Abolition de l'esclavage
L’abolition de l'esclavage consiste à interdire juridiquement l'esclavage. Il y a eu une première étape d'abolition de l'esclavage et d'affranchissement des esclaves sous l'influence de l'Église catholique à la fin de l'Antiquité, ensuite du servage. Mais il subsiste partout jusqu'à l'époque contemporaine en dehors des pays d'influence catholique.
Il a été rétabli à partir du XVIe siècle dans les colonies d'Amérique, d'abord en soumettant au travail forcé les populations autochtones, ensuite par la mise en place par des marchands hollandais, portugais, puis anglais, de la traite atlantique. Au milieu du XVIIIe siècle dans les colonies anglaises d'Amérique, sous l'influences des quakers, puis au XIXe siècle, un mouvement historique d'ampleur internationale conduisit à une abolition progressive de l'esclavage dans les territoires américains, puis dans l'ensemble des territoires contrôlés par les Européens. Au début du XXe siècle, l'interdiction de principe de l'esclavage était acquise dans la plupart des États du monde, tout en restant important avec l'exploitation de la main-d’œuvre immigrée clandestine.
La question des origines
La liberté conquise : révoltes et marronnages
L'émergence de multiples formes de résistance peut être considérée comme une donnée structurelle des sociétés esclavagistes. Les guerres serviles sous la République romaine puis, à partir du XVIe siècle, le marronnage, constituaient des formes de contestation de l'esclavage par l'esclave. Les Marrons fuyaient de la propriété de leur maître et partaient se réfugier dans des lieux inaccessibles où ils se regroupaient parfois pour former des sociétés structurées capables de s'organiser contre les chasseurs ou les armées envoyés à leurs trousses, comme le montre l'exemple emblématique du quilombo brésilien de Palmares. De telles révoltes ne sont pas l'exclusivité du domaine occidental : la rébellion des Zandj contre le pouvoir des Abbassides entre 869 et 883 dans le sud de l'Irak constitue historiquement l'une des principales révoltes d’esclaves noirs. Cependant, si ces révoltes ont pu rendre plus complexe le maintien et le développement de sociétés esclavagistes, elles n'ont pas directement contribué au phénomène abolitionniste.
L'abolitionnisme, un concept né et développé en Europe
L'abolition de l'esclavage est un acte juridique qui ne peut émaner que d'une autorité reconnue comme normative au sein d'une communauté politique. En d'autres termes, c'est le dominant, et donc le maître de l'esclave, qui « accorde » l'abolition. Pour comprendre les racines du phénomène abolitionniste, nous devons donc nous interroger sur ce qui a amené les sociétés esclavagistes à renoncer à ce statut établi le plus souvent par des documents à valeur juridique.
Des interdictions ponctuelles, partielles et localisées
La première abolition connue fut celle de l’archonte grec Solon au VIe siècle av. J.-C.[1] Sa législation, la seisakhtheia ou « libération des dettes », ne concernait cependant qu’une catégorie très particulière de la population, les citoyens athéniens asservis pour dettes. Elle interdisait toute créance garantie sur la personne du débiteur, mais également la simple vente d'un Athénien libre, y compris par lui-même. Solon essayait d'enrayer la crise économique et sociale que traversait Athènes : l'esclavage pour dettes des paysans prenait de telles proportions qu’il mettait en danger le fonctionnement de la cité. Toujours pendant la période antique, les Esséniens auraient condamné l'esclavage si l'on en croit Flavius Josèphe[2].
Il semble que le déclin prononcé voire la disparition de la vente d'esclaves en France date du VIIe siècle. La tradition établit un lien entre ce phénomène et les décisions de Bathilde, reine des Francs et régente du royaume. Anglaise de souche royale, elle connaissait elle-même la servitude lorsqu'elle avait débarqué dans le royaume qu'elle devait bientôt diriger, sans doute enlevée par des pirates barbaresques. Achetée par le maire du palais de Neustrie, elle se vit libérée de son état de servitude par l'intérêt que lui portait le roi Clovis II. Une fois devenue veuve en 656, elle assuma le rôle de régente pour son fils de cinq ans et aurait à cette époque aboli la traite. Si aucun document ne permet de dater à coup sûr l'abolition de la vente d'esclaves, il semble bien que le reflux et la disparition de ces trafics corresponde au VIIe siècle[3]. En Europe occidentale, l'esclavage rural, hérité de l'Antiquité, fut progressivement remplacé, à partir du VIIIe siècle, par le système du servage[4]. Aucune législation ne vint cependant mettre un terme officiel et général à cette pratique[5].
Dans le royaume de France, l'édit du 3 juillet 1315 de Louis X le Hutin, proclama que le sol de France affranchissait quiconque y posait le pied[6]. On trouve des traces tardives et ponctuelles de l’application de ce texte par les parlements français au XVIe siècle : à Bordeaux, en 1571, il est invoqué pour justifier la libération d’une cargaison d’esclaves africains, transportée par un négrier normand[7]. L'application de l'ordonnance royale demeura cependant strictement circonscrite au territoire européen, ne remettant à aucun moment en cause la participation active de Français au commerce triangulaire et à la mise en place d'une économie esclavagiste dans ses colonies antillaises. Avec le développement de la traite, la législation évolua sur le sol de la métropole dans un sens de plus en plus défavorable aux esclaves : l'automaticité de l'affranchissement fit place à la tolérance de l'esclavage (édit d'octobre 1716)[8] puis au strict contrôle du séjour des Noirs (déclaration royale de 1738)[9],[N 1].
De la liberté des Européens à celle de l'Homme en général
C'est pourtant à cette époque, à partir du milieu du XVIIIe siècle, que le basculement décisif en faveur d'une dynamique abolitionniste se fit jour en Europe, à la faveur d'une « profonde révolution morale contre la traite et l'esclavage »[10]. Même si ces deux mouvements, légitimation toujours plus nette de la traite d'un côté, émergence d'un discours abolitionniste puissant de l'autre, semblent être contradictoires, ils ne le sont qu'en apparence, dans la mesure où ils puisent aux mêmes sources de l'affirmation de la liberté individuelle. Loin de constituer un phénomène indépendant surgi ex nihilo et sans antériorité dans les consciences européennes, le basculement des Européens du côté de l'abolitionnisme ne fut que l'aboutissement de mutations progressives des mentalités européennes sur le temps long. Les historiens perçoivent un changement de perspective dès le XIe siècle, mais plus nettement encore au XIVe siècle, lorsqu'il s'avéra impossible de « faire revivre le servage ou même l'esclavage lors de la crise de main-d’œuvre qui suivit la peste noire[11] ». À cette époque, malgré les nécessités du temps, il est clairement impossible d'envisager l'asservissement d'un Européen par un autre Européen.
En fait, cela doit être mis en relation avec l'idée que tout processus d'intégration politique et sociale au sein d'un groupe entraîne l'impossibilité de l'asservissement au sein de ce groupe et inversement la désignation d'un « Autre », extérieur à la communauté, qui lui paraît tout désigné pour jouer le rôle de l'esclave. C'est ce phénomène qui explique, pour une part, à la fois la réforme de Solon à Athènes au VIe siècle av. J.-C. ou l'ordonnance de Louis X le Hutin de 1315[12]. Or, la fin du Moyen Âge correspond en Europe à un temps d'émergence de plus en plus affirmé à la fois de l'idée nationale et de celle de liberté individuelle excluant tout asservissement[13],[N 2]. L'affirmation de la solidarité des insiders, qu'il s'agisse d'Européens chrétiens (les deux termes sont pour l'essentiel synonymes à cette époque) ou a fortiori de sujets du royaume de France ou d'Angleterre, facilite la désignation des outsiders comme « esclaves par nature »[N 3]. Évidemment, la liberté individuelle reconnue aux insiders peut paraître contradictoire avec l'asservissement d'un autre être humain. C'est d'ailleurs l'émergence, à partir de cette liberté individuelle au sein de la communauté, de celle, plus large, de l'Homme en général qui mettra à mal les fondements du principe esclavagiste au XVIIIe siècle. Reste qu'il semble bien que « cette idée, laïque, selon laquelle tous les hommes sont libres au sein d'une même communauté politique a, dans un premier temps, facilité l'esclavage des autres, avant de contribuer à saper les bases idéologiques du système esclavagiste[13]. David Eltis résume ainsi cette idée en soulignant que « la liberté telle qu'elle se développa en Europe rendit d'abord possible l'esclavage aux Amériques, et ensuite conduisit à son abolition »[15] », les forces ayant contribué à l'établissement du commerce triangulaire jouant dans un second temps contre ces pratiques.
Le christianisme, entre contestation et justification de l'esclavage
De fait, en Europe, l'esclavage connut un renouveau avec le début de l'expansion européenne au XVe siècle. On chercha immédiatement à obtenir des autorités religieuses un blanc-seing pour pratiquer la traite et l'esclavage. La question se posa d'abord pour les Portugais qui souhaitaient prélever quelques populations noires d'Afrique pour peupler et exploiter São Tomé et les Açores. La réponse de la papauté fut sans ambiguïté, puisque le 8 janvier 1455, Nicolas V, dans sa bulle Romanus Pontifex, justifiait la politique portugaise, même si elle mettait en relation lutte contre l'islam et mise en esclavage des populations noires[16].
