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Philip K. Dick

Philip K. Dick

Philip K. Dick
Description de cette image, également commentée ci-après

Portrait dessiné de Philip K. Dick

Nom de naissance Philip Kindred Dick
Alias
Richard Phillips
Jack Dowland
Mark van Dyke
Horselover Fat
PKD
Naissance
Chicago, Illinois, États-Unis
Décès (à 53 ans)
Santa Ana, Californie, États-Unis
Activité principale
Romancier, nouvelliste, essayiste
Distinctions
Prix Hugo
Prix John Wood Campbell Memorial
Prix British Science Fiction[1]
Graoully d'or
Prix Nebula[2]
Auteur
Langue d’écriture Anglais américain
Mouvement Post-modernisme
Genres

Œuvres principales

  • Le Maître du Haut Château (1962)
  • Le Dieu venu du Centaure (1965)
  • Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (1968)
  • Ubik (1969)
  • Confessions d'un barjo (1975)
  • Substance mort (1977)

Compléments

Signature de Philip K. Dick

Philip Kindred Dick, né le à Chicago dans l'Illinois et mort le à Santa Ana en Californie, est un auteur américain de romans, de nouvelles et d'essais de science-fiction.

De son vivant, il a reçu plusieurs prix littéraires, comme le prix Hugo pour Le Maître du Haut Château[14], et le prix John Wood Campbell Memorial pour Coulez mes larmes, dit le policier[15]. Alors qu'il a passé la majorité de sa carrière dans une quasi-pauvreté[16], son apport à la science-fiction est important[note 3],[17],[18],[19],[20], et certaines de ses œuvres ont été adaptées au cinéma pour devenir des films cultes : Blade Runner, Total Recall, Minority Report, Planète hurlante, A Scanner Darkly

Biographie

Jeunesse

Philip et sa sœur jumelle Jane Charlotte, naissent le , de Dorothy Kindred Dick et Joseph Edgar Dick, travaillant tous deux au Département de l'Agriculture des États-Unis[21],[22]. Sa mère n'ayant pas assez de lait, et personne dans son entourage ne lui ayant suggéré de compléter le régime des nourrissons avec des biberons[23], Jane meurt quelques semaines plus tard le . Ce décès affectera Philip Dick jusqu'à la fin de ses jours. Toute sa vie il sentira qu'une partie de lui-même est manquante, ce qui est très probablement à l'origine de la dualité exceptionnellement forte de son œuvre : on en voit un écho dans son roman Dr Bloodmoney, en la personne du petit frère « interne », mort-né, en relation télépathique avec son jumeau adulte[24]. Assez jeune, il souffre de vertiges et plus tard on lui diagnostique une schizophrénie qui sera réfutée par la suite. Terrorisé par ce qu'il imagine, il découvre la science-fiction dans le magazine de nouvelles Stirring Science Stories et y décèle la seule issue possible pour extérioriser ses angoisses.

Quand il a quatre ans, ses parents divorcent et il reste seul avec sa mère, à Berkeley. Bien que le psychologue conjugal ait prédit que la séparation n'affecterait pas l'enfant, celui-ci s'en plaindra pourtant toute sa vie. Son père rompt définitivement toute relation avec la famille[25].

Il développe très tôt un rapport aigu avec la musique. À 12 ans, il sait reconnaître un grand nombre d'opéras, symphonies ou concertos rien qu'en entendant les premières notes. Il se passionne également pour les lectures d'Edgar Poe et de Lovecraft.

Après avoir commencé à l'Université de Californie des études philosophiques qu'il ne terminera jamais (le maccarthisme étant alors à son apogée, il est renvoyé pour sympathies communistes). Il s'adonne alors à sa passion principale : la musique, au point d'en faire son métier. Il travaille en effet comme programmateur pour une station de radio, et dans le même temps, comme vendeur de disques dans un magasin à Berkeley, Universal Music. On reconnaît là de nombreux éléments autobiographiques utilisés dans Radio libre Albemuth, son fascinant roman posthume et paranoïde, qui recrée avec un remarquable pouvoir évocateur l'époque très particulière où se préparait, à Berkeley, la vague hippie et les mouvements ultérieurs des années 1960.

La plupart des biographes supposent que ce sont les pulps américains (Galaxy, Fantasy and Science Fiction, Astounding Stories, etc.) qui lui ont fait découvrir la science-fiction. Alors qu'il est encore au collège, il commence à écrire ses premiers textes de SF (et de poésie), dont certains sont publiés dans le Berkeley Gazette, le tout premier étant The Devil, daté du .

