Afrique romaine
Africa romanum (la)
146 av. J.-C. – 486 ap. J.-C.
L'Empire romain
Statut |
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Langue | langues berbères, latin |
Religion |
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Monnaie | monnaie romaine |
Entités précédentes :
- Carthage
- Numidie
- Maurétanie
Entités suivantes :
- Principautés berbères
- Royaume vandale
L'Afrique romaine fait souvent l'objet d'une étude d'ensemble par les historiens et les archéologues, malgré de très fortes disparités régionales et de grandes ruptures chronologiques dans les huit siècles de son histoire[1]. Les deux grandes problématiques historiques concernant ces provinces sont actuellement la question de leur romanisation et celle de leur christianisation. L'« Afrique romaine » désigne ainsi soit les terres d'Afrique dominées par Rome, soit la part romanisée de l'Afrique.
L'Afrique romaine s'étend d'est en ouest, de la Petite Syrte aux côtes atlantiques de l'actuel Maroc. Les provinces de Cyrénaïque et d'Égypte ne sont pas incluses dans l'ensemble régional, car ces deux provinces reçoivent un traitement à part dans les sources antiques. Géographiquement, des déserts les séparent du reste de l'Afrique du nord, tandis que Tripolitaine et Leptis Magna sont dans la continuité territoriale de l’Afrique du Nord. Culturellement, elles sont dans l'aire hellénistique, clairement distinguée de la zone punique puis romaine. Enfin, administrativement, l'Égypte a toujours été un cas à part dans l'Empire romain, et la Cyrénaïque a été plusieurs fois rattachée à la Crète, terre habitée la plus proche[2].
Rome compte en Afrique jusqu'à huit provinces différentes (d'est en ouest) : la Tripolitaine, la Byzacène, l'Afrique Proconsulaire, la Numidie Cirtéenne, la Numidie militaire, la Maurétanie Césarienne, la Maurétanie Sitifienne et la Maurétanie Tingitane.
De la conquête au IVe siècle
Rome au IIIe siècle av. J.-C.
L'armée romaine, dont les victoires permettent d'unifier la péninsule, est une armée de petits propriétaires terriens[3]. Mais, les campagnes militaires notamment celle des guerres puniques ont considérablement modifié le paysage social de Rome. Les citoyens mobilisés effectuaient plusieurs campagnes les unes après les autres sans rentrer chez eux. Au terme donc d'un service militaire long où il a appris à acquérir des richesses très rapidement grâce au butin, le citoyen-soldat retrouve sa terre souvent en friche, même si on sait que les femmes n'avaient pas peur de manier l'araire; il peut même se retrouver endetté à cause de mauvaises récoltes. De grands propriétaires possédant des terres voisines ont donc proposé de racheter leur terre contre une somme d'argent qui intéressa bon nombre de petits propriétaires. Il y a donc moins d'agriculteurs[4]. Les campagnes se couvrent de vastes pâturages. Le blé importé de Sicile concurrence celui des petits producteurs latins qui, ruinés, vendent leurs terres à bas prix aux grands propriétaires et s'en vont à Rome rejoindre la plèbe urbaine. Les grandes familles se constituent ainsi d'immenses domaines, les latifundia, où sont installés de paysans non propriétaires, les colons, et de nombreux esclaves. Le grave problème du ravitaillement de la population urbaine pousse les pouvoirs publics de Rome à distribuer du grain à bas prix et à en importer[3]. La conquête de nouvelles terres diminue la dépendance de Rome aux importations et permet d'augmenter la main d'œuvre des exploitations esclavagistes[3].
La carrière des politiciens romains dépend des succès militaires et des avantages matériels que leurs victoires apportent aux citoyens-soldats (leur clientèle électorale). De fait, la classe politique se persuade de la vocation universelle de Rome et est unanimement interventionniste[5].
D'autre part, l'accroissement de la population urbaine développe l'artisanat et le commerce[3]. Or malgré l'excellence du réseau routier, les voies romaines sont surtout conçues pour faire se déplacer rapidement des légions plutôt que des lourds charriots. C'est le transport maritime et fluvial qui est le plus efficace à l'époque[6]. Dès lors, la Méditerranée devient un enjeu primordial pour le contrôle des échanges ; les Grecs perdant leur suprématie avec la dissolution de l'empire macédonien, Carthage et Rome qui vivaient en bonne intelligence jusque-là se retrouvent face à face. Au fur et à mesure des guerres puniques, Rome se doit de conquérir de plus en plus de nouvelles terres, et finit par vaincre définitivement Carthage, prenant ainsi pied en Afrique.
« Punico-romaine jusqu’à César, romano-punique ensuite, l’Afrique du Nord ne devint vraiment romaine que sous les Flaviens. » Ce constat proposé par Marcel Le Glay[7] témoigne des grandes ruptures que connut l'Afrique romaine, en particulier lors de la politique volontariste de la dynastie flavienne. L'intervention de Rome en Afrique peut-être lue ainsi comme une « dépunicisation » à l'échelle des provinces et des communautés.
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(annexée en 40) |
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(partagée entre 303 et 314) |
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(284 – 288) |
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Les royaumes d'Afrique à la veille de la conquête romaine
La pénétration romaine en Africa s’amorce par des interventions politiques et économiques. Rome s'efforce d'entretenir des divisions en Afrique dès la fin de la deuxième guerre punique. Les royaumes locaux aux généalogies croisées, développent une idéologie royale, à l’image des rois hellénistiques et sont souvent en compétition : massyli, numidae, mauri, getulae.
En 203 av. J.-C., Massinissa, souverain des Massyles, s'allie à Rome contre Carthage et Syphax. Si son apport a été décisif dans la victoire romaine, la puissance de ce royaume, à l'instar de celle de la république carthaginoise, est incompatible avec les intérêts romains en Méditerranée. Pendant une cinquantaine d'années, Rome entretient des relations diplomatiques et commerciales avec Massinissa et Carthage et leur achète en cas de besoin du blé[8]. Mais Massinissa qui unifie le royaume numide en 148 av. J.-C. a des vues sur le territoire carthaginois. La troisième guerre punique et l’annexion de Carthage peuvent être vues comme un choix délibéré de la part de la République romaine de priver Massinissa d'une cité à l'arrière-pays plus que prospère.
L'Africa, tête de pont romaine
À l'issue de la Troisième guerre punique, après la victoire de 146 av. J.-C., « l’Afrique fut le prix de la victoire ; et le monde ne tarda pas à suivre le sort de l'Afrique[9] » comme le fait remarquer Florus, historien aux origines africaines. Après la chute de la puissance carthaginoise est créée la première province romaine en Afrique, nommée Africa. Province de taille modeste, moins de 25 000 km², à peu près le nord-ouest de l'actuelle Tunisie, elle est gouvernée soit par un préteur, soit par un propréteur. Sept villes toutefois gagnent leur liberté pour avoir pris position contre Carthage, dont Utique, Hadrumète, Thapsus et Leptis Minor (Lamta). En habitués des problèmes de bornage, les Romains délimitent la frontière de leur nouveau territoire par un fossé, la fossa regia.
À la mort du roi numide Micipsa en 118 av. J.-C., Rome arbitre à plusieurs reprises les problèmes de succession, à chaque fois dans le sens d'une division en plusieurs royaumes.
Ami et client de Rome, Jugurtha, petit-fils de Massinissa, provoque la colère romaine après avoir fait massacrer quelques marchands italiens de Cirta lors du conflit entre les successeurs de Micipsa. Le Sénat lui déclare la guerre en 112 av. J.-C.. La fin de la Bellum Jugurthinum (105 av. J.-C.) sanctionne l'échec d'une politique numide en Afrique. La carte de la région s'en trouve modifiée, le royaume de Numidie est partagé entre un royaume réduit sous le contrôle de Rome et la Mauritanie, l'ager publicus agrandi[10].
La conquête sous les Julio-Claudiens
Après la bataille de Thapsus en 46 av. J.-C. et la défaite des pompéiens alliés à Juba Ier, roi de Numidie, Jules César annexe à l'empire le royaume numide. Il devient la province d'Africa nova par opposition à la première province, nommée dès lors Africa vetus. Les royaumes indigènes se trouvent confrontés à un nouvel État et à l'extension des possessions romaines[11].
La frontière ouest de la province est protégée par une marche, la Numidie occidentale, que se vit attribuer Publius Sittius, aventurier campanien allié de César[12]. Quatre colonies voient l'installation de Sittius et de ses mercenaires : Cirta, Rusicade, Milev et Chullu qui, si elles ne restèrent pas indépendantes de la province romaine après la mort de Jules César, gardèrent des privilèges de ce passé. Cependant, la pénétration romaine en Afrique du Nord fut longue et l’annexion des provinces n’a pas été suivie par leur occupation systématique.
Mais Rome ne se contenta pas de « veiller sur la dépouille » du royaume punique, selon la formule de Theodor Mommsen. Le premier espace assujetti et contrôlé en profondeur par les Romains est un espace qui connaît un haut degré de civilisation urbaine : les régions de Carthage, Cirta, Sicca Veneria, ainsi que douze colonies de vétérans créées par Auguste en Maurétanie. La province de Proconsulaire et le nouveau royaume de Maurétanie, confié par Auguste à son protégé Juba II sont assignés à la défense de l’Afrique du Nord.
Lors du partage des provinces entre le Sénat et Auguste en janvier -27, l'Afrique est réunie en une unique province sénatoriale, nommée Afrique Proconsulaire. La Numidie est rattachée à cette province. Toutefois, une légion séjourne sur son territoire, la IIIe Auguste, commandée par le proconsul, ce qui en fait une exception parmi les provinces sénatoriales, dépourvues de forces armées.
Sous Auguste, la domination romaine va dépasser la fossa regia. Ainsi, dans les premiers temps du principat, les Romains se mettent en rapport avec les espaces restés en marge de la romanisation, en repoussant les limites méridionales de la province.