L'esclavage des Indiens d'Amérique, pratiqué dès l'arrivée de Christophe Colomb sur Hispaniola, renouvela le questionnement et se constitua ensuite progressivement en problème politique jusqu'à sa conclusion lors de la Controverse de Valladolid en 1550. Le souverain espagnol Charles Quint autorisa d'abord l'esclavage des Amérindiens, puis l'interdit en 1526 dans tout son empire sur recommandation de son Conseil des Indes[17]. Le 2 juin 1537, le pape Paul III le condamna à son tour en termes vigoureux dans sa lettre Veritas ipsa, suivie le 29 mai de la bulle officielle Sublimis Deus. Mais si la condamnation papale était ici sans ambiguïté, elle s'appliquait essentiellement à rejeter l'asservissement des Indiens[18], en refusant toute « distinction entre les droits fondamentaux des chrétiens et ceux des populations non chrétiennes, connues ou qui pourraient l'être à l'avenir »[19] : le sort des populations africaines n'était pas évoqué explicitement. Cependant, la bulle pontificale fut complètement ignorée, et la papauté choisit l'immobilisme pour ne pas nuire trop aux puissances coloniales catholiques dans un contexte d'essor de la Réforme[19].
Ces tergiversations des autorités catholiques manifestent le caractère contradictoire des textes auxquels un chrétien pouvait se référer pour définir son positionnement vis-à-vis de l'institution esclavagiste. En effet, les circonstances dans lesquelles le christianisme était né, celles d'une société romaine où l'esclavage était admis comme une dimension fondamentale de l'organisation sociale, n'inclinait pas à rejeter cette institution, ce qui apparaît très clairement dans le discours de Saint Augustin[N 4]. Cependant, ce qu'Édouard Biot a appelé la « doctrine primitive » du christianisme[21] et qui s'incarne dans l'Épître aux Galates de saint Paul (« Il n'y a plus ici ni Juifs ni Grecs, il n'y a plus ni esclaves ni libres, il n'y a plus ni homme ni femme, mais tous sont en Jésus-Christ ») pouvait également être utilisé par les opposants au système esclavagiste pour alimenter leur combat. Cette imprécision des textes fondateurs du christianisme sur la question de l'esclavage a permis aux autorités en place de se saisir, au sein du message chrétien, des éléments susceptibles d'appuyer les décisions prises en fonction de circonstances et de critères autres que religieux : justification de l'esclavage noir d'abord, contestation du système esclavagiste, appuyée sur l'idée que tous les hommes sont égaux devant Dieu, ensuite[12].
Le XVIIIe siècle : une remise en cause progressive
L'argumentaire abolitionniste
Les arguments philosophiques et moraux
Dès le milieu du XVIIIe siècle l'esclavage devint un sujet fréquemment évoqué par les philosophes des Lumières : Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Raynal (secrètement épaulé par Diderot) écrivirent tous sur le sujet. En France, l'article « traite des nègres » de L’Encyclopédie rédigé en 1766 par Louis de Jaucourt condamnait l'esclavage et la traite : « Cet achat de nègres, pour les réduire en esclavage, est un négoce qui viole la religion, la morale, les lois naturelles, et tous les droits de la nature humaine ». Si la dénonciation morale de l'esclavage fut fréquente, elle franchit plus rarement le cap de la remise en cause du système esclavagiste existant dans les colonies[22].
Les arguments économiques
Dans les années 1760 émergea chez les économistes libéraux et les physiocrates français une condamnation économique de l'esclavage. Considéré comme moins productif que le travail libre, le système esclavagiste apparaissait aussi pour ces auteurs comme un frein au développement du marché intérieur. Adam Smith écrivait ainsi que « l'expérience de tous les temps et de tous les pays s'accorde, je crois, pour démontrer que l'ouvrage fait par des mains libres revient définitivement à meilleur compte que celui qui est fait par des esclaves »[23]. C'est la même opinion que professe Du Pont de Nemours dans les Éphémérides du citoyen en 1771[24]. Ces arguments, qui trouvèrent en France dans le comte de Mirabeau un relais fidèle, permirent de rallier une partie des milieux d'affaires.
Devant la condamnation morale qui se généralisa au XIXe siècle, les esclavagistes français se replièrent néanmoins derrière des arguments économiques opposés : sans l'esclavage, affirmaient-ils, la prospérité de la France ainsi que sa position dans le concert des nations serait mise en danger.
Les premières sociétés anti-esclavagistes
À la fin des années 1780, des sociétés anti-esclavagistes furent fondées quasi-simultanément aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en France. Leur travail de dénonciation, principalement sur le terrain moral, permettait de diffuser à une large échelle l'information existant sur les conditions de vie des esclaves, comme en attestent le succès des pétitions des années 1788-1789 demandant un débat parlementaire sur l'esclavage en Angleterre ou la revendication de l'abolition de l'esclavage dans les colonies dans une cinquantaine de cahiers de doléances français en 1789[N 5].
L'intensification des révoltes d'esclaves
Le XVIIIe siècle se caractérisa par une recrudescence des révoltes d'esclaves dont on retrouve une trace dans les œuvres de fiction, comme Oroonoko d'Aphra Behn (le héros de la nouvelle est un leader des marrons de Surinam). Le nom des leaders connut une postérité importante dans toute l'Europe : Makandal, chef des insurgés de 1748 à Saint-Domingue, ou Moses Bom Saamp en Jamaïque sont autant de figures qui nourrirent le mythe du Spartacus dont Raynal se fit l'écho dans son Histoire philosophique et politique des établissements & du commerce des européens dans les deux Indes.
Le soulèvement des Noirs de Saint-Domingue, ou révolution haïtienne (1791 à 1804), première révolution antiesclavagiste du continent américain, constitue le point d'orgue de cette « chaîne des insurrections ». Elle eut un rôle décisif dans le processus qui conduisit à la première abolition française de l'esclavage en 1793-1794. Les noirs libres et les esclaves de la colonie française de Saint-Domingue se rebellèrent sous la direction de François Dominique Toussaint Louverture puis de Jean-Jacques Dessalines, tous deux anciens esclaves émancipés. Sous la pression des événements, c'est non seulement conformément aux valeurs portées par la révolution française mais aussi pour rétablir le calme et pour éviter que les esclaves ne livrent l'île aux Anglais (en échange de leur affranchissement) que Sonthonax, commissaire civil à Saint-Domingue, le 29 août 1793, abolit l'esclavage dans la partie Nord de l'île[27] ; le 21 septembre 1793, le commissaire Polverel confirme l'abolition pour l'Ouest et le Sud de Saint-Domingue ; enfin, un décret généralise l'abolition de l'esclavage à toutes les colonies françaises.
Voies nationales de l'abolition des traites occidentales
Au Danemark
L'État danois (alors associé au Royaume de Norvège) fut le premier à abolir officiellement la traite, en 1792; la Suède (associée à son tour au Royaume de Norvège) s'en prévaudra lors de la signature d'un « traité pour la répression de la Traite des Noirs » avec l'Angleterre en 1824[28]. Influencés par les vigueur des débats abolitionnistes en Angleterre et en France, persuadés que l'abolition allait intervenir rapidement dans ces deux pays majeurs, les Danois, un an seulement après avoir constitué une commission chargé d'étudier cette éventualité et sans qu'une réelle mobilisation ait eu lieu au sein de la population ou des élites intellectuelles du pays, décidèrent de franchir le pas de l'interdiction de la traite[29]. Ils accordèrent néanmoins à leurs colonies à sucre un délai de dix ans, jusqu'en 1803, pour adapter leur système productif et notamment développer la reproduction du stock d'esclave présent sur place par accroissement naturel[30]. En fait, malgré l'importance, plus grande que pour la France ou la Grande-Bretagne, du commerce colonial dans l'économie du pays, les membres de la commission avaient constaté la maigre rentabilité de la traite du fait de ses coûts importants (décès d'esclaves et de marins, naufrages, entretien des forts nécessaires au commerce sur les côtes africaines…)[31]. Dès lors, rien ne justifiait « de la maintenir pour elle-même, et de continuer à la subventionner par le biais des avantages concédés aux compagnies de commerce »[30].
Au Royaume-Uni
L’abolition de l'esclavage a eu lieu au Royaume-Uni de manière particulièrement précoce. Cela s'explique notamment par l'émergence dès la fin du XVIIIe siècle d'un puissant mouvement abolitionniste au Royaume-Uni, notamment dans les milieux non-conformistes. Ces sociétés abolitionnistes visaient dans un premier temps à abolir uniquement la traite, en escomptant que son abandon entraînerait le dépérissement progressif et graduel du système esclavagiste fondé sur elle. La très efficace propagande qu'elles diffusaient rencontra un écho certain au sein de l'opinion publique britannique, écho concrétisé dans la production de spectaculaires pétitions comme les affectionnaient les milieux radicaux britanniques de cette époque. Ces pétitions étaient ensuite présentées au Parlement pour appuyer l'action de ceux de ses membres qui militaient pour l'abolition, tel William Wilberforce.
