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Héraclius

Héraclius

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Héraclius
Empereur byzantin
Image illustrative de l'article Héraclius
Monnaie à l'effigie d'Héraclius et de ses fils Constantin III et Héraclonas
Règne
-
30 ans 4 mois et 6 jours
Période Héraclides
Précédé par Phocas
Suivi de Constantin III
Biographie
Nom de naissance Flavius Heraclius
Naissance v. ou en 575
Cappadoce
Décès (66 ans)
Constantinople
Père Héraclius dit « l'Ancien »
Mère Epiphania
Épouse Fabia Eudocia
Martina
Descendance Constantin III
Héraclonas
Liste des empereurs byzantins

Héraclius Ier (en latin Flavius Heraclius) ou Hérakleios (en grec ancien Ηράκλειος), né vers ou en 575 et mort le , est empereur romain d'Orient de 610 à 641. Il est le fondateur de la dynastie des Héraclides.

Biographie

Le début de règne

Héraclius, né vers ou en 575 en Cappadoce, était le fils du patrice Héraclius dit « l'Ancien », officier supérieur de l'armée de l'empereur Maurice (regn. 582-602), d'origine arménienne[1], et de son épouse Epiphania. Héraclius l'Ancien servit longtemps dans les provinces orientales, près de la frontière perse (comme adjoint du magister militum per Orientem, puis à partir de 595 environ comme magister militum per Armeniam). C'est donc là que le futur empereur avait ses racines et qu'il dut passer une grande partie de sa jeunesse. Vers 600, Héraclius l'Ancien fut nommé exarque de Carthage, l'un des postes les plus élevés de l'Empire; il était donc un des hommes de confiance de l'empereur Maurice.

En novembre 602, Maurice fut renversé et tué par l'armée des Balkans mutinée, qui plaça sur le trône impérial le centurion Phocas. Celui-ci maintint dans leurs fonctions de nombreux responsables civils et militaires, dont l'exarque Héraclius, mais fut rapidement en butte à leur hostilité plus ou moins déclarée et à plusieurs complots, qu'il réprima d'une façon de plus en plus sanglante. D'autre part, il essuya de lourdes défaites militaires, notamment en face du roi des Perses Chosroès II, de la dynastie des Sassanides. Aussi Héraclius l'Ancien, assisté de son fils le futur empereur et de son neveu Nicétas, prépara-t-il depuis Carthage le renversement du centurion usurpateur, meurtrier de son bienfaiteur Maurice.

En 608, l'exarque envoya Nicétas à la tête d'une armée terrestre s'emparer de la Basse-Égypte, d'où provenait une bonne partie du ravitaillement de Constantinople. L'opération étant définitivement couronnée de succès à la fin 609, Nicétas renvoya des troupes à Carthage où son cousin Héraclius préparait une expédition navale contre Constantinople. Les navires furent garnis de soldats qui étaient en grande partie des Maures ; une icône de la Vierge Marie fut placée à la proue du vaisseau amiral ; le trajet suivi n'est pas connu avec certitude, mais Héraclius serait passé par des lieux comme la Sicile et Thessalonique où il aurait bénéficié du ralliement enthousiaste d'une grande partie de la population, devenue très hostile à Phocas. La flotte apparut le 3 octobre 610 devant la capitale en proie à l'anarchie. Une partie de la population ainsi que la garde impériale, commandée par le comte Priscus, ancien officier de Maurice (et supérieur un temps d'Héraclius l'Ancien), mais devenu le gendre de Phocas, se rallièrent d'emblée à Héraclius. Le 5 octobre, Phocas est arrêté et emmené devant lui, sur son navire ; il le fait exécuter sur-le-champ. Le même jour, il se marie à Fabia Eudocia et est couronné empereur par le patriarche Serge Ier. Il prit aussi dans cette année le titre de consul.

La guerre contre les Perses

Article détaillé : Guerre perso-byzantine de 602-628.

À l'avènement d'Héraclius, les Perses occupaient déjà d'importants territoires appartenant à l'Empire (Arménie, Cappadoce, une partie de la Syrie) ; leur progression se poursuivit avec la prise d'Antioche le 8 octobre 610 et celle d'Apamée le 15 du même mois ; Emèse se rendit aux Perses en 611. Antioche, particulièrement, fut entièrement pillée, une partie de sa population massacrée (dont le patriarche melkite Anastase II) et une autre partie déportée sur le territoire perse, ce qui fut une répétition de ce qui était déjà arrivé lors de la précédente prise de la ville par les Perses en 540.

Priscus est envoyé pour reprendre Césarée de Cappadoce, mais après plusieurs mois de siège, en 611, il est rejoint par Héraclius lui-même, premier empereur d'Orient à paraître dans un camp militaire depuis 395 (sauf une parade symbolique de Justinien à la fin de son règne), premier empereur-soldat depuis Théodose. Priscus, soutenant que tel n'est pas le rôle d'un empereur, feint d'être malade pour ne pas le recevoir. Début 612, Héraclius retourne à Constantinople irrité, mais peu après le général perse Shahin Vahmanzadegan parvient à briser le siège et incendie Césarée. Priscus est alors convoqué à Constantinople sous le prétexte du baptême (le 5 décembre 612) du fils de l'empereur (le futur Constantin III), dont il doit être le parrain ; arrêté, il reçoit la tonsure et est enfermé au monastère Saint-Sauveur-in-Chora où il meurt un an plus tard. Héraclius parvient à amadouer les bucellarii de Priscus (les soldats qui lui étaient attachés personnellement) en leur réservant un traitement de faveur. Cette même année 612, le 13 août, était morte, dans une crise d'épilepsie, l'impératrice Fabia Eudocia, qui avait donné deux enfants (une fille, puis un garçon) à Héraclius[2].

Après avoir fait couronner son jeune fils Constantin le 22 janvier 613, Héraclius repartit combattre les Perses en Syrie, accompagné de son cousin Nicétas, préfet d'Égypte, et de son frère Théodore, espérant disputer à l'ennemi la grande ville d'Antioche. Mais les Byzantins furent de nouveau défaits par le général perse Shahin, et l'empereur dut bientôt se replier sur les Portes ciliciennes. La province de Cilicie et sa capitale, Tarse, tombèrent également aux mains des Perses, ainsi que Mélitène. En Syrie, Damas se rendit la même année.

Les Perses se dirigèrent ensuite vers la Palestine. Après la reddition sans coup férir de Césarée Maritime, ils mirent le siège pendant 21 jours devant Jérusalem, qui fut prise d'assaut dans un bain de sang, sans doute en mai 614. La ville fut détruite (dont l'Anastasis, le Saint-Sépulcre construit par Constantin Ier), la relique de la Vraie Croix qu'aurait découverte sainte Hélène fut emportée à Ctésiphon, capitale des Perses, et les survivants du massacre, dont le patriarche Zacharie, furent déportés en Mésopotamie. La prise de Jérusalem par les païens mazdéens, soutenus par les Juifs qui préféraient les Perses aux Byzantins, causa un choc intense parmi les chrétiens.

Après la chute de Jérusalem, le général perse Shahin mena une offensive en Asie Mineure, dévastant Ancyre, Sardes, atteignant même Chalcédoine, en face de Constantinople sur le Bosphore. Mais il fut attaqué à revers par Philippicus, magister militum per Orientem, et dut se retirer vers l'est pour poursuivre Philippicus. En 615, sur le conseil semble-t-il de Shahin qu'Héraclius avait rencontré à Chalcédoine, les Byzantins envoyèrent une ambassade au roi Chosroès II pour tenter d'ouvrir des négociations, mais la proposition fut rejetée avec mépris et les ambassadeurs jetés en prison, où ils moururent.