En 37, l'empereur Caligula nomme un légat pour diriger la IIIe légion Auguste, qui dépendait jusqu'alors théoriquement du proconsul de la province. Trois ans plus tard, l'empereur fait assassiner Ptolémée, roi de Maurétanie, à Lugdunum (Lyon) et annexe son royaume, transformant le protectorat romain en domination directe. En 42, Claude le divise en deux provinces procuratoriennes, Maurétanie Tingitane à l'ouest et Maurétanie Césarienne à l'Est.
L'Africa sous les Flaviens
Le règne des Flaviens a constitué pour l'Afrique une période de nécessaire stabilisation après les troubles et les acquisitions territoriales. Pour Marcel Le Glay, c'est « sous le règne des Flaviens que, préparées de loin par les actes des Julio-Claudiens, mais précipitées par l'œuvre même de Vespasien et de ses fils, se sont opérées, lourdes de conséquences pour l'avenir, les grandes mutations qui ont affecté des domaines essentiels de la vie publique et privée des Africains[13] ».
À son avènement, Vespasien, qui avait été proconsul, fut mal accueilli par les Africains. Les provinces ont connu précédemment une période de troubles politiques - incursions des Garamantes - et le nouvel empereur devait s'assurer la fidélité de légat et du proconsul. L'année précédente, lors de l'année des quatre empereurs, le légat de la III Legio Augusta, Clodius Macer, s'était révolté contre Rome et avait menacé de priver Rome du blé africain[14]. La priorité de Vespasien est la mise en ordre des provinces. À cette fin, il renouvelle le personnel dirigeant, en cherchant les proconsuls au sein des riches familles italiennes[15]. La romanisation s'accélère dans les provinces et les communautés du sud sont soumises à un plus grand contrôle, voire à une mise sous tutelle. Dans la même logique, on constate une multiplication du nombre de promotions juridiques sur le territoire de l'Africa nova et même au-delà, comme le prouve la création de la colonie de Madaure[16], aux confins de la Numidie, entre la fin du règne de Vespasien et le règne de Nerva.
L'Africa sous les Antonins
Comme le remarque Marcel Le Glay, « les Antonins ont récolté en Afrique ce que les Flaviens avaient semé[7] » et de nombreux signes sont réunis pour parler d'un apogée africaine. L'Africa connaît sous la dynastie des Antonins un essor urbain sans précédent. Signe de ce succès, la première visite impériale en Afrique par Hadrien en 128. Lors de son expédition de nouveaux statuts sont accordés aux communautés urbaines. La dynastie, favorable aux promotions provinciales, devait de manière générale rendre plus aisée l'intégration municipale[17].
À Rome, le parti africain gagne en importance et son influence au Sénat est indéniable[18]. Fronton eut ainsi la charge de l'éducation du jeune Marc-Aurèle.
À la fin du IIe siècle, l’Afrique assure un quasi-monopole sur le marché romain du blé et de l’huile. Illustration du poids de l'approvisionnement africain, la révolte populaire de 190 fut probablement suscitée par Pertinax, ancien proconsul d'Afrique et alors préfet de la ville de Rome, qui aurait volontairement suscité la disette en jugulant l’annone, soutenu par le « parti africain »[19].
L’Africa sous les Sévères
L'accession au pouvoir de Septime Sévère, empereur d’origine africaine, fils de Leptis Magna, « nouvel Hannibal sur le trône des Césars[20] » joua un rôle majeur dans le développement de l'Afrique romaine.
L'empereur, ainsi que son fils Caracalla, sont les artisans d'une politique municipale déterminée. Les grandes familles lepcitaines accèdent au laticlave.
L'expansion territoriale se poursuit. La province de Numidie est rendue autonome avant 200 – mettant fin à la situation étrange où légat et proconsul se côtoyaient au sein d'une même province – et le limes progresse vers le sud et l'ouest. Les hauts plateaux de la Césarienne font l'objet d'un contrôle accru et tout particulièrement les points d'eaux et les axes de transhumance[21].
Sur le plan économique, les campagnes et leurs castellae connaissent une certaine prospérité et le réseau routier se développe. L'huile africaine est exportée sur tout le marché méditerranéen et la Tripolitaine s'ouvre au commerce agricole.
L'enrichissement général des provinces devait stimuler l'évergétisme et le développement urbain. Enfin, la croissance démographique est forte et l'Afrique compte à la fin du Haut Empire entre 7 à 8 millions d'âmes[22].
Les crises du IIIe siècle
« Quant aux guerres incessantes, à la stérilité et aux famines qui nous accablent de soucis, aux maladies qui sévissent et ravagent notre santé, aux épidémies qui désolent et dépeuplent l'humanité, sache qu'il a été prédit que dans les derniers temps du monde les maux se multiplieront, que des tribulations variées surviendront, et qu'à l'approche du jour du jugement la sévérité et l'indignation de Dieu s'enflammeront de plus en plus pour châtier l'humanité. »
— Cyprien, Ad Demetrianum[23].
Dans l’ensemble de l’Empire, la crise est due à la conjonction de deux facteurs :
- l’instabilité politique chronique, ponctuée d'une longue série d’usurpations et de guerres civiles, notamment en 238.
- la pression sur le limes — Rhin, haut Danube et Danube inférieur, frontière orientale — qui se traduit par des invasions que les empereurs juguleront parfois difficilement. Se développent parallèlement des foyers de dissidence d'Africa. Le retour à l’ordre marquera l’affermissement au pouvoir de Dioclétien, en 284. Les structures de l'Empire devaient en sortir profondément transformées. Dans quelle mesure ces mouvements ont affecté les provinces africaines ? Il ne semble pas que leur dynamisme économique en ait souffert et la croissance urbaine est restée constante.
En 235, dans un contexte de grave conflit avec les Alamans, un coup d’État amène Maximin le Thrace au pouvoir. Issu des humiliores, mal accepté par le Sénat, il le lui rend bien en adoptant une politique hostile à son égard ; mais, brillant militaire, il est populaire auprès des soldats. Il consacre tous ses soins au réseau routier et sa politique répond exclusivement aux impératifs militaires. Cette politique défensive exige une fiscalité accrue, pression fiscale dont le poids explique pour partie la révolte africaine. La crise, qui devait profondément marquer l'Empire romain, survient en janvier 238 dans la région de Thysdrus (El Djem). Des habitants de la cité assassinent le procurateur en place qui s'était rendu odieux aux yeux des contribuables et proclament empereurs Gordien, un riche sénateur, et son fils[24]. On a du mal à distinguer les acteurs précis de cette révolte. Selon Hérodien, très critique vis-à-vis de Maximin, les révoltés sont essentiellement des jeunes de la région, définis selon différents historiens comme appartenant à l’aristocratie de la cité ou émanant de la grande propriété foncière, soutenus par des membres des classes populaires liés à eux par des relations de patronage[25]. Quoi qu’il en soit, ce profond mécontentement bénéficie du soutien de la population africaine. Le mouvement ne tarde pas à se propager en Italie et dans les provinces orientales, développé par l’aristocratie urbaine qui soutient le proconsul d’Afrique Gordien contre l’empereur Maximin. La guerre civile est imminente quand le Sénat rejoint le camp des mécontents et déclare l’Empereur ennemi du peuple romain.
Pourtant, la situation n’est pas encore renversée. Capellianus, un sénateur fidèle à Maximin, mis en place par ce dernier au poste de gouverneur de Numidie, entame une marche sur Carthage afin de mettre à mal la révolte. Il possède une force militaire importante car il est légat de la IIIe légion Auguste, basée en Numidie pour contenir la présence des Maures nombreux dans la région.
Hérodien, dans son Histoire des Empereurs Romains de Marc-Aurèle à Gordien III, souligne la cruauté de la répression de Capellianus et rend compte de la gravité de la crise interne :
« Capellianus, entré dans Carthage, fit périr tous ceux des premiers citoyens de cette ville qui s’étaient échappés du combat. Il n’épargna point les temples, qu’il pilla, ainsi que toutes les fortunes privées et les trésors publics. Il parcourut ensuite les autres cités qui avaient renversé les statues de Maximin, punit de mort les principaux habitants et de l’exil les citoyens obscurs »[26]
L’auteur ne manque pas de préciser que ces actes barbares ne sont pas sans arrière-pensée politique : possédant une armée qui lui est dévouée, il pourrait selon les circonstances se rapprocher du titre d’Empereur.
Sous la pression populaire, à Rome, Gordien III est nommé par le Sénat, à treize ans, comme héritier de l'Empire. Maximin meurt peu de temps après et l’avènement de Gordien III met un terme à une crise courte mais profonde. Si le nouvel empereur ramène l’équilibre dans l’Empire, sa nomination n’est pas sans conséquence pour l’Afrique. Sous son règne la IIIe légion Auguste est dissoute[27] et remplacée par un « système plus défensif » fondé sur la mobilisation de troupes auxiliaires[28], ce qui a pour conséquence de diminuer l’influence romaine dans la région.
Le règne des premiers tétrarques est marqué par les grandes persécutions[29], une profonde réorganisation des provinces africaines[30] et des révoltes locales.
L’accélération au milieu du IIIe siècle des mouvements d’insoumission et de révolte des tribus africaines est indéniable. Elle a nécessité une restructuration des effectifs militaires romains. Pour autant, il ne faut pas y voir un phénomène capable de remettre en cause sérieusement la présence et l’hégémonie de l’Empire. Hormis la révolte des Maures de Grande Kabylie et les nombreuses invasions en Maurétanie Césarienne et Numidie rendues possibles par la disparition momentanée de la légion, Rome a pu maîtriser la situation.
Réorganisation des provinces sous la Tétrarchie
Dioclétien engage une profonde réforme administrative des provinces africaines. La Maurétanie Sitifienne (ou Tabienne) est d'abord créée entre 284 et 288, se séparant ainsi de la Maurétanie Césarienne mais le praeses de Césarienne est toujours responsable de la défense régionale. C'est en 303 qu'interviennent les autres changements. La Numidie est brièvement partagée en deux provinces : la Numidie Cirtéenne (capitale Cirta) et la Numidie Militienne (ou Militaire). Ces deux provinces sont de nouveau réunies en 314. Enfin, la Proconsulaire est divisée en trois unités administratives : la Proconsulaire (au nord), la Byzacène (au centre) et la Tripolitaine (au sud-est). Le commandement militaire est remis pour tout le diocèse d'Afrique à un comte (excepté la Maurétanie Tingitane, rattachée au diocèse d'Hispanie). Le vicaire d’Afrique devient le chef hiérarchique de tous les gouverneurs à l'exception du proconsul.
