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Nu (genre artistique)

Nu (genre artistique)

David de Michel-Ange, (1501-1504)

Le nu est un genre artistique qui consiste en la représentation du corps humain dans un état de nudité, et, par synecdoque, dans tout état qui fasse allusion à sa possible nudité, même si celle-ci n'est pas exactement représentée.

La représentation de corps nus est fréquente dans l'art européen dans l'Antiquité et depuis la Renaissance. Comme tradition, elle est entretenue par la conservation des œuvres dans les musées et par des enseignements esthétiques et pratiques, au premier plan desquels se trouve le dessin d'académie.

Définition

Le nu est un des genres définis officiellement pour la description des œuvres conservées dans les musées[1]. Selon la définition la plus rigoureuse, un nu est la représentation d'un corps humain entièrement découvert et entièrement représenté (« nudité intégrale »), à l'exclusion de toute autre chose. On parle aussi de nu lorsque des œuvres présentent des figures totalement ou partiellement dévêtues comme accessoires de la composition[2]. Ainsi le terme nu s'étend par synecdoque à des œuvres où un recadrage peut isoler un nu au sens strict[n 1], aussi bien qu'à des œuvres qui ne représentent pas le corps entier, mais qui montrent des parties du corps ordinairement cachées, etc.

Le critère de la présence ou non de voiles est d'ailleurs insuffisant. Les draperies ont été utilisées, depuis l'Antiquité, comme procédés stylistiques dans la représentation du corps nu, soit pour mettre des accents sur certaines formes (« draperie mouillée »), en masquer ou en simplifier d'autres, soit pour représenter le mouvement[3]. Un nu académique peut ainsi être légèrement couvert[4].

La plupart des auteurs préfèrent traiter de la représentation de la figure humaine sans se soucier principalement de sa nudité. Certains auteurs comme Antoine Schnapper affirment explicitement que « le nu n'est pas un genre »[5] ; il suffit à d'autres de ne pas utiliser cette caractéristique d'une œuvre ou d'un fragment d'œuvre comme critère de classement.

Le nu dans l'histoire de l'art

Le nu ne s'est constitué comme une catégorie de la critique d'art qu'au début du XXe siècle[n 2]. Auparavant, on parlait de nudités lorsque des corps apparaissaient sans vêtements dans une œuvre d'art. Pour l'Académie royale de peinture et de sculpture, dont les classements ont eu force de loi jusqu'à la Révolution française, les nudités n'étaient justifiées que dans la peinture religieuse ou de mythologie ou les allégories qui constituaient le domaine réservé de la peinture d'histoire[6]. Le XIXe siècle est une époque de remise en question de ces conventions.

Alors qu'au début du XXe siècle apparaît la désignation de nu, les artistes peintres remettent en cause l'art figuratif avec le cubisme, puis avec l'art abstrait. Pour la peinture, le nu est donc une catégorie largement rétrospective, au moment où elle apparaît. Hausenstein 1913, p. 640 conclut : « ...l'évolution récente (...) est anti-illusionniste. (...) l'art nouveau n'est plus l'objet d'une histoire de la représentation du nu. "Nu", "Corps" sont ici à peine une catégorie[n 3]. ». Il n'en va pas de même pour la sculpture et surtout pour la photographie.

Le nu dans l'art occidental

Préhistoire

Articles détaillés : Vénus paléolithique et Art préhistorique.

Les archéologues recherchent dans les peintures et sculptures de la préhistoire des renseignements sur le rapport que les hommes de cette époque avaient avec leur corps, et s'interrogent sur l'usage de ces objets[7][réf. insuffisante]. Les quelques historiens et théoriciens de l'art qui font du nu une catégorie artistique se sont efforcés de la faire remonter aux époques préhistoriques[8].

Les premières représentations humaines en général nous apparaissent nues. Les corps réduits à des formes symboliques précisent nettement les signes de différence sexuelle. Les formes stylisées des femmes peuvent être rondes, comme la Vénus de Willendorf dont le visage et les détails sont minimisés alors que les seins, le ventre (fécond) et le sexe sont accentués[9], ou bien longilignes, comme les poupées cycladiques[10] ou la figurine de Schwartzort[11]. Pour les hommes, le pénis est la plupart du temps noté par un trait ; on trouve aussi des figures au phallus proéminent[réf. souhaitée].

Hausenstein 1913 traite dans les mêmes sections les productions des peuples contemporains dont le niveau de développement technique est comparable[n 4]. Il constate une grande diversité de formes.

Antiquité

Hermès portant Dionysos enfant de Praxitèle
Articles détaillés : Art de l'Égypte antique, Art de la Grèce antique et Art de la Rome antique.

L'art de l'Égypte antique est en grande partie composé de bas-reliefs. Ceux-ci ayant un rôle religieux et politique, ils représentent les corps suivant un schéma de proportions précis et codifié généralisé par l'écriture hiéroglyphique[12]. La taille des figures dépend de l'importance hiérarchique de la personne représentée; la nudité indique un statut servile, comme on peut par exemple le voir sur la Palette de Narmer. Les Grecs portent une grande attention au corps, surtout masculin, à son entretien et à la beauté, perçue comme sacrée. La représentation de leurs dieux anthropomorphes évoque la perfection corporelle. Dans la statuaire grecque, les kouroi archaïques rappellent les poses hiératiques égyptiennes[13][réf. insuffisante]. Au fil du temps, les représentations adoptent des poses moins cérémoniales, dissymétriques (par le contrapposto)[14]. Le nu féminin apparaît plus tard ; aucun ne date du sixième siècle, et ils sont encore extrêmement rares au cinquième[15]. Les artistes grecs étudient l'anatomie et les proportions, et visent une beauté idéale, dont Polyclète et d'autres établissent des canons du nu masculin.

Le corps nu n'est pas réservé aux statues de dieux, à usage cultuel ou votif. Les sculpteurs représentent nus et en action des athlètes qui se sont illustrés aux Jeux Olympiques[16] ; à l'époque hellénistique la représentation ne concerne plus uniquement la beauté idéale, mais aussi le pathétique et des corps nus ou non représentent des mythes comme ceux de Marsyas, Niobé ou Laocoon[réf. nécessaire].

L'art de la Rome antique reconnaît la qualité de la sculpture grecque tout en développant des formes propres[réf. nécessaire].

Moyen Âge

L'Homme anatomique, Les Très Riches Heures du duc de Berry, musée Condé, Ms.65, folio 14v

L'art pictural et la statuaire du Moyen Âge sont presque exclusivement à buts religieux. La nudité, rare, est un rappel de la condition mortelle et imparfaite de l'homme, et un interdit après le péché originel.

Le style gothique marque un essor de l'ornement et de la représentation humaine. Dans les représentations des enfers sur les tympans des églises, on trouve quelquefois des personnages nus, dont les parties génitales sont dévorées par des griffons, des serpents, des scorpions.

