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Al-Andalus

Al-Andalus

Jardins de la période islamique de l'Alhambra à Grenade aujourd'hui en Espagne dans la communauté autonome d'Andalousie.

Al-Andalus ( الأندلس en arabe, al-Ándalus en espagnol, al-Ândalus en portugais) est le terme qui désigne l'ensemble des territoires de la péninsule Ibérique et de la Septimanie qui furent sous domination musulmane de 711 (premier débarquement) à 1492 (chute de Grenade) [1],[2],[3],[4]. L'Andalousie actuelle, qui en tire son nom, n'en constitua longtemps qu'une petite partie.

La conquête et la domination du pays par les Maures[5] furent aussi rapides qu'imprévues et correspondirent à l'essor du monde musulman[6]. Al-Andalus devint alors un foyer de haute culture [réf. nécessaire] au sein de l'Europe médiévale, attirant un grand nombre de savants[réf. nécessaire] et ouvrant ainsi une période de riche épanouissement culturel[7],[8].

Étymologie

Article détaillé : Étymologie d'Al-Andalus et de l'Andalousie.

L'étymologie d'Al-Andalus a fait l'objet durant les trois derniers siècles des hypothèses les plus variées, allant du jardin des Hespérides[9]. à l'Atlantide[10].

Selon l'historien et islamologue allemand Heinz Halm [11]« al-Andalus » provient de l'arabisation de la désignation wisigothique de l'Espagne : « *landa-hlauts » (signifiant « attribution des terres par tirage au sort », composé de *landa- « terre » et *hlauts « sort, héritage »)[12].

Ce terme aurait été repris par les Maures au VIIIe siècle et déformé phonétiquement en al-Andalus[13], en suivant les étapes suivantes : landa-hlauts > landa-lauts > landa-luts > landa-lus > Al-Andalus.

Cette hypothèse est reprise par les spécialistes comme Marianne Barrucand, professeur émérite d'art islamique à l'université Paris IV - Sorbonne et spécialiste de l'archéologie islamique.

Histoire

Article détaillé : Histoire d'al-Andalus.

Fondation

Le royaume wisigoth avant la conquête musulmane

Avant les premières conquêtes musulmanes en 711, le territoire de la péninsule ibérique, à l'exception des régions rebelles astures, cantabres et basques, constituait la partie sud du royaume wisigoth.

La naissance d'al-Andalus ne s'est pas produite après un évènement fondateur ; elle s'est déroulée sous forme d'une conquête progressive entre 711 et 716, menée par une minorité maure. Le sentiment d'appartenance à une nation al-Andalus est apparu au travers d'une prise de conscience collective[Note 1].

À cette époque, l’Hispanie connaît une stabilité politique fragile. Les musulmans ne peuvent néanmoins conquérir toute la péninsule ; ils n'ont pu pénétrer dans les royaumes basques et n'ont fait que de brèves incursions dans les régions montagneuses cantabriques.

Ils tentent également de s'étendre en France, mais n’y parviennent pas, vaincus lors de la bataille de Poitiers (732). Ils se replient dans la péninsule.

Ils décident d’établir la capitale du nouvel émirat ibérique à Cordoue, fascinés par son fleuve Guadalquivir, auparavant appelé Bétis.

Politiquement, l'arrivée de l'héritier déchu des califes de Damas, Abd al-Rahman Ier, qui transforme cette province de l'Empire en émirat en 756, est par contre un évènement ponctuel significatif.

Ses héritiers Omeyyades proclameront le califat occidental dissident, deux siècles après lui.

Jalons chronologiques de l'histoire d'al-Andalus

Avant 711, les fiefs du royaume wisigoth se partagent la péninsule ibérique.

En 711, Tariq ibn Ziyad débarque dans le sud de la péninsule et bat le roi Rodéric sur les rives du Guadalete.

En 732, l'expansion musulmane au-delà des Pyrénées est stoppée à Poitiers par Charles Martel.

En 750, les Abbassides renversent les Omeyyades, en tuant tous les membres de la famille excepté Abd al-Rahman et transfèrent le pouvoir de Damas à Bagdad.

En 756, Abd al-Rahman retourne sur la péninsule ibérique et arrive à faire scission avec le pouvoir de Bagdad, en transformant Cordoue en émirat indépendant.