Usurpations et révoltes aux IVe et Ve siècles
Les provinces africaines connaissent au Bas-Empire une suite d'usurpations et de rébellions « qui ont longtemps illustré, pour certains historiens, le déclin ou la décadence, caractéristique principale, selon eux, de ce temps » bien que la recherche récente a mis en avant la prospérité relative de la région[31]. On peut procéder à un recensement de ces mouvements, mais force est de constater que nous disposons sur ce sujet, d'une documentation inégale. Chronologiquement, cinq épisodes sont plus ou moins bien identifiés :
- 308/9 - 311, usurpation de Domitius Alexander
- 363 - 364, révolte de la tribu des Austuriani ou Austoriani[32] de Tripolitaine
- 370 - 375, révolte et usurpation « régionale » de Firmus en Maurétanie
- 397 - 398, révolte ou moins vraisemblablement usurpation de Gildon,
- 413, révolte et usurpation d'Héraclien,
- Domitius Alexander, sans attache africaine, est un haut fonctionnaire - vicaire des préfets du prétoire - en poste à Carthage. Il a tenté de jouer sa carte dans une crise impériale extrêmement complexe qui s'ouvre à l'abdication de Dioclétien en 305. Au moment où en Italie percent les ambitions de Maxence et en Gaule de Constantin, Domitius a à sa portée un excellent moyen de pression : le contrôle de l'approvisionnement en blé. Il peut menacer Rome de famine. La révolte est liquidée au printemps 310 par les troupes de Maxence : Carthage et Cirta sont livrées au pillage[33].
- Sur la révolte des tribus tripolitaines connues sous le nom d'Austoriani en 363-4[34], l'information est surabondante ; un chapitre entier de l'Histoire (XXVIII, 6, 5 – 20) d'Ammien Marcellin est consacré au siège de Leptis Magna par la tribu. L'auteur, originaire d'Antioche de Syrie, partage le point de vue des notables municipaux et dans sa description de la révolte des Austoriani, il livre un portrait épouvantable du comte d'Afrique, Romanus, présenté sous la lumière la plus noire comme symbole de corruption et réceptacle de tous les vices. Le récit se montre aussi profondément féroce pour l'armée de la cité, qui semble ne vouloir intervenir qu'au prix de compensation financière. Dans tous les cas, il s'agit d'une illustration de la mésentente profonde entre le gouvernement municipal et l'armée d'Afrique.
Le système défensif romain
La défense de l’Afrique romaine est assurée durant la période républicaine par le maintien de troupes. Les aménagements en profondeur commencent à la fin du règne d’Auguste. Les Romains construisent des routes qui pénètrent le pays numide à partir de Carthage, et une rocade allant de Leptis minor à Hippo Regius. La legio III Augusta installe son commandement au nœud routier de Théveste, surveillant les tribus des Aurès et celles de la région du Chott el-Jérid. L’investissement de ces deux zones est mené par quadrillage progressif de routes et de postes sous les Flaviens et sous Trajan.
L’annexion inopinée du royaume de Maurétanie ne fut pas immédiatement suivie d’une prise de contrôle. Les Romains se limitèrent d’abord à aménager une route côtière jusqu’à Melilla, tandis qu’ils continuaient d’entourer les Aurès, déplaçant le siège de la IIIe légion à Lambèse. L’allongement est-ouest du relief de la Maurétanie Césarienne imposa une avancée parallèle à cet axe : une première route est construite sous Trajan et Hadrien contrôle une bande de territoires de 50 à 100 km de la cote, de la vallée du Chelif, et Castellum Tingitanum (El Asnam) jusqu’à la Numidie. Sous Septime Sévère, une nouvelle rocade jusqu’à Numerus Syrorum (Maghnia) élargit vers les sud le contrôle de la Maurétanie Césarienne, tandis qu’une route périphérique, le limes Tripolitanus entoure le secteur de Leptis Magna. Enfin, des postes avancés dans le désert surveillent les tribus nomades : Castellum Dimmidi (oasis de Messaad), Cydamus (Ghadamès), Bu Njem (Libye actuelle). Les forces armées permanentes consistent en une unique légion, la IIIe Augusta, complétée par de nombreuses unités auxiliaires réparties sur la Maurétanie Césarienne, et renforcée en Maurétaine Tingitane par des alliances avec les tribus maures[35],[36]..
L'unique armée d'Afrique apparaît comme un vecteur majeur de la romanisation et de la fidélité à l'empereur en Africa. Outre son rôle d'agent de la « romanisation » chez les soldats qu’elle intégrait, elle donnait l’image d’une Rome protectrice en contenant les éléments externes qui pouvaient entraver la production agricole africaine.
Le fait tribal
Pline l'Ancien dénombrait cinq cent seize populos entre l’Ampsaga et les « Autels des Philènes »[37], donc dans la grande Proconsulaire, tribus dont l'importance numérique et la place dans les sources sont très variables. La question de la répartition géographique des tribus et peuples a suscité une importante bibliographie mais aucune carte ne semble pouvoir prétendre à l'exhaustivité ni à la précision absolue.
En Afrique du Nord, les sources anciennes grecques et romaines[38] distinguent une zone urbanisée, une zone tribale[39] où domine le pastoralisme, ainsi qu'une zone méridionale peuplée de nomades, nommée Gétulie. Cette distinction a été consacrée par l'historiographie[40]. Les Romains ont exercé un contrôle rapide sur les première et seconde zones, mais ont peu dominé la troisième d'où une nécessaire distinction entre provinces romaines d'Afrique et occupation romaine en Afrique. Si la place de la civilisation urbaine en Afrique du Nord fut importante avant et après la conquête romaine, l'organisation tribale occupe une situation appréciable au sein des sociétés africaines.
Principales tribus d'Afrique romaine
- Autotoles
- Baniurae
- Baquates
- Bavares
- Cinithii
- Garamantes
- Gétules
- Marchubi
- Massyles
- Musulames
- Musuni
- Nasamons
- Nattabutes
- Nicives
- Nybgentii
- Quinquegentanei
- Suburbures
- Vamacures
- Zegrenses
Les rapports avec les tribus
Les relations des tribus avec les représentants de Rome furent nombreuses et complexes du fait de la diversité et de la spécificité des tribus et donc des attitudes du pouvoir romain. Une séparation entre les régions orientales - plus intégrées et romanisées et où l'influence des cités est prépondérante - et occidentales semble toutefois être marquée dans les rapports qu'entretiennent Rome avec les communautés tribales. On ne peut pas sérieusement analyser les révoltes indigènes sans prendre en compte l’hétérogénéité des situations africaines. Le phénomène est vécu sensiblement différemment selon les provinces. Cette disparité amène Rome à traiter diversement selon les soulèvements.
La donnée majeure qui devait bouleverser la relation des tribus avec l'État romain, est le statut juridique de la terre dans la doctrine juridique romaine : in eo (provinciali) solo dominium populi Romani est vel Caesaris[41]. L'ensemble des terres de l'Africa est intégré à l'ager publicus, ce qui bouleverse les rapports traditionnels et les coutumes, en particulier pour les tribus nomades. Quand un pouvoir royal est présent localement, s'établit un rapport de fidélité direct qui se traduit par des redevances en nature ou en argent, ou par un service armé, et non par l'attribution ou le contrôle des terres. C’est le rapport du groupe à la terre qui est menacé. Car en vertu de la doctrine romaine, le pouvoir romain peut décider de la propriété des terres, et n’hésitera pas à limiter les territoires occupés.
Les terres font l'objet d'arpentage dès le règne de César et sont ainsi soumises à la juridiction romaine. Des politiques de cantonnement, de terminatio (bornage) de et de délimitation suivent généralement. En découle une nouvelle donne institutionnelle : la tribu peut se voir reconnaître un statut, être rattaché à une cité voisine, où la civitas peut être accordée partiellement à certains membres de la tribu. La question du déplacement de populations est cependant discutée.
Si le droit des tribus et la nature des liens qui unissait les membres d'une même tribu nous sont inconnus, très rapidement, les Romains ont ressenti le besoin de contrôler les hommes grâce à des intermédiaires : les préfets des tribus ou de tribu (praefectus gentis) souvent issu de l'ordre équestre. Les chefs intégrés pouvaient aussi recevoir le titre de princeps. Ces intermédiaires permettaient parfois l'émergence d'une aristocratie mixte et ouvraient la voie à la municipalisation.
Les soulèvements des tribus maures
Le soulèvement de tribus indigènes en Afrique n’est pas un fait nouveau du IIIe siècle. En plus des camps militaires permanents, l’envoi de détachements de légions romaines, depuis le IIe siècle, n’est pas rare pour endiguer les révoltes récurrentes des populations autochtones ou gentes, en particulier celles des Maures qui jouissent de par leur puissance d’une relative autonomie. Ces évènements vont néanmoins prendre une nouvelle dimension dans les années 250-260.
En 253- 254, une vague insurrectionnelle part de Maurétanie Césarienne et atteint la Proconsulaire. Les acteurs de cette révolte sont généralement des peuples qui, venant de l’intérieur des terres, ont été beaucoup moins touchés par la romanisation. Le soulèvement est vite réprimé[42].
C’est à l’ouest de l’Afrique Romaine que l’Empire rencontre le plus de problèmes. En Maurétanie Tingitane, il doit faire preuve de diplomatie en signant des traités de paix - fœdus, i - avec les tribus. Le gouverneur de la province rencontre régulièrement les Baquates, principale tribu de la région. Associée aux Macénites ou encore aux Bavares, cette tribu constitue un important rempart contre la romanité. L’Empire devait perdre sa maîtrise de certains territoires, ne contrôlant plus que le littoral et le nord de la province.