Dès le XIIIe siècle, les représentations d'Adam et Ève prennent parfois la forme de nus : ainsi, l'Adam de Notre-Dame de Paris (conservé au musée de Cluny) est représenté nu, et très proche du canon antique[réf. nécessaire].

À noter qu'Adam et Ève sont toujours dépeints avec un nombril à cette époque (dogme de l'omphalisme). Un anachronisme religieux se trouve dans la représentation de l'enfant Jésus généralement avec un sexe intact alors que selon la bible il a été circoncis au huitième jour[17][réf. nécessaire].

Dans l'imagerie sacrée, la nudité reste associée au thème du péché et de la misère de Job. Au XVe siècle un certain relâchement ait lieu marque le début de l'évolution qui débouche, en Italie, sur la Renaissance. Ainsi, dans le Bréviaire de Marie de Savoie, réalisé à Chambéry, entre 1400 et 1450, on note la présence de petits enfants nus dans les marges. On observe l'apparition de vierges allaitant, plutôt dans la sculpture que dans la peinture, comme le prouvent les réactions indignées de certains ecclésiastiques devant la Vierge à l'enfant de Jean Fouquet[réf. nécessaire] alors que des Vierges de pierre montraient leur sein au XIVe siècle déjà. Cela n'empêche pas les miniaturistes des Très Riches Heures du duc de Berry et d'autres manuscrits de la même époque de représenter des nus lorsqu'ils en éprouvent le besoin.

Une évolution intéressante est celle des représentations de Jésus enfant : son corps commence à être dévoilé à partir du XIIIe siècle, mais il n'est représenté nu qu'à partir de 1400 environ[réf. nécessaire].

Renaissance

Article détaillé : Renaissance artistique.
Étude anatomique de Léonard de Vinci (1504).
La Naissance de Vénus de Botticelli (détail), (1485).
L'Expulsion d'Adam et Ève du Paradis, fresque de Masaccio (1428).

Les maîtres italiens ont fondé leurs canons esthétiques sur l'Art de l'Antiquité dont on exhumait les productions aux alentours de Rome et des grandes villes[18]. L'art de la Renaissance se marque par l'apparition de la notion de point de vue, avec la disparition de la représentation simultanée de plusieurs scènes dans un même tableau, le développement de la perspective linéaire, le trompe-l'œil [19]. Les artistes utilisent des supports variés (peinture sur toile, fresque, sculpture) et un grand nombre d'innovations techniques servent leurs nouveaux objectifs (la peinture à l'huile, le sfumato)[20][réf. insuffisante]. Le corps nu est représenté essentiellement dans des œuvres sur des thèmes mythologiques ou religieux[21].

À la Renaissance, le corps nu est un sujet à part entière. Il exprime une éthique humaniste et un esthétique nouvelle. Au début, les corps sont particulièrement corpulents (gras) car on souhaitait montrer que l'on entrait dans une nouvelle ère d'opulence et surtout parce que le désir premier des humanistes était de placer l'homme au centre de l'univers[réf. nécessaire]. Plus tard, les corps adipeux laissèrent la place à des corps musclés. Les corps, également figés au début, ont évolué à l'instar de ceux de l'Antiquité. Ces deux caractéristiques (musculature et mouvement) furent améliorées par l'étude des maîtres anciens mais surtout par la recherche anatomique sur modèles vivants ou cadavres. Albrecht Dürer est le premier artiste à se représenter nu en 1503. Une des études anatomiques les plus célèbres est l'homme de Vitruve de Léonard de Vinci). Les représentations d'enfants deviennent aussi plus réalistes, en rupture avec les représentations du Moyen Âge où ils étaient généralement représentés comme des adultes en miniature, avec des visages d'adultes.

Le nu féminin, tout en exprimant un idéal de beauté, commence à traduire un érotisme, qui posera quelques problèmes dans la réception des œuvres en raison des mentalités qui n'étaient pas prêtes à accepter ce type de représentation[réf. nécessaire]. En effet, le courant des sujets religieux, promu par le mécénat officiel de l'Église, s'affrontait avec un mécénat privé néo-classique qui appréciait les sujets mythologiques, comme les Médicis, les Borghese, certains papes, etc. avec des compromis fréquents dans les collections privées de certains ecclésiastiques[réf. nécessaire].

Certains artistes durent trouver toutes sortes de stratagèmes pour que la nudité ne soit pas choquante et n'entraîne pas le rejet de l'œuvre. Soit la pose elle-même masquait ce qu'on ne voulait pas montrer, soit un cache-sexe plus ou moins opportun fut largement employé, autant sur les sculptures que dans la peinture : c'était soit un morceau d'étoffe, soit une feuille de vigne (comme sur Adam) ou de figuier, et parfois des éléments plus ingénieux comme les cheveux (pour la Naissance de Vénus de Botticelli).

Quand il n'y avait pas de cache-sexe, souvent le sexe était prépubère, à la manière antique. Il est d'ailleurs quelquefois difficile de différencier les enfants, adolescents et adultes dans la mesure où la musculature ne correspond ni au visage ni au sexe (comme dans les œuvres du Caravage ou de Michel-Ange). Mais certains ne s'embarrassaient pas de ces convenances, comme le David de Michel-Ange ou le Persée de Cellini, exposés aux regards sur la place publique dès leur création.

Certains nus de la Renaissance furent toutefois seulement censurés plus tard, par les descendants des propriétaires des œuvres. C'est notamment le cas d'une fresque de Masaccio (ci-contre) sur laquelle les sexes des deux personnages furent recouverts de feuilles de figuier deux siècles plus tard (et enlevées lors de la dernière restauration)[22].

Baroque et maniérisme

Articles détaillés : Art baroque et Maniérisme.
Le Greco, Laocoon (1604-1614).

En droite ligne de la renaissance, l'art baroque et le maniérisme introduisent une exagération systématique dans les poses, le style et les sentiments donnés aux sujets représentés. La motivation des peintres n'est plus obligatoirement la recherche du réalisme presque anatomique (celui-ci a déjà été atteint). Grâce au clair-obscur introduit par le Caravage, puis Rembrandt, les corps et la chair se détachent désormais des seconds plans et sont éclairés comme jamais auparavant. On n'hésite pas à montrer des corps meurtris, contrefaits ou torturés, comme le Laocoon du Greco ou les innombrables représentations du Christ.

Rococo

Article détaillé : Rococo.
Odalisque de Boucher (1740).

En totale contradiction avec les courants précédents viendra plus tard le rococo. Celui-ci se caractérise par la mise en avant de scènes privées. Dans cette optique, les nus sont eux aussi des scènes privées, principalement féminins et assez souvent érotiques.

Watteau peint une dame faisant sa toilette, François Boucher lui n'hésite pas à peindre nue une des courtisanes de Louis XV, ou encore à se servir de sa propre femme comme modèle de son Odalisque (dans une pose très suggestive).

Pour autant les thèmes mythologiques et surtout les allégories (principalement l'amour) ne sont pas délaissés ; ils suivent les caractéristiques du courant : couleurs (et formes) douces et diffuses.

