides, très secs, et d'hivers très rudes, qui déciment les troupeaux, base économique des peuples de la steppe.
- ↑ Voir Mischa Meier, Sie schufen Europa. C.H. Beck, Munich, 2007
- ↑ Les paragraphes qui suivent résument le chapitre « The Great Migration Debate » dans Peter Heather, Empires and Barbarians, p. 12-21.
- ↑ Jérôme de Stridon, Epist., 123.
- ↑ Dimitri Obolensky, chap. 2 « Barbarians in the Balkans » dans The Byzantine Commonwealth, Eastern Europe, 500-1453, Londres, Phoenix Press, 1971, ISBN 1 84212 019 0
- ↑ P. Heather (2009), p. 253.
- ↑ Hans-Erich Stier (dir.), Grosser Atlas zur Weltgeschichte, Westermann, 1985, ISBN 3-14-100919-8, p. 48-49
- ↑ N. Heather (2009), p. 254.
- ↑ Heather (2009), p. 256.
- ↑ Jordanès, Getica, 4, 25-28.
- ↑ Heather (2009), p. 122-123.
- ↑ Walter Pohl, « Telling the Difference: Signs of Ethnic Identity » dans Walter Pohl, Helmut Reimitz (éds), Strategies of Distinction: The Construction of Ethnic Communities, 300-800. Leiden u.a. 1998, p. 17 et sq.
- ↑ Reinhard Wenskus, Stammesbildung und Verfassung. Das Werden de frühmittelalterlichen gentes, 2e édition, Cologne/Vienne 1977. Le travail de Wenskus a été continué par Herwig Wolfram et son élève Walter Pohl. Résumé accompagné de matériel nouveau dans Pohl (2005), p. 13 et sq. Toutefois, l’élan de l’école de Vienne a fait en partie l’objet de critiques concernant Wolfram et Pohl.
- ↑ Goetz, Jarnut, Pohl (2003) ; Pohl (1997).
- ↑ Pour la façon souvent tout aussi politique dont ces thèses ont été reçues, voir l’exposé de Rosen (2003), p. 109-121.
- ↑ Au cours des dernières années, Heather (2005), Heather (2009) et Ward-Perkins (2005) ont mis l’accent sur l’aspect dévastateur de cette période. Comparer les conclusions opposées de Goffart (1980) et Goffart (2006) ainsi que les travaux de Peter Brown. Pour un résumé d’ensemble, voir la collection Transformation of the Roman World (jusqu’ici en 14 volumes).
- ↑ Heather (1995) et Heather (2005). À la différence de Halsall (2007).
- ↑ Springer (2006), p. 514.
- ↑ Patrick Geary : Die Merowinger. Munich, 1996, p. 7.
- ↑ Pohl (2005), p. 31 et sq ; Rosen (2003), p. 99-101.
- ↑ Voir Springer (2006).
- ↑ en latin Agri decumates ; ils constituaient l'extrême Sud-Ouest de la Germanie, entre Rhin, Main et Danube, correspondant approximativement à l'actuel Bade-Wurtemberg.
- 1 2 Voir « Tableaux chronologiques » dans Roger Rémondon (1970), p. 50 à 57.
- ↑ Pour une analyse critique de la Getica, voir Arne Soby Christensen, Cassiodorus, Jordanes and the History of the Goths. Studies in a Migration Myth. Kopenhagen 2002 ; on pourra aussi consulter Herwig Wolfram, « Einige Überlegungen zur gotischen Origo gentis » dans Henrik Birnbaum u.a. (éds.) Festchrift Alexander Issatschenko. Lund 1978, p. 487-499. Le manuel de base concernant les Goths est celui de Wolfram (1979). Également important, Volker Bierbrauer, « Archäeologie une Geschichte der Goten vom 1.-7. Jahrhunder » dans Frühmittelatlterliche Studien, vol 28 (1994) p. 51-171 ainsi que Heather (1991).
- ↑ Voir Karl Christ, Geschichte der römischen Kaiserzeit, 4e éd. Munich 2002, p. 336 et sq ; pour un résumé, Rosen (2003), p. 43-45.
- ↑ Wolfram (1979) p. 41 et sq.
- ↑ Rémondon (1970), p. 99.
- ↑ Heather (2005), p. 82.
- ↑ Martin (2001), p. 166.
