Maire du palais
Pendant la période mérovingienne, les maires du palais appelés aussi magister palatii, maior palatii ou major domus regiæ, étaient les plus hauts dignitaires, après les rois, des royaumes francs qui couvraient alors l'essentiel de la France, l'Allemagne et le Benelux actuels. Il y avait autant de maires du palais qu'il y avait de royaumes avec un maire du palais pour le royaume de Neustrie, d'Austrasie et de Bourgogne.
Origines et fonctions
À l'origine, le maire du palais était l'intendant du roi : c'est un serviteur chargé des affaires domestiques du palais. Représentant des puissantes aristocraties régionales, il commande les intendants chargés de l'exploitation du domaine royal, gère la fortune du souverain et dirige le gouvernement intérieur du palais.
Cet office ressemblait assez à celui qu’on appelait chez les Romains le préfet du prétoire. Les maires du palais portaient aussi le titre de princes ou ducs du palais, et de ducs de Neustrie, d'Austrasie ou de Bourgogne. L’histoire ne fait pas mention de l’institution de cet office, qui est aussi ancien que la monarchie ; il est vrai qu’il n’en est pas fait mention sous Clovis Ier, ni sous le règne de ses enfants ; mais quand Grégoire de Tours et Frédégaire en parlent sous le règne des petits-fils de ce prince, ils en parlent comme d’une dignité déjà établie[réf. nécessaire]. Ils n’étaient d’abord établis que pour un temps, puis à vie, et enfin ils devinrent héréditaires.
Leur institution n’était que pour commander dans le palais, mais leur puissance s’accrut grandement, ils devinrent bientôt ministres, et l’on vit ces ministres, sous le règne de Clotaire II, à la tête des armées. Le maire était tout à la fois le ministre et le général né de l’État ; ils étaient tuteurs des rois en bas âge ; on vit cependant un maire encore enfant exercer cet office sous la tutelle de sa grand-mère : ce fut Théodebald, petit-fils de Pépin de Herstal, qui fut maire du palais sous Dagobert III, en 714.
L’usurpation que firent les maires d’un pouvoir sans bornes ne devint sensible qu’en 660, par la tyrannie du maire Ébroïn, ils déposaient souvent les rois, et en mettaient d’autres à leur place.
Pépin, fils de Charles Martel, lequel fut après son père maire du palais, étant parvenu à la couronne en 751, mit fin à leur fonction. Cependant, différentes dynasties de maires du palais subsistèrent mais avec moins de pouvoir. Ceux qui les ont remplacés ont été appelés grands-sénéchaux, et ensuite grands-maîtres de France ou grands-maîtres de la maison du roi et ensuite chancelier.
Période mérovingienne
Tout au long de cette période, on vit l'avènement de la famille des Pippinides (descendants de Pépin de Landen ou Pépin L'Ancien), qui donna naissance à la dynastie carolingienne.
Le pouvoir des maires du palais alla en s'accroissant continuellement. Petit à petit, les chefs des serviteurs du palais vont intervenir dans les affaires de l'État : ils acquièrent des pouvoirs politiques, s'attribuent le pouvoir judiciaire et la direction des fonctionnaires. Devenus les plus proches collaborateurs du souverain, ils ne tardent pas à entrer en concurrence avec leur maître, et à partir du VIIe siècle, ils dirigèrent progressivement le royaume des Francs à la place du souverain. L'office devint un enjeu entre les aristocrates et se transmit bientôt de père en fils.
Dagobert Ier, conscient de la menace qu'ils représentaient, se sépara du maire Pépin de Landen afin de reprendre personnellement le pouvoir. Mais à sa mort, le royaume retomba définitivement aux mains des maires pépinnides. En fait, l'ascension des Pippinides ne se fit pas sans heurts et pendant près de 20 ans de 662 à 680, ils furent écartés du pouvoir par la famille de Wulfoald; de plus, Ansegisel, père de Pépin de Herstal fut assassiné durant cette même période. Les souverains descendants de Dagobert Ier, souvent très jeunes et d'une espérance de vie très courte, ne pouvaient régner sans l'aide des maires du palais. Ceux-ci profitèrent de la situation pour accroître encore leur puissance et diriger le pays à la place des souverains : ils nommaient les évêques, les comtes et les ducs, signaient les accords avec les pays voisins, décidaient et menaient les campagnes militaires... Les maires du palais ont également tissé à leur profit un réseau de fidélités, par des dons et des alliances matrimoniales.