Néoclassicisme

Article détaillé : Néoclassicisme.
La Grande Odalisque de Dominique Ingres, 1814.

Les découvertes archéologiques qui résultèrent des fouilles d'Herculanum (1738) puis de Pompéi (1748) eurent un grand retentissement dans le domaine artistique[23]. Elles contribuèrent à la mise au goût du jour du classicisme et, à travers lui, du néoclassicisme. Le mouvement néoclassique prônait un nouveau retour aux racines antiques (en opposition au rococo). L'art grec et romain deviennent le modèle qu'il faut suivre. C'est le départ d'un vaste mouvement qui englobe la peinture, la sculpture, mais aussi la littérature, et l'architecture.

Proche du Romantisme, il donna lieu a de nombreuses déclinaisons de thèmes mythologiques classiques, mais également de thèmes liés à la naissance du concept de nationalisme et aux idéaux révolutionnaires (notamment chez Jacques-Louis David) où les nus apparaissaient le plus souvent dans des scènes de guerre, avant d'être intégrés aux représentations de la bourgeoisie de la Restauration et de la Troisième République.

Dans la hiérarchie des genres, la peinture de personnage, qu'elle soit historique ou allégorique, occupe la première place. Le nu, par la difficulté de représenter l'anatomie et la carnation, permet à l'artiste de démontrer son talent. Pour qu'un nu soit admis dans les salons officiels et ne scandalise point le public, le peintre le désexualise en lui donnant les contours idéalisés d'une sculpture antique et l'identité reconnaissable d'un personnage biblique ou mythologique[24]. Les nus néoclassiques de la seconde phase se caractérisent par un rendu velouté et uni, proches de l'idéal de pureté et de virginité de la première période romantique. Les nus les plus connus de cette période sont ceux de Dominique Ingres, notamment sa Grande Odalisque[25], dont les vertèbres supplémentaires ajoutent une note maniériste.

En sculpture, on fait un grand usage de sujets et de poses antiques, dont la célèbre Vénus de Canova pour laquelle Pauline Bonaparte avait posé. Si le nu intégral ne choque plus guère pour les œuvres publiques monumentales, on note une pratique particulière concernant les sculptures en bronze destinées aux particuliers. Souvent on y ajoute un cache-sexe opportun, bout de pagne ou feuille de vigne, y compris pour les reproductions d'antiques.

Romantisme

Article détaillé : Romantisme.
Marie-Madeleine de Francesco Hayez (1825).

La peinture romantique, réaction du sentiment contre la raison, se caractérise par un goût très marqué pour la dramatisation. Les peintres n'hésitent plus à montrer la réalité, aussi violente qu'elle puisse être. La peinture romantique se caractérise aussi par l'arrivée de l'exotisme dans les mœurs occidentales, par le fantasme du harem (par exemple Au harem - Femme au bain de Théodore Chassériau de 1854), des femmes mises à disposition ; les œuvres deviennent plus libérées et les nus expriment la sensualité et parfois même la sexualité. La peinture romantique est une totale rupture avec le classicisme et s'écarte également du néoclassicisme par un relâchement des conventions formelles : ce ne sont plus les formes et les sujets que l'on met en valeur, mais davantage l'intensité des couleurs, des contrastes et de la lumière.

Le romantisme en sculpture n'apparut qu'assez tard, vers 1830, et dura peu. Jusque-là les artistes, n'osant pas rompre avec le canon traditionnel, tentaient seulement d'accentuer le mouvement des lignes ou de leur donner plus de souplesse (par exemple le Spartacus de Foyatier ou le Coureur de Marathon de Cortot).

Réalisme et impressionnisme

Articles détaillés : Réalisme (peinture) et Impressionnisme.
Olympia de Manet (1863).
L'Origine du monde de Gustave Courbet (1866), musée d'Orsay, Paris.

Ces deux mouvements de la seconde partie du XIXe siècle firent scandale à leur époque en utilisant le nu dans des situations réalistes et non plus pour des scènes mythologiques ou historiques.

Proches des préoccupations sociales de leur époque, les peintres réalistes privilégièrent les études de nus féminins sur le vif, dans des situations quotidiennes. Ils prennent pour modèles des femmes de classes sociales inférieures, des prostituées ou leurs maîtresses car jusqu'à cette période, les modèles des nus académiques étaient presque[26] toujours masculins[27].

Loin de l'idéalisation du néoclassicisme, ces œuvres crues choquèrent le public et les critiques contemporains. Gustave Courbet avec son tableau L'Origine du monde, montre une représentation sans voile du sexe féminin. Le tableau, exposé au musée d'Orsay depuis le milieu des années 1990 alors qu'il n'avait été précédemment montré qu'au cercle restreint de ses propriétaires successifs[28], est encore aujourd'hui considéré comme indécent, comme en témoigne une action en justice à l'encontre du site Facebook accusé de censure par un internaute[29].

Les nus impressionnistes empruntèrent à l'école réaliste un goût pour le quotidien, en opérant toutefois un retour marqué à certaines scènes bucoliques, idéalisées. Un des initiateurs du mouvement fut Édouard Manet qui provoqua un scandale au Salon des Refusés en 1863 en présentant le Déjeuner sur l'herbe, où une femme entièrement nue participe à un simple pique-nique dans la nature en compagnie d'hommes habillés. La culture ou la sincérité des critiques peut être mise en cause, puisqu'un seul remarqua que le tableau était une reprise du Concert champêtre de Giorgione, que Manet avait vu en Italie[30]. Le nu suivant, de nouveau une variation sur un classique italien (la Vénus d'Urbino du Titien), Olympia provoqua encore un tollé car il représentait une femme ordinaire, probablement une prostituée, nue mais ayant gardé son collier, un bracelet et ses mules aux pieds et accompagnée d'une domestique noire (lui présentant peut-être le bouquet d'un admirateur) et d'un chaton noir.

Le nu dans l'art du XXe siècle

Adam et Ève de Fernando Botero, artiste colombien.
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Abstraction puis retour à la figuration

Au début du XXe siècle, l'art figuratif a été réinterprété grâce à l'éclairage nouveau qu'ont pu offrir les nouvelles techniques et les nouvelles approches (la psychanalyse par exemple).

Les Demoiselles d'Avignon (de Picasso, 1906) sont un exemple célèbre de distorsion de nus à travers le prisme multifocal du cubisme. L'expressionnisme abstrait ne quitte pas la thématique traditionnelle du nu qui, chez Raymond Moisset entre autres, reste perceptible.

Balthus, marginal par rapport à ces courants, se démarque par une approche très classique qui met souvent en scène des jeunes filles dénudées.

Expressionnisme

Article détaillé : Expressionnisme.
Egon Schiele,
Autoportrait (1911) ;
53 × 29 cm.
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Art des totalitarismes

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Arno Breker, Prometheus.