L'abandon de la traite fut obtenu en 1807, celle de l'esclavage lui-même en 1833, notamment grâce à l'action de l'Anti-Slavery Society. Pour préserver notamment l'équilibre économique des colonies antillaises britanniques, on choisit cependant une sortie graduelle de l'esclavage : pendant une période, variable selon les catégories d'individus, d'« apprentissage » de la liberté, les esclaves devaient fournir un travail non rémunéré à leur ancien maître. L'émancipation définitive et généralisée n'intervint que le 1er janvier 1838.
L'abolition de l'esclavage motiva encore davantage l’État britannique à mener la politique de répression de la traite à l'échelle internationale qu'il avait initiée dès 1807. Le Royaume-Uni imposa ainsi petit à petit l'abandon de la traite à ses ennemis vaincus ou à ses alliés redevables, via des accords bilatéraux plus ou moins contraignants. Dans ce cadre, la Royal Navy, et en son sein le British African Squadron, prit largement en charge pendant plusieurs décennies la chasse aux navires négriers au large de l'Afrique, ce qui, malgré le coût de l'opération, ne fut pas sans contribuer à l'établissement et au renforcement de l'hégémonie britannique sur les mers et dans l'espace africain. Malgré des dérives, la politique britannique constante visant à étendre au monde entier l'interdiction des traites négrières qu'elle s'était elle-même imposée, tarit progressivement les flux qui en étaient issus dans les années 1840/1850.
En France
En France, l'esclavage qui était une institution courante chez les peuples de l'Antiquité, avait disparu avec le Bas Empire sous l'influence de Église catholique. Cette condition qui permet d'acheter et de vendre des êtres humains comme des meubles, ne doit pas être confondue avec le servage, ou main-morte personnelle, qui au contraire les immobilise, les attache à leur terre.
La première loi interdisant dans tout le royaume de France le servage, ou servitude réelle, a été donnée par le roi Louis X, il s'agit de l'édit du 3 juillet 1315. Cet édit permet à tout esclave qui vient en France d'être affranchi : "Le sol français affranchit l'esclave qui le touche". D'autre part, l'Église catholique interdit la pratique de l'esclavage, car elle considère que les êtres humains sont à égalité devant Dieu.
En vertu de ces principes, dans les colonies françaises, la liberté et la plénitude des droits attachés à nationalité française étaient automatiquement accordée aux populations indigènes dès lors qu'elles se faisaient baptiser. La politique officielle de peuplement des rois de France se basait sur le développement des populations indigènes et sur une immigration volontaire de population de souche française.
L'esclavage a été rétabli officieusement sur le territoire français avec l'importation illégale d'esclaves noirs dans les îles françaises d'Amérique, en particulier à Saint-Domingue, où des marchands d'esclaves juifs bannis du Brésil s'installent au début du XVIIe siècle. En 1685, à l'initiative du ministre de la marine Colbert, une ordonnance, connue par la suite sous le nom de Code noir, est prise pour leur donner un statut juridique. Les parlements refuseront de l'enregistrer, comme contraire aux principes du droit français. Cette ordonnance a plusieurs mérites: elle reconnaît aux noirs une personnalité juridique, oblige à les baptiser, à les instruire, leur permet de se marier, donc de contracter, de se constituer un pécule et de racheter leur liberté, elle interdit aux maîtres de les maltraiter et de le faire travailler les dimanche et jours de fêtes, leur donne le droit de se plaindre en justice contre leurs maîtres, leur permet d'agir et de témoigner en justice, interdit de séparer les familles en vendant séparément un de leurs membres. Elle donne aux maîtres un droit de correction qui nous paraît très dur, mais qui existait aussi pour les soldats et les domestiques. Elle interdit aux maîtres les relations sexuelles avec les esclaves, sauf dans le cadre du mariage qui n'est pas interdit entre personne libre et esclave. L'esclavage reste strictement limité aux îles françaises d'Amérique, c'est-à-dire aux Antilles françaises, il reste proscrit ailleurs, en particulier en Nouvelle-France et en Louisiane. Il sera appliqué aux Antilles en 1687, puis étendu en Guyane en 1704, à la Réunion en 1723, et enfin en Louisiane en 1724. Néanmoins, beaucoup de maîtres d'esclaves ne le respectent pas.
Pendant la régence du duc d'Orléans, John Law prend le contrôle de la Compagnie des Indes occidentales, un acte est obtenu du roi Louis XV, alors âgé de huit ans, pour permettre à certains armateurs de Bordeaux et de Nantes d'armer des bateaux de commerce d'esclave entre l'Afrique et les Îles d'Amérique. Des tentatives sont faites au milieu du XVIIIe siècle pour importer des esclaves noirs dans ces deux ports, afin d'y travailler gratuitement, mais le parlement s'y oppose, et une ordonnance interdit formellement d'importer des esclaves noirs en France.
Le combat pour l'abolition de l'esclavage, qui occupait les esprits depuis l'établissement des colonies du Nouveau Monde, prend de l'ampleur au commencement de la période révolutionnaire. Non sans mal, ce mouvement aboutit au décret d'abolition de l'esclavage en février 1794, décret qui ne connaît qu'une application limitée. Sous le Consulat, la Paix d'Amiens, signée en 1802 alors que la France est engagée dans une campagne à Saint-Domingue, revient sur ces acquis révolutionnaires. De fait, et en droit, l'esclavage est rétabli dans des territoires. L'interdiction de la traite n'intervient qu'en 1815 et surtout en 1817 sous Louis XVIII. L'abolition de l'esclavage, sur tout territoire sous souveraineté française, n'est décrétée que le 27 mai 1848. L'esclavage sera définitivement aboli à Paris, en conseil de Gouvernement, par le décret de Victor Schoelcher qui décide l'abolition de l'esclavage en France et dans ses colonies, le 27 avril 1848.
Avant 1789
Par une ordonnance du 8 mai 1779, Louis XVI renouvelle l'abolition du servage et du droit de suite en France. Cette ordonnance qui porte sur les servitudes réelles, affranchit tous les « mains mortables » des domaines royaux, ainsi que les hommes de corps, les « mortaillables » et les « taillables ».
En 1748, dans De L'esprit des Lois, Montesquieu écrivit un texte satirique intitulé De l'esclavage des nègres; il y tournait en dérision les justifications idéologiques et matérielles de l'esclavage négrier. En 1755, le Chevalier de Jaucourt rédigea les articles « esclavage » et « traite des nègres » (demandant son abolition) dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Il estimait que détenir quelqu'un en esclavage, c'est lui déclarer la guerre et légitimait donc la résistance des esclaves[32].
Brissot créa en 1788 la Société des amis des Noirs dont les objectifs affirmés étaient l'égalité des blancs et des hommes de couleur libres, l'interdiction de la traite négrière et l'abolition progressive de l'esclavage colonial. Condorcet (Réflexions sur l'esclavage des nègres) réclama un moratoire d'une durée de 70 ans entre la fin de l'esclavage et l'accession des affranchis au statut de citoyen[33].
L'abolition du 16 pluviose an II (1794)
En 1788, les délégués de Saint-Domingue aux États généraux, Louis-Marthe de Gouy d'Arsy et Denis Nicolas Cottineau de Kerloguen, fondent un comité colonial, destiné à empêcher toute réforme du système esclavagiste, puis le Club Massiac, un groupe de pression.
Malgré les efforts de ses membres éminents, comme Mirabeau, Pétion, Clavière, l'abbé Grégoire, Lanthenas, Lafayette et Sieyès, la Société des amis des Noirs ne put obtenir que provisoirement le premier des trois objectifs auprès de l'Assemblée constituante. Le Club Massiac obtient le maintien de l'esclavage dans les colonies le 28 novembre 1789. Au cours de ces débats, le député Barnave s'exclama « le nègre ne peut croire qu'il est l'égal du blanc »[34].
Par un décret du 15 mai 1791, l'Assemblée constituante accorde l'égalité des droits politiques aux gens de couleur nés dans les colonies de parents libres (les planteurs métis et non les esclaves affranchis). Le décret maintient donc l'esclavage héréditaire ; il ne rend pas illégal non plus la traite. Seul parmi les adversaires de Barnave, Robespierre, au nom de ses principes et de l'humanité, condamna le compromis. Mais le 24 septembre 1791, dans le cadre de la régression qui suivit la fuite de roi à Varennes et la fusillade du Champ-de-Mars, Barnave réussit à faire révoquer ce décret, justifiant les craintes formulées au club des jacobins par l'abbé Grégoire le 16 septembre[35]. Il bénéficia pour cela de la défection de Lafayette et de Sieyès, qui avaient l'un et l'autre participé, en conformité avec leurs principes égalitaires, au débat de mai 1791, défection vivement condamnée par Brissot dans le Patriote Français du 26 septembre. Néanmoins, le 28 septembre, le député jacobin Edmond Dubois-Crancé parvint à obtenir de l'assemblée constituante l'abolition de l'esclavage et l'égalité des hommes de toutes les couleurs en France continentale[36].
