Antoine Destutt de Tracy


Nom de naissance | Antoine-Louis-Charles-Claude Destutt, comte de Tracy |
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Naissance |
Paris, France |
Décès |
(81 ans) Paris |
Activité principale |
philosophe, homme politique |
Distinctions |
comte d’Empire, Académie française |
Langue d’écriture | français |
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Mouvement | idéologues |
Antoine Destutt de Tracy (ou de Stutt de Tracy), marquis de Tracy[1] (Paris, 20 juillet 1754 — Paris, 9 mars 1836) est un officier, homme politique et philosophe français, brièvement général de la Révolution en 1792.
Biographie
Origines familiales
Issu de la famille de Stutt, famille noble originaire d’Écosse[2], il est le fils de Claude-Louis-Charles Destutt, marquis de Tracy, militaire de carrière mort en 1766 des suites de blessures reçues à la bataille de Minden.
Antoine Destutt de Tracy fait lui aussi une carrière militaire et, en 1789, est colonel du régiment de Penthièvre
La période révolutionnaire (1789-1794)
Aux élections aux États généraux, il est élu député par la noblesse du Bourbonnais réunie à Moulins.
Il est un des premiers de son ordre à se rallier au tiers état après la crise du 20 juin 1789 et un des plus enthousiastes lors de la nuit du 4 août 1789.
Lorsque l'Assemblée constituante est remplacée par la Législative en septembre 1791[3], il se consacre aux sciences avec son ami Pierre-Jean-Georges Cabanis. Il est cependant nommé maréchal de camp (général de brigade) par La Fayette, commandant de l'armée du Nord, en 1792 ; mais, après le 10 août 1792 et l'émigration de son chef, il revient à la vie civile.
Pendant la Terreur, il est arrêté comme suspect le 2 novembre 1793 et reste incarcéré pendant onze mois, durant lesquels il s'initie à la philosophie sensualiste de Locke et de Condillac, mettant au point sa propre doctrine. Il recouvre la liberté après la chute de Robespierre (9 thermidor an II/27 juillet 1794).
Le Directoire

Il écrit alors des Mémoires sur la faculté de penser et Quels sont les moyens de fonder la morale chez un peuple. Il forge le terme idéologie, qu'il conçoit comme la « science des idées », refusant le mot « psychologie », qui fait trop explicitement référence à la notion d'âme[4].
Sur le plan pratique, il refuse le commandement de l'armée d'Orient mais est nommé membre du Conseil d'instruction publique en 1799.
Le Consulat et le Premier Empire
Après le 18 brumaire, auquel ses amis de la société d'Auteuil, dont Sieyès est alors le chef, ont puissamment contribué, il est nommé l'un des trente premiers sénateurs.
Au Sénat conservateur, il est le chef des « idéologues » méprisés par Napoléon Ier, qui en fait tout de même un comte d'Empire. Outre Destutt de Tracy et Cabanis, la Société des idéologues compte parmi ses membres le comte de Volney et Dominique Joseph Garat.
En 1800, il publie des Observations sur le système actuel d'instruction publique.
Il est élu membre de l'Académie française en 1808.
La Restauration et la monarchie de Juillet
Louis XVIII le fait entrer à la Chambre des pairs en 1814[5].
Il devient membre de l'Académie des sciences morales et politiques en 1832.
Son œuvre a eu une influence réelle sur les philosophes et économistes du XIXe siècle, notamment Thomas Brown, John Stuart Mill, Herbert Spencer, Taine et Théodule Ribot, mais aussi sur Stendhal et Karl Marx..
Descendance
Son fils Victor Destutt de Tracy a été parlementaire sous la monarchie de Juillet et ministre de la Marine.
Sa fille a épousé Georges Washington de La Fayette en 1802.