Un peu plus à l’est, en Maurétanie Césarienne et en Numidie, l’insurrection est plus forte encore et menace la région d’Auzia. La tentative d’imposer des préfets aux tribus n’est pas suffisante. Pour remédier à cette conjoncture défavorable, la IIIe légion Auguste est reconstituée -entre 253 et 258 selon les sources-, mais elle provoque un regain de brigandage et d’instabilité. Preuve en est, le gouverneur de Césarienne obtient la charge de dux pour l'ensemble des provinces romaines, ce qui montre la gravité de la situation[43].
Un nouveau gouverneur de Numidie, Cornelius Macrinius Decianus[44], tente de mettre fin à la crise vers 260 et se trouve confronté à des alliances de tribus. Il parvient toutefois à repousser les Bavares qui s’étaient alliés à des rois locaux, les Quinquegentanei qui, établis dans le massif montagneux de la Djurdjura, avaient envahi la Numidie en 253, ainsi que les Fraxinenses. Les raids barbares qui ont dévasté une bonne partie de la Numidie sont finalement contenus, et les opposants à l’hégémonie romaine doivent se résoudre peu à peu à reculer[45].
L’Afrique Proconsulaire a quant à elle été moins touchée par les révoltes, mais n’est pas pour autant sous domination exclusive des Romains. En Tripolitaine par exemple, c’est généralement le système de délégation qui fait acte. Opposés à l’ouest de l’Afrique à des attaques violentes, les Romains préfèrent laisser une certaine autonomie aux autochtones, tout en préservant leur influence sur la région. Dans certains régions, comme en Byzacène, Rome a su garder un contrôle quasi total.
Fait urbain et culture urbaine
La diffusion d’une culture urbaine et civique en Africa fut entamée bien avant la conquête romaine. Elle nous est connue par des témoignages archéologiques et épigraphiques aussi riches que diversifiés à propos desquels on a pu parler d'« Afriques » et du caractère pluriel de son urbanisation[46].
Cependant, à l’origine de ce développement se trouve un facteur commun, la conquête et les nouveaux rapports - politiques mais aussi économiques et sociaux - qu’elle suscite. On peut situer l’apogée de la civilisation urbaine dans l’Afrique du nord au second et au premier tiers du troisième siècle. Elle est liée à la prospérité que connaissent les provinces jusqu'à l'époque sévérienne, due en partie au développement du marché de l'huile africaine.
Il est nécessaire de distinguer le développement et la densification du réseau urbain et la romanisation juridique, octroi d’un statut juridique par décision impériale à des communautés plus ou moins intégrées à l'empire[47].
La ville des cités africaines est caractérisée par une intense activité de ses élites, en particulier dans le cadre de politiques d'évergétisme[48]. Cette pratique a permis de mesurer la permanence des cités jusqu'à la seconde moitié du IIIe siècle, quand l'Empire connaît lui une série de crises structurelles[49].
La société des cités africaines - L’émergence d’une élite municipale
Dès le premier siècle, il existe en Afrique une « bourgeoisie » municipale riche et puissante. Mais c’est seulement à partir de la période flavienne qu’elle apparaît au grand jour et l’essentiel de son expansion se place au IIe siècle et au début du IIIe siècle, périodisation que l’on retrouve dans d'autres provinces occidentales.
Plus que dans n'importe quelles régions de l'empire, les cités africaines convoitent et s'enorgueillissent des promotions municipales et ce même après l'édit de Caracalla[51] en 212. La romanisation des modes de vie va s'illustrer dans une architecture urbaine audacieuse[52] et une pratique des institutions (assemblée du peuple, curies et sénat local) et des magistratures latines.
Des femmes
« Occupez vos mains à filer la laine, gardez les pieds à la maison, et vous serez assez parées »
— Tertullien, De cultu feminarum, II, 13, 7
Les sources littéraires présentent souvent une image traditionnelle de la femme romaine, la documentation épigraphique, en revanche, révèle l’existence de femmes qui gagnaient leur vie en exerçant un métier rémunéré. En Afrique, en dépit d’une documentation partiale et partielle, privilégiant les femmes de statut romain ou romanisées, elles furent nombreuses à ne pas se contenter de filer la laine à la maison. Dès le néolithique, l'art déjà accompli des parois rocheuses de l'Atlas et du Sahara en témoigne, les ancêtres de nos Africaines apparaissent comme des acteurs sociaux et rituels à part entière. Si la mosaïque du seigneur Iulius à Carthage nous a laissé l’image d’une belle et riche matrone, les inscriptions gardent le souvenir de toutes celles qui servaient au sein de la familia ou évoluaient à l’extérieur pour augmenter et défendre leurs biens, comme ces nourrices, femmes de chambre, cuisinières, masseuses, aides-coiffeuses, ravaudeuses, bouquetières et fleuristes, musiciennes, chanteuses ou danseuses, mais aussi sages-femmes, médecins, répétitrices et même grammairiennes, commerçantes, femmes d’affaires, exploitantes de grands domaines, prêtresses ou flaminiques[53]. Volusia Tertullina, la grammatica de Caesarea (Cherchell), Æmilia Pudentilla, riche et autonome propriétaire terrienne de Tripolitaine, Annia Aelia Restituta, flaminique de Calama, Messia Castula, la duumuira de Caesarea, Monique, la mère de saint Augustin, interlocutrice active et souriante des débats philosophiques de Cassiciacum ou les veuves, chefs de famille des Tablettes Albertini, nous aident à repérer l’action des femmes dans leurs cités, dans les domaines de l’éducation, de la santé et des arts, dans la vie économique, dans la vie religieuse. Pourtant, alors qu'elles avaient gagné le droit de former des associations dont il semble bien qu'elles élisaient les dirigeantes, dans un régime pourtant hostile au droit d'association, pas plus en Afrique qu’à Rome, les femmes ne semblent avoir jamais conquis de droits politiques.
Principales villes
- Auzia (Algérie)
- Siga (Algérie)
- Bulla Regia (Tunisie)
- Calama (Algérie)
- Carthage (Tunisie)
- Cirta (Algérie)
- Columnata (Algérie)
- Cuicul (Algérie)
- Diana Veteranorum (Algérie)
- Dougga (Tunisie)
- Hadrumète (Tunisie)
- Hippone (Algérie)
- Icosium (Algérie)
- Igligili (Algérie)
- Iol Caesarea (Algérie)
- Lambaesis (Algérie)
- Leptis Magna (Libye)
- Leptis Minor (Tunisie)
- Madaure (Algérie)
- Milev (Algérie)
- Mactar (Tunisie)
- Musti (Tunisie)
- Pomaria (Algérie)
- Pupput (Tunisie)
- Rusadir (Espagne)
- Rusicade (Algérie)
- Sabratha (Libye)
- Saldae (Algérie)
- Setifis (Algérie)
- Sufetula (Tunisie)
- Theveste (Algérie)
- Thagaste (Algérie)
- Thapsus (Tunisie)
- Tiddis (Algérie)
- Thysdrus (Tunisie)
- Timgad (Algérie)
- Tipasa de Maurétanie (Algérie)
- Tingis (Maroc)
- Thuburbo Majus (Tunisie)
- Utique (Tunisie)
- Volubilis (Maroc)
L'économie africaine
L'Africa des campagnes
L'Afrique du Nord fut considérée de longue date comme une terre particulièrement riche et comme une terre de talentueux agronomes à l'exemple de Magon. Sa divinité tutélaire, Africa, a pour emblèmes la corne d'abondance et le boisseau de blé (modius) à ses pieds.
Dès le règne de Massinissa, une agriculture commerciale se développe en Afrique. Aux yeux des conquérants, cette terre de céréales doit nourrir le peuple romain. La production devient rapidement excédentaire, fortement encouragée qu'elle est par Auguste et ses successeurs. Les terres de l'ouest exportent leur production vers le reste du bassin méditerranéen et le blé africain fournit les deux-tiers de l'annone destiné au ravitaillement de Rome[54]. L'Afrique est aussi pourvue d'une arboriculture riche et variée où l'on trouve vignes, oliviers, grenadiers et des plantations d'oasis. Les cultures locales sont tout aussi importantes (truffes, pois, légumes) mais la polyculture est souvent sacrifiée au profit de la culture du blé nécessaire à l'Urbs.
Lors de la période romaine les terres africaines virent leurs rendements croître et les terres du sud et de l'ouest furent mises en valeur. Les plus anciennes zones de cultures - emporia de Tripoliatine et territoire de Carthage - sont aussi transformées par le développement de cultures d'exportations fortement rémunératrice. Ainsi, la production frumentaire passa pour la Proconsulaire d'environ 840 000 quintaux de blé par an à l'époque césarienne à près de neuf millions de quintaux sous Néron[55]. La vallée de la Medjerda, l'arrière-pays d’Hadrumète, les terroirs de Cirta, de Numidie Sitifienne et les plaines de Volubilis sont dévolus à la culture céréalière.
Les convois de blé étaient déposés à Ostie par une corporation d'armateurs privés, le collège des naviculaires d'Afrique (navicularii africani), réorganisé par Commode au second siècle en classis Africana Commodia. Ce domini navum Afrarum universarum élève à Ostie des bâtiments honorifiques[56].
Cependant, il semble que la prospérité commerciale africaine ne voit véritablement le jour qu'à la fin du Ier siècle avec l'essor de l'oléiculture et dans une moindre mesure de la viticulture[57].
Les riches terres céréalières du Bagrada, culture de tradition pré-romaine, parfois aux mains d'aristocrates romains, sont mises en valeurs par des tenanciers - conductores - liés à Rome par le vectigal. Les cités possèdent aussi de nombreux domaines, à l'instar de Timgad[59]. Le saltus des hauts plateaux, soumis au régime du colonat, est cultivé par une population indigène réduite au servage[60]. L'activité des tenanciers est encadrée par le consuetudo manciana ou lex manciana - permettant de mettre en valeur des terres incultes sans imposition - qui demeure en vigueur jusqu'à l'époque vandale, comme en témoignent les Tablettes Albertini.