Le 4 avril 1792, l'Assemblée nationale décida d'accorder la pleine citoyenneté à tous les libres de couleur[34]. Plus exactement, ce jour-là le roi sanctionna — comme la constitution de 1791 le voulait — les décrets législatif du 24 mars et gouvernemental du 28 mars 1792[37]. Clavière et Roland avaient été nommés ministres par le roi au début du mois et persuadèrent Louis XVI de valider sans délai la décision de l'assemblée législative : ce fut « la loi du 4 avril 1792 ». Deux commissaires jacobins, proches de la Gironde, Léger-Félicité Sonthonax et Étienne Polverel furent nommés par Brissot — élu député en septembre 1791 — pour faire appliquer le décret dans la colonie. Le premier avait publié entre septembre 1790 et juin 1791 dans le périodique hebdomadaire les Révolutions de Paris (les articles étaient anonymes mais Brissot nous apprend l'identité de l'auteur dans ses mémoires écrits en prison en octobre 1793) « des articles très énergiques en faveur des hommes de couleur » et même contre l'esclavage des Noirs. Le second avait fait radier Barnave du club des Jacobins le 25 septembre 1791 et avait participé aux côtés de Clavière, l'abbé Grégoire, Condorcet et Lanthenas à un jury jacobin chargé de couronner le meilleur almanach constitutionnel et populaire. L'almanach du Père Gérard de Jean-Marie Collot d'Herbois qui fut sélectionné condamnait l'esclavage des Noirs. Ils s'embarquèrent en juillet pour Saint-Domingue.
Par un décret du 16 pluviôse an II (4 février 1794), d'après une rédaction de Jean-François Delacroix, la Convention abolit l'esclavage[N 6], qualifié au cours du débat de « crime de lèse-humanité »[39]. Ce décret avalise et généralise la décision unilatérale du commissaire de la Convention au nord et à l'ouest de Saint-Domingue, Léger-Félicité Sonthonax, prise le 29 août 1793, suivie de l'envoi à Paris de six élus et de trois suppléants. Au Sud de Saint-Domingue, elle fut décrétée par Étienne Polverel le 21 septembre 1793, sans qu'à la date du 16 pluviôse an II, la Convention ne soit au courant, faute d'avoir reçu de députés de cette partie de la colonie. Il y eut ici donc conjonction entre les deux décisions, locale et nationale. Aucun député de cette partie méridionale de la grande colonie ne fut jamais élu pour participer aux débats de la Convention et des assemblées directoriales.
Cette abolition, certes dictée par un humanisme hérité des Lumières, avait aussi comme objet de ramener le calme à Saint-Domingue dans un contexte de pression militaire britannique sur les possessions françaises des Caraïbes[40]. Le discours de Danton dans lequel il se serait écrié le 16 pluviôse an II, "L'Anglais voit s'anéantir son commerce" a laissé croire à une motivation opportuniste et vénale. Mais l'authenticité de cette phrase rapportée imparfaitement par un auteur, Augustin Cochin, a été contestée[41]. Les esclaves affranchis disposèrent dès lors de la citoyenneté française[40]. En tout cas cette abolition fut également appliquée dans d'autres possessions françaises : aux Antilles, seules la Martinique et Tobago que les Anglais contrôlaient alors, ne connurent absolument pas la suppression de l'esclavage et la volonté de la métropole de faire appliquer l'émancipation aux Mascareignes se heurta au refus des représentants de locaux de recevoir les commissaires du Directoire venus dans cette perspective en janvier 1796[40]. Sinon outre les deux entités de Saint Domingue, l'abolition de l'esclavage et de la traite ne s'appliqua réellement qu'en Guadeloupe, sous la houlette de Victor Hugues[42], en Guyane[N 7] et à Saint-Lucie pendant l'année (1795-1796) au cours de laquelle la France réussit à prendre le contrôle de cette colonie.
Il n'en reste pas moins que la ratification du décret de Sonthonax entraîna l'envoi en métropole de nouveaux députés de couleur à la Convention accueillis et écoutés chaleureusement par Camboulas, René Levasseur, Danton, Jean-François Delacroix, l'abbé Grégoire[44] comme à la Commune par le porte-parole des sans-culottes, Chaumette qui prononça en leur présence un très long discours abolitionniste le 30 pluviôse an II (18 février 1794) au Temple de la Raison [N 8]. Hébert consacra dans le Père Duchesne un article très chaleureux à cette fête[48]. D'autres fêtes de l'abolition de l'esclavage, qui ont fait l'objet ces vingt dernières années de multiples travaux[49], furent organisées en province jusqu'en juillet 1794 souvent sous l'égide de représentants en mission : Bordeaux (Tallien), Lyon (Fouché, Meaulles, Laporte), Châlons-sur-Marne (Adam Pfiegler), Brest (Prieur de la Marne), Rouen-Le Havre (Claude Siblot), Provins-Montereaux (Nicolas Maure), Vitry-le-François (Jean-Claude Battelier), Bourg-en-Bresse (Antoine Albitte). Cette dernière fête fut la plus spectaculaire, car, au nom de l'unité du genre humain, on y vit des femmes blanches et noires échanger quelque temps leurs bébés pour allaitement. Parallèlement, à peu près jusqu'au 9 thermidor an II, des centaines d'adresses en provenance de sociétés populaires provinciales parvinrent à la Convention, la félicitant du vote de ce décret émancipateur[50].
Si après thermidor an II, la lecture d'adresses et l'annonce de fêtes furent annulées, l'abolition ne fut pas mise en cause. Au contraire dans la constitution du 5 fructidor an III, (22 août 1795) qui sanctionne le principe de la république des propriétaires et supprime le suffrage universel masculin, sous l'autorité de Boissy d'Anglas (ancien député de la Plaine), le décret du 16 pluviôse an II est validé dans ses articles 6 et 7 par le principe de la départementalisation des colonies. À l'assemblée constituante en mai 1791 Boissy d'Anglas avait voté et écrit en faveur de la cause des hommes de couleur libres et exprimé dans une perspective d'avenir des convictions antiesclavagistes.
Il faut à ce sujet noter que le mouvement antiesclavagiste révolutionnaire et militant ne s'est pas limité à la Société des Amis des Noirs. Le Cercle Social, né en 1790, en la personne de l'abbé Fauchet était très marqué par la philosophie abolitionniste. Sonthonax qui écrivit — nous l'avons vu — des articles abolitionnistes dans les Révolutions de Paris jusqu'en juin 1791 — ne l'était pas. Il fut relayé par Chaumette, ancien mousse, témoin à ce titre des forfaits de l'esclavage et de la traite (août 1791-juin 1792 puis un article en février 1794). Le 4 juin 1793 il se présenta à la Convention avec une pétition demandant l'abolition de l'esclavage.
Olympe de Gouges, surtout connue pour son combat en faveur des droits de la femme, s'est beaucoup plus tôt engagée dans cette cause, par une pièce de théâtre écrite vers 1785, représentée une fois en décembre 1789 (mais publiée en mars 1792 quelques mois après l'élection de Pétion à la mairie de Paris) Zamor et Mirza[51]. En janvier 1790, elle clame dans une brochure à destination d'un colon qu'elle n'est pas et n'entend pas être membre de la société des Amis des Noirs[52]. À l'assemblée constituante le 11 mai 1791, un député du Vermondois, Vieffville des Essarts, présente un projet d'abolition assez proche de ceux proposés par les Amis des Noirs. L'assemblée l'écarte prudemment des débats, mais le fait publier[53]. Le 18 mai c'est Marat qui en présente un dans l'Ami du Peuple[54]. Contrairement à une idée reçue, Robespierre, qui s'écria le 13 mai 1791 « Périssent les colonies » pour rejeter la constitutionnalisation de l'esclavage proposée avec succès par Barère ne fut jamais membre de cette société[55]. À l'assemblée législative, début décembre 1791, le député des Bouches-du-Rhône, Mathieu Blanc-Gilli prend le relais de Vieffiville des Essarts en proposant à son tour un plan d'abolition de l'esclavage[56].Dans ses mémoires écrits vers 1830 l'ancien Conventionnel montagnard de la Sarthe, René Levasseur, qui le premier proposa le 16 pluviôse an II l'extension de l'abolition à toutes les colonies, explique que dix ans avant la Révolution, il fut déshérité par son père pour avoir dénoncé la traite des Noirs[57]. Dans la presse il faut enfin compter avec le journaliste Claude Milscent (1740-1794), créole ancien propriétaire d'esclaves, rédacteur jacobin du Créole Patriote qui de septembre 1792 à mars 1794 publia régulièrement des articles sur le sujet, participa à la campagne de juin 1793 auprès de Chaumette [58] et salua avec enthousiasme le décret du 4 février 1794 : original le 5 février 1794 il rendit compte exclusivement de sa réception chaleureuse au club des Jacobins[59]. Enfin chez les métis il faut compter avec Julien Raimond qu militait depuis 1789 pour la cause des hommes de couleur libres mais n'en avait pas moins des projets d'abolition progressive de l'esclavage des Noirs[60].
Le 19 ventôse an II-9 mars 1794, est décrétée l'arrestation des colons blancs esclavagistes présents en France intriguant contre l'exécution du décret de pluviôse.