En mai 1948, Jeanette Marlin devient sa première femme. Il en divorcera 6 mois plus tard (leurs centres d'intérêt divergeaient totalement) pour se remarier en juin 1950 avec Kleo Apostolides, d'origine grecque, militante gauchiste mineure, fichée au FBI car accusée de communisme. Dick doit alors affronter la visite de deux agents fédéraux, qui lui demandent d'enquêter sur sa femme. Il refuse, mais finit pourtant par se lier avec l'un d'entre eux, George Scruggs, fasciné par les discours de Dick et sa profession mystérieuse d'écrivain. Là encore, cette épouse ultragauchiste et ces événements sont relatés presque sans changement dans Radio libre Albemuth.

Les débuts dans l'écriture

Poussé par sa femme, il entame en 1952 une carrière d'écrivain professionnel. Ses débuts sont ignorés par le monde qui regarde avec circonspection cet auteur dont les concepts scientifiques sont assez bizarres et le style littéraire non exempt de défauts. Après de très nombreuses nouvelles écrites durant cette période, comme Beyond Lies the Wub, M. Spaceship, The Gun, Petit déjeuner au crépuscule, The Variable Man, The Builder, Second Variety, pour ne citer que les plus connues, il décide de se lancer dans le roman, plus rémunérateur.

Son premier roman, Loterie solaire, très politique, est publié en 1955. Il s'inspire de l'idée des stratégies mixtes en théorie des jeux pour suggérer l'idée qu'en contexte concurrentiel des nations il peut être avantageux de tirer au sort les gouvernants avec une périodicité aléatoire.

Côté vie de famille, les relations se dégradent peu à peu. Dick, qui écrit surtout la nuit, ne peut plus supporter de voir sa femme plus active que lui, et le regard des voisins, qui le voient chaque matin paresser dans la véranda, le met mal à l'aise. Il se sent sans cesse traqué, épié, surveillé. Pour réussir à soutenir un rythme de travail rapide, il prend toutes sortes de médicaments, en particulier des amphétamines, qui le plongent régulièrement dans des dépressions terribles.

Son côté paranoïaque s'amplifie au fil des mois : s'il ne réussit pas, estime-t-il, c'est parce qu'il est victime de complots fomentés contre lui. Un double effet joue en fait contre lui :

  • la science-fiction n'est plus un genre à la mode, le phénomène des pulps[précision nécessaire] étant passé.
  • le style de Dick arrive trop en avance pour le public des États-Unis de l'époque, dont l'humeur est davantage à l'euphorie qu'à la suspicion [réf. nécessaire]. Ses nouvelles et romans ne rencontreront le succès en France qu'après 1968 et aux États-Unis que dans la foulée du film Blade Runner [réf. nécessaire].

Cela n'arrange en rien, dans l'immédiat, la situation psychologique et financière du romancier.

Il divorce de sa femme en 1958 et rencontre Anne Williams Rubinstein dont le mari vient de mourir. Commence un flirt où Anne et Philip ont l'impression de se comprendre l'un et l'autre comme s'ils n'avaient jamais connu personne d'autre. Les trois petites filles de Anne se lient très vite avec ce gros homme barbu qui débarque chez elles sans crier gare et épouse leur mère le 1er avril 1959. Une fille, Laura Archer, naît de cette union le .

La femme de Philip l'encourage à écrire une œuvre qui fasse de lui un auteur célèbre et reconnu. Il commence alors la rédaction du Maître du Haut Château.

Encore une fois, le couple tourne mal. Anne voit en Dick l'image d'un écrivain qu'il n'est pas et ne tient pas à être, celui-ci ne pouvant se décider à abandonner son genre de prédilection, la science-fiction, bien que son rêve soit d'être reconnu comme écrivain de littérature générale. Sa femme ouvre une bijouterie. Philip se sent une nouvelle fois entretenu par sa femme, bon à rien. Il soupçonne Anne d'avoir contre lui des idées de meurtres.

Il déclarera plus tard : « C'était une psychotique meurtrière. Elle me faisait peur et par deux fois elle a tenté de me tuer. »

Lorsque Anne quitte la maison en emmenant sa fille, il sombre dans la dépression. Le divorce a lieu en 1964.