- ↑ Stefan Krautschick, « Hunnensturm und Germanenflut : 375 – Beginn der Vôlkerwanderung? » dans Byzantinische Zeitschrift 92, 1999, p. 10-67, ici p. 12-14
- ↑ 31,3. Pour les Huns, voir Maenchen-Helfen (1978). Voir aussi l’article « Hunnen » dans RGA 15 (2000), p. 246-261 ainsi que Attila und die Hunnen, publié par le musée d’histoire de Pfalz Speyer, Stuttgart 2007. Concernant le royaume d’Ermanaric, voir Arne Soby Christensen, Cassiodorus, Jordanes and the History of the Goths, Copenhague, 2002, p. 158 et sq., ainsi que Wolfram (1979) p. 98-102. La mort d’Ermanaric est citée dans plusieurs épopées du Moyen Âge.
- ↑ Voir Heater (1995) et Heather (2005), p. 146 et sq. Voir également l’article « Hunnen » dans RGA 15 (2000), p. 247
- ↑ Orose, Historiae adversum paganos, 7.33
- ↑ La meilleure source à ce sujet est à nouveau Ammien dans le dernier tome (31) de son Histoire. Voir aussi Heather (2009), p. 162-163
- ↑ Ammianus, 31,5 et sq. ; Heather (1991), p. 142 et sq.
- ↑ Valens craignait peut-être que son neveu Gratien, qui avait déjà fait ses preuves à la guerre, ne voit sa renommée croître aux dépens de celle de son oncle s’il venait à son aide pour défaire les Goths. Pour la suite des événements, voir Ammien 31,12 et sq. Comparer à Burns 91994) p. 28 et sq., ainsi que Heather (1991) p. 142
- ↑ Heather (1991), p. 84 et sq.
- ↑ Burns (1994) p. 33
- ↑ Ammien 3 1, 13, 19
- ↑ Wolfram (1979), p. 150 et sq.
- ↑ Sur Théodose le Grand, voir Hartmut Leppin, Theodosius der Grosse, Darmstadt 2003 ainsi que sur les conséquences de la bataille d’Andrinople, p. 35 et sq. Comparer avec Burns (1994), p. 23 et sq., et Heather (1991), p. 142 et sq.
- ↑ Voir Heather (1991), p. 157 et sq ; Remondon (1970), p. 191.
- ↑ Martin (2001), p. 166.
- ↑ Leppin (2003), p. 45 et sq ; Halsall (2007), p. 184 et sq.
- ↑ Getica, 29, 146.
- ↑ Heather (1991) p. 193 et sq ; Wolfram (1979), p. 159 et sq.
- ↑ Voir Burns (1994), p. 183 et sq. ; Heather (1991), p. 199 et sq. (avec de bonnes cartes) ; Wolfram (1979), p. 164 et sq.
- ↑ H. Pirenne, Histoire de l'Europe. Des invasions au XVIe siècle (1939), Paris-Bruxelles, p. 3
- ↑ Stilicon n’était pas le premier général à avoir pris une influence considérable sur la conduite des affaires de l’État. Cette tendance se continua au Ve siècle au cours des règnes d’empereurs faibles. Alexander Demandt, « Magister Militum » dans Pauly-Wissowa. Supplément 13, p. 553 et sq.
- ↑ Sur la campagne contre Radagaise, voir Heather (2005), p. 194 et sq, de même que Wolfram (1979), p. 202-204, lequel met l’accent sur cet épisode dans l’ethnogenèse des Wisigoths.
- ↑ D’après Zosime qui s’appuie sur Olympiodore de Thèbes, celle-ci se serait élevée à 4 000 livres d’or. Après avoir résidé pendant une longue période à Milan, le gouvernement impérial, au vu de la situation qui se dégradait, avait finalement décidé de se retirer à Ravenne que l’on considérait comme imprenable.
- ↑ Zosime 5, 39-41.
- ↑ Wolfram (1979), p. 187 et sq.
- ↑ Wolfram (1979), p. 188 et sq.
- ↑ Skizze Mischa Meier, « Alarich und die Eroberung Roms im Jahr 410. Der Beginn der ‘Völkerwanderung’ » dans Meier (2007), p. 45-62, en particulier, p. 52 et H. Pirenne, Histoire de l'Europe. Des invasions au XVIe siècle (1939), Paris-Bruxelles, p. 4-5.