En 850 la décapitation de Parfait de Cordoue[14] innaugure une série de sanglantes persécutions entre 850 et 960 contre ceux qui refusent l'islamisation[15]

Pendant la seconde moitié du IXe siècle la ville de Mayrit (Madrid) est créée, comme ligne de défense de Tolède.

En 903, les Andalous Almoravides s'installent dans les îles Baléares, nommées ainsi par les Phéniciens et par les Romains, qu'ils désignent comme îles orientales d'al-Andalus (es)[réf. nécessaire][16].

En 929, Abd al-Rahman III proclame le califat de Cordoue, et ainsi s’autoproclame khalife. Après sa mort, son successeur Al-Hakam II, permet à Al-Andalus de connaître un apogée culturel. Lorsqu’il meurt à son tour, le pouvoir passe à Ibn `Âmir Al-Mansûr, qui instaure un régime très strict et intolérant, organisant des répressions contre les chrétiens. Une grande partie de ce qui manifestait de cette ère culturelle disparaît, en provoquant ainsi la décadence du califat.

En 1031, le califat de Cordoue s'effondre et se morcelle en taïfas.

En 1066, le massacre de Grenade fait disparaître la plus grande partie de la population juive de la ville.

En 1086, les Almoravides, appelés au secours par le taïfa de Séville, remportent la bataille de Sagrajas sur Alphonse VI, roi de Castille, et entreprennent la réunification d'Al-Andalus.

En 1145, le royaume des Almoravides s'effondre, renversé par les Almohades au Maroc et par les taïfas en Espagne.

En 1147, les Almohades conquièrent à leur tour al-Andalus.

1184-1199, le califat almohade sous Abu Yusuf Yaqub al-Mansur est à son apogée. Averroès est son conseiller.

En 1212, les Almohades sont battus par une coalition de rois chrétiens à Las Navas de Tolosa. Al-Andalus se morcelle à nouveau en taïfas, qui sont conquis les uns après les autres par les rois de Castille.

En 1229, c'est la perte de Majorque, suivie de celle des Baléares.

En 1238, Mohammed ben Nazar fonde l'émirat de Grenade et, en se déclarant vassal du roi de Castille, fait que son royaume est le seul royaume musulman à ne pas être conquis. Par la suite, la rivalité entre les royaumes de Castille et d'Aragon fera que chacun d'eux empêchera l'autre de conquérir Grenade. Mais cette situation de rivalité prit fin en 1469 avec le mariage des Rois Catholiques, puis en 1474 avec leur avènement sur les deux trônes.

En 1492, le royaume de Grenade est conquis, après dix ans de guerre, mettant fin à la Reconquista. Cette même année les Juifs sont chassés, et Christophe Colomb découvre l’Amérique au nom de la Castille.

La conquête de l'Hispanie et de la Septimanie

L'émirat de Cordoue

Article détaillé : Émirat de Cordoue.

Règne d'Abd al-Rahman Ier, le fondateur de la dynastie

Article détaillé : Abd al-Rahman Ier.

Abd Al-Rahman II, les débuts de l'âge d'or de l'émirat

Article détaillé : Abd al-Rahman II.

Abd Allah ben Muhammad

Article détaillé : Abd Allah ben Muhammad.

Le califat omeyyade de Cordoue (929-1031)

Article détaillé : Califat de Cordoue.

Abd Al-Rahman III, fondateur du califat de Cordoue

Article détaillé : Abd al-Rahman III.

Al-Hakam II (915-976), le continuateur

Article détaillé : Al-Hakam II.

Almanzor et la dictature amiride

Article détaillé : Almanzor.

La fin du califat de Cordoue en 1031

Article détaillé : Guerre civile en al-Andalus.

L'époque des taïfas (1031-1086)

Article détaillé : Taïfa.

Les Almoravides

Articles détaillés : Conquête almoravide d'al-Andalus et Almoravides.

Les Almohades

Articles détaillés : Conquête almohade d'al-Andalus et Almohades.

La bataille de Las Navas de Tolosa en 1212 et la poursuite de la Reconquista

Articles détaillés : Bataille de Las Navas de Tolosa et Reconquista.

La perte des Baléares

Article détaillé : Conquête de Majorque.

En 1229, Jacques Ier d'Aragon enlève les Baléares, avec la conquête de Majorque. La capitale, Palma tombe entre les mains espagnoles le 31 décembre de cette même année.