Dans le même temps, les Slaves, qui depuis la fin du règne de Phocas se répandaient partout dans les Balkans, remportaient de nouveaux succès : en 614 ou 615, la ville de Salone, capitale de la Dalmatie, tombait entre leurs mains[3] ; leurs tribus commençaient à s'installer jusque dans le Péloponnèse. Vers la même époque, les Avars s'emparaient de Naïssus (l'actuelle Niš) et de Serdica (l'actuelle Sofia), et étendaient leurs incursions jusqu'à la Thrace, non loin de Constantinople. Dans les mêmes années, Avars et Slaves alliés firent le siège de Thessalonique, qui, suivant une légende pieuse, fut sauvée par saint Démétrios. En Espagne, le roi des Wisigoths Sisebut profita des difficultés de l'Empire pour s'emparer en 615 de la ville de Malaga.

Le général perse Schahr-Barâz se lança à la conquête de l'Égypte. Après la prise de Péluse, Nikiou et Babylone d'Égypte, les envahisseurs mirent le siège autour d'Alexandrie, qui tomba en 619 après un long siège et au prix d'un bain de sang. Le préfet Nicétas et le patriarche melkite Jean l'Aumônier s'étaient enfuis sur un navire ; le second se réfugia sur son île natale de Chypre, le premier alla jusqu'à Constantinople, où il mourut semble-t-il peu après. La perte de l'Égypte était pour l'Empire une catastrophe d'autant plus grave que cette riche province fournissait une bonne part du ravitaillement de la capitale ; les livraisons gratuites de blé à la population (l'annone), qui existaient depuis la fondation de la ville par Constantin Ier, à l'imitation de Rome, durent être interrompues.

En Italie aussi, la situation était fort précaire : l'exarque de Ravenne Jean Lemigius fut assassiné en 615 ; il fut remplacé par l'eunuque Eleuthérius, qui fit exécuter les participants au complot contre son prédécesseur et parvint aussi à vaincre Jean de Conza, un rebelle installé à Naples. Mais ensuite, en 619, il se proclama empereur et se dirigea avec son armée vers Rome où il voulait être couronné par le pape. Il fut assassiné par ses soldats avant d'y être parvenu, et sa tête fut envoyée à Héraclius.

Dans une situation aussi critique, Héraclius aurait envisagé de transférer sa capitale à Carthage, mais il en aurait été dissuadé par le patriarche Serge Ier. D'autre part, à une date inconnue entre 614 et 623, il épousa en secondes noces sa nièce Martine, ce qui causa un grand scandale dans l'opinion publique et dans l'Église ; mais Serge Ier, après quelques protestations, accepta de célébrer le mariage et de couronner Martine. Le couple devait avoir onze enfants.

Après la perte de l'Égypte, Héraclius mit environ trois ans pour réagir : il lui fallait réorganiser et remobiliser ses troupes défaites et fortement démoralisées, et aussi rassembler des ressources car l'Empire avait perdu certaines de ses plus riches provinces. Dès 616, il avait dû diviser par deux les soldes militaires et les traitements des fonctionnaires, en compensant partiellement la perte, pour les soldats en tout cas, par des prestations en nature ; il est remarquable qu'au vu de la situation dramatique, il n'y eut aucun soulèvement. Les pièces de monnaie perdirent du poids, et une nouvelle pièce fut frappée à partir de 615, l'hexagramme en argent, portant l'inscription Deus adiuva Romanis (« Dieu, viens en aide aux Romains »). L'Église fut mise aussi à contribution, et Héraclius obtint entre autres du patriarche Serge Ier que le trésor de Sainte-Sophie lui soit livré. Enfin, il partit en campagne contre les Perses le 5 avril 622. À l'automne de cette année, il remporta une importante victoire sur le général perse Schahr-Barâz dans la province du Pont.

Le 5 juin 623 (mais certains historiens placent cet épisode en 617), une rencontre avait été prévue à Héraclée de Thrace entre Héraclius et le khan des Avars, accompagnée d'une grande réception et de jeux : l'empereur avait besoin d'un traité de paix avec les Avars pour pouvoir se consacrer à la guerre contre les Perses. Mais il tomba dans une embuscade tendue par le khan, et ne put qu'avec peine se réfugier à Constantinople, s'étant défait de ses habits impériaux et de sa couronne pour passer inaperçu. Des milliers de Byzantins furent faits prisonniers par les Avars à cette occasion. Mais fin 623 ou début 624 un accord fut quand même conclu, prévoyant le versement d'une très grosse somme d'argent (200 000 solidi) et la livraison d'otages issus de la famille impériale aux Avars. Moyennant cet accord, Héraclius se crut en mesure de retourner faire la guerre aux Perses.

La croisade d’Héraclius

Le 25 mars 624, Héraclius quitta Constantinople pour se mettre à la tête d'une grande armée qu'il comptait conduire jusqu'au cœur du territoire perse. Avant le départ, il fit procéder pendant trois jours à des rites de purification de l'armée et de prières, invitant chaque soldat à gagner pendant cette expédition une « couronne de martyr ». L'étendard déployé en tête de cette armée était une icône miraculeuse du Christ dite acheiropoiêtos (« non faite de main d'homme »), qui avait été trouvée au fond d'un puits dans un village de Cappadoce vers 570 et apportée en grande cérémonie à Constantinople. Héraclius se fit accompagner pendant cette campagne de son épouse Martine. Il laissait dans la capitale son fils Constantin, âgé de 12 ans et officiellement couronné depuis son plus jeune âge, et il y avait investi des pouvoirs impériaux, à titre de vicarius ou τοποτηρήτης (« remplaçant »), le patrice Bonus. Il ne devait plus remettre les pieds à Constantinople jusqu'à la défaite définitive des Perses, plus de quatre ans plus tard. Cette campagne d'Héraclius, se présentant comme le champion de l'Église chrétienne, contre les Perses mazdéens, pour la reconquête de la relique de la Vraie Croix, est considérée comme la première « croisade » ou « guerre sainte » de l'histoire. C'est ainsi qu'elle fut déjà présentée par le poète de cour contemporain Georges de Pisidie.

Héraclius se dirigea vers l'Arménie, serait entré sur le territoire perse dès le 20 avril, détruisit la ville arménienne (sous domination perse) de Dvin, puis descendit vers la ville de Ganzak (actuelle Takht-e Suleiman, en Iran actuel), où se trouvait Chosroès II avec une armée. Le roi des Perses s'enfuit devant lui en pratiquant la tactique de la terre brûlée. Renonçant à poursuivre l'armée perse du côté de la Mésopotamie, Héraclius remonta à travers l'Azerbaïdjan et arriva à la fin novembre dans la principauté d'Albanie pour y hiverner.

Au début de 625, Chosroès II envoya trois armées (commandées par les généraux Shahraplakan, Schahr-Barâz et Shahin) pour reconquérir les territoires perdus et prendre Héraclius au piège en investissant le Caucase depuis trois directions différentes. Les Byzantins descendirent vers le sud-ouest dans la région du lac de Van (où ils campaient à la fin février 625) et parvinrent à mettre les trois armées perses en échec dans des escarmouches non décisives, utilisant la ruse et tirant parti des rivalités entre les généraux ennemis. Ensuite Héraclius réussit à se replier jusqu'en Cilicie, esquivant les tentatives de Schahr-Barâz de lui couper la retraite, et il remonta vers la province du Pont pour y passer l'hiver 625-626.