- ↑ Sur le sac de Rome en 410 et la façon dont il fut perçu, voir Mischa Meier, Steffen Patzold, August 410 – Ein Kampf um Rom, Stuttgart 2010 ; comparer à Hans Armin, « Der Fall Roms. Literarische Verarbeitung bei Heiden und Christen », dans Johannes Oort, Dietmar Wyrwa (éd.) Heiden und Christen im 5. Jahrhundert. Louvain, 1998, p. 160.
- ↑ Voir Goffart (2006), p. 73 et sq. ; Heather (2005), p. 194 et sq. ; Peter J. Heather, “Why did the Barbarians Cross the Rhine ? » dans Journal of Late Antiquity (2009), p. 3-29 ; Stein (1928), p. 381 et sq. Voir aussi Michael Kulikowski, “Barbarians in Gaul, Usurpers in Britain” dans Britannia 31 (2000), p. 325-345.
- ↑ Sur les Vandales, voir Castritus (2007), p. 46 et sq, lequel porte un jugement sévère sur les sources de même que Merrills/Miles (2010). On pourra compléter avec l’article du RGA, « Wandalen » dans RGA 33 (2006), p. 168.
- ↑ « Sweben » dans RGA 30 (2005), p. 184 et sq.
- ↑ Heather (2005), p. 206-209 avec cartes détaillées et analyse des sources.
- ↑ Heather (2005), p. 209 et sq, 236 et sq ; Stein (1928), p. 383 et sq ; C.E. Stevens, « Marcus Gratian, Constantine », dans Athenaeum 35 (1957), p. 316-347.
- ↑ Pohl (2005), p. 86 et sq. Plusieurs questions de détail demeurent controversées, ne serait-ce qu’en raison de l’insuffisance des sources.
- ↑ Concernant ces deux usurpateurs, voir John F. Drinkwater, « The Usurpers Constantine III (407-411) and Jovinus (411-413) » dans Britannia 29 (1998), p. 269-298 ; Kay Ehling, « Zur Geschichte Constantins III. » dans Francia 23 (1996) p. 1-11 ; Ralf Scharf, « Iovinus – Kaiser in Gallien » dans Francia 20 (1993), p. 1-13. Pour les Burgondes voir Kaiser (2004), p. 26 et sq.
- ↑ Wolfram (1979), p. 192 et sq.
- ↑ Wolfram (1979), p. 196-202.
- ↑ Orosius, Historiae adversum paganos, 7,43.
- ↑ Wolfram (1979) p. 194 et sq. Pour les opérations militaires conduites par Constantius, voir Burns (1994), p. 250 et sq.
- ↑ Wolfram (1979), p. 204 et sq.
- ↑ Heather (1991), p. 221 et sq.
- ↑ Walter Goffart penche pour cette dernière option : Goffart (1980), p. 103 et sq, Goffart (2006), p. 119 et sq. Voir également Burns (1994) p. 263 et sq. ; Heather (1991), p. 221 et sq. ; Pohl (2005), p. 58 et sq. ; Pohl (1997), passim ; Wolfram (1979), p. 208 et sq. ; Herwig Wolfram, « Die dauerhafte Ansiedlung der Goten auf römischem Boden. Eine endlose Geschichte » dans Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung 112 (2004), p. 11-35.
- ↑ Burns (1994), p. 263 et sq. ; pour sa part, Ward-Perkins (2005), p. 54 et sq. est plus négatif.
- ↑ De façon générale, seule approximativement une personne sur quatre ou cinq était en mesure de porter les armes dans chacun de ces peuples. Par la suite, les Vandales en Afrique du Nord devaient s’éloigner graduellement de ce modèle de coopération.
- ↑ Voir Castritius (2007), p. 58 et sq.
- ↑ Hydatius, Chronica 49.
- ↑ Wolfram (1990), p. 234 et sq.
- ↑ Castitius (2007), p. 76 et sq. ; Uwe Walter, « Geiserich und das afrikanische Vandalenreich » dans Meier (2007), p. 63-77.
- ↑ Getica, 33, 168.
- ↑ Pour le nombre de personnes en cause sur lequel il n’y a pas unanimité dans les sources ; voir la discussion dans Castritius (2007), p. 78.
- ↑ Castritius, p. 86 et sq. ; Wolfram (1990), p. 237 et sq .
- ↑ Procope, Bella 3,3.
- ↑ Castritius (2007), p. 68 ; voir à l’opposé Alexander Demandt, Die Spätantike, 2e éd., Munich 2007, p. 184.