Le néoclassicisme a connu un renouveau au XXe siècle, du fait de régimes dictatoriaux qui en attendaient une image de permanence et de continuité de la civilisation[réf. nécessaire]. L'Italie fasciste et l'Allemagne nazie ont puisé dans les représentations idéalisées de la Grèce et de la Rome antique, pour constituer leurs outils de propagande. La propagande nazie notamment montra un réel désir de retourner à un mode de vie proche de celui de l'Antiquité en ce qui concerne la pratique des sports (de façon collective) ainsi que dans le rapport à la nudité ; en effet, le régime soutint le mouvement naturiste allemand, bien qu'il ait été au départ interdit[31].

Le nu artistique a été utilisé pour montrer la perfection du corps « aryen » et sportif (ce qui a été notable lors des Jeux olympiques de Berlin en 1936 avec, en particulier, sa présentation cinématographique par Leni Riefenstahl). On peut observer les similitudes entre le décor des jeux de Berlin, avec les statues d'Arno Breker, et le Foro Italico (Stade des marbres) de Mussolini à Rome, dont le stade est couronné de nus masculins monumentaux.

Les canons de l'art stalinien, utilisés dans les pays communistes, puisent dans le même répertoire. Les statues du Palais du Trocadéro, qui a accueilli l'Exposition universelle en 1937, avec les pavillons géants de l'Allemagne nazie et de l'URSS communiste, sont également proches de ce style. En France on peut citer Pierre le Faguays comme sculpteur de ce courant[réf. nécessaire].

Les représentations masculines (comme celles d'Arno Breker) sont bien souvent des pastiches des représentations classiques, avec une carrure exagérée comme celle de l'Hercule Farnèse, des poses rigides (comme le bras tendu vers la victoire rappelant le Gladiateur Borghese) et un regard devant inspirer le courage[réf. nécessaire]. Le tout est parfois accentué par les dimensions monumentales des œuvres, ce qui ne les fait apparaître au spectateur moderne qui ne perçoit pas les références classiques comme le modèle d'un hypothétique surhomme aryen.

La monumentalité appréciée par les grandes institutions autoritaires n'en est cependant pas la marque exclusive, comme le montre l'exemple de statue néoclassique de la Liberté par Bartholdi à l'entrée du port de New York, ou les représentations de Bouddha gigantesques en Asie. Les artistes de tous les pays depuis Michel-Ange et son David de quatre mètres de haut s'étaient intéressé à l'effet de la représentation plus grande que nature dans un esprit humaniste. À l'époque moderne, des sculpteurs tout à fait opposés aux régimes autoritaires, comme Rodin et Bourdelle, ont produit des nus monumentaux en assez grand nombre pour que l'indice de la taille ne puisse être retenu pour associer cet indice au fascisme ou au stalinisme.

Le nu contemporain

Modèle posant pour un artiste.

Ceux qui, comme Lucian Freud tout particulièrement, se confrontent au nu, insistent sur la distinction entre « nude » (nu) et « naked » (dénudé), popularisée par Kenneth Clark[32]. Ainsi, « Freud ne peint pas des nus quelconques ; il peint plutôt des proches dénudés. […] Freud insiste sur l’animalité de la figure humaine, pour couper court à toute interprétation de portrait psychologique[33]. »

Après la Seconde Guerre mondiale, le pop art, dans les années 1960, se réapproprie des images commerciales de nus, voire d'images pornographiques (Tom Wesselmann).

Les Fuck Faces, sculptures de Jake et Dinos Chapman, ont souvent suscité des réactions négatives de la part du public. Le corps, ayant abandonné sa dimension de représentation canonique des catégories esthétiques classiques, est devenu un vecteur de réflexion et de subversion. En été 2005, le musée Léopold de Vienne a proposé l'entrée gratuite à l'exposition « La Vérité nue » à ses visiteurs nus.

Dans la lignée de Lucian Freud, mais avec une approche strictement frontale et dénuée de toute expression, Vincent Corpet a traité de la nudité et produit des séries de peintures dans lesquelles les personnes sont représentées à la façon de l'identité judiciaire.

Le nu dans l'art oriental

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Art d'Extrême-Orient

Onna yu (Femmes dans les bains publics) de Kiyonaga, (1780).
Articles détaillés : Art japonais et Shunga (gravure).

La pratique des bains publics mixtes a habitué les Japonais au spectacle des corps dévêtus, et leur art montre assez fréquemment, chez des artistes comme Kiyonaga, des scènes de nudité quotidienne. En revanche, le nu est généralement absent des shungas, ces gravures spécialisées dans la représentation de scènes érotiques, où le drapé compliqué des vêtements est utilisé pour mettre en valeur, mieux que ne le ferait une nudité trop familière, le jeu des organes génitaux. Le Rêve de la femme du pêcheur d'Hokusai, où le corps du personnage est entièrement dénudé, constitue une exception à cet égard[34].

Art du monde indien

Illustration extraite du Kâmasûtra.
Article détaillé : Art du monde indien.

Nouveaux domaines d'exercice

Art corporel

Article détaillé : Art corporel.

Si les représentations de nus sont entrées dans les standards de l'imagerie collective, de nouvelles voies n'ont cessé d'être explorées, notamment, l'art corporel (ou body art) qui a donné, à travers des performances, des représentations parfois crues du corps, devenu un thème majeur de réflexion.

Suite aux premières performances ou happenings du Black Mountain College aux États-Unis, la mise en scène du corps — le plus souvent, celui de l'artiste lui-même — est devenu un nouveau médium de représentation du corps. En France, c'est notamment avec Michel Journiac, dans les années 1970, que l'art corporel, où figurent très souvent des corps nus, émerge. Les automutilations de Gina Pane, quant à elles, ont souvent suscité des réactions négatives de la part du public.

Plus récemment, Ana Mendieta, explorant les rites yoruba de sa culture cubaine d'origine, entre nue dans un cratère, dans un mouvement d'appel à son corps embryonnaire. Les performances d'Yves Klein, où le corps de jeunes filles enduit de peinture bleue laisse son empreinte sur des toiles, sont également restées célèbres.

Photographie

Article connexe : Photographie de nu.
Photographie de nu.

À son origine, la photographie de nu a été utilisée par des artistes comme nouveau moyen d'étudier un modèle. Le musée d'Orsay, par exemple, possède des nus sur lesquels ont été tracés des carrés destinés à aider dans la reproduction et l'agrandissement du modèle sur une toile (mise aux carreaux)[35].

Bien que liée depuis ses débuts à l'érotisme et représentant surtout des femmes, la photographie de nu ne se limite pas à cette image. Vers le milieu du XXe siècle, des magazines mélangent les genres artistiques et érotiques pour contourner l'action de la censure encore très présente à l'époque, présentant au grand public comme artistiques des photos proches de l'érotique. Ainsi David Hamilton est-il connu pour ses photos pas trop nettes de corps nus féminins en éclairage doux. Le développement de l'industrie pornographique a aussi inspiré des artistes. C'est le cas de Jeff Koons qui réalisera plusieurs œuvres de sa série Made in Heaven le représentant avec sa compagne la Cicciolina dans des scènes sexuelles[36].