Le succès

En 1962, Le Maître du Haut Château est publié : c'est un immense succès. Un public « dickien » commence à se créer, enthousiasmé par l'œuvre. L'année suivante, le roman gagne le prix Hugo. En 1963 et 1964, il enchaîne les romans : Les Clans de la Lune alphane, Nous les martiens, Simulacres et Le Dieu venu du Centaure, ce dernier étant l'un de ses romans les plus connus. Cette grande production s'explique par le fait qu'il consomme en masse des amphétamines (quand il arrêtera, son rythme d'écriture se fera moins fort)[réf. nécessaire].

En 1964, il se remarie avec Nancy Hackett, qui a 21 ans. Il a avec elle un second enfant, Isolde Freya (surnommée tout simplement Isa). À nouveau, le mariage ne fonctionne pas. Dick accuse sa femme de « vouloir faire comme les autres » et de chercher malgré lui à l'intégrer dans ce qu'il appelle « la bonne société californienne ». La vie mondaine ne l'intéresse pas : il se consacre entièrement à ses livres, et sort de moins en moins de chez lui. Les assassinats de Robert Kennedy et de Martin Luther King le révoltent, et il cesse de voter cette même année.

Durant cette période, Dick écrit Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, qui servira de base au film Blade Runner, mais aussi et surtout Ubik qui sera plus tard vu comme le chef-d'œuvre de l'écrivain [note 4],[26].

En 1970, il est au bout du rouleau : il a de forts ennuis avec le fisc et sa femme, l'actualité mondiale le rend amer (en particulier la guerre du Viêt Nam). Il écrit à cette époque Coulez mes larmes, dit le policier, qui porte l'empreinte de sa déprime du moment. Nancy part en emmenant Isa en septembre.

Cette période est la plus sombre de sa vie. Seul, abandonné par sa femme, l'auteur ouvre sa maison à tous les drogués, hippies ou junkies de passage. Plus une journée ne passe sans qu'il se drogue, ce qui provoque chez lui de longues périodes de délire[réf. nécessaire]. Cette expérience le pousse à écrire Substance mort, dans lequel un policier est chargé de surveiller un drogué qui n'est autre que lui-même, écrit en 1975 et publié en 1977.

Il cherche à plusieurs reprises, sans succès, à se faire interner en hôpital psychiatrique, parvenant cependant à passer quelques jours en salle d'examen. Dick est peut-être paranoïaque, schizophrène, mais ne présente pas les symptômes caractéristiques d'un drogué dur : il est bien en chair et en forme physiquement.

Le , un événement bouleverse sa vie. Lorsqu'il rentre chez lui, il trouve « les fenêtres fracassées, les portes fracturées, les serrures forcées » et constate « la disparition de plusieurs de [ses] affaires : on avait fait sauter [son] armoire-classeur à l'épreuve du feu, manifestement au moyen d'explosifs du type plastic », classeur où il conservait tous ses « trésors » : textes, vieux pulps de sa jeunesse, collections diverses… Aussitôt, ses peurs paranoïaques remontent à la surface : il accuse tour à tour le FBI et le KGB de vouloir attenter à sa vie. Sa plainte en justice reste sans suite.

Puis il part s'installer à Vancouver qu'il a découvert lors d'une conférence de science-fiction le et où il a directement envisagé d'émigrer. Il tente de refaire sa vie là-bas, tombe plusieurs fois amoureux de filles bien plus jeunes que lui, qui le repoussent à chaque fois, prenant souvent peur devant cet homme gauche qui réclame leur affection. Il tente alors de se suicider en prenant une forte dose de tranquillisants.

Il survit et se fait interner à X-Kalay, centre de désintoxication pour héroïnomanes. Il y découvre l'enfer des drogués durs dont le cerveau a subi des lésions irrémédiables. Il arrête la drogue (tout en continuant à consommer des médicaments divers et variés).

Après trois semaines à X-Kalay, Dick émigre à Fullerton. Il est hébergé par deux étudiantes fans de ses œuvres et rencontre l'écrivain amateur Tim Powers.

En juillet, il fait la connaissance de Tessa Busby, jeune fille réservée, qui a alors dix-huit ans. Le couple emménage et ils fondent ensemble un foyer. Il recommence alors à écrire.

L'Europe, en particulier la France, commence à s'intéresser à lui. Substance mort se voit publié durant cette période, ainsi que la version finale de Coulez mes larmes, dit le policier, qui est nommé en 1974 pour le prix Nebula et pour le prix Hugo. On lui propose d'adapter Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? en film.

