Énéide
Énéide | |
La mort de Didon, illustration d’un manuscrit de l’Énéide (v. 400) |
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Auteur | Virgile |
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Genre | épopée |
Version originale | |
Langue | latin |
Titre | Aeneis |
Lieu de parution | Empire romain |
Pays d'origine | Empire romain |
Date de parution | entre -29 et -19 |
Version française | |
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L’Énéide (en latin : Aeneis, mot de forme grecque, génitif : Aeneidos) est une épopée de Virgile, le plus célèbre exemple de ce genre littéraire en langue latine, composée en hexamètres dactyliques. De même que l’Iliade et l’Odyssée — dont l’Énéide s'inspire largement —, l’ouvrage a suscité l’admiration de générations de lettrés de l’Antiquité jusqu’à nos jours et fut une source d’inspiration récurrente pour les artistes et les poètes.
L’Énéide est le récit des épreuves du Troyen Énée, ancêtre mythique du peuple romain, fils d’Anchise et de la déesse Vénus, depuis la prise de Troie, jusqu’à son installation dans le Latium en Hespérie. Le poème, écrit entre 29 et 19 av. J.-C., contient à la mort de Virgile environ 10 000 vers et se divise en douze chants. La légende qui fait venir Énée en Italie remonte au Ve siècle av. J.-C.[1].
Composition et résumé
L'épopée est composée de douze chants. Son organisation a été analysée de plusieurs manières. On peut diviser l’Énéide en deux parties de six chants chacune :
- Dans la première partie, Virgile raconte les voyages d'Énée après la chute de Troie, jusqu’à son arrivée dans le Latium en Hespérie selon le destin des vœux des dieux pour fonder la nouvelle Troie. Il raconte sa fuite de Troie en flammes, son départ vers l'Afrique et la Sicile, les tempêtes et épreuves durant son voyage, sa rencontre avec une femme, Didon, qui l'empêche de réaliser son devoir, sa descente aux Enfers pour rencontrer son père Anchise ; tous ces éléments rappellent l’Odyssée ;
- Dans la seconde partie (chants VII à XII), Virgile relate les conflits que durent livrer Énée et ses compagnons pour conquérir le Latium jusqu’à la création du royaume de Lavinium. On a rapproché cette partie de l’Iliade.
En dehors de cette division en deux parties, certains ont distingué trois groupes de quatre livres, les quatre premiers étant consacrés à Didon et l'épisode à Carthage, les quatre derniers aux épisodes guerriers dans le Latium. Pour d'autres, comme J. Thomas, les douze chants reprennent les signes astrologiques, le dernier chant, le plus important, correspondant à la Balance, signe d'Auguste.
Chant I
L’Énéide s'ouvre sur une tempête déchaînée par ordre de Junon, alors qu'Énée semblait toucher au but de son voyage, l'Italie. La haine de Junon marque toute l’Énéide. Virgile en indique lui-même les deux raisons. Elle avait soutenu les Grecs contre les Troyens dont Énée faisait partie lors de la Guerre de Troie. Surtout, Énée doit fonder Rome, qui détruira Carthage, ville aimée de Junon. On peut rapprocher cette scène de tempête de celle du Chant V de l’Odyssée où Neptune soulève une tempête alors qu'Ulysse est en vue de Corcyre. Ici, toutefois, les rôles sont inversés : Énée n'étant pas un Grec mais un Troyen, Neptune n'apparaît pas comme un adversaire, mais au contraire comme un soutien, c'est lui qui force Éole à apaiser la tempête.
Les Troyens mettent alors pied à terre en Libye, et partent chasser. Après le repas, Énée s’inquiète du sort des autres navires de sa flotte (seules sept embarcations étaient parvenues à accoster en Libye). Vénus intervient alors auprès de Jupiter, afin de s’assurer de l’avenir des Troyens rescapés. Ce dernier rassure celle-ci quant à l’avenir d’Énée. Il lui prédit les guerres qu’Énée devra mener dans le Latium, la fondation d’Albe, l’histoire de Romulus et Remus, et l’accession au trône de l’empereur Auguste.