Le royaume de Grenade (1238-1492) et la fin de la Reconquista

Article détaillé : Royaume de Grenade.

Géographie

La géographie d'Al-Andalus est très variable selon les époques. À l'arrivée arabo-berbère, le pays qui appartient aux Omeyyades de Damas s'étend sur les deux côtés des Pyrénées, jusque dans les environs de Narbonne et même au cours du IXe siècle au Fraxinet. La fin du califat au XIe siècle et la période des Taïfas permettent à la Reconquista de reprendre rapidement du terrain que seuls les Almoravides puis les Almohades arriveront à ralentir un certain temps, mais la bataille de Las Navas de Tolosa permet aux rois catholiques de réduire le pays à la seule région de Grenade avant sa chute aux XVe siècle.

Les villes

Contrairement au reste de l'Europe, la société andalouse était nettement plus urbaine, c'est ce qui permet à des villes comme Cordoue de compter un demi-million d'habitants à son apogée. Les villes andalouse sont l'expression du pouvoir de l'émir puis du calife qui investit des sommes considérables pour y maintenir les forces vives tels que les intellectuels[17]. Ces mêmes villes dont les noms sont la plupart du temps romains comme Valence (Valentia) qui s’appellera Balansiyya, Caesar Augusta qui donnera Saragosse, Malaga qui s'appellera Malaka, Emerida en Marida. D'autres encore portent le nom de leur fondateur arabe comme Benicàssim qui prend son nom de Banu-Kasim, Benicarló de Banu-Karlo ou encore Calatrava provenant de Kalat-Rabah[C 1]. Des auteurs comme Ibn Hawqal dans son livre Surat al-Ardh dénombrent soixante-deux villes principales.

De nos jours il ne reste que peu de traces de la structure des cités de l'époque musulmane hormis les descriptions arabes mais aussi chrétiennes[18]. Les réelles descriptions des villes d'Al-Andalus débutent au Xe siècle et laissent apparaître des cités islamisées composées d'éléments caractéristiques aux centres urbains d'Afrique du Nord ou du Moyen-Orient tels que les mosquées, les souks, la kasbah ou encore l'arsenal[18]. Hormis cette architecture orientale, la structure des villes andalouses était semblable aux autres villes européennes en territoire chrétien. Une muraille entoure les bâtiments important de la ville. À l'extérieur, mais tout de même proche, se trouvent les marchés, les cimetières ou les oratoires. Encore plus loin se trouvaient les maisons des notables mais aussi celle du gouverneur[C 2].

Le développement du centre-ville n'était jamais planifié, si bien que chaque propriétaire de terrain était libre de fixer lui-même la largeur des rues ou la hauteur des bâtiments. Un voyageur dira au XVe siècle à propos de Grenade que les toits des maisons se touchent et que deux ânes qui iraient en sens inverse n'auraient pas suffisamment de place pour se croiser. Le muhtasib était la personne chargée de surveiller l'ensemble, mais la plupart du temps il limitait son action à éviter que les maisons en ruine ne tombent sur les passants. Ce n'est que dans les grandes et moyennes villes qu'on peut croiser de larges voies comme c'est le cas à Cordoue ou à Grenade, Séville, Tolède ou Valence[C 3].

La mosquée et la citadelle, symboles de l'autorité du dirigeant

Église Santa María de la Granada de Niebla, anciennement mosquée de la ville

La mosquée est un des principaux signes de l'autorité du dirigeant et bien que toutes les villes ne possédaient pas de mosquée il était courant de voir des bâtiments cultuels islamiques. Hormis les petits bâtiments servant à la prière en commun la construction de mosquées en Al-Andalus est assez tardive puisqu'il faut attendre entre soixante à cent-cinquante ans pour voir surgir de terre de grandes mosquées comme celle de Cordoue (785) ou de Séville (844)[19], par la suite toutes les villes qui aspiraient à concentrer des pouvoirs importants financent la construction de grandes mosquées comme ce fut le cas par exemple à Badajoz où Ibn Marwan comprend la nécessité d'y bâtir un imposant bâtiment signe de l'opulence de la ville qu'il a fondée[19]. Enfin, il est important de noter que dans beaucoup de cités, essentiellement dans celles contrôlées par des Latins convertis, la construction des mosquées est un signe de rattachement à l'islam. Enfin, la vague de construction de mosquées à la fin du IXe siècle, début Xe siècle marque le signe de la pénétration de la culture islamique dans la société qui était durant le premier siècle de la conquête arabe restée majoritairement non-musulmane mais aussi de l'affirmation du pouvoir de l'émir.