Dick avait fait de son corps, comme l'écrit Emmanuel Carrère dans sa biographie, « un shaker à cocktails chimiques ». À cette époque, on parlait beaucoup des flashbacks d'acide, où les anciens drogués des années soixante avaient soudain des hallucinations hors du commun, et pouvaient être pris de pulsions meurtrières inattendues, phénomène qui faisait peur et fascinait les Américains moyens[réf. nécessaire]. Peut-être cela explique-t-il la raison qui poussa Philip à verser dans le mystique, lui qui avait toujours voulu prouver que notre monde était faux, qu'il existait une réalité supérieure, et que lui seul semblait s'en apercevoir. Ainsi des commentateurs reprochent souvent à Dick de pratiquer une philosophie mystique. Peut-être le terme de métaphysique serait-il mieux choisi. Toute son œuvre théologique le prouve (cf. La Trilogie divine), et Dick fixe souvent ses fictions sur une documentation conséquente.

Au printemps 1977, alors qu'il vient d'emménager à Santa Ana, il reçoit la visite de Philippe Hupp, qui le persuade d'être l'invité d'honneur du deuxième Festival International de Science-Fiction de Metz. La manifestation se déroulera en septembre. Dick y présente une conférence intitulée Si vous trouvez ce monde mauvais, vous devriez en voir quelques autres (If you find this world bad, you should see some of the others), où il parle de mondes parallèles, affirmant que la réalité dans laquelle nous vivons a été reprogrammée, laissant son public perplexe[27]. C'est néanmoins à Metz qu'il mesure la popularité dont il jouit en France et il écrira plus tard y avoir passé « la plus belle semaine de sa vie ».

L'Exégèse, ouvrage énorme (plus de 8 000 pages), date de cette époque. Il s'agit d'un essai où toutes ses révélations sont soigneusement notées, et où s'affrontent Philip K. Dick et Horselover Fat (imprégné de gnose valentinienne[28]), unique et même personnage (Philippe signifie en grec « l'ami des chevaux » qui s'écrit en anglais « horse lover » ; Dick signifie gros en allemand, « fat » en anglais). Dans plusieurs de ses romans de cette dernière période, l'ancien président Richard Nixon, sous son nom (dans SIVA) ou une version fictive, apparaît comme une figure maléfique de ce que Dick qualifie d'« Empire » (L'Empire n'a jamais pris fin est une phrase récurrente dans SIVA, synonyme de démiurge aveugle (Samaël)).

Il a un accident vasculaire cérébral le , et meurt le d'une défaillance cardiaque quelques jours avant la sortie du film Blade Runner tiré de son roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?. Il commençait juste à en recevoir les droits d'auteur. Il est enterré à Fort Morgan, Colorado, aux côtés de sa sœur Jane, sans avoir jamais su à quel point son œuvre allait devenir mythique.

En 1983, un an après sa mort, un prix littéraire est créé en son hommage et baptisé le Prix Memorial Philip K. Dick.

Œuvres

Dick se définit comme un philosophe de fiction.

Dick a écrit à propos de ses romans[29] :
« Dans mon écriture je m’interroge sur l'univers, je me demande à voix haute s'il est réel, et je me demande si nous le sommes tous »[note 5].

Article détaillé : Bibliographie de Philip K. Dick.

Depuis 2007, l'écrivain est devenu le premier et unique auteur de science-fiction publié au sein de la prestigieuse collection classique de la Library of America, équivalent américain de la collection La Pléiade.

Nombre des histoires de Philip K. Dick ont pour thèmes la modification et la manipulation de la réalité. Ces thèmes sont particulièrement présents dans les nouvelles Jeu de guerre (War Game, 1959), Souvenir à vendre (We Can Remember it for You Wholesale, 1966), ainsi que dans les romans Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, La Vérité avant-dernière, Le Dieu venu du Centaure, Le Maître du Haut Château ou Ubik.

Nombreux sont ceux qui pensent que ces caractéristiques proviennent directement de la paranoïa qui marquait sa santé mentale fragile, notamment en raison de sa consommation de drogues (surtout des amphétamines) et de médicaments. Mais cette idée est contestée étant donné la cohérence et la complexité narrative des œuvres de Dick. La critique sociale et le cynisme des puissants qui « imposent une réalité fictive » sont aussi très présents chez lui.

Il est très connu pour avoir créé dans ses romans une atmosphère sombre, inspirant ainsi les cyberpunks bien qu'il ait vécu trop tôt pour les connaître. Mais cette atmosphère « glauque » tient en fait à l'intrigue héritée du gnosticisme qui hante la plupart des romans de Dick : le faux, qui régit ce monde, et que nous percevons comme le vrai, doit être démasqué. Aussi Dick est, avec Daniel F. Galouye, l'un des inventeurs du thème romanesque du simulacre en science-fiction, avec ses romans Le Temps désarticulé (1959) et Simulacres (1964).