Au début de 626, Chosroès II envoya Schahr-Barâz avec une armée pour attaquer Constantinople, et Shahin avec une autre, plus importante, contre l'armée d'Héraclius. Le frère de celui-ci, Théodore, remporta une victoire déterminante sur Shahin près de la ville de Satala (l'actuelle Sadak, dans l'arrière-pays de Trébizonde) en juillet 626. Une légende peu sûre rapporte que le roi Chosroès II, enragé, aurait condamné Shahin à être écorché vif ; mais certains affirment qu'il mourut de maladie et que son corps fut seulement profané par le roi furieux.

Pendant l'été 626, Constantinople se trouva dans une situation fort périlleuse. Schahr-Barâz arriva sur la rive asiatique du Bosphore au cours du printemps et fit le siège de Chalcédoine, que, selon une source (la chronique de Frédégaire), il aurait fini par prendre et brûler. Une armée d'Avars et de Slaves, sous le commandement du khan des Avars, assiégea la ville du 29 juin au 8 août. Sans qu'on ait d'informations précises, il est probable que les deux forces, de part et d'autre du Bosphore, s'étaient entendues d'une façon ou d'une autre ; en tout cas, elles communiquèrent à partir du mois de juillet (notamment en allumant des feux). Le 2 août, après deux jours d'assauts infructueux, le khan rencontra une délégation byzantine pour exiger une reddition sans conditions ; trois ambassadeurs perses étaient présents près de lui. Les 6 et 7 août, les Avars menèrent un grand assaut sur les murailles tandis que leurs alliés slaves attaquaient sur des canots appelés en grec monoxyla. Le 7 août, il y eut une bataille navale sur le Bosphore contre la cavalerie perse qui tentait de traverser. Le 8 août, les Avars commencèrent à lever le siège ; Théodore, frère d'Héraclius, qui venait de vaincre Shahin, arriva et engagea des négociations avec le khan. On ne sait si celui-ci reçut de l'argent pour se retirer. En tout cas l'échec de ce siège fut un très grand succès pour les Byzantins, d'autant qu'il fut suivi d'une révolte des Slaves contre la domination des Avars et de la formation par les Slaves de l'Ouest d'un royaume indépendant gouverné par le Franc Samo. Une bonne part du crédit moral de cette heureuse issue fut attribuée au patriarche Serge Ier, qui promena en procession l'icône de la Vierge des Blachernes sur les murailles, devant les Barbares, et dans les rues de la ville.

Ce moment de plus grande précarité qu'ait encore connu l'Empire d'Orient ne fut pas sans conséquences sur ses positions en Occident : entre 622 et 626, le roi des Wisigoths Swinthila mit définitivement fin à la présence byzantine en Espagne (prise et destruction de Carthagène, prises de Cadix et de Valence, puis expulsion des dernières troupes byzantines).

On ignore quelle fut la réaction de Schahr-Barâz au retrait des Avars, car les sources divergent : soit il resta en Bithynie et s'y livra au pillage jusqu'à l'hiver 626-627, soit il se retira. Quant à Héraclius, toujours dans le Pont, il était de toute façon en contact avec la capitale par voie de mer. À la fin de 626, il se déplaça avec son armée en Lazique, où il scella son alliance avec les Köktürks ou « Turcs bleus » dont il rencontra le khagan ou « yabghu » Tong[4] dans un camp militaire devant Tbilissi au début de 627. Il était en contact diplomatique avec ce peuple depuis son séjour en Albanie pendant l'hiver 624-625, et c'est encouragés par lui qu'ils avaient mené un raid très dévastateur en territoire perse pendant l'été 626. L'empereur et le khagan échangèrent les plus grandes marques de respect, et Héraclius promit sa fille Eudocia (de son premier mariage) à son nouvel allié (un projet qui n'aboutit pas, car le khagan mourut avant l'arrivée de sa fiancée en 629). Quoi qu'il en soit, la ville de Tbilissi, capitale du royaume d'Ibérie allié aux Perses, fut prise et dévastée par l'armée turco-byzantine.

Vers la même époque, le roi Chosroès II, déçu des échecs de Schahr-Barâz ou inquiet des richesses et de la puissance qu'il acquérait en territoire byzantin, décida de le faire assassiner par l'un de ses adjoints. Mais le message fut intercepté par des soldats byzantins en Galatie et apporté à Constantinople à l'empereur-fils Constantin, qui le fit parvenir à son père Héraclius. Celui-ci organisa une rencontre avec Schahr-Barâz et lui montra la lettre. Le général perse rompit alors avec Chosroès II et s'allia aux Byzantins. Ce fut un tournant dans la guerre : le roi des Perses était privé de son armée en Asie Mineure et de son meilleur général ; Héraclius, d'autre part, avait les mains libres pour attaquer en territoire perse.

Venant d'Ibérie, l'empereur s'élança avec son armée et ses alliés turcs vers le territoire perse à l'automne 627 ; il était inhabituel d'entreprendre une campagne militaire pendant l'hiver et le roi Chosroès II en fut surpris. Héraclius atteignit Ninive au début décembre et établit son camp près de la ville. C'est à proximité de cet endroit qu'eut lieu l'affrontement décisif avec une armée perse commandée par le général arménien Roch Vehan (appelé Rhazatês dans les sources grecques), le 12 décembre 627. Après avoir remporté la victoire, l'empereur poussa encore son avantage, à la grande surprise des Perses, et se dirigea vers le sud-est, vers le centre du pouvoir des Sassanides. Il passa Noël à Kirkouk. Poursuivant encore vers le sud, il s'empara au début janvier 628 du palais royal de Dastagard, à proximité de la rivière Diyala, résidence de Chosroès II ; ce dernier s'en était enfui neuf jours auparavant pour se réfugier dans la capitale Ctésiphon, située 120 km plus au sud. Les Byzantins trouvèrent dans le palais d'immenses richesses, dont une bonne part était le produit du pillage de l'Empire romain d'Orient, et que le roi n'avait pas eu le temps d'emporter dans sa fuite.

Les envahisseurs continuèrent leur route vers la capitale, mais ils furent arrêtés par le grand canal de Nahrawan, une dérivation du Tigre, dont les ponts avaient été coupés. Ils rebroussèrent alors chemin et se dirigèrent vers le nord, vers l'Azerbaïdjan iranien, jusqu'à Ganzak (Takht-e Suleiman), où ils arrivèrent en mars. Pendant ce temps, les événements se précipitaient à Ctésiphon : déjà âgé et atteint de dysenterie, Chosroès II voulut assurer la succession à son fils Merdân ou Merdasan, qu'il avait eu de son épouse préférée Chirin, une chrétienne jacobite, mais son fils aîné Shirôyé organisa une conspiration avec le général Gourdanaspa et les deux fils de Schahr-Barâz. Chosroès fut renversé et emprisonné le 23 février, exécuté le 29. Shirôyé devint roi sous le nom de Kavadh II. Il écrivit aussitôt à Héraclius pour demander la paix ; il s'engageait à libérer tous les prisonniers byzantins et à faire évacuer le territoire de l'Empire romain d'Orient. Ce roi mourut de maladie dès le mois de septembre suivant et fut remplacé par son fils Ardachîr III, un enfant de sept ans.