Par la suite, Énée et ses compagnons se rendent à Carthage, qui se trouve non loin du lieu où leurs navires ont accosté.
Énée et ses compagnons décident ensuite de rencontrer Didon, la reine de la cité. Cette dernière est originaire de Tyr, où elle a épousé Sychée, un riche marchand phénicien. Cependant, ce dernier fut tué par le roi Pygmalion, frère de Didon, jaloux de ses richesses. Didon décida alors de s’enfuir, avec ses compagnons et l’argent de son mari. Elle se rendit alors sur la côte tunisienne, où elle fonda Carthage.
Arrivé au palais, Énée rencontre alors certains de ses compagnons, qui ont survécu au naufrage. Les Troyens sont bien accueillis par Didon, qui les convie, le soir venu, à un grand banquet.
Après avoir fait les libations rituelles, la reine, éprise d’Énée, lui demande de lui conter ses aventures.
Chant II : Récit d’Énée : la prise de Troie
Les chants II et III sont un récit enchâssé : Énée, à la demande de Didon, raconte le saccage de Troie (chant II) et les épreuves que lui-même a endurées depuis ce moment (chant III).
- Le récit de la prise de Troie s'ouvre sur l'épisode du cheval de Troie : Ulysse se dissimule avec d'autres Grecs dans un cheval en bois « haut comme une montagne » (« instar montis equum »), tandis que les autres Grecs se cachent dans l'île de Ténédos, faisant face à Troie. Les Grecs semblent donc avoir disparu et les Troyens font entrer le cheval dans leur cité, pensant qu’il s’agit d’une offrande aux dieux, et ce, malgré les avertissements de Laocoon qui périt avec ses deux fils (voir le « groupe du Laocoon » en exposition aux musées du Vatican). La nuit venue, Ulysse et ses hommes en sortent, ouvrent les portes de la ville et mettent Troie à feu et à sang. Au moment de l'assaut, Énée, endormi, voit Hector en songe qui lui annonce la fin de Troie et lui dit de sauver les Pénates et de fuir.
- Réveillé par le bruit des combats, il oublie les avertissements d'Hector et, voyant sa cité en flammes et livrée aux mains des Grecs, décide dans un premier temps de lutter jusqu’à la mort avec ses compagnons. Puis, visité par sa mère Vénus, il prend le parti de s’enfuir. Il est accompagné par plusieurs personnes, en particulier par Anchise, son père.
Chant III : Récit d’Énée : le périple
Énée y retrace son voyage après sa fuite hors de Troie. C'est au cours de ce voyage que l'oracle d'Apollon à Délos révèle où doit être bâtie la cité qui succèdera à Troie : sur la terre d'origine des Troyens. Énée interprète d'abord mal ces paroles et se rend en Crète, première patrie de Teucros. Les Pénates révèlent alors à Énée qu'il doit se rendre dans le Latium, terre d'origine de Dardanos, gendre de Teucros et fondateur de la ville de Troie proprement dite.
Chant IV : Amours d’Énée et Didon
Didon se laisse persuader par sa sœur Anne de céder à ses sentiments pour Énée, malgré le vœu fait par la reine de renoncer à l'amour pour rester fidèle à son mari, tué par son frère Pygmalion.
Seulement, peu de temps après, la rumeur de la liaison entre les deux amants court dans les rues de Carthage. Iarbas, le prétendant de Didon, s’adresse à Jupiter dans un moment de colère et lui reproche la présente situation. Ce dernier envoie alors Mercure à la rencontre d’Énée, lui rappelant que le but de son voyage était l’Italie. Didon, se rendant compte qu’Énée se prépare à partir, use de tous les subterfuges pour le retenir auprès d’elle. Sourd aux imprécations de Didon, Énée repart pendant la nuit avec ses compagnons vers le destin qui lui a été assigné. À son réveil Didon s'aperçoit de la disparition d'Énée et décide de se donner la mort.
Le chant se termine par un passage pathétique : Didon maudit Énée et se suicide en se jetant dans les flammes après s'être transpercée par l'épée que lui avait offert Enée. Mais, au royaume des morts, Énée reconnaît Didon qui, elle, au contraire l'ignore, car elle a retrouvé son époux à qui elle avait promis fidélité éternelle. Junon met fin à la douleur de Didon par la mort.