On dénombre encore aujourd'hui plusieurs mosquées dont la plupart ont été transformées en églises comme à Cordoue, Séville, Niebla[18] mais dans beaucoup d'autres villes, malgré les fouilles, la localisation des édifices religieux musulman est difficile et seuls les textes de l'époque nous donnent une information souvent vague sur l'emplacement de ceux-ci.

Bien que les traces écrites soient rares, les fouilles permettent de retrouver au sein de villes considérées comme des grands centres de pouvoirs les contours de citadelles [20]. Placées sur la meilleure position de la ville, offrant la vue la plus large, les citadelles avaient pour but la défense contre les ennemis extérieurs mais parfois la population locale représentait une plus grande menace. C'est ainsi que dans des villes comme Tolède ou Séville par exemple, le mur d'enceinte est rasé et les pierres utilisées pour la construction d'une forteresse permettant de préserver le gouverneur et ses soldats en cas de révolte de la population[21]. Les citadelles se différenciaient aussi en fonction de leur situation géographique; à l'est du pays comme à Murcie ou Dénia, les villes possédaient des citadelles quasiment imprenables, ce qui n'était pas le cas à l'ouest vers la zone de l'actuel Portugal[20]. Enfin, comme les mosquées et la citadelle, les ports, les marchés, les cimetières et les bains étaient aussi sous l'autorité directe du sultan [22].

Les principales villes

Cordoue, la capitale

Ville importante dès l'époque romaine, Cordoue est avantagée par sa position géographique. Proche du Guadalquivir et située au milieu de vastes champs très fertiles elle est une des premières cités à être conquise par les armées arabo-berbères, qui en confieront la défense à des Juifs en 711. En 716, elle se retrouve au centre de pays lorsqu'il est décidé qu'il serait judicieux d'en faire la capitale du pays au détriment de Séville. Le vieux pont romain en ruine est reconstruit de même que la muraille. On y vient de toute la péninsule et d'Afrique du Nord. Dès l'arrivée du premier émir, Abd Al-Rahman Ier on y construit une grande mosquée faisant face au fleuve mais aussi un palais, l'Alcazar, où ont lieu toutes les cérémonies officielles, les réceptions. À l'extérieur de la ville Abd Al-Rahman Ier construit la Rusafa en souvenir des palais syriens de son enfance. Deux siècles plus tard, le centre-ville de Cordoue qui compte près de quarante-sept mosquées s'enrichira du palais d'Abd al-Rahman III, Madinat al-Zahra, chef-d'œuvre ayant coûté des sommes faramineuses mais qui permettait au nouveau calife d'affirmer son pouvoir et montrer aux autres puissances européennes sa puissance. La ville, qui du temps d'Al-Hakam II comptait dans ses bibliothèques plus de 400 000 ouvrages recueillis à travers toute la Méditerranée, est aussi un grand centre culturel mais aussi théologique grâce aux théologiens venus s'y installer.

Le nombre d'habitants que compte la ville à son apogée au Xe siècle est très difficile à estimer ; les historiens espagnols comme R. Carande l'estiment à plus de 500 000 habitants. La taille de la ville qui faisait près de 14 kilomètres de périmètre était elle aussi gigantesque pour son époque. La madinah ou la kasbah, qui en constituait le centre, était entourée d'une grande muraille bâtie sur le tracé d'un ancien rempart romain. Le centre ville était coupé de deux grandes voies qui menaient vers les différents quartiers de la ville. Ce centre ville, où étaient essentiellement regroupés les familles juives mais aussi les autres artisans et commerçants est devenu rapidement trop petit pour accueillir les nouveaux arrivants. Hormis les Berbères et les Arabes, la capitale cordouane comptait de nombreux Esclavons venus d'Europe du Nord mais aussi des Noirs d'Afrique ou encore des Mozarabes, ces Chrétiens ayant adopté le style de vie islamique et où ils possèdent de nombreux couvents et églises[C 4].

La ville qui amorce un lent déclin avec la guerre civile au XIe siècle au profit de Séville, est définitivement perdue en 1236 lorsque les armées de Ferdinand III de Castille la capturent.