Dick est un auteur d'idées et c'est probablement pour cela que ses nouvelles et romans ont été autant adaptés au cinéma, ou ont inspiré d'autres auteurs de science-fiction, comme Ursula Le Guin pour The Lathe of Heaven, Disch lui-même pour 334, et qu'il est régulièrement cité comme un des inspirateurs du mouvement cyberpunk.

Il ne faut guère chercher de logique dans l'œuvre de Dick en termes d'opinions morales ou politiques, particulièrement à la fin de sa vie. Bien que lié surtout dans sa jeunesse à des féministes ou des gauchistes, il écrira en 1973 une nouvelle (The Pre-persons) qui lui vaudra une lettre particulièrement courroucée de Joanna Russ, ce qui ne l'empêchera pas de maintenir sa position violemment anti-avortement[30].

Durant les dernières années de sa vie, il consacre la plupart de son temps à écrire l'Exégèse, texte monumental sur son œuvre dont une seule partie est publiée aux États-Unis. Elle est issue des interrogations de Dick sur une expérience mystique qu'il a vécue en mars 1974, laquelle est aussi à l'origine de SIVA[31], œuvre emblématique de la fin de sa vie. On y trouve des fragments de l'Exégèse, à l'intérieur d'une histoire qui est une véritable mise en abîme de sa propre vie. À sa mort on découvre chez lui plus de 8 000 pages du dialogue qu'il entretient avec lui-même depuis cette expérience. Un exemple parmi d'autres : en écoutant la chanson des Beatles Strawberry Fields Forever, il diagnostique que son fils est atteint d'une hernie inguinale, ce qui sera confirmé par des examens ultérieurs.

En plus des 45 romans publiés[32], Dick a écrit près de 121 nouvelles[33].

Les nouvelles sont parues regroupées en français chez l'éditeur Denoël en quatre tomes de 1994 à 1998 (1 - 1947-52; 2 - 1952-53; 3 - 1953-63; 4 - 1963-81), et furent regroupées ensuite en deux gros volumes en 2000, réédités en 2004, dans la collection Lunes d'encre : 1947-1952 (tome 1), et 1953-1981 (tome 2).

Des thématiques récurrentes

Selon Hélène Collon, traductrice des nouvelles de Philippe K. Dick, deux questions récurrentes traversent l’œuvre de l'écrivain : « Qu'est-ce que le réel ? » et « Qu'est-ce qu'être humain ? ». Si le problème que soulève la première question semble difficile à résoudre, en revanche la seconde interrogation trouve très tôt, dans ses nouvelles de jeunesse, sa réponse dans la caritas paulinienne, cette capacité d'empathie qui, chez Dick, rend certains androïdes plus humains que les humains eux-mêmes.

Le journaliste Frédéric Roussel, dans Libération, écrit : « Qu’est-ce qui est réel ? apparaît comme la question récurrente de l’Américain. Généreuse source cinématographique, son œuvre a même été labellisée postmoderne pour sa tendance à explorer les dérèglements sous-jacents de la société et les germes de destruction de la modernité. Il n’y a pas qu’une seule lecture de Dick, et se replonger dans certains de ses romans peut procurer le sentiment d’y découvrir de nouvelles grilles[34]. »

Blade Runner

Dans le film Blade Runner, se posent énormément de questions :

  • Les androïdes (appelés « répliquants ») ne sont conscients de leur état d'androïde que parce qu'on leur a dit qu'ils l'étaient et parce qu'on les a utilisés comme tels, c'est-à-dire comme ouvriers dans des conditions que les humains ne peuvent pas supporter.
  • Les répliquants montrent rapidement un comportement sociopathe, raison pour laquelle leur durée de vie est limitée à quatre ans. Ceci est cependant infirmé par plusieurs faits :
    • ils se montrent capables d'éprouver des sentiments (d'amour, de compassion), même si cela n'efface pas le côté sociopathe ;
    • une répliquante d'une nouvelle génération (Rachel), chez qui on a implanté des souvenirs, non seulement ne montre pas ce côté sociopathe mais ignore elle-même qu'elle n'est pas humaine.