L'Américain Spencer Tunick a pris quant à lui le parti de photographier des masses de corps nus, mettant en scène de façon spectaculaire des groupes de plusieurs milliers de personnes nues, volontaires, dans des endroits publics[n 5]. Les mises en scène de Joel-Peter Witkin, où interviennent des personnages bizarres, handicapés ou obèses, suivent, en photographie, une tendance séculaire et contemporaine de l'art[37]. Un photographe comme le Finlandais Arno Rafael Minkkinen photographie son corps nu dans des paysages de son pays natal.

Le Festival européen de la photo de nu, qui se tient tous les ans, à Arles en France, est la plus importante manifestation consacrée à ce genre photographique en Europe. De nombreuses expositions de photographes de nu émérites, sont accessibles au public.

Le nu est notamment utilisé lors de campagnes publicitaires pour des produits en lien avec la nudité (campagnes « Leçons de séduction » pour la marque de lingerie Aubade), mais également pour des produits parfois plus éloignés (campagne « Le fruit nu » de Joker). Elles peuvent être aussi basées sur l'aspect vaguement transgresseur du nu pour des campagnes d'aguichage comme celle d'Avenir publicité en 1981 où une baigneuse se dénude en trois images.

Afin de ne pas être amalgamé à la pornographie, la photo de nu doit se limiter à une représentation subtile et épurée du corps humain. Ainsi comme l'indique le photographe français Jean-Christophe Destailleur, « Le nu est un thème photographique particulièrement délicat, la moindre imperfection pouvant susciter l’opprobre et l’anathème à l’encontre du photographe. Tout doit donc être parfait : l’expression, la pose, la composition, l’angle de vue, l’éclairage... Un beau nu doit être esthétique et émouvant, dénué de toute connotation sexuelle ou vulgarité. C’est ce qui rend l’exercice si passionnant, artistiquement et intellectuellement parlant. »

Au cinéma

Audrey Munson dans Inspiration (1915)

Le nu au cinéma diffère selon les pays et les législations. Il semble plus développé dans le cinéma européen et asiatique que dans le cinéma américain. Quelques films ont cependant été réalisés aux États-Unis comme les films muets Inspiration (1915) de George Foster Platt ou Forbidden Daughters (1927) du photographe de nu Albert Arthur Allen. Les scènes nues se sont libéralisées au cinéma dans les années 1970 et 1980. Avant cette période, la nudité était interdite, puis elle a été tolérée mais non frontalement et était quasi exclusivement féminine (la nudité des James Bond girls en est un bon exemple). Avec la « libération des mœurs » des années 1970, on a vu apparaître une nudité frontale, d'abord féminine puis masculine. À la même époque, sont apparus dans les canaux de diffusion publique les films pornographiques et leur légalisation. Dans les années 1990, la nudité dans les films (en) grand public s'est plutôt raréfiée.

Aux États-Unis, la législation est bien plus stricte quant à la classification des films contenant des scènes de nu. Au Japon, le critère d'acceptabilité est la présentation ou non de poils pubiens.

Bande dessinée

Considérée dans ses débuts comme une publication destinée à la jeunesse, la bande dessinée était soumise en France, jusque dans les années 1970, à un contrôle strict en ce qui concerne la nudité et l'érotisme.

Cependant, à la couleur convenue d'un collant près, le dessin de Superman (depuis 1932) et de beaucoup d'autres super-héros de la bande dessinée populaire américaine, ont beaucoup de caractères communs, avec leur cape drapée, avec les nus héroïques de la tradition pictoriale classique.

Depuis, des artistes graphiques ont exprimé avec ce média leur intérêt pour la représentation de nudités. Comme pour les autres arts graphiques, la valeur érotique du nu est souvent à l'origine de ces représentations (Pichard, Guido Crepax, Milo Manara) qui suivent une voie tracée clandestinement depuis le XVIe siècle par d'autres artistes[n 6] ; mais la situation des narrations dans l'Antiquité et la mythologie permet de varier l'expression (Enki Bilal).

Nu et société

Le paradoxe du nu

Un Nu sur la pelouse, Julius LeBlanc Stewart

Comme la nudité publique est socialement réprouvée et parfois légalement réprimée en Europe dans la plupart des circonstances de la vie quotidienne[38], la licence pour les artistes de représenter des corps nus a fait l'objet d'un très grand nombre de commentaires. Le plus souvent, les attaques contre le nu font appel à des notions supposées connues de tous comme la décence ou au contraire l'obscénité ou la débauche, tandis que la défense de cette « licence artistique » fournit des arguments plus complexes, variables selon l'époque et selon l'état des mœurs, articulés autour des notions de forme, de symbole, d'art, faisant écho aux diverses significations qui sont à ce moment communément associées à la nudité et à l'art. Depuis longtemps des moralistes et des esthètes ont ainsi pris parti, tandis que plus récemment le nu a suscité des recherches de juristes, de sociologues et de chercheurs en anthropologie sociale et religieuse, et en étude des relations de genre (entre masculin et féminin)[39].

Moralistes

Des œuvres comportant des représentations de corps dénudés ont souvent fait l'objet de polémiques. Tandis que les uns soutiennent que l'œuvre en question n'est pas de l'art, parce qu'elle est obscène ou indécente, d'autres répondent qu'elle ne peut être condamnée ni pour obscénité, ni pour indécence, parce qu'elle est de l'art. Comme ni un parti, ni l'autre, n'ose attaquer le principe de base de l'autre, les discussions s'enflamment et durent. Le scandale est aussi souvent un élément de réclame, dès le dix-neuvième siècle.[réf. nécessaire]

Nu et relations de genre

Article détaillé : Image de la femme.

Lynda Nead, observant la prépondérance des nus féminins dans les espaces muséaux, interroge, après John Berger[40], les spécificités du regard masculin sur le nu féminin et les codes de la représentation du corps féminin et de son idéalisation. S'appuyant sur les travaux de Mary Douglas et de Jacques Derrida, elle montre la place du nu féminin parmi les symboles de la domination masculine[41].

Nu et pédophilie

Au XXe siècle, Balthus est célèbre pour ses tableaux de jeunes filles nubiles, souvent peintes dans des poses ambiguës, jouant sur l'idée de l'innocence perdue à l'adolescence.

« Je vois les adolescentes comme un symbole. Je ne pourrai jamais peindre une femme. La beauté de l’adolescente est plus intéressante. L’adolescente incarne l’avenir, l’être avant qu’il ne se transforme en beauté parfaite. Une femme a déjà trouvé sa place dans le monde, une adolescente, non. Le corps d’une femme est déjà complet. Le mystère a disparu. »

Artiste figuratif à une époque où l'abstraction est reine, il provoqua des controverses par son exposition d'une scène sexuellement explicite dans La Leçon de guitare[42] (1934).