Séville

Capitale de 713 à 718, Séville, composée essentiellement d'Arabes originaires du Yémen, est une cité en perpétuelle rébellion contre l'autorité des émirs de Cordoue. Il est extrêmement difficile de connaître l'état économique de la cité. Certains indices permettent cependant d'en avoir une idée, ainsi la facilité qu'avaient eu les Vikings à piller Séville en 844 semble montrer que la ville ne disposait pas des fortifications adéquates, d'où une certaine précarité des gouverneurs locaux[23]. À la suite de ce pillage Abd Al-Rahman II entreprend la reconstruction de la ville en bâtissant une mosquée (agrandie par la suite par les Almohades qui y ajoutent la Giralda), un souk, un arsenal et surtout d'un réseau de tours et de murailles qui donnent à la ville la réputation de cité imprenable. Grâce à ces constructions, Séville est prête à prendre son envol ; le gouverneur de la cité jouit d'un pouvoir qui égale celui de l'émir de Cordoue, il rend la justice, possède sa propre armée et ne paie pas d'impôts au pouvoir central. Avec Abd Al-Rahman III, les fruits des succès sont visibles, on y accroît la culture des olives, du coton et de l'agriculture en général. Au XIe siècle la ville connaît son apogée au temps des royaumes de taïfas et finit même par annexer Cordoue, l'ancienne capitale, dont elle ravira la place avec le règne des Almohades. Sa proximité avec la mer en fait un des plus grands ports du pays ; c'est de là que partent les marchandises vers Alexandrie essentiellement, ce qui permet à de nombreuses familles d'amasser de grandes richesses, si bien que les témoins de l'époque rapportent qu'il n'y a pas dans tout le pays de familles plus riches et plus adonnées au commerce et à l'industrie qu'à Séville.

Tolède et Valence
Vue sur Tolède, la ville est à l'époque d'Al-Andalus la plus importante ville mozarabe
Entrée de Jacques Ier d'Aragon à Valence en 1238

Capitale du royaume Wisigoth jusqu'en 708, Tolède est la ville qui a le mieux gardé son héritage romain. C'est elle aussi qui même longtemps après la Reconquista a su garder son esprit de tolérance. Durant l'époque du califat la ville qui compte une très importante communauté mozarabe et juive est un exemple de La Convivencia. C'est une cité prospère grâce à son marché mais aussi avec ses riches terres fertiles et de plus, sa situation sur le Tage à la rencontre de trois collines lui confère une importance militaire de premier ordre, malgré tout c'est la première ville de cette envergure qui sera prise lors de la reconquête. À sa plus grande extension la ville compte 30 000 habitants. Le 25 mai 1085 la ville tombe sous les coups d'Alphonse VI de León qui perpétue l'esprit de tolérance et soutient les arts et les sciences avec la traduction de nombreux ouvrages arabes.

En ce qui concerne Valence, la ville n'acquiert son importance que tardivement. Fondée par les Romains, c'est une des premières cités à tomber aux mains des armées de Tariq ibn Ziyad qui l'arabisent et devient un centre de la culture arabe dans la péninsule. Ce n'est qu'avec la chute du califat que la ville commence son rayonnement avec l'arrivée massive de familles d'Afrique du Nord qui contribuent à sa prospérité.

La culture et les sciences

Article détaillé : Sciences et techniques en al-Andalus.

Les sciences et techniques issues de la civilisation islamique se développent en al-Andalus dès les premiers temps de la Conquête musulmane de l'Hispanie.

Les troupes démobilisées à la suite de la défaite face à la cavalerie franque, composées d'arabes et de berbères appelés collectivement Maures, en s'installant dans ces nouvelles terres de la péninsule Ibérique, sont émerveillées de la présence de ruisseaux et de terres si fertiles.

C'est un véritable âge d'or de la civilisation islamique [réf. nécessaire] qui va donner naissance à ces nouveaux savoirs dans la péninsule[réf. nécessaire]. Ils engendreront des chefs-d'œuvre d'architecture tels que l'Alhambra et la grande mosquée de Cordoue.

La société andalouse

Il est extrêmement difficile de déterminer le nombre de personnes vivant en Andalus tant les frontières mobiles et les guerres ont façonnées la démographie du pays. À son âge d'or, il est avancé le chiffre de dix millions de résidents, musulmans et non-musulmans compris. On y trouvait des Celtes et des Wisigoths antérieurs à l'arrivée des Arabes, des Berbères, des Slaves, des Francs entre autres[C 5].

