John Stuart Mill
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Séparation des sphères publique et privée, hiérarchisation des plaisirs dans la théorie utilitariste, émancipation des femmes, logique inductive |
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John Stuart Mill ( à Londres - à Avignon, France) est un philosophe, logicien et économiste britannique. Il fut l'un des penseurs libéraux les plus influents du XIXe siècle. Il était un partisan de l'utilitarisme, une théorie éthique préalablement exposée par son parrain Jeremy Bentham, dont Mill proposa sa version personnelle. En économie, il est l'un des derniers représentants de l'école classique. Féministe précurseur, Mill proposa en outre un système de logique qui opère la transition entre l'empirisme du XVIIIe siècle et la logique contemporaine.
Biographie
Fils aîné de James Mill, il est né dans la maison parentale à Pentonville, Londres. Il a été instruit par son père, sur les conseils et avec l'assistance de Jeremy Bentham et David Ricardo. Il reçut une éducation extrêmement rigoureuse et fut délibérément protégé des relations avec les enfants de son âge. Son père, adepte de Bentham et défenseur de l'associationnisme, avait pour but avoué de faire de lui un génie qui pourrait poursuivre la cause de l'utilitarisme et de ses applications après sa mort et celle de Bentham.
Il fut d'une intelligence et d'une culture exceptionnellement précoces ; son père lui avait appris à l'âge de trois ans l'alphabet grec et une longue liste de mots grecs avec leurs équivalents en anglais. À huit ans, il avait lu les fables d'Ésope, l'Anabase de Xénophon, tout Hérodote, il était à l'aise avec Lucien de Samosate, Diogène, Isocrate et connaissait six dialogues de Platon. Il avait aussi lu une grande quantité d'ouvrages sur l'histoire.
Toujours à l'âge de huit ans, Mill commença le latin, étudia Euclide, l'algèbre et fut chargé de l'éducation des plus jeunes enfants de la famille. Ses principales lectures concernaient l'histoire, mais il lut tous les auteurs latins et grecs communément étudiés dans les collèges et les universités de l'époque. Il n'avait pas à composer en latin ou en grec et ne fut jamais un pur scolaire ; c'étaient des matières qu'il devait lire, et à dix ans il lisait Platon et Démosthène aisément. L'ouvrage de son père : Histoire des Indes, fut publié en 1818 ; immédiatement après, vers douze ans, John commença l'étude de la logique scolastique, tout en parcourant les traités de logique d'Aristote dans le texte. Les années suivantes, son père l'introduisit à l'économie politique par l'étude d'Adam Smith et de David Ricardo et, finalement, compléta sa vision économique avec l'étude des facteurs de production.
À vingt ans, il est victime d'une dépression liée probablement au surmenage. Cet épisode de sa vie l'amène à reconsidérer l'utilitarisme de Bentham et de son père : il en vient à penser que l'éducation utilitariste qu'il avait reçue, si elle avait fait de lui une exceptionnelle « machine à penser », l'avait dans le même mouvement coupé de son moi profond et avait presque tari en lui toute forme de sensibilité. Dès lors, il tente de concilier la rigueur scientifique et logique avec l'expression des émotions. Ce sont les œuvres du poète Wordsworth qui, dans un premier temps, l'aident à développer une « culture des sentiments », à faire (re)surgir en lui la vitalité du cœur, et l'amènent à se rapprocher de la pensée romantique.
Sa charge de travail ne semble pas avoir handicapé Mill dans sa vie sentimentale : la famille qu'il forma avec sa femme, Harriet Taylor Mill, et sa belle-fille Helen Taylor, a été considérée par ses contemporains comme exceptionnellement réussie. [réf. nécessaire] Lui-même indique dans l'un de ses ouvrages que « ceux-ci ne sont pas le travail d'un esprit, mais de trois ». Notamment, il a décrit son essai De la liberté comme issu de la « conjonction » de l'esprit de sa femme Harriet, et du sien, et souligne dans des pages émouvantes de ses Mémoires combien l'amour qu'il lui portait se doublait d'une complicité intellectuelle intense :
- « Lorsque deux personnes partagent complètement leurs pensées et leurs spéculations, lorsqu'elles discutent entre elles, dans la vie de tous les jours, de tous les sujets qui ont un intérêt moral ou intellectuel, et qu'elles les explorent à une plus grande profondeur que celle que sondent d'habitude et par facilité les écrits destinés aux lecteurs moyens ; lorsqu'elles partent des mêmes principes, et arrivent à leurs conclusions par des voies suivies en commun, il est de peu d'intérêt, du point de vue de la question de l'originalité, de savoir lequel des deux tient la plume. Celui qui contribue le moins à la composition peut contribuer davantage à la pensée ; les écrits qui en sont le résultat sont le produit des deux pris ensemble, et il doit souvent être impossible de démêler la part qu'ils y ont chacun, respectivement, et d'affirmer laquelle appartient à l'un, et laquelle, à l'autre. Ainsi, au sens large, non seulement durant nos années de vie maritale, mais encore durant les nombreuses années de complicité qui les précédèrent, toutes mes publications furent tout autant les œuvres de ma femme que les miennes... »[1].