En 2000, une artiste néerlandaise, Kiki Lamers, s'est vue interdire d'exposer en France car ses photos incluaient notamment des enfants nus[réf. nécessaire] ; d'autres comme les photographes David Hamilton[43], Sally Mann[réf. nécessaire], Jock Sturges[44], Jan Saudek[réf. nécessaire], Will McBride[45] ou Robert Mapplethorpe[réf. nécessaire] avaient aussi connu ces attaques, la législation étant de plus en plus stricte en ce domaine[réf. nécessaire].

Lectures du nu

Hausenstein

Wilhelm Hausenstein est l'auteur de la première monographie, en allemand, consacrée explicitement à « l'homme nu dans l'art de tous les temps et tous les peuples »[46], publiée pour la première fois en 1911, rééditée plusieurs fois, jusqu'en 1924, mais jamais traduite. Hausenstein cherche à établir une esthétique reliée à la question sociale, suivant les méthodes du matérialisme historique (marxisme). Le nu représente pour lui un motif « pour lequel il n'y a pas de contenu politique palpable[n 7] » et « qui en tous temps du développement historique de l'art a eu du prestige et pour cette raison s'autorise à valoir comme un motif classique de toutes les cultures artistiques[n 8] ». Il crée ainsi une catégorie qui, dépassant celles de l'histoire de l'art en Europe, peut soutenir l'ambition universelle de son investissement théorique. De fait, son inventaire de la nudité dans l'art est plus exhaustif et divers que celui d'auteurs postérieurs, incluant, par exemple, les nus enfantins (comme le Manneken-Pis de François Duquesnoy), les représentations sociales contemporaines (de Constantin Meunier) et des productions exotiques d'Inde, du Japon, d'Afrique et d'Amérique précolombienne.

Kenneth Clark

L'historien d'art Kenneth Clark a publié en 1956 une importante monographie sur le nu, traduite et réimprimée constamment depuis. Sous-titré « étude sur la forme idéale », l'ouvrage applique au nu la théorie classique des beaux-arts, selon laquelle l'œuvre, plus que son sujet, représente une idée[47]. Cette théorie, qui remonte à Aristote et Plotin, est examinée en détail par Erwin Panofsky [48]. Cette idée inclut l'appel érotique potentiel de la figure nue, mais ne s'y limite pas[49]. Clark examine, dans chacun de ses chapitres, différentes idées que les artistes ont ainsi présentées par le moyen de la figure humaine nue. Il s'attache aussi tout au long du texte, mais secondairement, à différencier l'art de la décoration, qui : « existe pour plaire à l'œil; ses images ne devraient pas engager la pensée sérieusement ou frapper profondément l'imagination, mais devraient être acceptées sans question, comme un ancien code de conduite[n 9] ». Cette distinction lui permet d'exclure une partie de la production.

Amour sacré et amour profane, du Titien (1514).

« Apollon » examine la notion de la beauté masculine fondée sur le culte des proportions issu de la pensée de Pythagore[50], repris, pour une période assez brève, à la Renaissance. Clark conclut à la mort de ce mythe au début du XIXe siècle avec l'avènement du matérialisme, qui substitue au calme olympien le désordre dyonisien[51]. Il fonde ses deux chapitres intitulés Vénus sur l'opposition, et l'équilibre entre la Vénus céleste et la Vénus naturelle[52]. Le nu féminin apparaît en Grèce antique longtemps après le nu masculin, venant de l'Orient[53] ; les Grecs mitigent l'appel sensuel par une attitude modeste et l'idéalisation[54]. Après une éclipse de mille ans, le thème ressurgit à la Renaissance, principalement en France et en Italie, évoluant entre l'évocation d'une perfection inaccessible et la représentation plus réaliste d'un corps féminin.

Le chapitre « Énergie » envisage le nu masculin utilisé pour représenter la volonté, la force et l'action, des athlètes de l'Antiquité grecque aux rares réinterprétations modernes de Delacroix et Degas, concluant qu'au XXe siècle la force mécanique fournit des symboles plus populaires pour exprimer ces idées[55] ; « Pathos » envisage les très nombreuses œuvres qui utilisent le nu pour exprimer la douleur, la défaite, l'humiliation : dans l'Antiquité, les groupes de Niobé, Marsyas, Laocoon ; dans la période chrétienne, les Crucifixions, et les Pietàs, l'expulsion d'Adam et Ève du Paradis, les Captifs de Michel-Ange, les nus de la peinture romantique de Géricault et Delacroix. « Extase » aborde les nus qui montrent le corps de la femme qui s'abandonne aux élans de la danse. Selon Clark, ce thème présent dès l'antiquité, lié à la célébration de la renaissance saisonnière de la végétation et aux croyances en la résurrection des corps, finit par dégénérer en simple décoration, à la fin du XIXe siècle.

Ces grandes classes d'idées ne suffisant pas à rendre compte des différences formelles entre les représentations du corps humain, Clark aborde ensuite l'« autre convention », celle qui ne dépend pas de la tradition antique, qui présente le nu féminin avec une forte emphase sur l'abdomen. Concluant sur « le nu comme une fin en soi » en remarquant que l'inventaire qu'il a fait jusqu'à ce point n'épuise pas encore la variété des nus, il conclut que ce genre s'est constitué, à partir de la Renaissance, comme un emblème du métier d'artiste, dès moment où ceux-ci se sont organisés, en Italie avec l'Académie de Saint-Luc et en France avec l'Académie royale de peinture et de sculpture, comme une profession intellectuelle, se différenciant des artisans . Le nu est « dans une large mesure une création artificielle due au système d'apprentissage qui s'est établi au moment de la transition entre l'art médiéval et l'art moderne[n 10] ». À partir de ce moment, les nus se réfèrent à d'autres nus antérieurs.

François Jullien

La Chine a produit une culture artistique développée, mais ne s'est pas intéressée à la figure humaine nue, constate le philosophe François Jullien. Ce n'est pas qu'hommes ou femmes ne soient jamais représentés nus ; on en trouve dans les ouvrages érotiques ; mais le corps est figuré sans soin, « comme des sacs »[56]. Ce ne sont pas des nus. « puisqu'on voit que, dans l'érotique chinoise, le corps peut être figuré nu sans constituer pour autant un nu, on peut en déduire qu'il faut qu'il y ait forme […] pour qu'il y ait nu. […] des corps humains peuvent être largement déshabillés sans qu'ils aient la présence d'un nu[…]. Et la réciproque aussi est vraie : on peut avoir affaire à un nu sans que le corps soit entièrement dévêtu (notamment que le sexe soit caché n'y change rien). »[57]. Le nu est donc une forme artistique particulière à l'Europe, que l'auteur relie au discours philosophique classique, principalement à Plotin, Kant et Hegel. Il est pour Jullien un moyen de mettre en évidence « l' implicite de nos modes de pensée ».