En fin de compte, les maires du palais détiennent le plus souvent la réalité du pouvoir, au détriment des souverains, d'où l'image des « rois fainéants » (fait néant) que l'on attribue aux descendants de Dagobert Ier. Cependant cette image est un mythe, forgé pour légitimer la prise du pouvoir par les Pippinides et la rupture avec la monarchie héréditaire de Clovis. Il apparaît pour la première fois dans les chroniques d'Eginhard, la Vita Karoli magne, consacrée à Charlemagne.
Le dernier roi mérovingien, Childéric III, est enfermé dans un monastère par Pépin le Bref, en 751. Pépin demande alors au pape Zacharie de le reconnaître comme souverain du royaume franc. Il ne s'agit pas d'un coup d'État à proprement parler puisque Pépin obtient du pape le sacre royal et fonde la dynastie carolingienne. Le pape Zacharie a tout intérêt à se ranger du côté des Francs qui peuvent le défendre contre l'Empire chrétien d'orient.
On trouve les dénominations latines suivantes dans les documents de l'époque : « magister palatii, praefectus aulae, rector aulae, gubernator palatii, major domus, rector palatii, moderator palatii, praepositus palatii, provisor aulae regiae, provisor palatii »
Certaines lignées de maires du palais subsistèrent au delà de la période mérovingienne, notamment au sein des administrations féodales, transmettant le nom "du Palais" ou "Dupalais". On retrouve de telles lignées notamment dans le Forez, à l'époque intégré dans le royaume de Bourgogne.[réf. nécessaire]
Principaux maires du palais
Austrasie
La charge de maire du palais d'Austrasie fut surtout occupée par les Pépinides.
- : Gogon[1][2]
- 581-? : Wandelin[3]
- 596-600 : Gundulf († 607), évêque de Tongres[4]
- 613-616 : Radon
- 616-618 : Hugues ancêtre probable des Hugobertides[5]
- av. 624-632 : Pépin l'Ancien († 640)[6]
- 632-639 : Adalgisel[7]
- 639-640 : Pépin l'Ancien († 640), de nouveau
- 640-643 : Otton († 643)[8]
- 643-657 : Grimoald Ier († 657), fils de Pépin l'Ancien[9]
- 662-676 : Wulfoald († 680)[10],[11]
- 676-714 : Pépin le Jeune († 714), petit-fils de Pépin l'Ancien[12]
- 714-717 : Théodebald († 741), fils de Grimoald II[13]
- 717-741 : Charles Martel († 741), fils de Pépin le Jeune[14]
- 741-747 : Carloman († 754), fils de Charles Martel[15]
- 747-753 : Drogon, fils de Carloman[16]
Bourgogne
- 596-600 : Warnachaire Ier († 600)[17]
- 600-603 : Bertoald († 603)[17]
- 603-607 : Protadius († 607)[17]
- 607-v. 610 : Claudius († 610)[17]
- v. 610-627 : Warnachaire II († 627), fils probable de Warnachaire Ier[17]
À sa mort, les nobles du royaume de Bourgogne décident de ne plus avoir de maire du palais. Ils sont gouvernés directement par la Neustrie, mais cela n'empèche pas la reine Nantilde de nommer un maire du palais de Bourgogne[18] :
- 642-643 : Flachoad nommé aussi Floachatus[19] († 643), marié à Ragnoberte, nièce de la reine Nantilde[17]
En 690, après avoir vaincu la Neustrie, Pépin le Jeune nomme ses fils comme « duc des Bourguignons » :
- 690-708 : Drogon († 708), duc de Champagne et des Bourguignons, fils de Pépin le Jeune[20]
- 708-714 : Grimoald II († 714), duc des Bourguignons, fils de Pépin le Jeune[21]
Neustrie
- Mummolin, en 566
- Bodegisel,
- 604-613 : Landéric († 613)[22]
- 613-ap. 630 : Gundoland († ap.630)[22]
- av. 635-642 : Aega († 642)[23]
- 642-658 : Erchinoald († 658), cousin de Dagobert Ier[24]
- 658-675 : Ébroïn († 681)[25]
- 675-676 : Leudesius († 676)[24]
- 676-681 : Ébroïn († 681), de nouveau
- 681-684 : Waratto († 686)[25]
- 684-685 : Ghislemar († 685), fils de Warrato[25]
- 685-686 : Waratto († 686), de nouveau[25]
- 686-687 : Berchaire († 688), gendre de Warrato[26]
- 687-695 : Nordebert († 695), nommé par Pépin le Jeune, maire du palais d'Austrasie[27]
- 695-714 : Grimoald II († 714), fils de Pépin le Jeune[21]
- 714-715 : Théodebald († 741), fils de Grimoald II[13]
- 715-717 : Ragenfred[28]
- 717-741 : Charles Martel († 741), fils de Pépin le Jeune[14]
- 741-751 : Pépin le Bref († 768), fils de Charles Martel[29]
Dévolution à l'intendant
De nombreux cas similaires de dévolution du pouvoir de la dynastie « légitime » à une dynastie de serviteurs sont observés dans l'histoire. Les plus connus, parce que s'étant étalés sur une longue période de temps, sont, outre les Pippinides, les peshwa des Marathes et les shoguns au Japon.