Idéologie
Idéologue moderne, il a été très lu à son époque. Il veut révolutionner les sciences sociales, c’est-à -dire fournir pour les nouveaux établissements scolaires le livre de base ("Eléments d'idéologie"). Il veut avant tout bâtir des connaissances, fonder la formation sur le rationnel. Il veut tout rationaliser. Il se situe dans la ligne de Condillac. Pour lui tout est fondé sur les sens (sensations): il faut isoler un seul sens. Il imagine la théorie de la statue. Supposons un être humain qui, dès sa naissance, a été mis dans du plâtre. Il se développe sans rien voir du monde. Il n’a aucune sensation. Si on lui fait sentir une fleur, il va l'imaginer. Son idée, c’est que nos constructions intellectuelles, nos doctrines viennent de nos sensations. 3 parties dans cette œuvre : 1) idéologie (mobilisation des sensations), 2) grammaire (facultés intellectuelles) 3) logique (buts poursuivis), c'est-à -dire reconstructions des connaissances. Au-delà de l’audace de la méthode, il arrive à des conclusions prudentes. Pas de grandes remises en cause. Notons qu’il perçoit un rapport entre les langues et la structure de la pensée d’une société, d’une nation. Les comparaisons entre les langues permettent d’entrevoir les différences entre les sociétés. Sa pensée, qui n'est pas réflexive et beaucoup moins génétique que celle de Condillac, est un modèle de "matérialisme psychologique" très attentif aux dérives de la métaphysique et aux délires de l'inconscient[6]. Il défend également la physiocratie : concurrence, libre-échange, exaltation de l’agriculture ; mais il défend aussi l’idée du malthusianisme avant l’heure. C’est un homme de son temps. Néanmoins, Napoléon bouleversera tout cela en mettant en place les lycées, universités, grandes écoles…
Titres
- Marquis de Tracy[7] et seigneur de Paray-le-Frésil (avant 1789) ;
- Comte Destutt-Tracy et de l'Empire (lettres patentes du , Bayonne) ;
- Pair de France[5] :
- Pair « à vie » par l'ordonnance du ;
- Comte-pair héréditaire (, lettres patentes du ) ;
Distinctions
- Légion d'honneur[8] :
- Légionnaire (9 vendémiaire an XII : ), puis,
- Commandant de la Légion d'honneur (25 prairial an XII : ) ;
Armoiries
Figure | Blasonnement | |
|
Armes du comte Destutt-Tracy et de l'Empire
Quartier de sénateur ; aux deuxième et troisième d'or au cœur de gueules ; au quatrième palé d'or et de sable de six pièces.[9],[10],[11]
| |
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Armes du comte Destutt de Tracy, comte-pair héréditaire
Écartelé, au 1 et 4 palé de sable et d’or de six pièces (Tracy) ; au 2 et 3 d’or au cœur de gueules.[5],[12],[13],[10] |
Notes et références
- ↑ Arnaud Bunel, « Armorial des rues de Paris », IIème Arrondissement, sur www.heraldique-europeenne.org (consulté le 28 juillet 2011)
- ↑ Généalogie de la maison de Stutt, marquis de Solminiac, comtes d’Assay, marquis de Tracy, d’après les éléments recueillis par le marquis de La Guère, 1885 disponible sur Gallica, pour sa biographie voir p. 124
- ↑ Les membres de la Constituante n'avaient pas le droit de se présenter aux élections à la Législative.
- ↑ Histoire de la psychologie française au XIXe siècle
- 1 2 3 Destutt de Tracy (June 4, 1814; C, Aug 31 1817; LP 3 Aug 1824) Ext. 1850.
Antonin-Louis-Claude Destutt de Tracy (1754-1836). Name and arms assumed by grandson Jacques de Staal de Magnoncour, decree 14 June 1861; title of marquis confimed for same 25 Feb 1872
écartelé, au 1 et 4 palé de sable et d’or de six pièces, au 2 et 3 d’or au cœur de gueules
- Source
- (en) « Armory of the French Hereditary Peerage (1814-30) », sur www.heraldica.org (consulté le 17 juin 2011)
- ↑ André CANIVEZ, « IDÉOLOGUES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 23 décembre 2012. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/ideologues/
- ↑ « roglo.eu », Claude Louis Charles Destutt de Tracy (consulté le 8 juillet 2011)
- ↑ « Notice no LH/761/40 », base Léonore, ministère français de la Culture
- 1 2 « BB/29/974 page 31. », Titre de comte accordé à Antoine, Louis, Claude Destutt-Tracy. Bayonne ()., sur chan.archivesnationales.culture.gouv.fr, Centre historique des Archives nationales (France) (consulté le 4 juin 2011)
- 1 2 Alcide Georgel, Armorial de l'Empire français : L'Institut, L'Université, Les Écoles publiques,‎ 1870 (lire en ligne)
- ↑ Nicolas Roret, Nouveau manuel complet du blason ou code héraldique, archéologique et historique : avec un armorial de l'Empire, une généalogie de la dynastie impériale des Bonaparte jusqu'à nos jours, etc..., Encyclopédie Roret,‎ 1854, 340 p. (lire en ligne)
- ↑ Jean-Baptiste Rietstap, Armorial général, t. (tome 1 et 2), Gouda, G.B. van Goor zonen,‎ 1884-1887
- ↑ Source : www.heraldique-europeenne.org
Voir aussi
- Service Historique de l’Armée de Terre – Fort de Vincennes – Dossier S.H.A.T. Côte : 4 Yd 3 843.