Le rétablissement napoléonien
Par la loi du 20 mai 1802, Napoléon Bonaparte rétablit l'esclavage dans les territoires restitués à la suite du traité d’Amiens, traité qui, en restaurant la paix, rétablit en outre la sécurité du commerce maritime et permit aux négriers français de recommencer leurs expéditions pour quelques mois, avant que la reprise des hostilités en 1803 et l'établissement du blocus continental n'entraîne à nouveau leur repli jusqu'à la Restauration[42]. La loi de 1802, si elle ne prévoyait pas le rétablissement de l'esclavage dans toutes les colonies françaises, laissait à travers son article IV toute latitude au gouvernement pour légiférer en faveur de son rétablissement général.
En Guadeloupe, en mai 1802, une partie des soldats noirs se rebella. L'insurrection fut écrasée. On estime que près de 4 000 personnes furent tuées entre mai et décembre 1802, dont un millier de soldats réguliers[61]. L'esclavage fut progressivement rétabli. Le 17 juillet 1802, Richepance publia un arrêté qui refusait aux gens de couleur de porter le titre de citoyens[62], qui replaçait les cultivateurs dans une servitude complète et qui supprimait les salaires aux cultivateurs[63]. En revanche, l'arrêté consulaire du 16 juillet 1802 n'a jamais été publié[64]. Le rétablissement légal de l'esclavage fut publié le 14 mai 1803. Le 26 mai 1803, la Guadeloupe revint dès lors au régime antérieur à 1789[65].
En Guyane, Victor Hugues rétablit l'esclavage par le règlement général du 25 avril 1803.
Cependant, malgré la dictature, le mouvement abolitionniste ne fut pas complètement réduit au silence : ainsi grâce à Fouché, sans doute, devenu ministre de l'intérieur, l'abbé Grégoire put continuer à écrire et publier. D'abord en 1800 après l'arrivée de Malouet, une réflexion sur la responsabilité supposée de Las Casas dans la mise en esclavage des Noirs. Il le contesta dans une brochure qui fit débat[66]. En 1808 il publia un livre égalitaire : de la littérature des Nègres[67]. Il continua le combat entamé en 1789 jusqu'à sa mort en 1831[68]. Napoléon Ier, de retour de l'île d'Elbe lors des Cent-Jours, décrèta l'abolition de la traite négrière pour se concilier la Grande-Bretagne[69]. Sa décision fut confirmée par le traité de Paris le 20 novembre 1815 et par une ordonnance de Louis XVIII le 8 janvier 1817[69]. Mais la traite de contrebande se poursuivit malgré les sanctions prévues. Dans les années 1830, le Ministère de la Marine et des colonies tente de remettre à jour le Code noir de 1685 pour l'adapter aux conditions de l'époque [32].
Le décret d'abolition de 1848
Plusieurs mesures visant à l'abolition de l'esclavage furent prises sous la Monarchie de Juillet : par exemple, les esclaves reçurent un état civil en 1839[69] ; l'esclavage fut supprimé à Mayotte en 1843[70].
Victor Schœlcher, nommé dans le Gouvernement provisoire de 1848 sous-secrétaire d'État à la Marine et aux Colonies par le ministre François Arago, contribua à faire adopter le décret sur l'abolition de l'esclavage dans les Colonies. Le Décret d'abolition du 27 avril, signé par tous les membres du gouvernement parut au Moniteur, le 5 mars. 250 000 esclaves des colonies françaises devaient être émancipés[71].
Dans les colonies françaises en Afrique
Le décret de 1848 ne prévoyait pas quel serait le statut des esclaves présents sur les territoires d'éventuelles nouvelles colonies. Saint-Louis du Sénégal et Gorée bénéficièrent de la loi mais toutes les nouvelles possessions africaines postérieures à 1848 furent soumises à un régime particulier, défini par un arrêté de Faidherbe en date du 18 octobre 1855[72]. Ce dernier stipulait que les possesseurs d'esclaves favorables aux autorités françaises pourraient conserver ceux qui sont désignés sous le qualificatif euphémisé de « captifs »[72]. Les récalcitrants se virent imposer la libération de leurs esclaves dont certains furent regroupés à partir de 1887 dans des « villages de liberté », qui permettaient à l'administration française de disposer d'une main d'œuvre commode employée aux travaux de construction[73]. Une grande part du corps des tirailleurs sénégalais provint jusqu'en 1905 d'anciens esclaves affranchis. Le 12 décembre 1905, un décret s'appliquant à l'Afrique-Occidentale française interdit l'atteinte à la liberté d'un tiers : il prohiba, sans l'évoquer explicitement, la pratique esclavagiste[74]. La tolérance à l'esclavage resta cependant élevée comme en atteste la persistance de l'institution au Mali.
En Grande Colombie
En Amérique du Sud, les voies de l’abolition furent liées, bien que de manière indirecte, au mouvement indépendantiste. Au début du XIXe siècle, les forces sécessionnistes étaient dans leur grande majorité constituées des élites créoles dont la richesse s’appuyait souvent sur le système esclavagiste. Les revendications indépendantistes s’accompagnaient dès lors le plus souvent d’une volonté de conservation de l’ordre social. L’abolition décidée en 1794 par les hommes de la Révolution française était encore dans toutes les mémoires, comme le montre cette réflexion du général en chef de l'armée de la république du Venezuela, Francisco de Miranda : « Nous avons sous les yeux deux grands exemples : les révolutions américaine et française. Imitons prudemment la première et évitons soigneusement la seconde »[75].
La question était d'autant plus sensible que le Venezuela avait connu dix révoltes d’esclaves notables entre 1770 et 1799, élevant à 30 000 le nombre estimé de nègres marrons présents dans le pays à la fin du siècle[76]. L'identification entre élites esclavagistes et mouvement indépendantiste s'exprima, lors des premiers soulèvements contre le roi d’Espagne, dans le ralliement d'esclaves à la couronne contre les indépendantistes, menés par Simón Bolívar. En 1815, dans sa « Lettre de Jamaïque » à destination de la Royal Gazette de Kingston, Bolivar tenta de nier, contre toute évidence, la spontanéité du ralliement de certains esclaves à la cause loyaliste, et dressa de leurs conditions de vie un tableau quasiment « idyllique »[77]. Il doit cependant être souligné que les insurgés eux-aussi recrutèrent des esclaves pour participer au soulèvement militaire. Miranda promit ainsi en 1812 la liberté à tout esclave qui s'enrôlerait dans l'armée qu'il commandait, en assurant leurs maîtres d'une indemnisation prochaine dès lors que la situation militaire aurait clairement basculé en faveur de l'indépendance[78].
Par la suite, Bolivar fit le choix d'opter explicitement pour l’abolitionnisme. Réfugié en Haïti après l’échec de sa campagne de 1815, il négocia avec Alexandre Pétion, le président du pays, son soutien contre l’Espagne en échange de la promesse de la suppression de l’esclavage sur les territoires libérés[78]. Il espérait aussi que ce changement de cap rallierait à sa cause la masse des esclaves dont il promettait l’affranchissement.
En 1816, après avoir donné l'exemple en libérant les huit cents esclaves de sa propriété familiale, Bolivar concrétisa sa promesse en publiant les trois décrets d'abolition des 2 juin, 6 juillet et 31 décembre 1816[78]. Ces décrets visaient également à grossir les rangs de l’armée d’insurrection : le premier des trois textes subordonnait l’émancipation à l’engagement dans les troupes de Bolivar, le second l’accordait sans condition[77]. Finalement, les esclaves tinrent une place importante dans les succès de l’armée indépendantiste. Cependant, le ralliement de Bolivar à la cause abolitionniste ne doit pas être réduit à ces questions militaires, comme il l'exprimait lui-même en avril 1820 : « Mes raisons militaires pour ordonner la levée d'esclaves sont évidentes. […] Les raisons politiques de la mesure que j'ai prise sont encore plus puissantes. […] Tout gouvernement libre qui commet l'absurdité de maintenir l'esclavage est châtié par la rébellion des serfs et parfois par le massacre des maîtres. C'est ce qui advint à Haïti »[79].
Malgré le caractère pragmatique de cette adhésion à la cause abolitionniste, Bolivar semble avoir mis tout en œuvre pour faire valider ses décrets devant le Congrès fondateur d’Angostura[78]. Néanmoins, ce dernier, dominé par les propriétaires terriens, n’accéda pas à sa demande, malgré ses protestations[N 9]. Oruno Denis Lara a cependant remis en cause cette sincérité, arguant que Bolivar disposait des moyens de faire plier le Congrès[81]. Plusieurs dispositions juridiques, comme la loi d’affranchissement du 21 juillet 1821, mirent en place des systèmes d’émancipation graduels qui ne s'appliquèrent qu’avec parcimonie sur l'ensemble du territoire de la Grande Colombie[82].
Dans un contexte d’instabilité politique et sociale chronique, le nombre d’esclaves diminua toutefois progressivement : au Venezuela, il passa de 87 800 en 1810, à 36 000 en 1836 puis 12 000 en 1854[83]. Au Venezuela, c’est seulement le 24 mars de l’année 1854 que le président José Gregorio Monagas décréta l’abolition de l’esclavage. En Colombie, le président José Hilario López l'avait aboli trois ans auparavant, le 21 mai 1851, ce qui avait déclenché une courte guerre civile qui fut gagnée par les libéraux abolitionnistes[84],[85]. Le nombre d'esclaves en Colombie était alors d'environ 20 000[85].