Héraclius rentra à Constantinople à une date inconnue entre avril 628, où il est encore à Ganzak, et mars 629, où il promulgue un édit depuis la capitale ; l'itinéraire et les circonstances de ce retour sont très incertains. Il fut reçu en grande pompe et avec de grandes marques de liesse par son fils Constantin, le patriarche Serge Ier, le sénat et toute la population de la ville (le patrice Bonus était mort en mai 627). L'édit de mars 629, qui porte sur la situation juridique des membres du clergé, a surtout fait date en officialisant le titre grec de βασιλεύς pour l'empereur d'Orient (au lieu du titre latin d'Augustus, éventuellement hellénisé en Αὔγουστος) ; en fait Héraclius et Constantin, auteurs officiels de l'édit, sont appelés πιστοὶ ἐν Χριστῷ βασιλεῖς, « empereurs fidèles en Christ », un titre qui restera. Ce fut une étape dans l'hellénisation progressive de l'Empire d'Orient, qui se présentait comme la continuation de l'Empire romain.

Cependant les engagements de Kavadh II concernant l'évacuation du territoire byzantin n'avaient pas été suivis d'effet : la Syrie, la Palestine et l'Égypte restaient occupées par des troupes perses obéissant à Schahr-Barâz, lequel séjournait alors en Syrie et n'avait reconnu ni Kavadh II, ni Ardachîr III. Héraclius écrivit à Schahr-Barâz pour lui proposer un pacte, et les deux hommes se rencontrèrent en juillet 629 à Arabissos en Cappadoce. Ils se mirent pleinement d'accord : les provinces byzantines étaient évacuées par les Perses ; inversement les Byzantins allaient quitter la partie du territoire perse qu'eux et leurs alliés occupaient (toute la moitié nord de la Mésopotamie) ; et Héraclius donnait son appui au désir de Schahr-Barâz de devenir roi des Perses. Schahr-Barâz rendit la relique de la Sainte Éponge à l'empereur ; apportée à Constantinople, elle y fut jointe à celle de la Vraie Croix qu'Héraclius avait apparemment reçue de Kavadh II pendant son séjour en Perse ; toutes deux firent l'objet d'une cérémonie d'exaltation le 14 septembre 629 (La fête de l'Exaltation de la Vraie Croix figure toujours en ce jour du calendrier dans les liturgies catholique et orthodoxe). La Sainte Lance fut apportée le 28 octobre par Nicétas, fils de Schahr-Barâz, qui devait devenir patrice et résider à Constantinople ; elle fit l'objet de quatre jours de vénération publique du 1er au 4 novembre (les deux premiers jours pour les hommes, les deux autres pour les femmes). À cette date, les Perses occupaient donc toujours la Palestine ; ils s'en retirèrent au cours de l'hiver 629-630.

Schahr-Barâz retourna en Perse accompagné d'un corps expéditionnaire byzantin commandé par l'eunuque Nersès. Il remonta d'abord vers le nord pour affronter les Köktürks, mais fut vaincu par eux dans la région d'Outik près du lac Sevan. Le 27 avril 630, de retour à Ctésiphon, il s'empare du trône et fait exécuter le jeune roi Ardachîr III. Mais dès le 9 juin, il est lui-même renversé et tué par une conspiration. Il est remplacé par la reine Bûrândûkht, fille de Chosroès II, qu'il avait épousée pour justifier son usurpation.

Héraclius, toujours accompagné de son épouse Martine, partit pour Jérusalem au début de l'année 630 pour y rapporter la relique de la Vraie Croix. Il y fut accueilli le 21 mars par Modeste de Jérusalem, locum tenens du patriarcat depuis l'exil du patriarche Zacharie. Il entra dans la ville à pied, sans aucun insigne impérial, en portant lui-même la relique tout au long de la Via Dolorosa. Il fut le seul empereur qui se soit rendu à Jérusalem[5]. Le retour du pouvoir byzantin en Palestine s'accompagna, malgré des assurances données par Héraclius, d'un grand massacre des Juifs, accusés d'avoir collaboré avec les Perses ; la résidence à Jérusalem et dans ses environs leur fut interdite ; d'une façon générale, cette époque connut une grande flambée d'antijudaïsme, et Héraclius lui-même prit plusieurs mesures tendant au baptême forcé de tous les Juifs (situation illustrée par le texte contemporain Doctrina Jacobi nuper baptizati). L'empereur séjourna ensuite un long moment en Syrie ; pendant l'été 630, il rencontra notamment à Alep le catholicos nestorien Ichoyahb II envoyé comme émissaire par la reine Bûrândûkht. Il ne regagna pas Constantinople avant l'été 631. À son retour, il y célébra un triomphe où figuraient entre autres quatre éléphants et fit de grandes largesses au peuple. Ce fut l'apogée de son règne.

C'est à cette époque qu'un nouveau peuple de langue turque apparut dans l'histoire : les Bulgares, qui devaient avoir une importance majeure pour les Byzantins dans les siècles suivants. Leur khan Koubrat, qui avait séjourné à Constantinople, connaissait Héraclius ; il était chrétien depuis 619 et portait le titre byzantin de patrice. De retour au sein de son peuple, vers 630, il vainquit les Avars, s'affranchit de leur joug, et forma un État au nord de la Mer Noire qui est appelé dans les chroniques byzantines la Vieille Grande Bulgarie. Héraclius conclut avec cet État un traité d'alliance contre les Avars en 635.

La conquête arabe

Mais une autre menace pointait déjà : le premier affrontement rapporté par la tradition entre Byzantins et Arabes musulmans eut lieu à l'automne 629 près de Mou'ta, dans l'actuelle Jordanie. À l'automne 633, le calife Abou Bakr envoya quatre armées attaquer le sud de la Palestine. La rencontre avec les troupes byzantines eut lieu près de Gaza début 634 ; les Byzantins furent battus et Sergius, commandant de l'armée pour la Palestine, fut tué. Héraclius, qui était alors revenu en Orient et se trouvait à Édesse, rassembla une armée sous le commandement de son frère Théodore et l'envoya à la rencontre des armées arabes. D'autres troupes arabes qui se trouvaient déjà en Mésopotamie perse depuis 633 rejoignirent la Palestine, et à leur arrivée la ville de Bostra se rendit aux Arabes musulmans. Le 30 juillet 634, les armées byzantine et arabe s'affrontèrent à Adjnadaïn, à mi-chemin entre Gaza et Jérusalem ; le prince Théodore fut lourdement défait. Dans son prêche de Noël 634, le patriarche Sophrone de Jérusalem déplore l'impossibilité cette année-là de se rendre en pèlerinage de Jérusalem à Bethléem du fait de la présence dans le pays d'« Arabes sans Dieu ». Au cours de l'année 635, les villes de Damas et d'Emèse se rendirent aux musulmans.