Chant V : Escale en Sicile et jeux funèbres
Pour échapper à une tempête, Énée et ses compagnons débarquent en Sicile où règne Aceste, troyen d'origine et où est enterré Anchise, le père d'Énée mort exactement un an auparavant. Énée organise une cérémonie rituelle et des jeux funéraires. Le récit des différentes épreuves (régate, course à pied, lutte, tir à l'arc) occupe une bonne partie du chant.
Mais Junon, hostile à Énée, charge Iris d'exploiter la lassitude des femmes. Celle-ci leur apparaît sous la forme d'une mortelle et, se lamentant sur leurs longues années d'errance, elle les incite à brûler les navires pour forcer les hommes à se fixer définitivement en Sicile. L'intervention de Jupiter, qui provoque la pluie, permet de sauver l'essentiel de la flotte.
Un compagnon d'Énée, inspiré par Pallas, suggère de laisser les plus faibles en Sicile et de partir pour le Latium avec ses guerriers. Anchise apparaît alors à Énée, il appuie ces conseils et lui demande d'aller voir la Sibylle de Cumes qui le fera pénétrer dans les Enfers où ils pourront s'entretenir. Énée part pour Cumes sous la protection de Neptune ; le pilote Palinurus meurt pour prix de la protection de tous.
Chant VI : Descente d’Énée aux Enfers
La descente aux Enfers[2] constitue sans doute le passage le plus célèbre de l'épopée. Elle constitue en quelque sorte un voyage initiatique où Énée, mené par la Sibylle, découvre le pays des morts, mais également ses propres descendants.
Énée, une fois arrivé à Cumes, se rend chez la Sibylle. Elle lui confirme les prophéties d’Anchise : Énée parviendra à ses fins après des épreuves et des guerres. Elle le fait pénétrer aux Enfers, dont ils parcourent les différentes régions. Dans les Champs Élysées, ils trouvent Anchise qui montre à Énée ses futurs descendants : les rois d’Albe, Romulus (le fondateur de Rome), ses successeurs, Brutus l’Ancien, Pompée, Jules César et enfin Auguste, appelé à mettre en place un Empire puissant et en paix. Énée remonte alors la surface de la Terre et fait mettre les voiles en direction du Latium.
Chant VII : Arrivée dans le Latium
On considère couramment qu'avec le livre VII s'ouvre une deuxième partie de l'épopée : au récit des périples d’Énée se substitue celui des guerres dans le Latium.
Les Troyens arrivent dans le Latium. Sur une remarque d'Ascagne, Énée comprend que les prophéties de l'oracle sont accomplies, qu'ils sont arrivés sur la terre recherchée. Des oracles font comprendre au roi local, Latinus, qu'il doit marier sa fille Lavinia à Énée, et non à Turnus, le jeune et beau roi des Rutules.
Junon, pour retarder le destin, envoie la Furie Alecto, qui attise la haine contre les Troyens chez l'épouse de Latinus, Amata, et chez les paysans latins. Almon, un jeune valet de Latinus, est mortellement frappé par une flèche au cours de la bagarre avec les Troyens. La porte de Janus s'ouvre malgré la volonté du roi, la guerre éclate.
Chant VIII : La guerre se prépare
Turnus appelle ses alliés des cités environnantes en renfort, bien décidé à en découdre avec les Troyens. Énée, quant à lui, se trouve désemparé devant ces événements, et s’endort près du Tibre. Le dieu Tiberinus apparaît alors dans les rêves du Troyen. Il rassure Énée quant à son avenir et lui conseille de s’allier avec un dénommé Évandre (le vieil homme étant le chef d’une colonie d’Arcadiens qui se sont installés sur les pentes du mont Aventin). Le dieu ajoute aussi qu’Énée ne doit pas oublier d’honorer Junon, bien qu’elle soit l’instigatrice de cette montée de violence.