L'artisanat et les échanges
Entre Ostie et l'Afrique se met en place un intense réseau d'échanges dont la céramique constitue le produit phare. La production d'amphores - pour le commerce de l'huile et du vin - et de vaisselle est aussi attestée mais la documentation est lacunaire hors de l'Afrique proconsulaire. Elle est la preuve du dynamisme des échanges mais aussi des productions agricoles africaines, et ce jusqu'à l'époque vandale car les fouilles archéologiques ont permis de mettre au jour un grand nombre d'artefacts de Byzacène des ports méditerranéens jusqu'au limes rhénan. L'analyse stratigraphique du Monte Testaccio d'Ostie signale que les d'amphores africaines dépassent en nombre celle de Bétique à partir des années 170[61].
Les routes commerciales
L'Afrique littorale
Lettres et arts en Afrique romaine
L’Africa a été dotée à Rome d'une réputation de terre de culture, et si souvent les excès d'ornementation de la prose africaine (tumor Africus, littéralement l'« enflure africaine ») ont été raillés, l'archéologie et l'histoire littéraire confirment et appuient le fait que les provinces d'Afrique avaient en leur sein une population soucieuse des arts et des lettres, de leur enseignement et de leur diffusion[62]. Dans les stèles et les arcs triomphaux, les sarcophages et les arts décoratifs triomphent un style nouveau, étranger aux canons gréco-romain et que Gilbert Charles Picard a nommé le « baroque africain » ; ces formes où se conjuguent sensualisme et traits pathétiques devaient inspirer l'art byzantin[63].
L'Afrique romaine a développé un goût prononcé pour la mosaïque, cet « art particulièrement africain, car en aucune autre région l'habitude des pavements historiés n'a été si répandue[64] ». Aux reproductions de la vie courante, bucoliques, des activités artisanales et agricoles[65], se mêlent dans les nombreuses œuvres dont on a pu conserver la trace, la vigueur des emprunts littéraires au monde latin et oriental[66].
Architecture domestique
Architecture publique
Édifices célèbres
Sculpture
De la littérature païenne à la littérature chrétienne
La vigueur des Lettres en Afrique est telle qu'entre le IIe et le IVe siècles, Carthage apparaît comme une capitale culturelle dont les productions littéraires insufflent nouveautés et fraîcheur dans l'ensemble du monde romain. C'est là le résultat de longues années de pratiques des bibliothèques[67], des lectures publiques, d'échanges incessants avec le cœur de l'Empire et d'influences helléniques. Les Carthaginois ont ainsi diffusé leur goût pour la grammaire et la rhétorique dans la plupart des provinces africaines. Les plus dignes représentants de ce courant sont Florus, Sulpice Apollinaire, Nonius Marcellus, Terentianus dit le Maure et Fronton.
Cultes et pratiques rituelles
Il est délicat de recenser l'ensemble des cultes traditionnels présents en Afrique romaine. Avec la conquête romaine, la religion romaine antique et les religions traditionnelles d'Afrique, libyques et puniques, font faire l'objet de réinterprétation et de manifestation de syncrétisme. Une manifestation de ces phénomènes est illustré par le culte africain par excellence, celui de Saturne dit l'Africain qui occupe une place centrale dans le panthéon. Le culte de Saturne a laissé une importante documentation épigraphique et archéologique. Il représente selon Marcel Le Glay et pour l'Afrique romaine, « la meilleure expression de son africitas »[68].
À l'exemple du grand dieu africain, les divinités gréco-romaines ont été assimilées tout en conservant des caractéristiques “nationales”. Le souci des morts et de leur souvenir -multiplication des épitaphes et des stèles dans les provinces[69]-, la place faite aux cultes agraires, ouraniens et chtoniens, l'importance accordée aux dieux locaux et domestiques ont marqué la religiosité africaine[70]. Les échanges dans le domaine religieux sont particulièrement nombreux et l'on a pu constater des résurgences puniques dans des cultes de populations romanisés[71].
L'Afrique romaine passe aux yeux de ses contemporains pour une terre de magie ; les pratiques magiques y sont répandues comme dans tout l'empire mais entretiennent des rapports privilégiés avec de nombreux aspects sociaux[72].
Le culte impérial connaît dès l'époque augustéenne une grande vigueur dans la région parallèlement au culte africain.
Architecture religieuse
L'essor et l'affirmation du christianisme africain
Selon Claude Lepelley, le christianisme occidental latin est né en Afrique du Nord. Au milieu du IIe siècle, les communautés chrétiennes y étaient déjà très nombreuses et dynamiques. Au IVe siècle, l'Afrique vit la naissance d'Augustin d'Hippone, père de l'Église dont la pensée devait avoir une influence déterminante sur l'Occident chrétien au Moyen Âge et à l'époque moderne[73].
Faute de documentation assez complète, il est difficile de reconstituer les étapes et les lieux de diffusion qui ont précédé l’arrivée des chrétiens dans les provinces africaines. De plus, ce sont essentiellement les sources chrétiennes – notamment celles de Tertullien - qui permettent de retracer l’histoire de l'Église africaine au IIIe siècle, ceci posant évidemment un problème d’objectivité. Au-delà, la majorité de sources de l'époque sont carthaginoises[74].
On situe l’apparition en Afrique des premiers chrétiens avant l’an 180. Le premier document qui nous permet d'appréhender le christianisme en Afrique sont les Actes des martyrs scillitains[75]. Largement minoritaires, les chrétiens adoptent dès le départ une attitude offensive pour propager leur foi et se dirigent sans trop d’appréhension vers un conflit ouvert avec le pouvoir impérial polythéiste.
L’histoire des débuts du christianisme en Afrique est étroitement liée à la personne de Tertullien. Né de parents païens, il entre dans la communauté chrétienne de Carthage vers 195 et devient proche de l’élite municipale, qui saura le protéger contre la répression des autorités. Ayant reçu la prêtrise, il s’emploie dans ses premiers écrits à lutter pour que l'Église chrétienne soit reconnue officiellement par l’Empire.
On peut parler, à la suite de Tertullien, de « christianisme africain » tant ce dernier adopte un caractère spécifique, se faisant remarquer par son intransigeance. Afin de s’ancrer dans la vie africaine, la doctrine chrétienne, à travers les écrits de Tertullien, cherche à s’émanciper de toutes les institutions païennes qui structurent la société romaine de l’époque. Il faut voir dans ce travail d’écriture plus une transcription et une mise en valeur des problèmes spécifiques d’une nouvelle communauté que la volonté d’un homme d’imposer à de fervents croyants une doctrine qui ne leur convient pas.
Les chrétiens refusent donc de participer aux nombreuses cérémonies fondant la vie civique. Dans son œuvre De l’idolâtrie, Tertullien précise la nature des activités déconseillées aux chrétiens : ils doivent, pour les plus riches, refuser de participer à la vie politique de la cité en tenant un quelconque poste, refuser tout métier agricole qui pourrait fournir des produits et animaux aux séances de sacrifices. Les chrétiens ne doivent pas non plus exercer le professorat qui les obligerait à enseigner les mythes et cultes païens[76].
Mais ce qui sépare et oppose le plus les autorités romaines et la communauté de chrétiens, c’est sans aucun doute le fait que ces derniers refusent de servir au sein de l’armée de l’Empire. Tertullien souligne la difficulté de concilier le serment militaire avec celui prononcé lors du baptême[77]. Outre l’omniprésence des rites païens dans la vie militaire, le plus grand dilemme pour les chrétiens est la probabilité de tuer des adversaires pendant les combats, chose incompatible avec le message évangélique. Ce choix politico-religieux a été à l’origine de conflits parfois violents, les chrétiens étant accusés de mettre en péril la cité quand leur refus de service militaire se faisait pendant une période qui nécessitait un besoin accru de soldats. Il a amené des sanctions qui ont parfois été jusqu’à la mise à mort, créant la situation de martyr très spécifique à la religion chrétienne[78].
La multiplication des martyrs, de leurs cultes et de leurs récits, comme le martyr de Perpétue et Félicité, fut l'un des traits marquants du christianisme africain[79]. Tertullien lui-même prône la souffrance et le martyr comme issue vers le salut[80], amenant des choix assez éloquents de la part des chrétiens : certains choisissaient des morts « héroïques », en combattant par exemple contre des lutteurs égyptiens [réf. nécessaire]. Le martyr devenait un acte de résistance et de mémoire, inscrit dans un calendrier commémoratif, socle du calendrier chrétien.
À travers cette base doctrinale extrêmement stricte et difficile à défendre devant une population qui ne comprend pas la plupart du temps les choix des chrétiens, Tertullien cherche à éviter à sa communauté de se mélanger aux rites et coutumes païens afin de garder toute sa spécificité et de préserver ses chances d’éclosion. Pour autant, il ne veut pas s’éloigner de la vie de la cité, encore moins de celle de l’Empire[81]. Il aime l’Empire et est convaincu de ses bienfaits dans les provinces africaines.
Les chrétiens ont cependant aidé, via leur intransigeant besoin à la fois de démarcation et d’affirmation au sein de la société africaine, à instaurer un climat de tension entre eux et le reste de la population, mais surtout avec le pouvoir impérial qui devant cette menace de division, ne tarde pas à réagir.
La doctrine chrétienne qui a pris pied en premier lieu sur les côtes africaines s’est développée par la suite à l’intérieur des terres. Si l'on ne situe pas précisément la ville dont sont originaires les martyrs scillitains (Scillium, Scillitium ? Dans la région de Carthage), ceux de Madaure, Miggin et Namphamon, sont attestés à la même époque : les chrétiens connaissent leurs premiers martyrs dans un contexte politico-religieux en constante évolution.
Le IIIe siècle connaît une fragilisation importante des fondements religieux du pouvoir impérial. Censé être protégé des dieux, le mythe de l’empereur qui se situe au-dessus des hommes est remis en doute par les païens, en particulier après la mort de Dèce au combat, en 251. Les coupables sont vite trouvés : par leur impiété, les chrétiens sont accusés d’avoir provoqué la colère des dieux.
Dèce lui-même avait déjà instauré cette notion de « bouc émissaire » pendant ce qu’on appelle la « persécution de Dèce », de 249 à 251. La persécution romaine, la première attaque officielle contre l'Église africaine, est entérinée par un édit promulgué dès 249 qui oblige les chrétiens à prier pour le salut de l’empereur, et à procéder en suivant à des sacrifices ou des libations.