Pendant ce temps, Héraclius regroupait les forces dont il pouvait disposer sous le commandement de deux nouveaux généraux, Théodore Trithyrius (qualifié de sakellarios, c'est-à-dire « trésorier ») et Baanès (c'est-à-dire Vahan, nom arménien). Au début 636, dans un premier temps, les Byzantins parvinrent à reprendre le contrôle de Damas et d'Emèse, mais ce fut un succès sans lendemain : l'armée de Théodore Trithyrius fut d'abord défaite près d'Emèse, puis les Arabes se tournèrent vers celle de Baanès. La rencontre eut lieu au sud de Damas, près du fleuve Yarmouk : le 20 août 636, les Byzantins y furent taillés en pièces par les Arabes, dans des conditions telles que la Palestine et la Syrie étaient clairement perdues. Héraclius prit alors des mesures pour assurer la défense de l'Égypte, et quitta l'Orient pour Constantinople après avoir ordonné que la relique de la Vraie Croix soit à nouveau transférée dans la capitale. Une armée arabe lancée à sa poursuite ayant atteint Mélitène et y ayant été reçue par les habitants, l'empereur ordonna que la ville soit entièrement détruite.

Au cours de l'année 637, les Arabes s'emparèrent d'Antioche et d'Alep, dans le nord de la Syrie. Dans le même temps, le roi des Perses, Yazdgard III, dont les armées avaient été également mises en déroute, devait abandonner sa capitale, Ctésiphon, pour s'enfuir vers le nord. Le calife Omar se déplaça en personne pour recevoir la reddition de Jérusalem des mains du patriarche Sophrone.

À son retour dans la capitale, Héraclius s'installa dans le palais d'Hiéreia, sur la rive asiatique du Bosphore, refusant de traverser le détroit par peur panique d'embarquer sur un navire ; il semble en effet, à la fin de sa vie, avoir manifesté des troubles de comportement[6]. Un complot fut ourdi contre lui qui impliquait son fils bâtard Atalarichos et son neveu Théodore, le fils de son frère du même nom qui avait été auparavant déchu de ses titres et emprisonné, apparemment à cause de son hostilité envers l'impératrice Martine. Le complot fut déjoué, les deux princes eurent le nez et les mains coupées, Atalarichos fut emprisonné sur l'île de Prinkipo et Théodore envoyé à Malte, où on lui coupa encore une jambe. Enfin, au début 638, la constitution d'un pont de navires sur le Bosphore permit à l'empereur de rentrer dans sa capitale.

La progression des Arabes continua inexorablement : au cours de l'année 639, ils s'emparèrent de la Mésopotamie byzantine (reddition de la ville d'Édesse, prise de la forteresse de Dara). En décembre 639, le général musulman Amr ibn al-As pénétra en Égypte à la tête d'une armée. Le commandant militaire de la province, Jean de Barka, fut tué en un premier accrochage à l'arrivée des Arabes près du Nil. Son remplaçant, nommé Théodore, et le patriarche Cyrus d'Alexandrie, s'installèrent dans la forteresse de Babylone. Entretemps, Amr ibn al-As reçut de considérables renforts, et pendant l'été 640 il mit en déroute l'armée byzantine à la bataille d'Héliopolis, au nord de Babylone, après quoi il entama le siège de la forteresse. Héraclius réagit en envoyant de Constantinople une autre armée commandée par un certain Marianus, mais elle fut complètement défaite en deux batailles. Le patriarche Cyrus négocia avec Amr une trève et le paiement d'un tribut, et se rendit à Constantinople pour soumettre l'accord à l'empereur. Héraclius, furieux, le rejeta et destitua Cyrus. Les choses en étaient là quand il mourut début 641.

Héraclius est resté une grande figure dans la tradition arabe islamique des siècles suivants. Une sourate du Coran affirme déjà l'appui des musulmans aux Byzantins (les « Romains ») dans la guerre entre Héraclius et Chosroès II, et la joie que devait leur inspirer la victoire « romaine ». Par la suite, Héraclius fut présenté par nombre d'auteurs musulmans comme un souverain très sage et d'une grande piété. Selon certains d'entre eux[7], il aurait reconnu Mahomet comme le vrai prophète et messager de Dieu, mais ce furent les dignitaires de son entourage qui empêchèrent la conversion de l'Empire.

L'action religieuse et culturelle

L'empereur Héraclius se consacra beaucoup aux questions religieuses : comme nombre de ses contemporains, c'était un esprit d'une piété ardente, et d'autre part la religion tenait une place très importante dans la politique de cette époque. Empereur "croisé", il acheva de donner au régime byzantin un caractère théocratique très marqué. Au début de son règne, il consulta le saint homme Théodore de Sykéon, et après la mort de celui-ci en 613, fit apporter solennellement sa dépouille à Constantinople et s'agenouilla publiquement devant elle. Il fut un grand adorateur de reliques, et les chroniqueurs signalent que, pendant ses campagnes militaires en Orient, il visita de nombreux sanctuaires et se fit remettre des reliques de saints, notamment pour repourvoir les lieux de culte de l'Empire qui avaient été dévastés par les Perses infidèles. Il entoura d'une grande vénération les reliques liées à la vie du Christ, notamment celle de la Vraie Croix qui se trouvait à la fin de son règne à Constantinople. Il organisa à plusieurs reprises des cérémonies de vénération publique de ces reliques. Son règne fut aussi une période de grand développement en Orient du culte des icônes : il donna l'exemple avec l'icône acheiropoiêtos qui lui servit d'étendard.

Cette dévotion très marquée ne l'empêcha d'ailleurs pas de montrer aussi un grand intérêt pour l'astrologie, pourtant très suspecte aux yeux de l'Église : son époque fut d'ailleurs un âge d'or pour cette discipline ; il fit venir à Constantinople le philosophe-astrologue (également alchimiste et médecin) Étienne d'Alexandrie et le nomma « professeur universel » (oikoumenikos didaskalos) dans un établissement d'enseignement subventionné appelé le Pandidactêrion. Un traité d'astronomie d'Étienne intitulé Explication du Commentaire de Théon sur les Tables faciles de Ptolémée, et réalisé dans la capitale en 619 comme l'indiquent les coordonnées célestes mentionnées, figure dans la majorité des manuscrits avec le nom d'Héraclius comme nom d'auteur : l'empereur n'avait probablement pas la compétence pour écrire un traité de ce genre, mais cette attribution répétée doit signifier qu'il a collaboré à sa réalisation[8]. Héraclius, selon certaines sources, aurait pratiqué lui-même la divination par les astres[9] ; il faut souligner d'ailleurs que lui et sa cour ne faisaient que ressembler sur ce point au roi Chosroès II et à la sienne[10]. Quant à l'enseignement public d'Étienne d'Alexandrie, Théodore de Tarse (602-690), qui, dans sa jeunesse, fit ses études à Constantinople, était, selon son élève anglo-saxon Aldhelm, expert dans l'art de l'astrologie (il possédait l'astrologiae artis peritia) et savait dresser un horoscope complexe (perplexa oroscopi computatio)[11].

L'une des actions les plus importantes menées par Héraclius dans le domaine religieux fut sa tentative, poursuivie pendant la plus grande partie de son règne, de réunifier les chrétiens divisés par leurs querelles dogmatiques. Il eut une discussion doctrinale avec le catholicos nestorien Ichoyahb II à l'occasion de leur rencontre diplomatique à Alep à l'été 630. Mais la question principale qui l'occupa fut la réconciliation des deux tendances religieuses dominantes dans l'Empire romain d'Orient : l'Église officielle constituée des partisans du symbole de Chalcédoine et les monophysites. Il collabora dans cette entreprise avec le patriarche de Constantinople Serge Ier. Celui-ci menant le débat théologique depuis la capitale, notamment par échange de courriers avec d'autres dignitaires ecclésiastiques, Héraclius mit à profit ses nombreux déplacements à travers l'Orient pour faire des rencontres et organiser des réunions, jouant ainsi dans la vie de l'Église un rôle personnel très important.