Une fois réveillé, Énée fait un sacrifice à Junon, puis se dirige vers le lieu où réside Évandre (l’Aventin est une des sept collines sur lesquelles Rome fut bâtie). Le vieil homme, qui est en train de rendre hommage à Hercule (ce dernier, selon les légendes, aurait rencontré Évandre), accueille convenablement les Troyens. Il leur présente son fils, Pallas, puis leur raconte l’histoire du lieu où ils vivent. Vénus, voyant que la guerre est inévitable dans le Latium, demande à son mari Vulcain de forger des armes pour Énée et ses compagnons. Par la suite, Énée et Évandre cherchent des alliés. Ils ont alors l’idée de débarrasser les Étrusques de leur chef, un tyran nommé Mézence, allié de Turnus. Ces derniers en remercient Énée et décident d’en faire leur chef (en effet, un oracle a déclaré qu’ils devaient choisir un étranger comme chef. Ils se tournent d’abord vers Évandre, mais ce dernier leur conseille de choisir Énée).
Le vieil homme fournit alors au Troyen un contingent de cavaliers arcadiens, commandés par son fils Pallas. Énée, quant à lui, décide de ne conserver à ses côtés que les plus vaillants de ses compagnons.
Par la suite, les alliés se rendent auprès du chef étrusque Tarchon, au fils duquel Vénus apporte une armure. Le bouclier d’Énée comporte de nombreuses scènes de l’histoire de Rome, de Romulus à la bataille d’Actium.
Chant IX : Premières batailles (sans Énée)
Junon conseille à Turnus d’attaquer les Troyens retranchés dans leur camp alors qu’Énée se trouve chez Évandre. Les combats semblent tourner à l’avantage des Latins, malgré l'héroïsme d'Euryale et Nisus, qui sortent du camp la nuit pour chercher Énée : ils sont tués avant d’avoir mené à bien leur mission. Ascagne participe pour la première fois à la guerre et y montre sa valeur en tuant Numanus, beau-frère de Turnus.
Chant X : Le retour
Les dieux, voyant ce qui se passe dans le Latium, décident de se réunir sur l’Olympe. Vénus demande alors à Jupiter de convoquer une assemblée et d’épargner les Troyens, mais Junon, de son côté, accuse Vénus d’avoir déclenché toute cette violence en demandant à ce que les Latins soient soumis à des étrangers. Jupiter, de son côté, décide de rester neutre et de voir comment la situation évolue.
De son côté, Énée navigue vers le campement troyen, accompagné de ses alliés étrusques. En outre, il est accompagné de Latins qui sont opposés à Mézence et la flotte qu’il dirige à présent compte alors près de 30 navires.
C’est alors que les navires troyens qui ont été changés en nymphes grâce à Vénus apparaissent à Énée, le conseillant de ne pas hésiter à se battre contre les Rutules.
Puis Énée et ses alliés arrivent au campement et se préparent à combattre. La bataille éclate alors, les Troyens et leurs alliés affrontant leurs ennemis les Rutules. Énée tue un grand nombre d’ennemis, mais aucun des deux camps ne parvient à prendre l’avantage.
Les cavaliers arcadiens ont alors la volonté d’abandonner le combat, voyant la détermination de leurs adversaires, mais leur chef Pallas, fils d’Évandre, les exhorte à continuer la lutte. Il aperçoit alors Lausus, le fils de Mézence, dans le camp ennemi. Mais ce dernier ne peut affronter Pallas et laisse sa place à Turnus. À la suite d'un combat sans merci, Turnus parvient à tuer Pallas, lui enlève son baudrier et accepte de rendre le cadavre du vaincu. En représailles, Évandre tue huit hommes du camp ennemi, puis la nouvelle de la mort de Pallas parvient à Énée, qui massacre un grand nombre de Rutules, avec l’aide de Vénus. Turnus est en grand danger, quand Jupiter, afin de compenser l’aide qu’a apportée Vénus à Énée, accepte que Junon l’aide à son tour. Junon crée un fantôme ressemblant à Énée, qu’elle dirige vers la flotte de Turnus, et fait en sorte que ce dernier le suive. Son plan se déroule comme elle l’a voulu et prévu, et, Turnus une fois à bord du navire, elle fait disparaître le fantôme et l’embarcation prend le large.