Cette nouvelle donne force les chrétiens à un choix. Plusieurs attitudes sont relevées : certains suivent les consignes des autorités relayées par les cités africaines et se plient à l’édit, allant jusqu’aux sacrifices d’animaux - chose formellement interdite par leur dogme - ; d’autres pour qui il est inconcevable de renier l’Évangile préfèrent fuir ; d’autres encore choisissent de déclarer ouvertement leur mécontentement à la population, mettant leur vie en péril.
L’autorité romaine, en formulant, cet édit a divisé la communauté chrétienne qui à la suite de cette crise montre encore une fois toute son intransigeance. Ceux qui ont cédé aux demandes de Dèce et ont participé aux supplications – les lapsi - se voient très mal accueillis par les « résistants » quand vient l’heure de leur réintégration. Les évêques qui ont « péché » sont pour la plupart pardonnés mais se voient refuser le retour à leur fonction. La persécution a engendré une telle crise au sein de l'Église africaine que le concile de Carthage propose, en 256, de rebaptiser les fauteurs afin qu’ils redeviennent purs. Il se heurte là violemment à l’évêque de Rome pour qui ce double baptême est tout bonnement inconcevable car il décrédibiliserait le rite sacré et unique de l’évêque.
Après une brève période de calme, les persécutions recommencent en 257 sous l’impulsion de Valérien. Ce sénateur romain, proche des élites hostiles au christianisme, emploie une nouvelle tactique pour affaiblir les chrétiens. Il décide de couper l’élite chrétienne de sa base. Les gouverneurs de province ont pour ordre d’exiler tout évêque ou clerc qui refuserait de s’adonner aux rites sacrificatoires. Ainsi Cyprien de Carthage, grande figure du christianisme africain est mis en exil ; d’autres sont condamnés aux mines. La persécution devient sanglante un an plus tard quand Cyprien et d’autres clercs, victimes des nouvelles mesures romaines, sont condamnés à mort et décapités.
Il faut attendre la mort de Valérien en 260 pour que le calme règne à nouveau en Afrique. Son fils Gallien se montre beaucoup plus conciliant : il arrête les poursuites contre les chrétiens et promulgue un édit de tolérance qui débute la période de la petite paix de l’Église[82]. Cette cohabitation pacifique permet à l’Église africaine de se développer dans les provinces et d’augmenter le nombre de ses fidèles. Dioclétien, à la fin de la Tétrarchie, devait provoquer le retour des persécutions (303 - 304), qui elles-mêmes, si elles furent appliquées avec moins de zèle que dans certaines régions de l'Empire, devait confronter le christianisme africain à la crise donatiste[83]. L'édit de Milan de 312 devait cependant permettre aux Églises locales de se développer.
De l’Afrique romaine au Maghreb arabe
L’Afrique romaine échappe aux grandes invasions du Ve siècle jusqu’en 429, lorsque les Vandales de Genséric débarquent sur les côtes de Maurétanie. En 439, ils s’emparent de Carthage et créent un royaume qui domine l’Afrique proconsulaire, la Byzacène, la Numidie, la Maurétanie sitifienne et une partie de la côte Maurétanie césarienne. Les Vandales, peu nombreux, s’installent autour de Carthage et sur ce territoire confisquent une partie des domaines des grands propriétaires et des biens de l’église, qu’ils donnent à leurs évêques ariens. L’opposition religieuse d’un clergé africain nicéen, peu enclin au compromis, est vive et la répression vandale culmine par des déportations d’évêques et la confiscation de tous les biens d’Église en 484 (ils sont restitués en 495 en mesure d’apaisement)[84].
Malgré ce conflit avec les élites locales, les Vandales ne détruisent pas la culture romaine : en témoignent les tablettes Albertini, recueillies en 1928 à une centaine de kilomètres au sud de Tebassa. Cette série d’actes notariés établis entre 493 et 496 sont rédigées selon les formules du droit romain, dans un latin mêlé de mots berbères et emploient les unités monétaires romaines. Les parties et les témoins qui savent signer le font en latin, et certains portent des titres romains : magister, flamine perpétuel, presbyter[85].
Le reste de la Maurétanie hors de la domination vandale se fractionne rapidement en une série de principautés berbères indépendants : royaume d’Altava, royaume de l’Ouarsenis, royaume du Hodna, royaume des Aurès, où romanité et chrétienté se perpétuent en vase clos[85] Au début des années 480, la notice des provinces et cités d’Afrique recense 166 évêchés pour les Maurétanies Sitifienne et Césarienne[86].
Sous le règne de l’empereur Justinien, l’Afrique revient dans le monde romain avec la reconquête du royaume vandale en 533-534, puis la reprise de contrôle des tribus berbères de Numidie et de la côte maurétanienne jusqu’à Césarée (Cherchell), ainsi que de la région de Tingis. Lucien Musset dresse ce bilan du siècle de domination vandale : l’Afrique romaine perdit le meilleur de ses forces spirituelles et de sa classe dirigeante, ainsi qu’une bonne partie de ses territoires périphériques[84]. Une Afrique romaine réduite à sa partie est renaît. Elle se couvre de fortifications byzantines et revient à une période de prospérité économique durant le VIe siècle.
Les principautés maures conservent leur indépendance, avec encore un christianisme actif : des textes mentionnent des conciles locaux en 525, et 646. Des épigraphies chrétiennes apparaissent à Altava jusqu’en 599, à Tlemcen jusqu’en 651, à Volubilis jusqu’en 655[86].
Après un premier raid sur Sbeïtla en 643, la conquête et l’occupation arabe débute par la fondation de Kairouan en 670. Carthage tomba en 698, Ceuta à l’autre bout de l’Afrique en 709, l’ancienne province d’Afrique devient l’Ifriqiya. Les berbères christianisés, dirigées notamment par Kahena, résistèrent vigoureusement, s’emparant même de Kairouan de 683 à 686.
À partir du VIIIe siècle après la conquête arabe, les données sur la survivance de la culture et de la religion romaine sont très rares. Les populations se convertissent à l’islam, religion du pouvoir dominant, mais l’on ignore à quel rythme. Selon Antonino Di Vita, la persistance du punique dans les campagnes, signalée du temps d’Augustin d’Hippone, expliquerait en partie une rapide assimilation par des conquérants partageant un fond culturel sémitique commun[87]. Néanmoins, cette conversion fut chaotique : selon Ibn Khaldoun, les Berbères apostasièrent jusqu’à douze fois en soixante-dix ans, tandis que d’autres embrassaient au VIIIe siècle le kharidjisme, une forme d’islam dissidente, puritaine et égalitaire, rebelle au califat. Des populations chrétiennes subsistèrent, et l’on trouve encore des épitaphes du Xe siècle et du XIe siècle rédigées en latin en Tripolitaine et à Kairouan, mais des lettres de papes Léon IX et Grégoire VII ne dénombrent plus que cinq évêques africains en 1053, et deux en 1076[86]. À la fin du XIe siècle, les dernières traces romaines s’éteignaient.
De l’Afrique romaine, subsistent essentiellement de très nombreux vestiges archéologiques, allant des spectaculaires monuments de El Djem, Leptis Magna et Sabratha aux plus modestes sites dispersés dans les campagnes d’Afrique du nord.
Débats historiographiques et sources
L'histoire de l'implantation romaine en Afrique est complexe et l'historiographie de l'Afrique romaine a longtemps souffert d'une comparaison établie entre colonisation antique et colonisation moderne[88] analogie parfois « inversée » selon la formule d'Yvon Thébert[89].
Dans les années 1830, dans un contexte colonial, l'étude du passé romain dans la région est la chasse gardée de chercheurs, diplomates, militaires et religieux français soucieux de l'étude du patrimoine romain. Cette historiographie volontiers colonialiste révèle d'emblée ses enjeux idéologiques et politiques. Les Français se veulent les héritiers du pouvoir romain dans la région et avec l'aide des chercheurs, cherchent à construire un modèle de conquête dans une terre à la réputation d'indocilité.
Certains travaux historiques se présentent alors comme une justification de la colonisation. Il s'agit de se placer sur un pied d'égalité avec le conquérant romain. L'histoire militaire occupe donc une place de choix dans les études sur la région et nombre d'essais et de monographies sont le fait de d'officiers français[90].
Pour les membres du clergé catholique, l'Africa est une terre de mission autant que le berceau d'un christianisme marqué par la présence d'Augustin d'Hippone. L'archéologie et l'épigraphie se développent avec le soutien de l'armée, des érudits et des autorités locales pour concurrencer dans ses colonies l'historiographie allemande. Ainsi en 1855, Louis Rénier, bibliothécaire de la Sorbonne, livre les Inscriptions latines d'Algérie, corpus de 4 400 documents épigraphiques[91].
Après la décolonisation, le discours historique, les thèmes et les objectifs de son écriture, semble “s'inverser” dans les travaux universitaires français et maghrébins, pour prendre le parti « africain », sans toutefois se départir entièrement des problématiques précédentes. Le combattant algérien est comparé au résistant berbère. Le sous-développement du pays est mis en parallèle avec la richesse de Rome ou de la France qui exploitent la région. Le terme de résistant, connoté positivement à la suite de la Seconde Guerre mondiale, joue son rôle. L'étude des formes de résistance à la romanisation se développe, en particulier, la « résistance religieuse » africaine[92].
Aujourd'hui, la recherche tente de sortir de ces discours antagonistes et souvent manichéens pour mesurer la profondeur de la romanisation. Comme le remarquait Paul Corbier, « étudier l’impérialisme romain comme un modèle qui préfigurerait l’impérialisme contemporain, c’est naturellement fausser les perspectives de la recherche et nier toute spécificité à l’histoire africaine[93] ». La recherche travaille plus sur les complémentarités que les strictes oppositions[94].
Les recherches récentes cherchent d'une part à replacer l'histoire de ces territoires dans un contexte méditerranéen et d'autre part à évaluer la spécificité des cultures africaines dans le cadre impérial[95].