Mill et la France
Il fut très affecté par le décès de sa femme à Avignon en 1858, morte d'une congestion pulmonaire, et il resta dès lors en France, pour demeurer près d'elle. Outre De la liberté, ses Considérations sur le gouvernement représentatif, qui reprennent notamment le système de représentation proportionnelle inventé par Thomas Hare afin d'assurer une représentation des minorités dans le cadre du suffrage universel, influença plusieurs auteurs français, dont le républicain-socialiste Louis Blanc, l'orléaniste Lucien-Anatole Prévost-Paradol, Joseph Guadet (De la Représentation nationale en France, 1863), Alfred Le Chartier de Sedouy (Réforme du suffrage universel, 1863) ou Hippolyte Passy (« Rapport sur un ouvrage de M. Stuart Mill, intitulé : Du Gouvernement représentatif », Séances et Travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, 1862) ; plusieurs articles de La Revue des deux Mondes, écrits par le duc d'Ayen ou Alfred Jacobs, rendent compte également cet ouvrage[2]. Sa défense du droit de vote des femmes, qui donna lieu à un discours notable lors de la campagne pour le Reform Act de 1867, ainsi qu'à un ouvrage spécifique, eut moins de succès[2]. Le jeune Clemenceau, enfin, traduit son livre Auguste Comte et le positivisme en échange de la publication de sa thèse de médecine[3].
Il est enterré au cimetière Saint-Véran d'Avignon.
Principales œuvres
- Système de logique déductive et inductive, 1843. Traduction française réalisée par Louis Peisse à partir de la 6e édition britannique de 1865. Paris : Librairie philosophique de Ladrange, 1866.
Cet ouvrage n'est pas, malgré son titre, une répétition de la logique d'Aristote, ni un manuel supplémentaire pour une discipline codifiée. En réalité, le système est l'expression d'une philosophie nouvelle, chaînon indispensable qui relie David Hume à Bertrand Russell. Le système de logique nous offre sans doute un récapitulatif de tout ce qu'il faut entendre sous le terme de logique, mais il nous propose aussi une nouvelle théorie des sophismes, des noms propres, de la référence, et surtout de l'induction. On trouve chez Mill des réponses convaincantes au paradoxe de l'induction mis en évidence par Hume, comme l'on y lit la critique, devenue classique, de la déduction comme raisonnement circulaire, et condamné par nature à ne pouvoir remettre en cause, donc ne pas dépasser, ses axiomes et prémisses. Enfin, et ce n'est pas la moindre contribution de Mill, le système de logique met en place une théorie générale des sciences humaines et de leurs méthodes propres, nous rappelant ainsi que Mill est aussi l'auteur des Principes d'économie politique, et le contemporain de Karl Marx. - Essays on Some Unsettled Questions of Political Economy, London, 1844 ;
- Principes d'économie politique, Londres, 1848, dans lequel il développe ses idées sur les droits sociaux et les libertés des travailleurs ;
John Stuart Mill, interprète synthétique des classiques, livre ses « principes d'’économie politique ». Il définit les bornes du progrès des sociétés industrielles, notamment par la baisse tendancielle du taux des profits. Il constate que les mobiles d’agressivité et de gain ne sont utilisés que, faute de mieux, pour accroître les richesses matérielles ; leur déchaînement grevé d’un lourd passif, dégrade les hommes et leur ravit le loisir et la solitude. Les progrès économiques ne sont pas parvenus à engendrer les grands changements qui feraient, comme il convient, des inventions mécaniques la commune propriété du genre humain. Aussi, la société en vue du mieux-être de tous ses membres, peut-elle être réorientée et remodelée sans peur, même si elle doit pour cela perdre un peu de ses dynamismes matériels et manifestes. L’épanouissement de tout l’homme en chaque homme est desservi par les ruées d’êtres avilis sur une nature humiliée. L'humanité doit choisir l'état stationnaire avant que la nécessité ne l'y contraigne. - Pour Heilbroner in Les Grands Économistes, il est l’auteur du « plus grand “mais” de l’histoire de la pensée économique ». En effet, Mill pose que la science économique s’applique à la production de biens et de services, permet d’utiliser au mieux les ressources, mais elle ne s’applique pas au champ de la répartition : c’est à la société de choisir le mode de répartition des richesses créées, ce qui laisse le champ libre à la politique, au rôle de l'État, à des choix de société, etc.