Turnus étant parti, c'est au tour de Mézence de prendre le commandement. Les combats continuent, inlassablement, et aucun des deux camps ne prend l’avantage, au grand désespoir des dieux. Mézence veut alors s’attaquer à Énée, et lui lance son javelot, qui rebondit sur le bouclier de Vulcain. Énée riposte alors et blesse Mézence, qui doit se retirer.
Lausus, le fils de Mézence, décide alors de couvrir la retraite de son père et défie Énée, qui le tue. Peu de temps après, ayant appris la nouvelle de la mort de son fils, Mézence, bien que blessé, décide de rebrousser chemin et d’affronter Énée afin de venger son fils. Ce dernier, à pied, fait en sorte que son ennemi tombe de sa monture et le tue. Les combats cessent peu après qu'Enée a glorieusement remporté cette bataille ; Turnus est toujours en vie.
Chant XI : Bataille entre les deux cavaleries
Après avoir remercié les dieux de l’avoir aidé à remporter cette bataille[3], Énée rencontre Drancès, ambassadeur des Latins hostile à Turnus, et lui annonce sa volonté de faire une trêve afin d’honorer les combattants qui ont péri au cours de la bataille. Il insiste aussi sur son désir de faire la paix, accusant Turnus d’avoir déclenché la guerre. Puis Énée envoie au vieil Évandre la dépouille de son fils Pallas, accompagné de somptueux présents. Au pied du mont Aventin, ce dernier voit arriver le cadavre de son fils avec une grande tristesse. Évandre n’en veut pas à Énée car le destin était ainsi écrit, mais demande en revanche à ce que Turnus paie pour son crime. De nombreux bûchers sont allumés, du côté troyen comme du côté latin, et Énée rend un hommage funéraire aux morts. Les Latins sont divisés en deux camps : d’un côté les partisans de Drancès, hostiles à la guerre, de l’autre ceux de la reine Amata, favorables à Turnus.
Les partisans de la guerre ont alors à subir un nouveau revers, apprenant que le héros grec Diomède ne les aidera pas contre les Troyens. En effet, celui-ci s’est réfugié en Italie à la suite de la guerre de Troie, fuyant la colère de Vénus qu'il a blessée lors de la Guerre de Troie. La déesse, qui a été blessée par le Grec au cours d’une bataille, s'est vengée (elle a fait en sorte que la reine Aegialé, la femme de Diomède, le trompe ; ce dernier, qui était roi grâce à son mariage, a donc été contraint de fuir la Grèce dès son retour de Troie). Le Grec ne veut plus avoir à subir la colère de Vénus. En outre, il prévient les Latins que se battre contre les Troyens n’est sans doute pas la meilleure des solutions.
Latinus propose alors de faire la paix, appuyé par Drancès (qui reproche en outre à Turnus d’être un lâche, celui-ci ayant fui la bataille en retournant sur son navire). Le roi des Rutules prend alors la parole et se défend contre Drancès en rappelant qu’il a tué Pallas et de nombreux Troyens, et qu’il est parvenu à rentrer dans leur campement. Il reproche ensuite à Drancès d’être un lâche, effrayé par une bande d’étrangers.
Mais les Latins apprennent que les Troyens et leurs alliés se dirigent vers la ville, et doivent donc mettre fin au conseil de guerre. Alors que Turnus décide de reprendre la tête des opérations, la reine Amata et ses partisans se réfugient dans le temple de Minerve, où elles prient pour la défaite d’Énée. C’est alors que Camille, la reine des Volsques, offre son aide à Turnus. Elle lui propose d’attaquer Énée pendant que Turnus défendra la ville. La cavalerie rutule, arrivée à proximité de la cavalerie troyenne, décide de partir à l’attaque. Plusieurs assauts ont lieu, tous très violents, sans que l’un des deux camps ne puisse prendre l’avantage. Venue au secours de Turnus contre Énée, elle est tuée en trahison par Arruns : son attention est détournée par les belles armes d’un prêtre troyen, Chlorée, qu’elle charge : Arruns, allié d’Énée, profite de l’aveuglement de Camille pour la transpercer d’un coup de javelot ; mortellement blessée, elle décide de s’enfuir, et meurt peu après dans les bras d’Acca, sa compagne. L’annonce de son décès excite autant les Latins que les Troyens. La déesse Diane, soucieuse de venger sa protégée, charge une nymphe de sa suite, Opis, de tuer Arruns qu’elle transperce d’une flèche. Les Latins et leurs alliés finalement vaincus, ils se retirent en désordre vers leur ville ; ceux qui n'ont pas pu s’y réfugier avant que les portes ne se referment sont impitoyablement massacrés par les Troyens. Turnus, toujours en embuscade, est prévenu par Acca de la situation. Il parvient, à la faveur de la nuit, à rentrer en ville.