Critiqué par d'autres philosophes et sinologues pour sa vision statique de la Chine comme toujours et définitivement différente de l'Europe[n 11], François Jullien a du moins le mérite d'arriver, par comparaison, à préciser ce que fait le nu, ce qui le rend si présent dans l'art européen depuis la Renaissance[n 12]. Le nu est posé en objet, sans intériorité ni intentions propres[58], il est « saisi à distance, coupé de nous, rejeté du côté des choses, et n'existant que pour permettre de remonter, à travers lui, vers une idéalité (Jullien 2005, p. 90) », ce en quoi il s'oppose au portrait (Jullien 2005, p. 93)[n 13]. Enfin, il est statique : « tant qu'un corps est en mouvement — le cinéma le prouve — il ne peut se constituer en nu ; honteux ou provoquant, ce n'est là qu'un corps dénudé. »[59].

Les quelques exemples de François Jullien étant pris, soit dans l'Antiquité grecque, soit au tournant du XVIe siècle, on peut estimer que ces propos ne concernent que le nu classique ; cependant, son approche philosophique se veut indépendante du temps.

Autres auteurs

Depuis Giorgio Vasari, la plupart des propos sur le nu se trouvent chez des auteurs qui n'ont pas considéré le nu comme une catégorie pertinente pour délimiter leur sujet, bien qu'ils s'intéressent aux sujets pour lesquels il est pertinent, à sa symbolique et à son exécution.

Parmi les ouvrages sur la peinture et sur l'histoire de l'art publiés relativement récemment et contenant des commentaires sur le nu, on peut distinguer ceux qui, comme chez John Berger, s'éloignent du point de vue classique selon lequel l'œuvre d'art possède une signification propre. Pour eux, le spectateur détermine le sens : « Nous ne voyons que ce que nous regardons. Regarder est un choix[n 14] ». Ce sens est donc influencé par ce que les spectateurs sont habitués à voir ; il n'est pas simplement le reflet d'une idée, comme l'affirment les classiques[n 15]. Constatant comme Clark, qu'il critique[60], que les nus peints depuis le XVIIe siècle sont le plus souvent des nus féminins[61], il considère que la figure la plus importante, c'est le spectateur, implicitement masculin, à qui s'adresse l'œuvre. Les représentations montrent donc les femmes d'une façon différente des hommes[62].

Plusieurs auteurs récents ont préféré traiter de la représentation de la figure humaine, en considérant implicitement que la nudité n'est qu'une des variantes de cette représentation. C'est le cas de Nadeije Laneyrie-Dagen 2006, suivant une voie tracée dès la fin du XIXe siècle par Henrick Lange[63].

Voir aussi

Bibliographie

  • Bruno-Nassim Aboudrar, « De la verge, et sa représentation dans les beaux-arts et les sciences de l'homme », Savoirs et clinique, no 7, , p. 71-82 (lire en ligne)
  • (en) John Berger, Ways of Seeing, London, Penguin, ; traduit en français John Berger, Voir le voir, Paris, Alain Moreau, . Le chapitre 3 est consacré au nu.
  • (en) Kenneth Clark, The Nude, an Essay in Ideal Form, Princeton University Press, (1re éd. 1956) ; traduction en français Kenneth Clark, Le Nu, Paris, Hachette, (1re éd. 1969) (ISBN 2-01-278909-9) ; conférences de 1953.
  • William A. Ewing, Le Corps, Œuvres photographiques sur la forme humaine, 432 p., Éditions Assouline, 1994 ; réédition : 2002 (ISBN 2-84323-067-5).
  • Michèle Haddad, La Divine et l'Impure : le nu au XIXe siècle, Éditons du Jaguar, 1990 (ISBN 2-86950-174-9).
  • Flaminio Gualdoni, Histoire générale du nu, Milan, Skira,
  • (de) Wilhelm Hausenstein, Der nackte Mensch in der Kunst aller Zeiten, München, Piper, (1re éd. 1911). Il existe six rééditions, plus une (au moins) limitée à la partie théorique.
  • François Jullien, Le Nu impossible, Paris, Seuil, (ISBN 978-2-02-079465-7). Une première édition a paru dans De l'essence ou du nu, 2000.
  • Nadeije Laneyrie-Dagen, L'invention du corps : la représentation de l'homme du Moyen Âge à la fin du XIXe siècle, Paris, Flammarion, .
  • (en) Lynda Nead, The Female Nude: Art, Obscenity, and Sexuality, New York, Routledge, .
  • Norbert Rouland, « Normes et nus. Réflexions sur le statut juridique et social de la nudité dans la civilisation occidentale », dans Pierre Noreau et Louise Rolland, Mélanges Andrée Lajoie, Thémis, (lire en ligne), p. 421-492.
  • Pascal Vallet, Les dessinateurs : un regard ethnographique sur le travail dans les ateliers de nu, Paris, L'Harmattan, (ISBN 9782343005942)
  • Paul Valéry, Degas, Danse, Dessin, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », (1re éd. 1934), p. 109-117 « Du nu ».
  • (en) Margaret Walters, The nude male: A new perspective, Paddington Press, (réédition Penguin 1979).

Articles connexes

Notes

  1. Découper un nu dans une œuvre qui en offre la possibilité est une pratique assez fréquente dans les ouvrages sur le nu. Par exemple, des 298 illustrations de Clark 1984, 18 (6 %) montrent moins de la moitié de l'œuvre dont elles sont tirées, et 7 (2 %) font un nu en extrayant moins d'un quart d'une image où la nudité est isolée.
  2. La première monographie sur la figure humaine dans l'histoire de l'art est Menneskefiguren I Kunstens Historie, publié en danois en 1899 par Peter Köbke, à partir d'écrits laissés par de l'historien d'art Julius Henrik Lange (1838-1896), et traduit en allemand peu après : (de) Julius Lange, Die menschlische Gestalt in der Geschichte der Kunst, Strasbourg, Heitz, . Les deux versions sont republiées en fac-simile par les éditions Kessinger (2010).
  3. « Es ist das Wesen der jüngsten Entwicklung, daß sie antiillusionistisch ist. Insofern ist die neueste Kunst auch nicht mehr Gegenstand einer Geschichte der Darstellung des Nackten. "Nackt", "Körper" sind hier kaum noch eine Kategorie. »
  4. Chap. 3 « pour une esthétique sociale de l'art primitif », le début de 13 « l'homme naturel et l'homme cosmétique » et le 17 « débuts » [de la beauté de la forme].
  5. Exemples du travail de Spencer Tunick : Barcelone, New York, Londres.
  6. Les Sonnets luxurieux de l'Arétin ont été illustrés par Marcantonio Raimondi d'après Giulio Romano, puis par le Corrège. Ils ont circulé sous le manteau depuis leur création vers 1527.
  7. « nicht um handgreifliche politische Kundgebungen handelt » (Hausenstein 1913, p. 12)
  8. « Motive endlich, die in allen Zeiten kunstgeschichtlicher Entwicklung in Ansehen standen und darum als klassiche Motive aller künstlerischen Kulturen gelten dürfen » (Hausenstein 1913, p. 13)
  9. « Decoration exists to please the eye; its images should not seriously engage the mind or strike deep into the imagination, but should be accepted without question, like an ancient code of behavior » (Clark 1984, p. 282).
  10. « It is to a large extent an artificial creation owing to the system of training that came into being at the moment of transition from medieval to modern art (Clark 1984, p. 350-351) ».
  11. Ces critiques sont exposées dans l'article François Jullien.
  12. Pendant les mille ans du Moyen Âge, l'Europe a vis-à-vis du corps nu à peu près la même attitude que la Chine.
  13. Constatation présente aussi chez Clark 1984, p. 163-165
  14. « We only see what we look at. To look is an act of choice (Berger 1972, p. 8). »
  15. John Berger se réfère à L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique de Walter Benjamin