Bibliographie
- Général
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- Nacéra Benseddik, Être femme dans le Maghreb ancien, Awal, 20, 1999, p. 113-150.
- Nacéra Benseddik, À la recherche de Thagaste, patrie de saint Augustin, Actes du colloque international "Augustin : Africanité et universalité", Alger-Annaba, avril 2001, Afer sum, Fribourg 2003, p. 413-436.
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- Nacéra Benseddik, « L'Asclépieium de Lambèse et le culte d'Esculape en Numidie », on North Africa from Antiquity to Islam, Bristol 1994 [1995], p. 16-23. Esculape et Hygie : Classicisme et originalité », Hommage à G. Souville, Ant. Afr., 33, 1997, [1998], p. 143-154.
- Nacéra Benseddik, « Esculape et Hygie. Les cultes guérisseurs en Afrique », Colloque de la Sophau sur L’Afrique romaine duIer siècle av. J.-C. au IVe s. ap. J.-C., Poitiers 1-3 avril 2005, Pallas no 68, 2005, p. 271-288.
Notes et références
- ↑ Voir sur ce point, Claude Lepelley, « Deux ruptures dans l'histoire de l'Afrique romaine : les Flaviens et les Vandales », Pallas, 68, p. 49.
- ↑ L'historien Solin donne dans sa Collectanea Rerum Memorabilium une description géographique de l'Afrique du point de vue romain : « À la Zeugitane commence l'Afrique, opposée à la Sardaigne par le cap d'Apollon, et par le cap de Mercure, à la Sicile. Elle s'étend sur deux promontoires, dont l'un est appelé le cap Blanc, et l'autre, qui est dans la Cyrénaïque, le cap Phyconte. Par le golfe Crétois, elle est opposée au golfe de Crète, et fait saillie du côté du Ténare en Laconie. Par les sables de Catabathme, elle pénètre en Égypte, dans la partie voisine de la Cyrénaïque, et se prolonge entre les deux Syrtes (…)» (II, 18) ; Pline, Histoire naturelle, livre V
- 1 2 3 4 Philippe Noirel, L'Invention du marché, Seuil 2004, p. 133
- ↑ Florus, Abrégé de l'histoire romaine, livre III, XIV.
- ↑ Jean-René Jannot, Rome, des origines à Auguste : un survol
- ↑ Philippe Contamine, Marc Bompaire, Stéphane Lebecq, Jean-Luc Sarrazin, L'Économie médiévale, p. 23-26
- 1 2 Marcel Le Glay, « Les Flaviens et l’Afrique », Mélanges de l’École française de Rome, tome 80, 1968.
- ↑ Voir par exemple Tite-Live, Histoire romaine, livre XXXVI, 3
- ↑ Florus, Abrégé de l’histoire romaine, II, 6.
- ↑ François Décret et M'hamed Fantar, L’Afrique du Nord dans l’Antiquité. Histoire et civilisation (des origines au Ve siècle), Bibliothèque historique Payot, Paris, 1981 ; Gabriel Camps, « Jugurtha », Encyclopédie berbère, XXVI, 2004, p. 3975 - 3979.
- ↑ Paul Corbier, « Hercule africain, divinité indigène ? », Dialogues d'histoire ancienne, 1974, no 1, p. 96 ; Tadeusz Kotula, « Les Africains et la domination de Rome », Dialogues d'histoire ancienne, 1976, no 2, p. 339.
- ↑ Claude Lepelley, Rome et l'intégration de l'Empire, « L'Afrique », p. 75 ; Dion Cassius, Histoire de Rome, XLII, XLIII.
- ↑ Marcel Le Glay, « Les Flaviens et l'Afrique », Mélanges d'archéologie et d'histoire, 1968, v. 80, p. 202
- ↑ Galba confia au procurateur Lucceius Albinus le soin de mater la révolte et fit assassiner le légat ; Tacite, Histoire, I, 6,
- ↑ Marcel Le Glay, « Les Flaviens et l'Afrique », article cité.
- ↑ « Poste de surveillance et foyer de vie romaine en pays musulame », Marcel Le Glay, « Les Flaviens et l'Afrique », article cité p. 222
- ↑ Christophe Hugoniot, Rome en Afrique, op. cit., chapitre 5.
- ↑ Pierre Lambrechts, La composition du Sénat romain de Septime Sévère Dioclétien (193-284), 1937, p. 84.
- ↑ Thèse controversée que l'on doit à l'historien Anthony R. Birley.
- ↑ Sur l'africanitas de l'empereur, on pourra consulter la biographie qui lui a consacré (en) Anthony Richard Birley, Septimius Severus, the African Emperor, Routledge, 1999.
- ↑ Philippe Richardot, « La Défense de l'Afrique romaine »
- ↑ Jean-Marie Lassère, Ubique Populus, peuplement et mouvements de population dans l'Afrique romaine de la chute de Carthage à la fin de la dynastie des Sévères (146 av. J.-C. – 235 ap. J.-C.), 1977 cité par Claude Lepelley, Rome et l’intégration de l’Empire, op. cit.
- ↑ Cité par Yves Mondéran, L'Empire romain tardif, 235-395, Ellipses, 2003.
- ↑ Hérodien, Histoire des empereurs romains - Livre VII, 10.
- ↑ Histoire romaine, livre VII. Sur ce point voir aussi François Jacques, « Humbles et notables, la place des humiliores dans le collège des jeunes et leur rôle dans la révolte africaine de 238 », Antiquités africaines, t. 15, 1980, p. 217 - 230.
- ↑ Hérodien, Histoire des empereurs romains, livre VII, XXIV
- ↑ Marcel Le Glay, « Administration centrale de la province de Numidie de Septime Sévère à Gallien », Antiquitiés africaines, t. 27, 1991, p. 83 - 92.
- ↑ Yann Le Bohec, La Troisième Légion Auguste, éd. CNRS, Paris, 1989, p. 456.
- ↑ Voir ci-après, #L'essor et l'affirmation du christianisme africain
- ↑ Voir ci-avant, #Réorganisation des provinces sous la Tétrarchie
- ↑ Yves Modéran, « Gildon, les Maures et l'Afrique », Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, 1989, 101-2, p. 821.
- ↑ Ammien Marcellin, Historia, livre XXVIII (6, 5 – 20)
- ↑ Yves Modéran, L'Empire romain tardif, 235-395, Ellipses, 2003.
- ↑ Yves Mondéran, L'Empire romain tardif, 235-395, op. cit., p. 146-7.
- ↑ Louis Harmand, L’Occident romain, Gaule, Espagne, Bretagne, Afrique du Nord, Payot, Paris, 1960, réédité 1970, p. 262-289
- ↑ Yann Le Bohec, L’Armée romaine en Afrique, article du catalogue l’Algérie antique, exposition 2003 au Musée d’Arles
- ↑ L'Histoire naturelle, Livre V. L'autel des Philènes correspond à l'actuelle ville de Ras Lanuf en Libye dans le Golfe de la Grande Syrte.
- ↑ Ainsi Hérodote, Strasbon, Pline ou Pomponius Mela, Description de la terre, I, 4.
- ↑ Le terme gens est le plus souvent utilisé dans les sources pour désigner la tribu dont les membres sont désignés sous le terme gentiles et le nom de la tribu est usuellement employé au pluriel à l'instar des communautés urbaines. Le terme peut désigner soit la tribu elle-même ou alors un ensemble, une confédération de tribus. On trouve aussi les termes familia et domus pour désigner les peuples indigènes d'Afrique romaine. Sur cette question voir par exemple Jacques Gascou (sous la direction de), Inscriptions antiques du Maroc, II, Paris, 1982.
- ↑ Voir par exemple, Tadeusz Kotula, « Les Africains et la domination de Rome », Dialogues d'histoire ancienne, 1976, 2, p. 337-358
- ↑ Gaius, Institutes, II, 7.
- ↑ Marcel Bénabou, La Résistance africaine à la romanisation, Maspero, Paris, 1976.
- ↑ Marcel Bénabou, La Résistance africaine à la romanisation, éditions La Découverte, 2005, p. 217.
- ↑ Michel Christol, « Caius Macrinius Decianus, gouverneur de Numidie, et l'histoire militaire de la province au milieu du IIIe siècle », Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 138, 2002, p. 259–269
- ↑ Marcel Bénabou, La Résistance africaine à la romanisation, éditions La Découverte, op. cit., 2005.
- ↑ Paul-Albert Février, « Urbanisation et urbanisme de l'Afrique romaine », Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II.10.2, 1982, p. 322.
- ↑ Voir par exemple, Hans-Georg Pflaum, « La Romanisation de l'ancien territoire de Carthage punique à la lumière des découvertes épigraphiques récentes », Antiquités africaines, IV, 1970, p. 75-117
- ↑ Claude Lepelley, Rome et l'intégration…, op. cit.
- ↑ Xavier Dupuis, « À propos d'une inscription de Thugga : un témoignage sur la vitalité des cités africaines pendant la «crise» du IIIe siècle », Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, 1993, no 105-1, p. 73
- ↑ « Alors que l'empereur César Auguste, fils du divin Jules César, grand pontife, père de la patrie, exerçait la puissance tribunicienne pour la vingt-quatrième fois et le consulat pour la treizième, Annobal Rufus, fils de Himilchon Tapapus, flamen, suffète, responsable des cérémonies sacrées, a fait construire et dédier cet édifice à ses frais pour embellir sa patrie dans l'amour de la concorde. » http://www3.dfj.vd.ch/~latin/Images/Lybie/dedicace-traduction.htm
- ↑ (de) Ernst Kornemann, « Municipium », Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft, XVI, 1933.
- ↑ Christophe Hugoniot, op. cit., p. 121.
- ↑ Nacéra Benseddik, Être femme dans le Maghreb ancien, Awal, 20, 1999, p. 113-150.
- ↑ Flavius Josèphe, Bellum Judaicum, II, 16, 4.