À partir de 617 environ, Serge Ier, en liaison avec l'évêque égyptien Théodore de Pharan, proposa une formule théologique de conciliation appelée monoénergisme : le Christ avait bien deux « natures » distinctes, mais on pouvait se mettre d'accord sur le fait qu'il n'y avait en lui qu'une seule « activité » ou « opération » (energeia). C'est Héraclius qui rencontra en Lazique, en 626, celui qui devait devenir le principal champion de cette doctrine : l'évêque Cyrus de Phase, qui se montra d'abord réticent mais, mis en contact avec Serge Ier, se laissa convaincre. Après la rétrocession de l'Égypte aux Byzantins par les Perses, en 631, Cyrus fut nommé patriarche melkite d'Alexandrie, et Héraclius y ajouta la fonction de préfet d'Égypte, lui conférant ainsi les pleins pouvoirs pour obtenir le ralliement de la majorité monophysite de la population égyptienne à l'Église officielle byzantine. En fait, malgré un acte d'union qu'il parvint à conclure en juin 633, sa politique faite principalement de répression contre les monophysites récalcitrants n'aboutit à rien. D'autre part, au printemps 631, Héraclius négocia lui-même pendant douze jours, à Hiérapolis (l'actuelle Manbij), le ralliement de l'Église syrienne jacobite, représentée par son patriarche, Athanase « le Chamelier », et par douze autres évêques. Le patriarche aurait finalement accepté une formule d'union, mais de façon ambiguë et sans vouloir rien signer ; il mourut de toute façon en juillet de la même année, et le conflit fut rallumé par le transfert de la cathédrale d'Édesse, au moment du retrait des Perses, à un évêque de l'Église officielle. Enfin, peu après, Héraclius présida lui-même à un concile de réconciliation avec l'Église arménienne, dirigée par le catholicos Ezr ; ce concile se tint à Théodosiopolis (l'actuelle Erzurum), et semble avoir abouti en partie par des pressions politiques et la corruption ; quoi qu'il en soit, les Arméniens annulèrent l'union à leur concile de Dvin en 649.

Mais la doctrine du monoénergisme commença à susciter des oppositions au sein de l'Église officielle, notamment de la part du respecté moine palestinien Sophrone, qui fut élu fin 633 ou début 634 patriarche de Jérusalem sans que le gouvernement impérial ait pu l'en empêcher. De passage à Constantinople pendant l'été 633, il avait fait serment de ne pas attaquer directement la politique de réunification des Églises menée par les patriarches Serge Ier et Cyrus, en échange de la promulgation par Serge d'un Psêphos (« jugement »), qui disposait que, maintenant l'union réalisée, on ne parlerait plus ni d'une, ni de deux « opération(s) » en Jésus-Christ. Serge s'entendit par échange de courriers avec le pape Honorius Ier sur l'idée qu'on pouvait en revanche parler d'une seule « volonté » (thelêsis) : ce fut le principe d'une nouvelle doctrine, le monothélisme, qui fut officialisé par un manifeste appelé l'Ecthèse qui fut placardé dans le narthex de la basilique Sainte-Sophie en septembre ou en octobre 638. Le monothélisme fut désormais, par la volonté d'Héraclius et de Serge, la théologie officielle de l'Empire. Mais la papauté, dès l'élection de Séverin, successeur d'Honorius Ier, en octobre 638, dénonça fermement cette doctrine, et ce fut l'origine d'un nouveau schisme.

Bilan du règne

Le règne d'Héraclius constitua un tournant dans l'histoire de l'Empire romain d'Orient. Il perdit alors, momentanément aux mains des Perses, puis définitivement aux mains des Arabes, plusieurs de ses riches, populeuses et symboliques provinces orientales (Syrie, Palestine, Égypte). Il perdit aussi complètement les territoires récupérés par Justinien en Espagne. Il vit également lui échapper la presque totalité de la péninsule des Balkans, envahie par les Avars et aussi, jusque dans le Péloponnèse, par des tribus slaves qui y formaient des communautés autonomes appelées « sclavinies »[12] ; pendant plusieurs décennies, on ne put plus aller de Constantinople à Thessalonique que par la mer. C'est sous ce règne que ce qui s'appelait toujours officiellement l'Empire romain cessa d'être réellement un État multi-ethnique entourant la Méditerranée pour devenir un État presque purement grec centré sur l'Asie Mineure. Mais cette évolution mit encore plusieurs décennies pour s'imposer à l'esprit des contemporains.

Pendant le règne d'Héraclius, presque toutes les provinces de l'Empire, sauf l'Afrique et la Sicile, connurent les affres de la guerre. De très nombreuses villes furent assiégées ou dévastées par des envahisseurs, parfois changeant de mains deux ou trois fois, et massacres et déportations de populations entières sont signalés à plusieurs reprises. L'insécurité fut permanente à peu près partout, entraînant le délitement de l'économie. Cette situation chaotique se poursuivit bien après la mort d'Héraclius, dont le règne constitue le seuil de ce qu'on appelle l'« âge sombre » (dark ages) de l'Empire d'Orient. L'économie s'effondra, les ressources de l'État fondirent, l'administration fut désorganisée[13]. On a attribué à Héraclius plusieurs réformes dans l'organisation de l'État et de l'armée qui n'intervinrent en fait que sous les règnes suivants, mais c'est sous le sien que l'ordre ancien subit un coup fatal du fait de cette situation de guerre généralisée. À cela s'ajoutèrent des calamités naturelles (tremblement de terre qui détruisit la grande ville d'Éphèse en 614 ; présence lancinante pendant tout ce siècle de la peste bubonique, entre autres à Constantinople en 618 et en 640), que l'extrême affaiblissement de l'État et de l'économie ne permettait plus de surmonter comme dans les ères de prospérité. Sous Héraclius, la population des villes commença à se réduire fortement : plusieurs métropoles, en Asie Mineure ou dans les Balkans, furent ravalées en quelques décennies au rang de simples bourgades ou de forteresses ; la chute de la population de Constantinople fut sûrement accélérée par l'interruption de l'annone en 619 ; l'aqueduc qui alimentait la capitale en eau, très endommagé pendant le siège de la ville par les Avars en 626, ne fut pas réparé avant 766. Cependant, il faut également souligner que, face aux Perses ou face aux Arabes, l'État et l'armée de l'Empire romain d'Orient ne s'effondrèrent jamais tout à fait : sa destinée contraste avec celle du royaume des Perses sassanides, qui disparut devant l'invasion musulmane[14].