Références

  1. Ségolène Bergeon-Langle et Pierre Curie, Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique, Paris, Editions du patrimoine, (ISBN 978-2-7577-0065-5), p. 118. La section « Typologie » définit le genre comme une « grande catégorie de sujets figuratifs ». Elle définit le nu simplement comme une « Figure nue ».
  2. Thésaurus de la base de données Joconde sur les collections des musées de France.
  3. Clark 1984, p. 75
  4. Bergeon-Langle et Curie 2009, p. 118
  5. « le nu n'est pas un genre »
  6. Voir Roger de Piles, Cours de peinture par principes, Paris, Jombert, (lire en ligne) ; Lacombe, Dictionnaire portatif des beaux-arts, ou Abrégé de ce qui concerne l'architecture, la sculpture, la peinture, la gravure, la poésie et la musique, Paris, vve Estienne et fils et J.-T. Hérissant, (lire en ligne) ; Claude-Henri Watelet, « Académie », dans Encyclopédie méthodique. Beaux-arts, Paris, Panckoucke, (lire en ligne) ; Aubin Louis Millin de Grandmaison, Dictionnaire des Beaux-arts, Paris, Chapelet, (lire en ligne).
  7. André Leroi-Gourhan, Préhistoire de l'art occidental, Paris, Mazenod, , non précisé
  8. Hausenstein 1913, p. 195 ; Clark 1984, p. 70
  9. Hausenstein 1913, p. 195, Clark 1984, p. 70
  10. Clark 1984, p. 70.
  11. (Hausenstein 1913, p. 290)
  12. (en) Gay Robins, The Art of Ancient Egypt, Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, (ISBN 0-674-00376-4)
  13. Iversen MittKairo 15, 1957, 134-147, et Canon et proportion dans l'art égyptien, 1955. Levin AJA 68, 1964, 13-28. Levin AJA 68, 1964, 13-28.
  14. Julius Lange, « Darstellung der Menschen in der alten griechischen Kunst », Strasbourg, 1899, p. XI ; cité par Félix Regnault, « Contribution à l'étude de la frontalité des statues dans l'art primitif », dans Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, vol. 5 no 2, p. 10 (1914)
  15. Clark 1984, p. 72
  16. Clark 1984, p. 175-177
  17. Évangile de Luc, II, 21 et Colossiens II, 11
  18. Francis Haskell et Nicholas Penny (trad. François Lissarague), Pour l'amour de l'antique : la statuaire gréco-romaine et le goût européen : 1500-1900 [« Taste and the antique : the lure of classical sculpture, 1500-1900 »], Paris, Hachette, (1re éd. 1981)
  19. Laneyrie-Dagen 2006 ; Erwin Panofsky, La perspective comme forme symbolique, Paris, Minuit, (ISBN 978-27073-0091-1)
  20. Frederick Hartt, A History of Italian Renaissance Art, (1970)
  21. Nudité sacrée : le nu dans l’art religieux de la Renaissance, entre érotisme, dévotion et censure, Institut National d’Histoire de l’Art, juin 2008
  22. « Gender and Shame in Masaccio’s Expulsion from the Garden of Eden », James Clifton, décembre 2003.
  23. Robert Étienne, La Vie quotidienne à Pompéi, 1989.
  24. (en) Beth Archer Brombert, Edouard Manet. Rebel in a Frock Coat, University of Chicago Press, 1997 (lire en ligne), p. 79
  25. Dominique Massonnaud, Le Nu moderne au salon (1799-1853), Grenoble, 2005.
  26. En France, les femmes sont admises comme modèles à l'académie royale de peinture et de sculpture dès 1759, mais elles doivent être habillées et l'étude se limite à la tête. Quelques femmes posant nues existent dans les ateliers privés dès le XVIe siècle.
  27. Martial Guédron, De chair et de marbre, Honoré Champion, 2003, p. 26
  28. « Le voile se lève sur L’Origine du monde », Le Journal des arts, no 16, juillet-août 1995.
  29. Source AFP, « "L'Origine du monde" de Courbet porno ? Facebook assigné en justice par un internaute », Libération, 23 octobre 2011]; discussion critique de la position de Facebook.
  30. Clark 1984, p. 121-122, 161, 393
  31. Naked Germany: health, race and the nation, Chad Ross.
  32. Clark 1984, p. 3. Cette notion est déjà présente chez Julius Lange qui distingue Akt (le nu) et entkleideten (déshabillé).
  33. Dossier « Lucian Freud. L'atelier » de l'exposition du Centre Pompidou de 2010.
  34. Sylvie Blin, « Le Printemps des sens », RMN-Grand Palais,
  35. Voir photo du XIXe siècle au musée d'Orsay.
  36. Site officiel de Jeff Koons.
  37. Voir Laneyrie-Dagen 2006, chapitre 5 « La fascination de la laideur ». Cette tendance est illustrée en peinture contemporaine à l'occasion par Lucian Freud et systématiquement par Jenny Saville.
  38. Rouland 2008
  39. Berger 1972, Nead 1992
  40. Berger 1972, p. 45-47
  41. Nead 1992
  42. Voir sur denudees.wordpress.com.
  43. (en) « Hamilton's naked girl shots ruled “indecent” », The Guardian, 23 juin 2005.
  44. (en) Biographie de Jock Sturges
  45. (en) « Is America Ready? », Los Angeles Times, 9 mars 1975.
  46. Hausenstein 1913
  47. Clark 1984, p. 5-13
  48. Erwin Panofsky, Idea, Paris, Gallimard/Tel, (1re éd. 1924)
  49. Clark 1984, p. 8-9
  50. Clark 1984, p. 30
  51. Clark 1984, p. 67
  52. Clark 1984, p. 71
  53. Clark 1984, p. 73
  54. Clark 1984, p. 84
  55. Clark 1984, p. 224
  56. Jullien 2005, p. 20
  57. Jullien 2005, p. 22
  58. Jullien 2005, p. 88
  59. (Jullien 2005, p. 60)
  60. Berger 1972, p. 53
  61. Berger 1972, p. 47 ; Clark 1984, p. 72
  62. Berger 1972, p. 63-64
  63. Lange 1903.
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