- ↑ Soit environ 126 000 000 modi. Il est à noter que la province a connu un accroissement territorial entre les deux règnes. Voir sur ce point Gilbert Charles Picard, « Néron et le blé d'Afrique », Cahiers de Tunisie, no 14, 1956, p. 163-173. Pour une synthèse sur la question des cultures africaines voir François Décret, Mhamed Fantar, L’Afrique du Nord dans l’Antiquité. Histoire et civilisation (des origines au Ve siècle), Paris, 1981.
- ↑ Maurice Besnier, « Navicularius », Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines ; [Tadeusz Kotula, « Les Africains et la domination de Rome », Dialogues d'histoire ancienne, 1976, 2, 343.]
- ↑ Marcel Le Glay, « Les Flaviens et l'Afrique », Mélanges d'archéologie et d'histoire, 1968, no 80, p. 231.
- ↑ Sur la délicate interprétation de l'archéologie dans ce domaine, voir Jean-Pierre Brun, « Les pressoirs à vin d’Afrique et de Maurétanie à l’époque romaine », Africa, 1, 2003.
- ↑ Christophe Hugoniot, Rome en Afrique, op. cit., p. 98.
- ↑ Jerzy Kolendo, Le Colonat en Afrique sous le Haut-Empire, 2e édition, Annales littéraires de l'Université de Besançon, 1991.
- ↑ José Remesal Rodríguez, « L’Afrique au Testaccio », L’Africa romana XV, Tozeur 2002, Roma 2004, p. 1077-1090.
- ↑ On pourra consulter utilement la synthèse de Catherine Salles « Vie culturelle et littéraire dans l'Afrique romaine », L'Afrique romaine de 69 à 439. Romanisation et Christianisation, sous la direction de Bernadette Cabouret, Nantes, Éditions du temps, 2005.
- ↑ G. C. Picard, La Civilisation de l'Afrique romaine, op. cit. p. 328 - 353
- ↑ Eugène Albertini, L'Afrique romaine, chapitre V, Alger, 1955.
- ↑ « Battage du blé » à Dar Buk Ammera, « Travaux des champs » à Cherchell, « Scène de chasse » à Thysdrus, « mosaïque des saisons » à Lambèse.
- ↑ Dossiers d'Archéologie, « Mosaïque romaine en Afrique du Nord », no 31, novembre 1978.
- ↑ Noureddine Tlili, « Les bibliothèques en Afrique romaine », Dialogues d'histoire ancienne, 2000, no 26.
- ↑ Marcel Le Glay, Saturne africain. Histoire, éditions de Boccard, 1966.
- ↑ Cette caractéristique de la religiosité africaine fut vivement attaquée par les auteurs chrétiens ainsi Tertullien : « Pour honorer vos dieux, que faites-vous que vous ne fassiez aussi pour honorer vos morts ? À eux aussi des temples ; à eux aussi des autels. Même attitude et même insignes dans les statues des uns et des autres : le mort, devenu dieu, garde son âge, sa profession, son occupation. Quelle différence y a-t-il entre le banquet de Jupiter et le repas funèbre, entre le vase à sacrifice et le vase à libations funèbres, entre l’haruspice et l’embaumeur des morts ? En effet, l’haruspice remplit aussi des fonctions auprès des morts. » Apologétique, XIII, 7.
- ↑ Pour une synthèse sur ce point voir Louis Foucher, « Le Paganisme en Afrique proconsulaire sous l'Empire romain. Bilan d'un demi-siècle de recherche »
- ↑ Azédine Beschaouch, « Qu'est-ce qu'un "idurio" ? Spiritualité punique et culture latine en Afrique romaine », Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, 1990, 102-2, p. 639-646.
- ↑ Michaël Martin, « Sous le signe de Didon : Magie et superstitions en Afrique romaine », Folia Electronica Classica, 10, 2005.
- ↑ Alain Corbin (sous la direction), Histoire du christianisme, t. p. 120, (Saint Augustin), éd. Seuil, 2007
- ↑ Yvette Duval, « Densité et répartition des évêchés dans les provinces africaines au temps de Cyprien », Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, 1984, 96, p. 493-521. Cependant, Paul-Albert Février a pu montrer, en s'appuyant sur les témoignages épigraphiques, le dynamisme du christianisme en Afrique maurétanienne ; « Aux origines du christianisme en Maurétanie césarienne », Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, 1986, 98, p. 767-809
- ↑ Il s'agit du procès-verbal de la comparution d'une dizaine de chrétiens, le 17 juillet 180 dans une bourgade de Proconsulaire non-localisée, devant le proconsul d'Afrique. LES MARTYRS I
- ↑ Tertullien, De idololatria, De spectaculis
- ↑ Tertullien, De corona militis, I.
- ↑ En 298, le centurion Marcellus de Tanger, lors d'une parade officielle, jette son glaive et son insigne devant le front de l’armée impériale, et refuse désormais de « servir deux maîtres » ; il est exécuté. Marcellus, martyr à Tanger, 36 octobre 298, Acta prim. martyr., p. 311
- ↑ Voir sur cette question l'ouvrage de Victor Saxer, Morts, martyrs, reliques en Afrique chrétienne aux premiers siècles. Les témoignages de Tertullien, Cyprien et Augustin à la lumière de l'archéologie africaine, Paris, Beauchesne, 1980, 340 p.
- ↑ Tertullien, Ad Martyras
- ↑ « Nous ne nous séparons pas du monde : marins, soldats, laboureurs, négociants, acheteurs, gens d'art ou de métier nous vivons comme vous et de notre commerce avec vous ; l'excès, l'abus, voilà seulement ce que nous fuyons », Tertullien, Apologétique, XLII, cité par Edmond Le Blant, « Les chrétiens dans la société païenne aux premiers âges de l'Église », Mélanges d'archéologie et d'histoire, 1888, 8, p. 46-53
- ↑ François Decret, Le Christianisme en Afrique du Nord ancienne, op. cit., chapitre VI, 2.
- ↑ François Decret, Le Christianisme en Afrique du Nord ancienne, op. cit., chapitre VI, 5.
- 1 2 Lucien Musset, Les Invasions, les vagues germaniques, PUF, collection Nouvelle Clio – l’histoire et ses problèmes, Paris, 1965, 2e édition 1969 p. 253 et 310 ; sur ce mouvement de persécution la principale source reste l'Histoire de la persécution vandale en Afrique de l'évêque de Byzacène Victor de Vita.
- 1 2 Algérie antique, catalogue de l’exposition d’Arles, 2003.
- 1 2 3 Yves Modéran, La fin d’un continent chrétien, Le Monde de la Bible no 132, janvier-février 2001
- ↑ Antonino Di Vita, Ginette Di Vita-Evrard, Lidiano Bacchielli, La Libye antique, Éditions Mengès, 1998, (ISBN 978-2-85620-400-9), p. 25-26
- ↑ Sur ce point voir les travaux de Marcel Bénabou (La Résistance africaine à la romanisation, Maspero, 1976)
- ↑ « Romanisation et déromanisation en Afrique : histoire décolonisée ou histoire inversée ? », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 1978, 33, no 1, p. 64-82.
- ↑ L'Algérie, histoire des guerres des Romains, des Byzantins et des Vandales, accompagnés sur les moyens employés anciennement pour la conquête et la soumission de l'Afrique septentrionale nommée aujourd'hui Algérie (Paris, Didot, 1852) d'Adolphe Dureau de la Malle, illustre cette tendance au déterminisme géographique dans un ouvrage qui fait de l'Afrique romaine, une terre éternellement rebelle. René Cagnat est l'auteur d'une Armée romaine d’Afrique dédiée « À l’armée française d’Afrique ». La place qu'occupent les membres de la Revue africaine lors de sa création confirme encore cette présence militaire php4arab.info.
- ↑ Sur ces questions, voir Monique Dondin-Payre, « La découverte de l'Afrique antique : l'influence des acteurs et de l'idéologie sur l'élaboration de l'histoire », Pallas, no 68, op. cit., p. 35 - 46.
- ↑ Marcel Bénabou, La Résistance africaine à la romanisation, François Maspero, 1976.
- ↑ Paul Corbier, Marc Griesheimer, L’Afrique romaine 146 av. J.-C.- 439 ap. J.-C., Ellipses, 2005.
- ↑ F. Prévot (sous la direction de), L'Afrique Romaine 69-439, Atlande, Paris, 2006 ; Igor Moullier, « Les dynamiques de la colonisation romaine », EspacesTemps.net, 17.10.2005.
- ↑ Meriem Sebaï, « La romanisation en Afrique, retour sur un débat », Afrique et histoire, 2005, no 3.
Voir aussi
Articles connexes
- Antiquité tardive, économie romaine, société romaine
- Libyens
- Histoire de Carthage
- Histoire de l'Algérie
- Histoire du Maroc
- Histoire de la Tunisie
- Histoire de la Libye
Liens externes
- Sites généralistes et bibliographie
- Ressources et bibliographie sur le Maghreb antique et médiéval
- Africa Antiqua - Bulletin de liaison des doctorants africanistes
- Revue Antiquités africaines
- Articles relatifs à l'Afrique romaine, Persée
- Revue africaine, no 1 - 40, disponible en ligne (volume numérisé en mode image).
Historiographie
- Rome en Afrique par François Baratte, Clio
- (en) Josephine Crawley Quinn, UC, Berkeley, « Roman Africa ? » dans Digressus – Supplément 1 'Romanization'? (2003)
- Igor Moullier, « Les dynamiques de la colonisation romaine », EspacesTemps, 17.10.2005
- Économie et aspects sociaux
- Claude Briand-Ponsart, « Les Dames et la terre en Afrique romaine », Histoire & Sociétés rurales, v. 19, 2003.
- Christianisme et cultes africains
- François Decret, Le christianisme en Afrique du Nord : les origines, Clio
- Louis Foucher, « Le Paganisme en Afrique proconsulaire sous l'Empire romain - Bilan d'un demi-siècle de recherche ».
- Les racines africaines du christianisme latin par Henri Tessier, Archêque d'Alger, d'après Claude Lepelley
Art et culture africains
- Abdelmajid Ennabli, L'Art romain en Afrique du Nord. Son avenir, septembre 2000, p. 18-29
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