Total Recall

Dans le film Total Recall, il devient possible de remplacer partiellement ou entièrement les souvenirs d'une personne. Or, il apparaît que la modification de tous les souvenirs d'un individu provoque un changement majeur de sa personnalité (pour le personnage principal), ce que l'on retrouve dans le personnage de Rachel dans Blade Runner (voir ci-dessus). D'autre part, le « héros » se range du côté des « mutants » (considérés comme des non-humains). Finalement, le personnage principal refuse de redevenir celui qu'il était et préfère conserver ses souvenirs, fussent-ils faux, parce qu'il se sent plus « humain » de cette façon. Mais les questions fusent :

  • Qu'est-ce que c'est que d'être humain ?
  • Peut-on faire confiance à ses souvenirs ?
  • Comment les souvenirs nous définissent-ils ?
  • Pourquoi les mutants sont-ils considérés comme des « sous-humains » ?
  • Peut-on choisir si l'on est humain ou non ?
  • Si on pouvait choisir, pourrait-on choisir d'être plus humain ? Et on retourne au premier point de cette liste !

Planète hurlante

Dans le film Planète hurlante, les « hurleurs » sont des robots militaires tuant toute personne ne portant pas un bracelet d'identification (thématique reprise par les robots produits par l'OmniCorp dans le film Robocop de 2014). Les usines de fabrication sont auto-régulées et il s'avère que les robots parviennent à créer de nouvelles versions de plus en plus évoluées en suivant le programme de base (exterminer l'ennemi) mais aussi en jouant sur l'affectif humain. Or, en jouant avec les sentiments humains, ces robots s'humanisent. Est-ce une nouvelle forme de vie ?

Adaptations

L'œuvre de Philip K. Dick a eu une grande influence sur le cinéma, notamment depuis l'adaptation de Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? par Ridley Scott (Blade Runner, 1982)[35].

Hormis Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, deux autres de ses romans ont été adaptés : Confessions d'un barjo et Substance mort, tandis que Ubik est toujours en projet. Les autres films sont issus de nouvelles.

Adaptations au cinéma et à la télévision

Après la mort de Philip K. Dick, plusieurs scénarios ont été inspirés plus ou moins fidèlement de ses œuvres :

  • 1982 : Blade Runner de Ridley Scott, d'après le roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (Do Androids Dream of Electric Sheep?, 1968).
  • 1990 : Total Recall de Paul Verhoeven, d'après la nouvelle Souvenirs à vendre (We Can Remember it for You Wholesale, 1966).
  • 1992 : Confessions d'un barjo de Jérôme Boivin, d'après le roman éponyme (Confessions of a Crap Artist, 1975).
  • 1995 : Planète hurlante (Screamers) de Christian Duguay, d'après la nouvelle Nouveau Modèle (Second Variety, 1953).
    • 2009 : Planète hurlante II (Screamers: The Hunting).
  • 2002 : Impostor de Gary Fleder, d'après la nouvelle éponyme (Impostor, 1953).
  • 2002 : Minority Report de Steven Spielberg, d'après la nouvelle éponyme (The Minority Report, 1956).
  • 2003 : Paycheck de John Woo, d'après la nouvelle éponyme (Paycheck, 1953).
  • 2006 : A Scanner Darkly de Richard Linklater, d'après le roman éponyme (A Scanner Darkly, 1977).
  • 2007 : Next de Lee Tamahori, d'après la nouvelle L'Homme doré (The Golden Man, 1954).
  • 2011 : L'Agence (The Adjustment Bureau) de George Nolfi, d'après la nouvelle Rajustement (Adjustment Team, 1954).
  • 2012 : Total Recall - Mémoires Programmées (Total Recall) de Len Wiseman, une deuxième adaptation de la nouvelle Souvenirs à vendre, après la première du même nom.
  • 2013 : The Pipers : Par Ammar Quteineh
  • 2015 : The Man in the High Castle, une mini-série produite par Ridley Scott pour la plateforme VOD d'Amazon d'après Le Maître du Haut Château[36].

Projets en cours et/ou avortés

  • Aux débuts des années 1970 après avoir lu Le Dieu venu du Centaure, John Lennon eut l'envie d'adapter le livre au cinéma, sans suite[37].
  • Dans les années 2010, Michel Gondry a en projet d'adapter Ubik au cinéma[38].