Composition ethnique à l'arrivée musulmane

La société Andalouse était fragmentée en fonction de la religion mais aussi de l’ethnie. Dans la seconde partie du VIIIe siècle, on recensait :

  • Des Chrétiens: essentiellement des latins présents sur ces terres avant l'arrivée des Musulmans.
  • Des Juifs : comme les Chrétiens ils sont antérieurs à l'arrivée musulmane mais sont persécutés durant les dernières décennies par les rois Wisigoths (conversions forcées, interdictions des synagogues)[C 6]
  • Des Musulmans, essentiellement des commerçants installés dans le pays.

Parmi les Chrétiens on pouvait distinguer ceux qui avaient conservés leurs traditions et les Mozarabes qui avaient adopté les coutumes arabes tout en maintenant leur religion.

Au sein des Musulmans il y avait :

  • Les Kaisites arabes du Nord de la péninsule arabique
  • Les Yéménites traditionnellement opposés aux Kaisites.
  • Les Berbères, convertis moins d'un siècle plus tôt et malgré leur investissement dans la conquête de la péninsule ibérique, ils font l'objet de discriminations de la part des Arabes.

Parmi les autres peuples présents à l'arrivée Arabe on peut citer :

Les principales ethnies du VIIIe au XIVe

Jacques Ier d’Aragon. Miniature des Cantigas de Santa María.
  • Les Arabes, établis dans le Sud et le Sud-est, sont solidaires entre eux et ont un fort sentiment ethnique. Ces caractéristiques compliqueront le travail des premiers émirs pour pacifier le pays[C 7]. À leur arrivée dans la péninsule, leur nombre ne dépasse certainement pas les 10 000, familles comprises, ce qui les place en nombre inférieur par rapport aux Berbères. Par la suite, arrivant d'Égypte, du Hedjaz et tout le monde arabe en général, ils se regroupent au sein des villes en fonction de leur origine, les Arabes de Homs s'installent autour de Séville, ceux de Damas à Grenade (Espagne), ceux de Palestine à Malaga. Bien qu'une rivalité ancestrale existe entre les Arabes du Nord de la péninsule arabique et les Yéménites celle-ci va disparaître à partir du IXe siècle. Bien qu'en majorité citadins et axés sur le commerce ou occupant de hauts postes dans l'administration, les Arabes sont aussi de grands propriétaires terriens. Piètres agriculteurs ils préfèrent reléguer ces tâches aux Latins qui contre toute attente trouvent une source de libération face à l'incompétence arabe à exploiter les terrains. Au fil des siècles et des mélanges avec les Wisigoths, la population arabe s'accroît mais son pouvoir diminue au profit d'une civilisation arabo-hispanique qui perdurera jusqu'à la chute de Grenade[C 8]. D'autre part, selon l'historien Pierre Guichard, tous les princes omeyyades qui se succèdent au pouvoir à Cordoue sont des fils d'esclaves concubines dont la majorité était d'origine indigène, des "Galiciennes", provenant des zones restées chrétiennes de l'Espagne du Nord et du Nord-Ouest. Ainsi, selon l'auteur, « à chaque génération, la proportion de sang arabe coulant dans les veines du souverain régnant diminuait de moitié, si bien que la dernier de la lignée, Hicham II (976-1013) qui, au vu de la seule généalogie en ligne masculine est de pure souche arabe, n'a en réalité que 0,09 % de sang arabe »[24].
Târiq ibn Ziyad, esclave berbère qui à la tête d'une armée conquiert une grande partie de la péninsule ibérique.
  • Les Berbères, souvent originaires des montagnes de l'Atlas ils habitent les montagnes du centre et du Nord du pays qui ressemblent le plus à l'Afrique où ils mènent une existence de cultivateurs et de pasteurs. Plus nombreux que les Arabes et tout aussi solidaires entre eux ils poseront tout autant de problèmes aux différents émirs[C 7].
  • Les Esclavons, appelés sakalibas en arabe, constituent un groupe important dans la société andalouse. Capturés et achetés en Europe, les Esclavons sont essentiellement des Slaves et des Germains provenant d'Europe centrale ou orientale et convertis à l'islam. Favorisés sous Abd al-Rahman II, ils sont ramenés en grand nombre en Andalousie où certains d'entre eux reçoivent une éducation poussée qui leur permet d'obtenir de hauts postes dans l'administration. Devenant pour certains Grand Fauconnier, Grand Orfèvre ou encore Commandant de la Garde ils finissent par former un groupe à part, se favorisant mutuellement les uns les autres. Ils jouent un rôle important dans l'éclatement du pays au XIe siècle lors de leurs luttes contre les Berbères. À l'époque des taifas, plusieurs Esclavons parviennent à arracher un royaume comme à Valence ou Tortosa et à en faire une puissante entité politique [C 9].
  • Les Latins convertis à l'islammuwallads sont le groupe le plus important du pays. Les premières conversions ont lieu rapidement après l'arrivée arabe. Ils assimilent la culture et le mode de vie arabe tout en oubliant leurs origines wisigothiques ce qui leur permet de s'intégrer rapidement dans à la société. Tolède est une des villes les plus peuplée en muwallads et qui donnera de nombreux religieux musulmans de hauts-rangs. De leurs origines latines il ne reste pour beaucoup que le nom comme les Banu Angelino ou les Banu Martin par exemple. Mis à l'écart les deux premiers siècles, ils exigent rapidement les mêmes droits que les Arabes et les Berbères qu'ils obtiennent grâce aux révoltes d'Ibn Marwân entre autres, mais aussi avec les politiques volontaristes mises en place par les émirs Al-Hakam Ier et d'Abd al-Rahman II au VIIIe siècle et IXe siècle. C'est à cette époque qu'un mouvement de conversion massif à l'islam s'opère au sein des Wisigoths ce qui modifie le rapport des religions puisque les musulmans finissent par représenter près de 80 % de la population[25]. C'est la communauté la plus pacifique et la plus fiable aux yeux des émirs et des califes[C 10].
Localisation des œuvres mozarabes à travers la péninsule.
  • Les Mozarabes sont des Latins non-convertis à l'islam mais ayant adopté le style de vie arabe. Représenté par un comes ou comte mozarabe lui-même, ils conservent leurs sièges épiscopaux, couvents et églises. Certains parmi eux atteignent de hauts rangs dans la société ce qui leur permet d'acquérir toutes les sciences et cultures de l'Orient et qu'ils retransmettaient à leurs coreligionnaires chrétiens du Nord de la péninsule au fur et à mesure de la reconquête.
  • Les Juifs, habitant essentiellement dans les villes, travaillaient principalement dans les métiers de la finance, du commerce ou comme ambassadeurs[C 11]. À la fin du XVe siècle, on compte plus de 50 000 juifs à Grenade et environ 100 000 dans toute la péninsule islamique.