Aux États-Unis
Un mouvement précurseur : les quakers
Le premier abolitionnisme américain, en lien avec la Grande-Bretagne, se développa dans les sociétés quakers : c'est sous leur influence qu'en 1676 l'assemblée de l'État de Rhode Island refusa la réduction de tout Indien en esclavage[86] et en Pennsylvanie, c'est dès 1688 qu'ils rédigèrent et publièrent la Protestation de Germantown contre toute pratique esclavagiste[87].
Cependant, ce n'est qu'en 1758, lors du Yearly Meeting, que les quakers pennsylvaniens condamnèrent officiellement et collectivement l'esclavage et s'interdirent personnellement de le pratiquer[88],[86]. De fait, jusqu'aux années 1760-1770, l'abolitionnisme ne constitua pas une conviction partagée par tous les quakers : à de nombreuses reprises de la fin du XVIIe siècle au milieu du XVIIIe siècle, certains de leurs membres portèrent sans succès des pétitions antiesclavagistes devant les assemblées de leur communauté et en Pennsylvanie il fallut attendre 1780 pour que les derniers membres de la Société des Amis propriétaires d'esclaves se voient contraints de la quitter[89]. Plus largement dans les treize colonies, « l'hostilité à l'esclavage se manifesta jusqu'à cette date surtout en des termes généraux et rhétoriques »[89], malgré le combat militant d'Antoine Benezet, John Woolman ou Benjamin Lay.
Les contrastes de la guerre d'indépendance
Durant les années 1770[N 10], notamment pendant la guerre d'indépendance, la voix et l'action des antiesclavagistes se firent plus fortes, « établissant parfois un lien entre le sort des Américains voulant s'émanciper de la tutelle anglaise et celui des esclaves »[89]. Plusieurs des intellectuels ou hommes politiques en première ligne lors de ces évènements se manifestèrent par leur volonté de défendre les droits des Noirs, comme l'auteur du Sens commun (1776) Thomas Paine[91] ou pour réclamer purement et simplement l'abolition de l'esclavage, comme Benjamin Franklin (1706-1790), qui choisit d'affranchir ses esclaves dès 1772. D'autres éminents personnages de la Révolution américaine, Virginiens et propriétaires d'esclaves, furent d'abord plus réticents, comme les deux futurs présidents des États-Unis Thomas Jefferson et George Washington[92], James Madison ou Patrick Henry, qui militèrent cependant en ce sens au Congrès[93].
L'esclavage fut aboli en 1777 dans le Vermont[94],[95], en 1780 en Pennsylvanie[96], en 1783 dans le Massachusetts[97] et le New Hampshire[94]. Une loi de 1782 votée en Virginie entraîna la libération de 10 000 Noirs en dix ans[98]. En 1783, le Maryland interdit l'importation d'esclaves[99]. En 1786, la Caroline du Nord augmenta fortement les droits sur l’importation des esclaves. L'Ordonnance du Nord-Ouest (1787) interdit l'esclavage dans le territoire du Nord-Ouest[100],[101],[94] et établit de fait la limite entre les états esclavagistes et les autres sur l'Ohio : en 1793, le seul État à autoriser encore l'importation d'esclaves venus d'Afrique était la Géorgie[N 11].
Cependant, lorsque la Constitution américaine entra en vigueur le 4 mars 1789, elle ne remit pas en cause l'esclavage pratiqué dans les États du Sud[89], afin de garantir l'union de la jeune nation[N 12]. Dans ce cadre, les esclaves furent exclus de la citoyenneté. Cependant, les États du Sud réclamèrent qu'ils soient comptabilisés dans le recensement qui devait permettre la répartition des sièges à la Chambre des représentants. Cette revendication qui aurait avantagé considérablement les États-Unis du Sud aboutit à un compromis connu sous le nom de « clause des trois cinquièmes » : elle permettait d'ajouter au total de la population libre des différents États « les trois cinquièmes de toutes autres personnes » vivant sur le territoire, c'est-à-dire les esclaves qui, comme dans l'ensemble de la Constitution, ne sont jamais désignés explicitement[102].
Ambiguïtés et difficultés de l'abolition au XIXe siècle
Cependant, la mobilisation des abolitionnistes se poursuivit[N 13] Thomas Jefferson obtint en 1807, dans la foulée de l'abolition britannique, que la traite négrière fut interdite officiellement sur le territoire américain à partir du 1er janvier 1808[104], même si les contrebandiers la poursuivirent clandestinement pendant plusieurs années[105] sans que les autorités des États fissent toujours les efforts nécessaires à son éradication avant la seconde moitié du XIXe siècle (Olivier Pétré-Grenouilleau parle même de « collusion »[106]). Les volumes en jeu furent cependant, dans les années qui suivirent, moins importants que ceux du XVIIIe siècle. En effet, l'abolition officielle de 1808 intervint à un moment où la production de tabac, tâche principale à laquelle étaient alors attachés les esclaves du sud des États-Unis (notamment dans la baie de Chesapeake), était alors en déclin : « les planteurs disposaient donc d'une main-d'œuvre suffisante, voire excédentaire, et la fin des importations ne pouvait que faciliter la revente, sur le marché américain, des esclaves en surnombre »[104]. En outre, le taux d'accroissement naturel des esclaves était, aux États-Unis, particulièrement élevé relativement à ceux employés dans les plantations de canne à sucre des Antilles ou d'Amérique du Sud[107].
Officiellement, la lutte contre la traite restait cependant à l'ordre du jour, et en 1820, une telle pratique fut assimilée légalement par le Congrès à de la piraterie, crime qui pouvait être puni de la peine de mort[108]. Les réticences restaient cependant fortes, du fait des tensions que la question de l'esclavage entretenait au sein de l'Union entre les États du sud esclavagistes et ceux du nord qui interdisaient une telle pratique sur leur territoire[106]. Par ailleurs, les visées des États-Unis sur l'île de Cuba, où les plantations fondées sur l'exploitation d'une main-d'œuvre servile originaire d'Afrique se révélaient particulièrement rentables, pouvait incliner à la prudence en matière d'abolition[106]. En outre, les pressions britanniques pour obtenir le droit de visiter les navires américains soupçonnés de s'adonner illégalement à l'« infâme trafic » étaient mal perçues dans un pays jaloux de son indépendance vis-à-vis de l'ancienne métropole[106]. D'où la réticence des États-Unis à s'engager de manière contractuelle en faveur de l'abolitionnisme international, et conséquemment la relative désinvolture avec la laquelle la lutte contre la traite illégale fut menée : les croisières de répression ne furent qu'épisodiques au moins jusqu'en 1842 et le plus souvent menées par des commandants issus d'États du sud, eux-mêmes propriétaires d'esclaves[108]. Du reste, notamment à Baltimore, les États-Unis fabriquaient à destination des négriers des navires fins et rapides forts appréciés[107], pouvaient ponctuellement « servir de base de repli pour certains négriers ibériques », voire auraient peut-être vu accordées par des banques américaines « des facilités bancaires et financières pour les opérations de la traite illégale »[109].
L'ambiguïté du compromis constitutionnel de 1787 ne fut pas levé en matière de traites négrières avant le déclenchement de la guerre de Sécession, qui obligea les États confédérés à y mettre fin pour obtenir le soutien du Royaume-Uni contre les États du nord[109]. La question esclavagiste – mais non celle de l'intégration des Noirs dans la communauté nationale[104] – fut finalement définitivement réglée à l'issue de ce conflit, lorsque la victoire de l'Union permit en 1865 l'extension à l'ensemble des États-Unis de l'abolition de l'esclavage proclamée par Abraham Lincoln le 1er janvier 1863[110]. Ce texte devint ainsi le 13 décembre 1865 le treizième amendement de la Constitution fédérale. À cette même date, le Ku Klux Klan était fondé dans le Tennessee[110].
Au Brésil
Le Brésil est le dernier pays d'Amérique à abolir l'esclavage. Sous la pression des Britanniques, le Portugal s'engage en 1810 à mettre un terme à la traite des esclaves dans sa colonie, mais l'engagement n'est pas respecté et 700 000 nouveaux esclaves arrivent entre 1790 et 1830. Le 4 septembre 1850, le Parlement brésilien bannit la seule traite. Plusieurs révoltes d'esclaves ont lieu, suivant l'exemple au XVIIe siècle de la république noire de Palmares dans la région du Pernambouc, comme la révolte survenue le 25 janvier 1835 où des esclaves d'origine yoruba incendient Salvador de Bahia, ce qui renforce le mouvement abolitionniste formé par les sociétés « Sociedade Brasileira contra a Escravidão » et l'« Associação Central Emancipacionista » mais qui reste entravé par l'action des propriétaires latifundiaires. Des avancées sont obtenues comme en 1871 la « loi du ventre libre » qui octroie la liberté d'office aux enfants à naître et la loi du 28 septembre 1885 qui émancipe les esclaves âgés de plus de 60 ans. En 1887, l'Église catholique prend position pour l'abolition. La « Lei Áurea » (loi d'or) est votée le 13 mai 1888 au Parlement sous la régence d'Isabelle du Brésil, la fille de l'empereur Pierre II. Elle abolit l'esclavage sans compensation financière pour les propriétaires d'esclaves[111].