La culture ancienne héritée de l'Antiquité classique et païenne acheva de disparaître : déjà le christianisme était devenu très intolérant depuis le règne de Justinien ; la longue période d'épreuves qui commença sous le règne d'Héraclius vit sombrer complètement la littérature et la philosophie classiques et la culture se recentrer presque exclusivement sur la religion chrétienne. L'Empire romain d'Orient se vécut de plus en plus comme le « nouvel Israël » en butte de tous côtés aux barbares païens ou infidèles. C'est sous Héraclius que vécurent les derniers écrivains représentants de genres profanes de l'Antiquité tardive (l'historien et épistolographe Théophylacte Simocatta, le poète Georges de Pisidie), et aussi le dernier professeur de philosophie connu (Étienne d'Alexandrie). Ensuite la culture humaniste à Byzance subit une éclipse de deux siècles. À côté de l'historiographie savante, ce règne a transmis aussi deux exemples de chroniques universelles sans prétention littéraire : celle de Jean d'Antioche, et le texte appelé Chronicon Paschale, rédigé par un clerc de Sainte-Sophie dans les années 630 ; mais même ce genre populaire n'est plus représenté ensuite (en tout cas pour ce qui est conservé) avant le IXe siècle. Dans le domaine de la peinture religieuse, l'image naturaliste et illusionniste en trois dimensions issue de la tradition antique céda de plus en plus la place aux figures frontales, sans mouvement, sans décors naturalistes, représentées en deux dimensions, des icônes médiévales : ainsi, dans la basilique Saint-Démétrios de Thessalonique, un incendie survenu dans les années 620 ayant détruit les précédentes mosaïques à scènes illusionnistes (dont des fragments sont encore visibles), elles furent remplacées par des figures frontales sur fond abstrait.

Portrait de l'empereur

Selon la chronique de Frédégaire, Héraclius était « bel homme, de taille élevée, d'un courage remarquable, et soldat dans l'âme » ; elle ajoute qu'« étant cultivé, il pratiquait l'astrologie ». Léon le Grammairien, compilateur d'une chronique byzantine du Xe siècle, écrit qu'il était « robuste, large de poitrine, avec de beaux yeux bleus, des cheveux blonds, le teint clair et une barbe épaisse ». Selon une tradition recueillie par Raban Maur, un moine allemand du IXe siècle, il était « un soldat d'une grande énergie, un homme très éloquent, beau physiquement, adonné à toutes les activités profanes, et néanmoins dévoué tout entier à la foi catholique, soumis à l'Église, bienveillant et zélé envers elle ». Dans sa vieillesse il fut atteint d'hydropisie, de quoi il mourut, et devint obèse. D'autre part, il semble dans ses dernières années avoir manifesté des signes de désordres nerveux, voire d'une altération de ses facultés mentales. L'historien américain Warren Treadgold le décrit comme « une imposante mais tragique figure, qui [a] survécu à sa réputation et à ses succès ».

Succession

Héraclius eut un fils illégitime appelé Jean Athalarichos. Christian Settipani se basait sur son nom pour le considérer comme le fils d'une fille inconnue de Germanus Postumus et de sa femme Charito, parce que la mère de celui-ci était la sœur d'Athalaric, le roi des Ostrogoths. En 635 ou 637 il conspira contre son père pour usurper le trône avec son cousin le magister Théodore et d'autres et ils furent mutilés et exilés.

Héraclius avait fait couronner dès 613, alors qu'il n'avait pas un an, son fils aîné Héraclius Constantin, né le 3 mai 612 dans le palais de Sophianae, dans la banlieue de Constantinople, et pendant tout le reste du règne ce dernier fut officiellement coempereur, appelé évidemment à la succession. Cependant Constantin fut toujours, semble-t-il, de santé très précaire, et il resta toujours à Constantinople, sans participer jamais à aucune campagne militaire. Il épousa en 629 ou début 630 sa cousine Grégoria Anastasia, fille de Nicétas qui fut préfet d'Égypte, et de sa femme Grégoria ; le couple eut deux fils, dont l'aîné, le futur Constant II, naquit dès le 7 novembre 630. De son premier mariage Héraclius eu aussi une fille, Eudocia (ou Epiphania), née le 7 ou 11 juillet 611 dans le palais d'Hiéreia, sur la rive asiatique du Bosphore, fiancée en ca. 625 ou ca. 631 avec un prince turc, mort en combat en 631, et mariée avec Harbis Ier, roi des Khazars de 630 à 640.

Avec sa seconde épouse Martine, qui était aussi sa nièce maternelle, Héraclius eut onze enfants, dont quatre moururent en bas âge et deux étaient handicapés. Ce mariage incestueux passa aux yeux de beaucoup pour maudit. En 617 il fait le premier de ses fils, Constantin, né en 615, césar, mais il mourut ca. 631. Son deuxième fils, Flavius ou Fabius, né ca. 616 et qui avait un cou paralytique, mourut ca. de la même année, ainsi que deux filles, nées ca. 618 et ca. 620. Son fils Théodosius, né en Perse en 622, était sourd-muet. Il mourut aussi ca. de la même année que ses frères et sœurs ou, en alternative, avant 641, et se maria avec sa cousine Nike, née ca. 615 et décédée après 630, fille de Nicétas et de sa femme Grégoria, sans postérité. Le 7 juillet 638, en présence de son fils aîné, Héraclius fit couronner un des fils de Martine, Héraclonas, né en 626, et le fit donc cohéritier. Cette démarche incompréhensible, qui faisait peser une menace d'affrontement après sa mort, fut attribuée à l'influence qu'avait acquise l'ambitieuse Martine sur l'esprit troublé du vieil empereur malade. Son fils David, né en Asie Mineure le 7 novembre 630, fut renommé Tiberius et fait césar en 637 et auguste en 641, et son autre fils Marinus, né ca. 632, fut aussi fait césar. Les deux furent assassinés en 641 dans le même exil de sa mère et de son frère aîné. Ses deux filles Augustina, née ca. 634 et Martina, née ca. 636, furent également faites augustes en 638 et moururent après cette date.

Bibliographie

Textes de référence

  • Bury, John B., A History of the Later Roman Empire from Arcadius to Irene, Adamant Media Corp. (2005)
  • Butler, Alfred, The Arab Conquest of Egypte, Oxford University Press (1978)
  • Christensen, Arthur, L'Iran sous les Sassanides, O. Zeller (1971)
  • Curta, Florin, The Making of the Slavs, Cambridge University Press (2001)
  • Flusin Bernard, Saint Anastase le Perse et l'histoire de la Palestine au début du VIIe siècle, Éditions du CNRS (1992)
  • Frolow, A., La relique de la Vraie Croix, Archives de l'Orient Chrétien, 7, Institut français d'études byzantines (1961)
  • Gibbon, Edward, The History of the Decline and Fall of the Roman Empire, Wordsworth Ed. (1998)
  • Haldon, John F., Byzantium in the Seventh Century: the Transformation of a Culture, Cambridge University Press (1990)
  • Jones, A. H. M., The Later Roman Empire, Blackwell (1964)
  • Kaegi Jr., Walter E., Heraclius Emperor of Byzantium, Cambridge University Press (2003)
  • Magdalino, Paul, L'Orthodoxie des astrologues: la science entre le dogme et la divination à Byzance (VIIe-XIVe siècle), Lethielleux (2006)
  • Ostrogorsky, Georges, Histoire de l'État byzantin (traduction française de l'allemand) Payot (1996)
  • Settipani, Christian, Continuité des élites à Byzance durant les siècles obscurs. Les Princes caucasiens et l'Empire du VIe au IXe siècle, 2006 [détail des éditions].
  • Stratos, A. N., Byzantium in the Seventh Century (traduction anglaise du grec), vol. I: 602-634 (Amsterdam, 1968); vol. II: *634-641 (Amsterdam, 1972)
  • Treadgold, Warren, A History of the Byzantine State and Society, University of Stanford Press (1997)