- ↑ Wolfram (1990), p. 238.
- ↑ Heather (2005), p. 268.
- ↑ Castritius (2007), p. 93 et sq. ; Walther, « Geiséric » dans Meier (2007), p. 70 et sq. ; Wolfram (1990), p. 239 et sq.
- ↑ Heather (1995), p. 9.
- ↑ Voir « Hunnen » dans RGA 15 (2000), p. 249 ; Heather (1995), p. 10 et sq. Comparer à Maenchen-Helfen (1978), p. 22 qui parle d’un certain sentiment d’appartenance commune.
- ↑ Maenchen-Helfen (1978), p. 38 et sq.
- ↑ Claudien, In Rufinum, livr. 2, p. 26 et sq.
- 1 2 Maenchen-Helfen (1978), p. 43 et sq.
- ↑ Dieter Timpe, « Gainas » dans RGA 10 (1998), p. 317-321. La figure de Gaïnas sert par la suite d’exemple pour la propagande antigermanique.
- ↑ Orose, Historiæ adversum paganos, 7, 37,.3.
- ↑ « Hunen » dans RGA 15 (2000), p. 250. Voir aussi Maenchen-Helfen (1978), p. 53 et sq., lequel souligne la pauvreté des sources contemporaines de cette période.
- ↑ Chronique de Marcellin Comes, anno 427.
- ↑ Maenchen-Helfen (1978), p. 63 et sq.
- ↑ Demandt (1998), p. 122 et sq. ; Stein (1928), p. 472 et sq.
- ↑ « Hunnen » dans RGA 15 (2000), p. 250 voir aussi Kaiser (2004), p. 31 et sq. ; Maenchen-Helfen (1978), p. 60 et sq.
- ↑ Kaiser (2004), p. 38 et sq.
- ↑ Bruno Bleckmann, « Attila, Aetius und das ‘Ende Roms’. Der Kollaps des Weströmischen Reiches » dans Meier (2007), p. 93-110 ; Heather (2005), p. 300 et sq. ; Maenchen-Helfen (1978), p. 69 et sq. ; Gerhard Wirth, Attila. Das Hunnenreich und Europa. Stuttgart, 1999 [ce dernier faisant une large part à la spéculation].
- ↑ Chronique de Marcelinus Comes, année 441 ; Priskos, fragment 1b.
- ↑ Chronique de Marcelinus Comes, année 447 ; Priskos, Fragment 3.
- ↑ Jordanès, Romana, 331.
- ↑ Voir Bleckmann, « Attila » dans Meier (2007), p. 102.
- ↑ Priscus, fragment 8.
- ↑ Jordanes, Getica, 42, 224.
- ↑ Maenchen-Helfen (1978), p. 98 la repousse ; comparer à Bleckmann, « Attila » dans Meier (2007), p. 102 et sq.
- ↑ Bleckmann, « Attila » dans Meier (2007), p. 103.
- ↑ Castritius (2007), p. 104.
- ↑ Jordanes, Getica, 41, 216.
- ↑ Maenchen-Helfen (1978), p. 97-106.
- ↑ Heather (2005), p. 340 et sq.
- ↑ Walter Pohl « Die Gepiden und die gentes an der mittleren Donau nach dem Zerfall des Attilareiches » dans Herwig Wolfram, Falko Daim (éd.) Die Völker an der mittleren und unteren Donau im fünften und sechsten Jahrhundert, Vienne, 1980, p. 239-305.
- ↑ « Hunnen » dans RGA 15 (2000), p. 252 ; Heather (2005), p. 351 et sq. ; Maenchen-Helfen (1978), p. 107 et sq.
- ↑ Demandt (1998), p. 126 et sq ; Heather (2005), p. 369 et sq. ; Stein (1928), p. 517-519.
- ↑ Heather (2005), p. 375 et sq.
- ↑ Brian Croke, « Dynasty and Ethnicity. Emperor Leo I and the Eclipse of Aspar » dans Chiron 35 (2005), p. 147-203.
- ↑ Au sujet de la guerre avec les Goths et de la formation du royaume des Ostrogoths dans les Balkans, voir Heather (1991), p. 240 et sq. ; Wolfram (1979), p. 307 et sq.
- ↑ Demandt (1998), p. 141 et sq ; Stein (1928), p. 540 et sq.
- ↑ Castritius (2007), p. 103 et sq.
- ↑ Stien (1928), p. 552 et sq.