Chant XII : Mort de Turnus et victoire d’Énée
Énée et Turnus se rencontrent en combat singulier. Cependant, la supériorité d'Énée est patente. Poussés par Juturne, les Italiens interviennent dans le combat, contre les règles, ce qui provoque une nouvelle bataille : une flèche atteint Énée. Guéri par une intervention discrète de Vénus, Énée réussit à faire reprendre à Turnus le combat singulier. Il en sort vainqueur. Turnus implore sa grâce mais Énée la lui refuse. L'épopée se termine donc sur une scène de violence pendant laquelle Énée tue son ennemi sans défense. Toutefois on pense que l'œuvre est inachevée[4].
Analyse
L'objectif de Virgile, comme le lui avait demandé Auguste, était de promouvoir les valeurs romaines — travail de la terre (labor), respect des aïeux, des dieux et de la patrie (pietas), courage (virtus), sobriété (frugalitas) — et d'influencer les Grecs en fondant son récit sur ceux d'Homère. On peut donc voir l’Enéide comme une œuvre de propagande, cet ouvrage regorgeant de passages faisant l'apologie de l'empereur Auguste. En particulier, ce texte, racontant les aventures d'Énée, vante les exploits de la gens Julia, la famille de Jules César, dont le nom se rattachait à Iule, fils d'Énée (le I et le J sont indifférenciés en latin). Or, Auguste se réclamait de cette famille, en tant que fils adoptif et petit-neveu de César.
En effet, l'époque d'Auguste (Ier siècle av. J.-C.) est souvent appelée le nouvel âge d'or ou encore le siècle d'or, en raison de la prospérité économique et de la paix civile que connaît Rome après un siècle de déchirements intérieurs. Auguste veut alors restaurer les valeurs du mos majorum, aidé d'intellectuels tels que Virgile ou Tite-Live.
Réception dans l'Antiquité
Le succès de l’Énéide fut immédiat et très large. L’œuvre était étudiée par tout écolier latin, et la langue de Virgile a servi de modèle dans de nombreuses épopées postérieures. Elle a servi de support dans l’Antiquité à l'écriture d’œuvres fictives, dans lesquelles, par exemple, Didon s’adressait à Énée dans une lettre désespérée (Ovide, Héroïdes, lettre VII).
Postérité après l'Antiquité
Littérature
Au Moyen Âge, l’Énéide est l'un des textes païens les plus étudiés. Vers 1160, elle donne lieu à une adaptation, le Roman d'Énéas, l’un des premiers romans en français.
Au début du XIVe siècle, c’est Virgile qui mène le poète Dante à travers les Enfers et le Purgatoire dans la Divine Comédie.
En 1428, le poète humaniste italien Maffeo Vegio écrit une suite, en 611 hexamètres latins, désignée sous le titre de Aeneidos supplementum (supplément à l’Énéide) ou Aeneidos Liber XIII (13e livre de l’Énéide)[5], où il narre les funérailles de Turnus, le mariage d’Énée et de Lavinia, la fondation de Lavinium, la mort de Latinus, puis celle d'Énée et sa divinisation. Ce texte est imprimé pour la première fois en 1471 à la suite du texte de l’Énéide et il est très régulièrement inclus dans les éditions de l’Énéide au cours du XVe et du XVIe siècle.