Inspirations

  • La trame de fond du film The Truman Show de Peter Weir (1998), avec Jim Carrey, est largement inspirée du roman de Dick Le Temps désarticulé (Time Out of Joint, 1959).
  • Parmi les admirateurs de Dick, on trouve le cinéaste canadien David Cronenberg. Sa « rencontre » avec l’auteur a lieu en 1984 : Dino De Laurentiis, qui avait produit son film Dead Zone, lui fait parvenir un scénario écrit par Dan O'Bannon et Ronald Shusett basé sur la nouvelle de Dick Souvenirs à vendre. Mécontent du résultat, il décide de le réécrire et travaille dessus pendant une année (il écrit en tout douze versions différentes de l’histoire), mais se heurte constamment au mécontentement de Shusett (aussi producteur du film). Il décide finalement de quitter le projet, sa vision de l’histoire étant trop éloignée de celle que Shusett envisage. Il reste toutefois fortement intéressé par l’œuvre de Dick qu’il découvrira durant les années suivantes.
  • En 1999, Cronenberg sort son film eXistenZ, qu’il considère comme étant son « film dickien », celui contenant le plus de thèmes proches de l’œuvre de Dick. Il a d’ailleurs inclus une sorte d’hommage dans le film par le biais d’un sac en papier où est inscrit « Perky’s Pat », en référence à la nouvelle The days of Perky Pat (1963), qui est (en partie) l'inspiration du roman Le Dieu venu du Centaure (The Three Stigmata of Palmer Eldritch, 1965).
  • Ray Faraday Nelson ami et collaborateur de Dick, a écrit la nouvelle Les Derniers Jours de Philip K. Dick, en lecture directement sur son site en anglais: (en) The Last Days of Philip K. Dick.
  • Requiem pour Philip K. Dick de Michael Bishop (titre original : Philip K. Dick is dead, alas, 1987) est un roman-hommage-pastiche des romans de science-fiction de Philip K. Dick. En particulier il reprend la structure du Maître du Haut Château (c'est une uchronie) dans l'univers de Coulez mes larmes, dit le policier).
  • Le Temps incertain de Michel Jeury (1973), œuvre phare du roman de SF français, commence par une citation de Philip K. Dick.
  • Dimanche au bord du monde, et autres nouvelles est un recueil de nouvelles publié en 2013 aux éditions Asyelle à la suite d'un concours de nouvelles sur le thème « En hommage à Philip K.Dick ».
  • Dans la série d'animation Code Lyoko, le nom du pensionnat, Kadic, est inspiré du nom Philip K.
  • Dans la série d'animation japonaise Psycho-Pass, l'antagoniste principal, qui est contre la société telle qu'elle est devenue (univers futuriste où un système informatique décide de ce que deviendront les individus et juge qui est un criminel ou non), fait référence à Philip K. Dick en citant notamment son œuvre Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?.

Autres adaptations

  • En 1976, est diffusée sur France Culture une adaptation du Maître du Haut Château par Catherine Bourdet, réalisée par Henri Soubeyran, avec René Clermont et Pierre Trabaud.
  • En 1987, au Centre Georges Pompidou est créé par l'IRCAM l'opéra de Tod Machover (en), VALIS, adapté du roman du même nom (SIVA dans la traduction française).
  • En 1993, au festival d'Avignon, Louis Castel monte un spectacle d'après Comment construire un univers qui ne s'effondre pas deux jours plus tard.

Bandes dessinées

  • Do Androids Dream of Electric Sheep ? (inspiré de Blade Runner) texte intégral du roman original : tomes 1 à 6 dessinateur Tony Parker (aidé de Blond), collection Atmosphères, EP Éditions (2011 à 2013);
  • Dust to Dust (préquelle), Chris Roberson (scénario) et Robert Adler (dessin): tomes 1 et 2, EP Éditions (2012 et 2013).

Musique

  • V.A.L.I.S. titre de l'album Four de Bloc Party est inspiré du livre SIVA.
  • Simulacres, titre de l'album La chute des fourbes de The Art of Sauvagia, s'inspire de l'œuvre de Dick.
  • Un titre de l'album Heldon Third (1975) du groupe Heldon de Richard Pinhas s'appelle Dr Bloodmoney, du nom du roman éponyme de Dick[39].
  • L'album Sister (1987) de Sonic Youth fait référence à la sœur jumelle de l'auteur de science-fiction, morte peu après sa naissance[40].

Notes et références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Philip K. Dick » (voir la liste des auteurs).