- ↑ Pour la situation des Gaules au Ve siècle, voir John Drinkwater, Hugh Elton (éd.), Fifth-Century Gaul : A Crisis of Identity?, Cambridge 1992.
- ↑ Kaiser (2004), p. 49.
- ↑ Wolfram (1979), p. 217 et sq.
- ↑ Castritius (2007), p. 113 et sq.
- ↑ Grégoire de Tours, Decem libri historiarum, 2, 11 ; 2, 18 ; 2, 27. Comparer à Halsall (2007), p. 266 et sq et à David Frye, « Aegidius, Childeric, Odovacer and Paul » dans Nottingham Medieval Studies 36 (1992), p. 1 et sq. Concernant la personne d’Egidius, voir Henning (1999), p. 81 et sq.
- 1 2 Wolfram (1979), p. 219 et sq.
- ↑ Michael Kulikowski, « Marcellin of Dalmatia and the Fall of the Western Empire » dans Byzantion 72 (2002), p. 177-191.
- ↑ Castritius (2007), p. 118 et sq.
- ↑ Stein (1928), p. 582 et sq.
- ↑ Martin (2001), p. 168, 171 et sq.
- ↑ Demandt (1998), p. 148.
- ↑ Demandt (1998), p. 145 ; Heather (2005), p. 425 et sq ; Kaiser (2004), p. 52 ; Stein (1928), p. 584.
- ↑ Martin (2001), p. 45.
- ↑ Wolfram (1979), p. 222 et sq.
- ↑ Wolfram (1979), p. 226.
- ↑ Henning (1999), p. 174 et sq.
- ↑ Wolfram (1990), p. 264 et sq.
- ↑ Voir Eugippius, Vita Severini, qui est une source importante à ce sujet. Voir aussi Heather (2005), p. 407 et sq.
- ↑ Voir à ce sujet, l’essai classique de Brian Croke, « A.D. 476. The manufacture of a Turning Point » dans Chiron 13 (1983), p. 81-119. À l’opposé, voir Bleckmann, « Attila » dans Meier (2007), p. 109 et sq.
- ↑ Henning Börm, « Das weströmische Kaisertum nach 476 » dans Josef Wiesehöfer et al. (éd.), Monumentum et instrumentum inscriptum, Stuttgart 2008, p. 47-69.
- ↑ Rosen (2003), p. 79 et sq.
- ↑ Voir l’état de la recherche dans Martin (2001), p. 168 et sq.
- ↑ Goffart (2006), p. 23 et sq. ; Wolfram (1990), p. 271 et sq. et le survol de Alexander Demandt, Der Fall Roms, Munich, 1984.
- ↑ Demandt (1998), p. 149 et sq.
- ↑ Maechen-Helfen (1978), p. 260 et sq.
- ↑ Jordanès (ou plus exactement Cassiodore qu’il résume) donne dans la Getica l’impression que les Amales pouvaient remonter leur arbre généalogique dans la nuit des temps, ce qui n’est qu’une construction. Voir Peter J. Heather , « Cassiodorus and the Rise of the Amals. Genealogy and the Goths under Hun Domination » dans Journal of Roman Studies 79 (1989), p. 103-128.
- ↑ Heather (1991), p. 240 et sq. ; Pohl (2004), p. 126 et sq. Wolfram (1979), p. 321 et sq.
- ↑ Jordanès, Getica, 54, 277-279.
- ↑ L’historien Malchus de Philadelphie fait un récit détaillé des événements dans sa chronique qui ne nous est parvenue que sous forme de fragments.
- ↑ Sur la politique de Zénon à l’endroit des Goths et ses conséquences, voir Heather (1991), p. 272 et sq.
- ↑ Voir Wolfram (1979), p. 346 et sq. ; également, Pohl (2005), p. 137-140.
- ↑ Pour une introduction à Théodoric, voir Hans-Ulrich Wiemer, « Theoderich der Große und das ostgotische Italien. Integration durch Separation » dans Meier (2007), p. 156-175 ; Antonio Carile (éd.) Teoderico e i Goti fra Oriente e Occidente. Ravenne, 1995 ; Wilhelm Enßlin, « Theoderich der Große, 2e éd. Munich 1959 (encore le texte le plus complet). Sur la souveraineté des Ostrogoths sur l’Italie, voir Patrick Amory, People and Identity in Ostrogothic Italy, 489-554. Cambridge 1997 dans lequel il expose quelques thèses provocantes.