Au XVIIe siècle, signe de sa célébrité, l’Énéide est parodiée à plusieurs reprises, en Italie puis vers le milieu du siècle en France, notamment par Scarron dans le Virgile travesti. Le poète ukrainien Ivan Kotliarevsky en écrit également une parodie en 1794.
Au XXe siècle, Virgile et son œuvre deviennent à nouveau une source d'inspiration pour les auteurs. Hermann Broch en tire son chef-d’œuvre La Mort de Virgile en 1945.
Opéra
Une partie du poème sera reprise comme argument pour Dido and Æneas (Didon et Énée), célèbre opéra de chambre, composé en 1689 par le musicien baroque anglais Henry Purcell sur un livret de Nahum Tate.
Au XIXe siècle, Les Troyens est un opéra en cinq actes d'Hector Berlioz, sur un livret du compositeur, inspiré de l’Énéide de Virgile. Sa première représentation a eu lieu le 4 novembre 1863.
Théâtre
Les dramaturges adaptent l'épopée à la scène : Denis Guénoun avec L'Énéide en 1982, puis Franck Grognet avec Le Périple troyen en 1997 et Æneus, fragments en 1999, et Molière en 1678 avec « Les risques et périls ».
Cinéma et télévision
L'épopée fait également l'objet de plusieurs adaptations à l'écran. Au cinéma, Les Conquérants héroïques (La leggenda di Enea) de Giorgio Rivalta, sorti en 1963, s'inspire librement de la seconde moitié de l’Énéide[6]. À la télévision, une adaptation est réalisée par Franco Rossi en 1971[7].
Bande dessinée
La bande dessinée Le Dernier Troyen, scénarisée par Valérie Mangin et dessinée par Thierry Démarez, parue entre 2004 et 2008, est une réécriture librement inspirée des aventures d'Énée transposées dans l'univers de science-fiction des Chroniques de l'Antiquité galactique.
Notes et références
- ↑ Dictionnaire de la mythologie par Michael Grant, professeur de l’Université de Cambridge, et John Hazel, spécialiste d'Ovide, diplômé de l’Université d'Oxford (1973 pour la version originale, 1975 pour la version française, parue aux éditions Marabout).
- ↑ (ou catabase).
- ↑ Il consacre les armes de Mézence au dieu Mars, et offre la sépulture à Pallas, à qui il dédie sa victoire sur Mézence.
- ↑ Universalis, « Article sur l'Énéide de Virgile », sur Encyclopédia Universalis.
- ↑ F. Chatillon, « Sur Maffeo Vegio de Lodi, continuateur de Virgile au XVe siècle », Revue du Moyen Âge latin, 40 : 3-4, 1984, p. 213-217 ; édition critique : Das Aeneissupplement des Maffeo Vegio. Eingeleitet, nach den Handschriften herausgegeben, übersetzt und mit einem Index versehen, éd. Bernd Schneider, VCH Verlagsgesellschaft, coll. « Acta Humaniora », Weinheim, 1985.
- ↑ Fiche du film sur Archive.org. Page consultée le 9 septembre 2012.
- ↑ Fiche du téléfilm sur l'Internet Movie Database francophone. Page consultée le 9 septembre 2012.
Voir aussi
Bibliographie
- Consulter la liste des éditions de cette œuvre
- Philippe Heuzé, L’Énéide, Virgile, Paris, Ellipses, coll. « Textes fondateurs », 1999, 191 p. (ISBN 2-7298-4974-2)
- Joël Thomas, Structures de l’imaginaire dans l’Énéide, Paris, Les Belles Lettres, « Collection d'études anciennes », 1981, 424 p. (ISBN 2-251-32848-3)
Articles connexes
- Timeo Danaos et dona ferentes
- Mos majorum
- Sic itur ad astra
- Poésie épique
Liens externes
- A.-M. Boxus et J. Poucet, Virgile - L'Énéide louvaniste. Une nouvelle traduction commentée, 1998-2001.
- Itinera Electronica (traduction juxtalinéaire, liste de fréquences, liste de vocabulaire)
- (la) Vergil sur le site The Latin Library
- (la)(fr)[PDF] Édouard Sommer et Auguste Desportes, Texte et traduction juxtalinéaire des livres 1, 2, 3, 4 et 6.
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