Sources médiévales

  • Chronicon Paschale, Patrologie Grecque, vol. 92 (texte grec, traduction latine; traduction anglaise par Mary et Michael Whitby, Liverpool University Press, 1989)
  • Chronicon miscellaneum ad annum Domini 724 pertinens (texte syriaque, E. W. Brook, Chronica minora II, CSCO 3/3 ; traduction latine J.-B. Chabot, CSCO 4/4)
  • Chronique de Séert ou Histoire Nestorienne (texte arabe, éd. A. Scher, R. Griveau, PO 4, 1908)
  • Doctrina Jacobi nuper baptizati, in G. Dagron et V. Déroche, ""Juifs et chrétiens dans l'Orient du VIIe siècle", Travaux et Mémoires 11 (1991) 17-248 - texte grec et traduction française
  • Pseudo-Frédégaire, Chronique des temps mérovingiens (traduction française par Olivier Devillers et Jean Meyers, Brepols, 2001)
  • Georges de Pisidie, Opera omnia quae exstant, Patrologie Grecque, vol. 92 (texte grec, traduction latine; texte grec, traduction italienne par Agostino Pertusi, Buch-Kunstverlag-Ettal, 1959)
  • Georges le Moine, Vie de Théodore de Sykéon (éd. A. J. Festugière, Subsidia Hagiographica, 48, Société des Bollandistes, 1970)
  • Jean, évêque de Nikiou, Chronique (traduction anglaise du texte éthiopien par Robert M. Charles, Arx Publishing, 2007)
  • Liber Pontificalis (éd. Louis Duchesne, repr. Paris 1957; traduction anglaise par Raymond Davis, Liverpool University Press, 1989)
  • Maxime le Confesseur, Opera, Patrologie Grecque, vol. 90-91
  • Michel le Syrien, patriarche jacobite d'Antioche, Chronique (texte syriaque et traduction française par J.-B. Chabot, E. Leroux, 1899-1910)
  • Miracles de saint Démétrius (éd. Pierre Lemerle, texte grec et commentaire, Éditions du CNRS, 1979-1981)
  • Nicéphore, patriarche de Constantinople, Breviarium (texte grec, traduction et commentaire en anglais par Cyril Mango, Dumbarton Oaks Texts, 1990)
  • Sebeos, Histoire Arménienne (traduction française: Histoire d'Héraclius, par F. Macler, 1904)
  • Sophrone, patriarche de Jérusalem, Sermones, Patrologie Grecque, vol. 87.3
  • al-Tabari, Histoire, V (traduction anglaise par C. E. Bosworth, State University of New-York Press, 1999)
  • Théophane le Confesseur, Chronographia (texte grec et traduction anglaise par Harry Turtledove, University of Pennsylvania Press, 1982)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Notices d’autorité : Fichier d’autorité international virtuel International Standard Name Identifier Bibliothèque nationale de France Système universitaire de documentation Bibliothèque du Congrès Gemeinsame Normdatei WorldCat
  • Nicéphore, Patriarche de Constantinople, Histoire de l'Empereur Héraclius.

Références

  1. A History of the Byzantine State and Society: Warren Treadgold. 1997, p. 287.'Le nouvel empereur avait passé la majeure partie de sa vie adulte passé en Afrique, bien que sa famille étaient Arméniens de la Cappadoce.'
  2. Pendant les funérailles, raconte le patriarche Nicéphore, une jeune servante qui avait craché par mégarde sur le corps depuis une hauteur fut brûlée vive
  3. Les habitants romains de Salone se réfugièrent à l'abri des murs de l'ancien palais de Dioclétien et y fondèrent la ville de Split. Dans les mêmes années, Raguse est fondée non loin de là sur un rocher côtier.
  4. Ce personnage, dont Tong est le nom dans les textes chinois, est appelé Ziebêl, khagan des Khazars, dans la chronique de Théophane. Les dénominations des populations turco-mongoles du centre de l'Eurasie sont souvent flottantes : le mot « khazar » semble d'ailleurs avoir signifié simplement « nomade ». Les historiens parlent d'un État « khazar » après la dislocation du khanat dit des Köktürks vers 650.
  5. Nous avons une interprétation chrétienne contemporaine de ces événements dans La Conquête de Jérusalem, d'Antiochus Stratégius, moine de Mar Saba et compagnon d'exil du patriarche Zacharie (un texte conservé dans des versions latine et géorgienne).
  6. D'autre part, il croyait beaucoup en l'astrologie, et selon la Vie de Basile le Macédonien, Étienne d'Alexandrie, examinant son horoscope de naissance, lui aurait prédit qu'il périrait par l'eau.
  7. Authentique d'AlBoukhari, Hadith no 6 ou no 7, suivant la version
  8. Trois manuscrits de la Bibliothèque nationale font aussi d'Héraclius l'auteur d'un Brontologion, traité de divination par les coups de tonnerre. Dans certaines sources arabes, Héraclius passe pour avoir été également un alchimiste (voir Ullmann, M., Die Natur und Geheimwissenschaften in Islam, Leyde, 1972, p. 189-190).
  9. La Chronique de Frédégaire affirme qu'il aurait prédit la dévastation de l'Empire par un peuple de circoncis, et que pour cette raison, se trompant sur l'identité des circoncis, il aurait ordonné la conversion forcée de tous les Juifs, invitant le roi Dagobert à en faire autant.
  10. Selon Théophylacte Simocatta (Historia, V, 15), Chosroès, renseigné par ses astrologues, aurait prédit au général byzantin Jean Mystacon, du temps de Maurice, que les Perses prévaudraient sur les Romains pendant une période de 21 ans, puis que les Romains soumettraient les Perses pendant 7 ans, et ensuite que « le jour sans crépuscule se lèverait, mettant fin au monde des choses corruptibles ». Théophane, quant à lui, rapporte que Chosroès ne mit pas les pieds dans sa capitale Ctésiphon pendant 24 ans, habitant surtout le palais de Dastagard, parce que ses astrologues lui avaient prédit que s'il y rentrait, il mourrait peu après.
  11. Aldhelm, Opera, éd. R. Ehwald, Berlin, 1919, p. 476
  12. Au Xe siècle, l'empereur Constantin VII Porphyrogénète, dans son De administrando imperio, rapporte qu'Héraclius organisa par des traités l'installation des Serbes et des Croates dans les Balkans, s'alliant avec eux contre les Avars et leur envoyant des missionnaires chrétiens. Ils auraient d'abord été établis dans la région de Thessalonique, puis sur les territoires qu'ils occupent actuellement. L'origine et la valeur de ces informations sont incertaines. En tout cas, il y eut une révolte des Slaves contre les Avars après l'échec du siège de Constantinople en 626, et Héraclius tira aussi parti de la révolte des Bulgares.
  13. La Vie de saint Jean l'Aumônier, par Léontios de Néapolis, illustre la situation de détresse économique qui régnait dans une bonne partie de l'Empire dans les années 610, avec de nombreux réfugiés fuyant les zones de guerre.
  14. Il semble que sous Héraclius, on croyait beaucoup en la fin prochaine du monde. Ainsi, la prédiction qu'on lit chez Théophylacte Simocatta et qui est citée dans une note précédente a probablement été inventée après la victoire d'Héraclius en 628, mais avant l'écoulement du délai de sept ans attribué à la domination « romaine », soit sans doute vers 630. De même l'obsession du comput astronomique pour établir la chronologie de l'histoire du monde, dont témoigne entre autres le Chronicon Paschale, serait une manifestation de cet état d'esprit. Sur ces questions, voir P. Magdalino, op. cit..
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