- ↑ On ne s’entend guère toutefois sur les détails de cette politique ; voir Pohl (2005), p. 137-140.
- ↑ Wolfram (1979), p. 353 et sq.
- ↑ Survol dans Pohl (2005), p. 147-151 ; plus en détail dans Wolfram (1979), p. 415 et sq.
- ↑ Gerd Kampers, Geschichte des Westgoten, Paderborn, 2008 ; Roger Collins, Visigothic Spain 409-711, Oxford 2004 ; Alberto Ferreiro : The Visigoths in Gaul and Spain, A.D. 41l8-711: A Bibliography, Leyde, 1988 ; Luis Garcia Moreno, Prosografia del reino visigodo de Toledo, Salamanque, 1974 ; Luis Garcia Moreno, Historia de España Visigoda, Madrid, 1989 ; Wolfram (1979), p. 207 et sq.
- ↑ Sur le déclin des Suèves, voir Kampers, Geschichte der Westgoten, p. 180 et sq.
- ↑ Wolfram (1979), p. 225 ; Sur ces changements voir Bernhard Jussen, “Über ‘Bischofsherrschaften’ und die Proceduren politisch-sozialer Umordnung in Gallien zwischen Antike und Mittelalter » dans Historische Zeitschrift 260 (1995), p. 673-718.
- ↑ Wolfram (1979), p. 231 et sq.
- ↑ Giese (2004), p. 140 et sq.
- ↑ Giese (2004), p. 148 et sq.
- ↑ Postel (2004), p. 219, affirme : « Le royaume wisigoth devient l’empire espagnol ».
- ↑ Pour la suite des évènements, voir Kampers, Geschichte der Westgoten, p. 188 et sq, de même que 311 et sq. ; Giese (2004), p. 151 et sq.
- ↑ Wolfram (1990), p. 387 et sq.
- ↑ Victor de Vita, Histoire de la persécution vandale, II, 27-28.
- ↑ Kazdhan (1991), p. 2152.
- ↑ Castritius (2007), p. 127.
- ↑ Castritius (2007), p. 159.
- ↑ Postel (2004), p. 196. Les Berbères devaient par la suite opposer une résistance farouche tant aux armées de Constantinople qu’à celles des Arabes.
- ↑ Castritius (2007), p. 137-139.
- ↑ Castritius (2007), p. 100 et sq.
- ↑ Andy H. Merrills (éd.), Vandals, Romans and Berbers. New Perspectives on Late Antique North Africa. Aldershot 2004.
- ↑ Procope, Bella, 3,10.
- ↑ Castritius (2007), p. 159 et sq.
- ↑ Ewig (2006) ; Reinhold Kaiser, Das römische Erbe und das Merowingerreich, 3e éd., Munich (2004) ; Wood (1994). Ulrich Nonn, Die Franken, Stuttgart (2010), Erich Zöllner, Geschichte der Franken, Munich 1970.
- ↑ Sulpicius Alexander, Historia, extraits dans Grégoire de Tours, Decem libri historiarum, 2,9.
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- ↑ Au sujet des Alamans, John F. Drinkwater, The Alamanni and Rome 213-496. Caracalla to Clovis, Oxford, 2007.
- ↑ Ewig (2006), p. 18 et sq. ; Wood (1994), p. 38 et sq.
- ↑ Kaiser (2004), p. 73 et sq.
- ↑ Matthias Sprincer, « Theudebert I. » dans RGA 30 (2005), p. 455-459.
- ↑ Bernhard Jusse, « Über ‘Bishofsherrschaften’ und die Prozeduren politisch-sozialer Umordnung in Gallien zwischen Antike und Mittelalter », dans Historische Zeitschrift, 260 (1995), p. 673-718.
- ↑ « Chlodwig une die Eigentümlichkeiten Galliens » dans Meier (2007), p. 141-154 (ici, p. 152.).
- ↑ Kaiser (2004), p. 38 et sq.
- ↑ Kaiser (2004), p. 49 et sq.
- ↑ Kaiser (2004), p. 29 et sq. ; Postel (2004), p. 116-118.
- ↑ Postel (2004), p. 116 et sq. Sur le processus d’établissement, voir Kaiser (2004), p. 82 et sq.
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- ↑ Kaiser (2004), p. 152-157.
- ↑ Michael E. Jones, The End of Roman Britain, Ithaca/NY, 1996 ; Snyder (1998).