Les traites arabes et internes au continent africain, entre abolition et disparition
Conséquences de l'abolition
La traite des asiatiques et l’engagisme
Pour remplacer les esclaves, les planteurs firent appel à des « engagés volontaires » d'origine asiatique, indienne notamment, voire locale (aux Comores). Cette pratique dégénéra très rapidement en une forme d'exploitation, la clause de retour du contrat des coolies ne fut notamment pas respectée à l'issue de leur période d'engagement et beaucoup durent rester sur place car ils n'avaient pas été rémunérés suffisamment pour pouvoir payer le trajet retour.
Colonisation de l'Afrique
La lutte contre l'esclavage permit aux puissances coloniales de justifier leur pénétration du continent noir. Le Royaume-Uni, pointe avancée de l'abolitionnisme en Europe dès lors qu'il avait choisi d'interdire la traite dans les territoires qu'il contrôlait, signa, entre 1807 et 1840, une trentaine de traités avec d'autres États européens et des royautés africaines pour tarir les sources d'approvisionnement des négriers[112]. La lutte contre les négriers entraîna ainsi le développement de relations toujours plus étroites entre les Européens et les souverains africains, tout comme une présence toujours plus grande des marines britanniques et françaises sur les côtes africaines pour débusquer les sites et navires négriers, notamment portugais, qui poursuivaient clandestinement la traite à destination du Brésil[113].
En outre, les abolitionnistes européens, tout au souci de fournir une activité alternative au commerce des esclaves aux communautés africaines qui en vivaient pour une part depuis deux siècles, cherchèrent à établir avec elles des relations commerciales « classiques », comme l'illustre bien les propos de l'abolitionniste britannique Thomas Fowell Buxton en 1840 : « Rien ne m'ôtera la ferme conviction que l'Afrique peut trouver dans ses ressources propres de quoi compenser largement la perte du commerce des esclaves… Un commerce légitime ferait tomber le commerce des esclaves en démontrant combien la valeur de l'homme, ouvrier agricole, l'emporte sur celle de l'homme marchandise ; conduit d'après des principes de sagesse et d'équité, ce commerce pourrait être le précieux ou plutôt le fidèle ministre de la civilisation, de la paix et du christianisme »[114]. Comme le montre le propos de Buxton, cette pénétration commerciale s'accompagnait de visées missionnaires[113]. La London Missionary Society, créée dans ce but en 1795 envoya ses premiers missionnaires en Sierra Leone dès 1797. Les activités missionnaires se multiplièrent sur les côtes dans le premier tiers du XIXe siècle, puis à l'intérieur des terres à partir de 1840[113]. L'expédition sur le fleuve Niger entreprise par Buxton en 1840 illustre bien le caractère entremêlé, dans un but avant tout abolitionniste et « civilisateur », de l'élan missionnaire et de visées scientifiques et commerciales dans le cadre d'une théorie économique coloniale[115].
Même si tous les Européens à intervenir auprès des Africains pour des raisons publiquement philanthropiques ne se caractérisaient pas nécessairement par le caractère très pur de leurs intentions, la bonne foi de nombreux abolitionnistes qui, par leurs initiatives, ouvrirent la voie à la ruée des grandes puissances européennes dans le dernier tiers du XIXe siècle pour s'accaparer le maximum de territoires et de richesses sur le continent africain doit être soulignée. Il est à cet égard symptomatique que la conférence de Berlin de 1884, réunie pour fixer les règles du jeu colonial en Afrique, réaffirme avec force, dans les articles 6 et 9 de son Acte final, la condamnation, par les Européens, de la traite et de l'esclavage qu'ils avaient pratiqué pendant deux siècles et demi, ainsi que leur volonté d'accorder « leur protection aux entreprises philantropiques, scientifiques et chrétiennes appelées à concourir à cette œuvre dite de civilisation »[116]. Par ailleurs, outre la dimension morale de la lutte contre les traites orientales et internes au continent noir, la mobilisation antiesclavagiste se justifiait économiquement dans le cadre de l'expansion du colonialisme en Afrique, dans la mesure où la pratique des razzias et de la traite négrière pouvaient être cause d'insécurité et d'appauvrissement de territoires colonisés encore imparfaitement contrôlés.
La traite contre laquelle les attendus de la conférence de Berlin s'élevaient était celle assurée par les marchands arabes à destination des pays d'Orient. Face à cette traite, « rendue possible par un esclavage domestique africain qui d'ailleurs avait déjà rendue possible la traite occidentale »[116], l'Église catholique se retrouva cette fois à la pointe du combat, représentée notamment par l'évêque d'Alger Charles Martial Lavigerie. Les protestants restèrent eux à l'écart, considérant que la traite orientale disparaîtrait en même temps que l'esclavage domestique africain, lorsque les actions humanitaires et évangélisatrices menées auraient porté tous leurs fruits[117].
Le fait que le combat abolitionniste ait facilité le développement de la domination occidentale sur l'Afrique via le colonialisme est acquis[118]. Mais les individus luttant pour la disparition de la traite, guidés par des principes évangéliques (en Grande-Bretagne) ou inspirés par la mystique des Droits de l'homme (en France) étaient-ils conscients qu'ils ne faisaient que substituer un mode de domination à un autre ? Ont ils délibérément choisi de sophistiquer, sans l'abattre, un système de domination de l'homme par l'homme[118] ? D'après Jean-François Zorn, ni naïfs, ni cyniques, les abolitionnistes ne pouvaient espérer objectivement mettre fin à la domination de l'Occident sur ces territoires et ces populations. Dès lors que le combat abolitionniste était le fait des anciens oppresseurs et que ceux-ci s'abstenaient de quitter le territoire africain, il ne pouvait qu'ouvrir la voie à de nouvelles formes de domination compte tenu du déséquilibre considérable entre les deux ensembles, aussi bien d'un point de vue économique que militaire et diplomatique[118]. « En transformant l'homme-marchandise en homme marchand, les Occidentaux ont intégré les peuples africains et d'autres peuples non occidentaux dans le marché mondial dont ils étaient les maîtres. C'est pourquoi l'analyse des phénomènes actuels de recolonisation, de sous-développement et d'appauvrissement peut être située dans la stricte continuité de phénomènes plus anciens et permanents »[119].
Notes et références
Notes
- ↑ Le texte de 1716 comme celui de 1738 ne fut pas approuvé par le Parlement de Paris qui continua d'affranchir des esclaves tout au long du XVIIIe siècle.
- ↑ Cette époque, celle de la Renaissance, correspond aussi à l'émergence, en Europe, d'une doctrine humaniste qui ne peut admettre l'identification d'un homme à une marchandise. Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 214.
- ↑ « Dans un monde où chrétienté rime pratiquement avec Europe, le fait qu'un chrétien ne puisse réduire en esclavage un autre chrétien a en effet, au départ, pu avoir sa part dans le recours à la main-d'œuvre servile noire[12]. ». Inversement, la première attestation d'une traite négrière hollandaise est constituée par un document où l'on apprend qu'en 1596, dans le port zélandais de Middelbourg, un capitaine négrier fut contraint de libérer sa cargaison dans la mesure où les esclaves étaient baptisés : l'asservissement d'un chrétien pose problème d'un point de vue moral[14].
- ↑ « Pour saint Augustin, (la Cité de Dieu, livre XIX, chapitre XV), l'esclavage est en effet perçu comme la sanction divine d'une faute, collective ou individuelle »[20].
- ↑ 49 cahiers de doléances sur 600 firent de l'abolition de l'esclavage une de leurs revendications. Ainsi, le cahier du village de Champagney en Franche-Comté réclamait l’abolition de l’esclavage dans son article 29[26].
- ↑ Mais elle n'abolit pas explicitement la traite des Noirs[38].
- ↑ En Guyane, l'abolition n'eut lieu que par la volonté du législateur persuadé de sa légitimité, sans qu'il subisse ni insurrection d'esclaves ni menace militaire des puissances en guerre contre la France[43].
- ↑ Saint-Domingue envoya à Paris à l'hiver 1793-1794 trois nouveaux députés de la colonie, Dufay, (blanc), Mills (métis), Belley (noir) qui se présentèrent à la Convention le 15 pluviôse an II-3 février 1794 aidés pa[45]. Un mois plus tard, le 9 mars 1794, les représentants des planteurs blancs furent mis hors-la-loi et emprisonnés, assimilés ainsi à l'aristocratie française et au clergé réfractaire[46]. Les trois autres députés du nord de Saint-Domingue, entrèrent à la Convention le 19 messidor an II-7 juillet 1794 : Pierre Garnot (blanc), Joseph Boisson (métis), Étienne Laforest (noir)[47].
- ↑ « J’implore la confirmation de la liberté absolue des esclaves comme j’implorerais ma vie et la vie de la république » déclare-t-il par exemple devant le congrès le 15 février 1819[80]. La décision du Congrès ne concernait pas seulement le territoire actuel du Venezuela mais l'ensemble de la Grande Colombie, c'est-à-dire les actuels Colombie, Panama, Équateur et Venezuela.