Notes

  1. Pour les films de David Cronenberg : Videodrome, Spider et eXistenZ
  2. Pour le film de Michel Gondry : Eternal Sunshine of the Spotless Mind
  3. En 2007, Dick devient le premier auteur de science fiction figurant dans la "Library of America (en)", l'édition littéraire à but non lucratif de littérature classique américaine.
  4. En 2005 le magazine Time intègrera Ubik dans son classement des 100 meilleurs romans de langue anglaise écrits depuis 1923.
  5. Citation originale : « In my writing I even question the universe; I wonder out loud if it is real, and I wonder out loud if all of us are real. »

Références

  1. (en) « 1978 Award Winners & Nominees », Worlds Without End (consulté le 26 juin 2009)
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  5. Baudrillard, Jean. "'Simulacra and Science Fiction'" . Science Fiction Studies. Retrieved May 26, 2007.
  6. Myriam Díaz-Diocaretz, Stefan Herbrechter (2006). The Matrix in theory. Rodopi. pp. 136. ISBN 90-420-1639-6.
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  23. Emmanuel Carrère, Je suis vivant et vous êtes morts, Éditions Points p. 258, page 11
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  37. Je suis vivant et vous êtes morts : Philip K. Dick 1928 - 1982, Emmanuel Carrère, Le Seuil 1993
  38. Libération next, Michel Gondry va adapter Ubik
  39. Ariel Kyrou, ABC Dick : Nous vivons dans les mots d'un écrivain de science-fiction, Inculte, 2009, p. 426-427.
  40. Ariel Kyrou, ABC Dick : Nous vivons dans les mots d'un écrivain de science-fiction, Inculte, 2009, p. 428.

Voir aussi

Bibliographie

  • Entretiens :
    • Si ce monde vous déplaît…, Éditions de l'Eclat, 2004 (conférences).
    • Dernière conversation avant les étoiles, Éditions de l'Eclat, 2005.
  • Biographies en français :
    • Emmanuel Carrère, Je suis vivant et vous êtes morts, Paris, Le Seuil, collection "Points", 1993. Carrère aborde la vie de Dick sous forme romanesque.
    • Lawrence Sutin, Invasions divines, Paris, Gallimard, collection Folio SF, 2002. Très complète et détaillée.
  • Études par des auteurs français :
    • Aurélien Lemant, TRAUM : Philip K. Dick, le martyr onirique, Lyon, Le Feu Sacré éditions, 2012.
    • Étienne Barillier, Le Petit Guide à trimbaler de Philip K. Dick, Chambéry, ActuSF, Les Trois Souhaits, 2012.
    • Ariel Kyrou, ABC Dick : Nous vivons dans les mots d'un écrivain de science-fiction, Inculte, 2009.
  • Études par des auteurs américains :
    • Kim Stanley Robinson (écrivain), Les Romans de Philip K. Dick, Éditions Les Moutons électriques, 2005. Complétée d'une préface de Patrice Duvic et d'une étude de Laurent Queyssi.
    • Fredric Jameson (philosophe), Penser avec la science-fiction, Max Milo, 2008 (trois chapitres sont consacrés à Dick).
  • Recueils collectifs d'études :
    • Spécial Philip K. Dick, Revue Science-Fiction, no 7/8, Paris, Denoël, 1986, éditorial de Daniel Riche, et des textes, en particulier par Thomas M. Disch, Patrice Duvic, Roger Zelazny, et surtout le très important Un visionnaire parmi les charlatans de Stanislas Lem.
    • Regards sur Philip K. Dick - Le Kalédickoscope, dirigé par Hélène Collon (Encrage, 1992), avec, en particulier, des textes de Norman Spinrad, Brian W. Aldiss, Jacques Chambon.
  • Romans/recueils de nouvelles hommages:
    • Michael Bishop, Requiem pour Philip K. Dick, Paris, Denoël, 2004.
    • Collectif, Dimanche, au bord du monde et autres nouvelles, hommage à Philip K. Dick, Ed. Assyelle, 2013. Présentation sur le site de l'éditeur

Liens externes

  • Notices d’autorité : Fichier d’autorité international virtuel International Standard Name Identifier CiNii Union List of Artist Names Bibliothèque nationale de France Système universitaire de documentation Bibliothèque du Congrès Gemeinsame Normdatei Institut central pour le registre unique Bibliothèque nationale de la Diète WorldCat
  • (mul) Catégorie Philip K. Dick de l’annuaire DMOZ
  • Dickien.fr L'actualité dickienne francophone
  • Le Paradick Site français sur l'œuvre de Philip K Dick.
  • Le Philip K. Dick Bookshelf Bibliographie illustrée complète (en français).
  • Portail de la littérature américaine
  • Portail de la science-fiction
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