- ↑ Zozime, 6,10,2. Comparer à Edward A. Thompson, « Zozimus 6.10.2 and the Letters of Honorius » dans Classical Quarterly 32 (1982), p. 445-462. Toutefois selon certains chercheurs comme B. David Mattingly, les propos de l’empereur ne s’adressaient pas à la Bretagne, mais bien à la commune de Bruttium en Italie.
- ↑ Gildas, De excidio Britanniae 20.
- ↑ Snyder (1998), p. 29 et sq. pour les sources écrites, 131 et sq. pour les sources archéologiques.
- ↑ Heather (2009), p. 268.
- ↑ Bède, Historia ecclesiastica, 1, 15.
- ↑ Voir Pohl (2005), p. 92 et sq.
- ↑ Frank M. Stenton : Anglo-Saxon England, 3e éd., Oxford, 1971.
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- ↑ Catalogue de l’exposition « Die Langobarden » (2008) ; Jörg Jarnut : Geschichte der Langobarden, Stuttgart, 1982 ; Menghin (1985) ; Peter Erhart, Walter Pohl (éd.), Die Langobarden: Herrschaft und Identität, Vienne, 2005.
- ↑ Paul Diacre, Historia Langobardorum, 1.20 ; Procope, Bella, 6, 14.
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- ↑ Florin Curta, The Making of the Slavs, Cambridge 2001, de même que Florin Curta, Southeastern Europe in the Middle Ages, 500-1250, Cambridge 2006, p. 39 et sq., ainsi que Gottfried Schramm, Ein Damm bricht. Die römische Donaugrenze und die Invasionen des 5.-7. Jahrhunderts im Lichte von Namen und Wörtern, Munich, 1997.
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- ↑ Vladislav Popovic, La descente des Koutrigours, des Slaves et des Avars vers la mer Égée : le témoignage de l'archéologie, Comptes-rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, volume 12, p. 596-648, (lire en ligne)
- ↑ Georges Ostrogorsky, Histoire de l'État byzantin, Payot, Paris, 1956
- ↑ Chris Wickham, The Inheritance of Rome: A History of Europe from 400 to 1000, Londres, 2009, de même que l’histoire culturelle de Julia Smith, Europe after Rome, Oxford 2005 ; pour les aspects économiques et sociaux, voir Wickham (2005).
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- ↑ Martin (2001), p. 195 et sq. ; Maier (2005).
- ↑ Vue d’ensemble précise sur ce sujet dans Martin (2001).
- ↑ Sebastian Brather, « Völkerwanderungszeit » dans RGA 32 (2006), p. 517-522.
- ↑ La galerie de cartes est une synthèse du Westermann Grosser Atlas zur Weltgeschichte (Hans-Erich Stier, dir.), 1985, ISBN 3-14-100919-8, du DTV Atlas zur Weltgeschichte, 1987 traduit chez Perrin, ISBN 2-7242-3596-7, du "Putzger historischer Weltatlas Cornelsen" 1990, ISBN 3-464-00176-8, de l’Atlas historique Georges Duby chez Larousse 1987, ISBN 2-03-503009-9, de la série des Atlas des Peuples d'André et Jean Sellier à La Découverte : Europe occidentale : 1995, ISBN 2-7071-2505-9, Europe centrale : 1992, ISBN 2-7071-2032-4, Orient : 1993, ISBN 2-7071-2222-X, avec des détails pris dans le Történelmi atlasz a középiskolák számára (« Atlas historique pour les collèges ») de Kartográfiai Vállalat Szerkesztőbizottsága, Budapest 1991, ISBN 963-351-422-3 et dans l'Atlas istorico-geografic de l'Académie roumaine, 1995, ISBN 973-27-0500-0, et de l'Atlas des religions, hors-série du Monde, 2007, 194 p.