Articles connexes
- Tableau chronologique des grades et emplois militaires des armées françaises
- Généalogie des Mérovingiens
- Royaumes francs
- Austrasie
- Neustrie
Notes et références
- ↑ Venance Fortunat, Poèmes (Carmina), livre VII, chap. 4, lettre de Fortunat à Gogon, maire du palais d’Austrasie. ; Grégoire de Tours, Historia Francorum
- ↑ « Grégoire de Tour : Histoire des Francs : livre VI », sur remacle.org (consulté le 8 octobre 2015)
- ↑ « Grégoire de Tour : Histoire des Francs : livre VI », sur remacle.org (consulté le 8 octobre 2015)
- ↑ Settipani 2000, p. 203-7
- ↑ Settipani 1989, p. 76 et Settipani 2014, p. 179-180
- ↑ Settipani 1989, p. 48 et Settipani 2014, p. 129-131
- ↑ Site de la FMG : Adalgisel
- ↑ Site de la FMG : Otton
- ↑ Site de la FMG : Pepin et Grimoald
- ↑ Settipani 1993, p. 131
- ↑ Site de la FMG : Wulfoad
- ↑ Settipani 1993, p. 153-4
- 1 2 Settipani 1993, p. 164-5
- 1 2 Settipani 1993, p. 165-7
- ↑ Settipani 1993, p. 179-182
- ↑ Settipani 1993, p. 180-1
- 1 2 3 4 5 6 Site de la FMG : Maiores Domus of the Kingdom of Burgundy
- ↑ Site de la FMG : Merovingian Nobility : Introduction.
- ↑ De l'esprit des lois Par Charles-Louis de Secondat Montesquieu où Flachoad est nommé Floachatus
- ↑ Settipani 1993, p. 161-2
- 1 2 Settipani 1993, p. 163
- 1 2 Site de la FMG : Maiores Domus of the Kingdom of Neustria
- ↑ Site de la FMG : Aega
- 1 2 Site de la FMG : Erchinoald et Leudegisius
- 1 2 3 4 Site de la FMG : Ebroin, Warrato et Ghislemar
- ↑ Site de la FMG : Berthechar
- ↑ Site de la FMG : Nordbert
- ↑ Settipani 1993, p. 166
- ↑ Settipani 1993, p. 182
Bibliographie
- Dictionnaire encyclopédique de la noblesse de France, Paris, (lire en ligne).
- Christian Settipani, Les Ancêtres de Charlemagne, Paris, , 170 p. (ISBN 2-906483-28-1)
- 2° édition, revue et corrigée, Oxford, P & G, Prosopographia et Genealogica, coll. « Occasional Publications / 16 », , 347 p. (ISBN 978-1-900934-15-2)
- Christian Settipani, La Préhistoire des Capétiens (Nouvelle histoire généalogique de l'auguste maison de France, vol. 1), Villeneuve d'Ascq, éd. Patrick van Kerrebrouck, , 545 p. (ISBN 978-2-95015-093-6)
- Christian Settipani (dir.), Onomastique et Parenté dans l'Occident médiéval, Oxford, Linacre College, Unit for Prosopographical Research, coll. « Prosopographica et Genealogica / 3 », , 310 p. (ISBN 1-900934-01-9)
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