Publications
- M. de Tracy à M. Burke (1785-95) disponible sur Gallica.
- Quels sont les moyens de fonder la morale chez un peuple (1797-98) disponible sur Gallica.
- Analyse de l'Origine de tous les cultes, par le citoyen Dupuis, et de l'abrégé qu'il a donné de cet ouvrage (1799 ; 1804) disponible sur Gallica
- Projet d'éléments d'idéologie à l'usage des écoles centrales de la République française (1800) disponible sur Gallica.
- Observations sur le système actuel d'instruction publique (1800).
- Principes logiques, ou Recueil de faits relatifs à l'intelligence humaine (1817) disponible sur Gallica.
- Traité de la volonté et de ses effets (1818). Réédition : Slatkine, Genève, 1984 disponible sur Gallica.
- Commentaire sur l'Esprit des lois de Montesquieu, par M. le Cte Destutt de Tracy, suivi d'observations inédites de Condorcet sur le 29e livre du même ouvrage, et d'un mémoire sur cette question : quels sont les moyens de fonder la morale d'un peuple, écrit et publié par l'auteur du commentaire de l'Esprit des lois en 1798 (1819) disponible sur Gallica, Réédition : Fayard, Paris, 1994.
- Traité d'économie politique (1822) disponible sur Gallica.
- Élémens d'idéologie (4 volumes, 1825-27). En 4 parties publiées précédemment en 3 volumes séparés : I. Idéologie proprement dite ; II. Grammaire ; III-IV. De la logique. Texte en ligne : , et
- Mémoire sur la faculté de penser ; De la métaphysique de Kant et autres textes, Fayard, Paris, 1992.
- Lettres à Joseph Rey : 1804-1814, Droz, Genève ; Champion, Paris, 2003.
- De l'amour. Publié pour la première fois en français avec une introduction sur Stendhal et Destutt de Tracy, par Gilbert Chinard (1926). Réédition : J. Vrin, Paris, 2006.
Bibliographie
- Notices d’autorité : Fichier d’autorité international virtuel • International Standard Name Identifier • Bibliothèque nationale de France • Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès • Gemeinsame Normdatei • Base Léonore • WorldCat
- « Tracy (Antoine-Louis-Claude Destutt, comte de) », dans Robert et Cougny, Dictionnaire des parlementaires français,‎ [détail de l’édition] [texte sur Sycomore]
- Georges Renauld. Antoine Destutt de Tracy, homme de la Liberté, Éditions Detrad AVS, 2000.
- Jean-Pierre Harris. Antoine D'Estutt de Tracy, l'éblouissement des Lumières, avec une préface de Jean Tulard, Éditions de l'Armançon, 2008.
- P. H. Imbert, "Destutt de Tracy, critique de Montesquieu", A. Nizet, Paris, 1974
Article connexe
- Familles subsistantes de la noblesse française.
Liens externes
- Notices d’autorité : Fichier d’autorité international virtuel • International Standard Name Identifier • Bibliothèque nationale de France • Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès • Gemeinsame Normdatei • Base Léonore • WorldCat
- Notice biographique de l'Académie française
- Notice biographique de l'Assemblée nationale
- « Antoine Destutt de Tracy » dans le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse, tome 6, page 609, disponible sur Gallica.
- BibNum Mémoire sur la faculté de penser (1796), en ligne et commenté sur le site.
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