Bibliographie
Sources primaires
La plus importante source concernant les invasions hunniques jusqu’en 378 est l’œuvre d’Ammien Marcellin (Ammianus Marcellinus), laquelle fut également la dernière œuvre historique latine de l’Antiquité. Des œuvres majeures d’Olympiodore de Thèbes et de Priscus, nous ne possédons que des fragments qui contiennent cependant des informations importantes. De la même façon, nous ne possédons que des fragments des œuvres de Malchos de Philadelphie et de Jean d’Antioche. Le chroniqueur païen Zosime écrivit vers les années 500 une Nouvelle Histoire, laquelle en dépit de son recours à des sources fiables, contient de nombreuses erreurs et est partiale. Procope de Césarée décrivit de façon circonstanciée au VIe siècle les guerres de Justinien contre les Vandales et les Ostrogoths. Agathias le Scholastique et Theophylaktos Simokates décrivirent également les événements qui se sont produits dans l’empire d’Occident, même s’ils n’ont pas la même valeur que Procope. Jordanès, qui s’appuie sur une Histoire des Goths de Cassiodore maintenant perdue, est notre principale source d’information sur l’histoire des Goths (principalement des Ostrogoths), même si on peut douter de certaines informations. Pour l’histoire des Francs, on se rapportera à Grégoire de Tours et à son Histoire en dix volumes. Paul Diacre nous renseigne sur l’histoire des Lombards. De plus, de nombreuses Chroniques (par exemple celles de Marcelllinus Comes [Chronique des Gaules] ou celles d’Hydace de Chaves) nous apportent d’importantes mais brèves informations.
Par ailleurs, diverses Histoires de l’Église et des lettres comme celles de Sidoine Apollinaire contiennent de nombreuses informations dont la qualité et la crédibilité peuvent à l’occasion être remises en question. On trouvera tous les auteurs chrétiens en ligne dans la version française de Patrologia Latina ou de Patrologia Graeca.
- Agathias le Scholastique. Historiarum libri quinque (vers 560), édi. par R. Keysdell, coll. « Corpus Fontium Historiae Byzantinae », 2A, De Gruyter, Berlin, 1967.
- Ammien Marcellin, Histoires (Res Gestae, 395), sous la dir. de Jacques Fontaine, Les Belles Lettres, 1968 ss. T. I : livres XIV-XVI, 1968 ; t. II : livres XVII-XIX ; t. III : livres XX-XXII ; t. IV : livres XXIII-XXV, 1977 ; t. V : livres XXVI-XXVIII ; t. VI : livres XXIX-XXXI (index général).
- Blockley, Roger C. (éd.), The Fragmentary Classicising Historians of the Later Roman Empire (texte et traduction anglaise), Liverpool, 1980 (vol. I), 1983 (vol. II).
- Grégoire de Tours. Historia Francorum : photographie d'un parchemin du VIIIe/IXe siècle en écriture onciale, le manuscrit latin 17655, folio 13 volume 14, conservé à la Bibliothèque nationale de France, Département des Manuscrits, div. occidentale.
- Hieronymus (Jérôme), Epistulae, Corpus scr. eccl. lat., t. LIV, 1910 ; t. LV, 1912, t. LVI 1918
- Iohannis Antiocheni, Fragmenta ex Historia chronica, éd. Umberto Roberto, W. de Gruyter, 2005
- Jordanes (trad. Charles C. Mierow intr. et comm. de J. Vanderspoel), The Origin and Deeds of the Goths, université de Calgary, 1915 (réimpr. 2006)
- Marcelllinus Comes. La Chronique de Marcellin (texte latin et traduction)
- Paul Diacre. L’Historia Langobardorum, disponible en ligne sur le site de la Bibliotheca Augustana
- Procope de Césarée, Anecdota ou La Vie secrète de Justinien (fr) [lire en ligne]
- Procope de Césarée, De bello gottorum, (la) [lire en ligne]
- Tables de la Patrologie latine par volume et par ordre alphabétique
- Table de la Patrologie grecque
- Zosime, Histoire nouvelle, édition et traduction François Paschoud, 3 tomes en 5 volumes, Paris, les Belles Lettres, 1971-1989
Sources secondaires
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- Émilienne Demougeot, La formation de l’Europe et les invasions barbares. Tome I : Des origines germaniques à l’avènement de Dioclétien. Tome II : De l’avènement de Dioclétien (284) à l’occupation germanique de l’Empire romain au début du VIe siècle. Paris, Aubier-Montaigne, Bibl. historique, 1979, 935 pages
- Émilienne Demougeot, L’Empire romain et les barbares d’Occident (IVe-VIIe siècle), Scripta varia, Paris, Publications de la Sorbonne, 1988, 420 pages (réimpression en 1989 et 1992)
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- Ian N. Wood, The Merovingian Kingdoms, Longman, Londres, 1994
Articles connexes
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- Articles connexes
- Royaumes barbares
- Campagnes de Constantin Ier contre les Germains et les Sarmates
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