- ↑ Ainsi, dans les années 1770, la Société d’émancipation des Noirs libres et illégalement réduits à la servilité est fondée à Philadelphie[90].
- ↑ Cependant, la Caroline du Sud rétablit la traite entre 1803 et 1808[89].
- ↑ Ce qui ne fut pas sans créer des tensions : l’attorney général du Maryland Luther Martin, représentant de son État à la convention de Philadelphie, refusa d'abord la Constitution parce qu’elle ne condamnait pas l’esclavage explicitement.
- ↑ C'est ainsi que la Société de Pennsylvanie pour l'abolition de l'esclavage fit circuler une pétition, signée notamment par Benjamin Franklin en 1790[103].
Références
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- ↑ Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, (ISBN 2-253-90593-3), p. 39.
- ↑ Régine Pernoud. Les Saints au Moyen Âge, Plon, 1984. p. 205-207.
- ↑ Pierre Bonnassie, Les sociétés de l'an mil, De Boeck, 2001. Voir particulièrement le chapitre 3 : « Survie et extinction du régime esclavagiste dans l'Occident du Haut Moyen Âge », p. 85-143.
- ↑ Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 218.
- ↑ Yves Benot, op. cit., p. 31.
- ↑ Voir le texte de l’arrêt dans Serge Daget, La Traite des Noirs : bastilles négrières et velléités abolitionnistes, Ouest-France, Rennes, 1990, p. 59. Le manuscrit est conservé à la bibliothèque de Bordeaux (cote D.U. 18039).
- ↑ Édit concernant les esclaves nègres des colonies. Paris, octobre 1716, Archives Moreau de Saint-Méry, II, 525. In Alphonse-Honoré Taillandier, Recueil général des anciennes lois françaises : depuis l'an 420 jusqu'à la révolution de 1789 :Ve ‑ XVIIIe siècle : 420-1789, Paris, Belin-Le-Prieur, Verdiere, , no 526. (notice BnF no FRBNF33851046r)
Voir également l'enregistrement au parlement de Flandres : des édits, déclarations, lettres-patentes enregistrés au parlement de Flandres ; des arrêts du Conseil d'État particuliers à son ressort ; ensemble des arrêts de règlements rendus par cette cour [ed. by Six and P.A.S.J. Plouvain, n° 641, octobre 1716. - ↑ Déclaration concernant les nègres esclaves des Colonies. Versailles, 15 décembre 1738. (Valin, I, 436.- Code de la Martinique. In Alphonse-Honoré Taillandier, Recueil général des anciennes lois françaises : depuis l'an 420 jusqu'à la révolution de 1789 :Ve ‑ XVIIIe siècle : 420-1789, Paris, Belin-Le-Prieur, Verdiere, .(notice BnF no FRBNF33851046r)
Catherine Coquery-Vidrovitch, « Le postulat de la supériorité blanche et de l'infériorité noire », dans Marc Ferro (dir.), Le livre noir du colonialisme, Robert Laffont, Paris, 2003, p. 877. - ↑ Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 210, s'appuyant sur David Brion Davis, The Problem of Slavery in Western Culture, Ithaca, New York, Cornell University Press, 1966.
- ↑ David Eltis, The Rise of African Slavery in the Americas, Cambridge, CUP, 2000, cité par Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 211.
- 1 2 3 Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 212.
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- ↑ David Eltis, The Rise of African Slavery in the Americas, Cambridge, CUP, 2000, p. 273 cité par Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 211.
- ↑ Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 69.
- ↑ Jean-Louis Fournel, La Cité du soleil et les territoires des hommes, paris, Albin Michel, 2012, 368 p., (ISBN 978-2-22627-160-0).
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- 1 2 Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 70.
- ↑ Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 68.
- ↑ Édouard Biot, De l'abolition de l'esclavage ancien en Occident, Paris, 1840.
- ↑ Sur les ambiguïtés du discours philosophique des Lumières concernant l'esclavage voir par exemple Yves Benot, Les Lumières, l’esclavage et la colonisation, Paris, Éditions La Découverte, 2005, (ISBN 978-2-7071-4702-8).
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- ↑ Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 222.
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- 1 2 Victor Schoelcher émission Deux mille ans d'Histoire de France Inter le 1er décembre 2010.
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- 1 2 Jean Sévillia, Historiquement correct. Pour en finir avec le passé unique, Paris, Perrin, (ISBN 2-262-01772-7), p. 254.
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- 1 2 3 Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 233.
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- ↑ Frédéric Régent, Esclavage, métissage, liberté, La Révolution française en Guadeloupe 1789-1802, éditions Grasset, 2004, p. 431.
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- ↑ « Jean-Daniel Piquet, «Controverses sur l'Apologie de Las Casas, lue par l'abbé Grégoire», Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses, tome 82, n° 3, juillet- septembre 2002, p.p. 283-306.
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- ↑ Jean Sévilla, Historiquement correct. Pour en finir avec le passé unique, Paris, Perrin, (ISBN 2-262-01772-7), p. 258.
- 1 2 Yves Benot, op. cit., p. 241.
- ↑ Voir sur ce point Denise Bouche, Les villages de liberté en Afrique noire française, 1887-1910, EHESS, Paris, 1968.
- ↑ Yves Benot, op. cit., p. 242.
- ↑ cité par Schmidt 2005, p. 252.
- ↑ Charles Lancha, « Bolivar et le problème de l’esclavage », Histoire de l'Amérique hispanique de Bolívar à nos jours, L’Harmattan, 2003, p. 48-53.
- 1 2 Charles Lancha, « Bolivar et le problème de l’esclavage », Histoire de l'Amérique hispanique de Bolívar à nos jours, L’Harmattan, 2003, p. 49.
- 1 2 3 4 Schmidt 2005, p. 253.
- ↑ cité dans Schmidt 2005, p. 253.
- ↑ Simon Bolivar, Obras completas, t. I, p. 180, cité dans Charles Lancha, op. cit. p. 49.
- ↑ Voir « La place de Bolivar dans le procès de destruction du système esclavagiste aux Caraïbes », Cahiers des Amériques Latine, 1984, no 29-30, p. 232.
- ↑ Charles Lancha, « Bolivar et le problème de l’esclavage », Histoire de l'Amérique hispanique de Bolívar à nos jours, L’Harmattan, 2003, p. 50.
- ↑ Charles Lancha, op. cit., p. 50.
- ↑ (es) Antonio Vélez Ocampo, Cartago, Pereira, Manizales: cruce de caminos históricos : Guerra de 1851, Bibliothèque Luis Ángel Arango (lire en ligne).
- 1 2 (es) Salvador Camacho Roldán, Mis memorias : La guerra civil de 1851, Bibliothèque Luis Ángel Arango (lire en ligne).
- 1 2 Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 224, note 1.
- ↑ Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, (ISBN 2-253-90593-3), p. 203.
- ↑ Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, (ISBN 2-253-90593-3), p. 200.
- 1 2 3 4 5 Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 224.
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- ↑ Bernard Cottret, La Révolution américaine : La quête du bonheur 1763-1787, Paris, Perrin, 2003, (ISBN 978-2-262-01821-4), p. 178.
- ↑ Marcel Dorigny et Bernard Gainot, Atlas des esclavages, Autrement, 2006, p. 42. George Washington affranchit ses esclaves par testamentChristian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, (ISBN 2-253-90593-3), p. 204.
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- 1 2 3 Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, (ISBN 2-253-90593-3), p. 204.
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- ↑ Bernard Cottret, La Révolution américaine : La quête du bonheur 1763-1787, Paris, Perrin, 2003, (ISBN 978-2-262-01821-4), p. 425 ; Bernard Vincent, La Révolution américaine 1775-1783, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1985, tome 2, (ISBN 978-2-86480-211-2), p. 11.
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- ↑ Étienne de Planchard de Cussac, Le Sud américain. Histoire, mythe et réalité, Paris, Ellipses, 2001, (ISBN 978-2-7298-0263-9), p. 34.
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- 1 2 3 Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 225.
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- 1 2 3 4 Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 270.
- 1 2 François Renault et Serge Daget 1985, p. 137.
- 1 2 François Renault et Serge Daget 1985, p. 135.
- 1 2 Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 271.
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- ↑ « Le Brésil en finit avec l'esclavage », herodote.net (consulté le 15 mai 2015).
- ↑ Schmidt 2005, p. 138.
- 1 2 3 Jean-François Zorn, op. cit., p. 426.
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- ↑ Jean-François Zorn, op. cit., p. 426-427.
- 1 2 Jean-François Zorn, op. cit., p. 433.
- ↑ Jean-François Zorn, op. cit., p. 434-435.
- 1 2 3 Jean-François Zorn, op. cit., p. 436.
- ↑ Jean-François Zorn, op. cit., p. 436-437.
Voir aussi
Bibliographie
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Articles connexes
- Abolitionnisme
- Antiesclavagisme aux États-Unis
- Antiesclavagiste
- Chronologie de l'abolition de l'esclavage
- Histoire de l'esclavage
- Chronologie de l'esclavage
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