- De la liberté, (titre en anglais : On Liberty), 1859. Première traduction française par Charles Brook Dupont-White, Paris : Guillaumin, 1860 ;
- Quelques mots sur la non-intervention, 1859. Essai de politique étrangère.
- Considerations on Representative Government, Londres, 1861 - Traductions françaises : Considérations sur le gouvernement représentatif par Patrick Savidan, Paris, Gallimard, 2009 / Considérations sur le gouvernement représentatif, par Malik Bozzo-Rey, Jean-Pierre Cléro, Claire Wrobel, Hermann, L'avocat du diable, 2014.
- Utilitarianism, Londres, 1863, Traduction française: L'utilitarisme ;
- An Examination of Sir Hamilton's Philosophy, Londres, 1865 ;
- Auguste Comte et le positivisme, Londres, 1865, Westminster Review ; première traduction française par Georges Clemenceau, [lire en ligne] (rééd. chez Alcan, 1893)
- De l'assujettissement des femmes, 1869. Traduction française de Émile Cazelles. Paris : Éditions Avatar, 1992, 206 pages. Ouvrage dans lequel il défend la cause de l'émancipation des femmes et demande à ce qu'elles bénéficient elles aussi du suffrage, voir La Sujétion des femmes ;
- Autobiographie, Londres, 1873, traduction française ;
- Three Essays on Religion, (Nature + Utility of Religion + Theism), Londres, 1874.
- Essais sur Tocqueville et la société américaine.
Bibliographie
- Gilbert Boss, John Stuart Mill, Induction et utilité, PUF, Paris, 1990.
- Jean-Pierre Cléro et Gilbert Boss, « Le vocabulaire de John Stuart Mill », Le vocabulaire des philosophes, Suppléments I, vol. V, éd. J.-P. Zarader, Ellipses, Paris, 2006.
- John Stuart Mill and Representative governement, Dennis F. Thompson, 1976
- Mill on Democracy : from Athenian Polis to Representative Government, N. Urbinati, 2002
- Martine Monacceli (dir.), Ces hommes qui épousèrent la cause des femmes : Dix pionniers britanniques, Éditions de l'Atelier, 2010, (ISBN 2708241052), compte-rendu de Guyonne Leduc, Université de Lille 3.
Voir aussi
Articles connexes
- Allocation universelle
- Harm principle
- Utilitarisme
- Liste d'économistes
- Sophisme
- Jean-Henri Fabre
Liens externes
- Notices d’autorité : Fichier d’autorité international virtuel • International Standard Name Identifier • Bibliothèque nationale de France • Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès • Gemeinsame Normdatei • Bibliothèque nationale de la Diète • Bibliothèque nationale d'Espagne • WorldCat
- John Stuart MILL, Sur la liberté - Édition bilingue et lecture Mp3 - traduction O. Gaiffe
- Audiolivre : John Stuart Mill, Autobiographie I - Un Modèle d'éducation
- Audiolivre : John Stuart Mill, Le Parti radical et le Canada. lord Durham et les canadiens
- Paola Cavalieri, Principe de liberté, ou principe de dommage envers autrui?
- Estiva Reus, Sur La Nature de John Stuart Mill
- Peter Singer, La pertinence de Mill aujourd'hui : un point de vue personnel
- John Stuart Mill, Système logique déductive et inductive
- John Stuart Mill, L'utilitarisme
- John Stuart Mill, De la liberté
- John Stuart Mill, De l'assujettissement des femmes
Notes et références
- ↑ cf. Mill, Mes Mémoires. Histoire de ma vie et de mes idées, VII ; cf. aussi Mill, Sur la liberté, "Dédicace de l'auteur"
- 1 2 Djamel Souafa & Vincent Guillin, « La réception de Stuart Mill en France », La Vie des idées, 18 mai 2010. ISSN : 2105-3030.
- ↑ John Stuart Mill, Auguste Comte et le positivisme, trad. par Georges Clemenceau [lire en ligne]
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