Les non-musulmans dans l'État

Illustration représentant des soldats juifs combattant dans les forces de Muhammed IX, sultan de Grenade, 1431.

Les non-musulmans avaient le statut de dhimmi et hormis les vieillards, les femmes, les enfants et les handicapés, ils payaient la Jizya qui s'élevait à un dinar par an. Pour un auteur, les dhimmis, juifs et chrétiens, payent au IXe siècle 3,3 fois plus d'impôt que les musulmans[26] Selon Youssef al-Qaradâwî, la jizyah n’a pas de montant fixe, il s’agit d’une petite somme d’argent que les riches doivent payer, chacun selon sa fortune. Quant aux pauvres, ils en sont complètement exemptés. Elle était payée en contrepartie de la protection militaire offerte par la nation musulmane aux dhimmis. Alors, si la nation ne peut pas assumer cette protection, elle n’a pas droit à cette jizyah[27].

Les conditions de vie des non-musulmans ont fait l'objet de nombreux débats. Maria Rosa Menocal, spécialiste de la littérature ibérique, considère que la tolérance faisait partie intégrante de la société andalouse. Selon elle, les dhimmis bien qu'ayant moins de droits que les Musulmans avaient une meilleure condition que les autres minorités présentes en pays chrétiens.

Les Juifs constituaient plus de 5 % de la population andalouse et le pays était le centre de la culture juive du Moyen Âge, produisant une quantité importante de penseurs. Les Juifs constituaient même la communauté la plus stable et la plus riche du pays, bien que des historiens comme Bernard Lewis soient en désaccord avec ce point de vue, notamment quand il rapporte le massacre en 1066 de 3000 Juifs lors d'émeutes, d'une durée de 3 jours, provoquées par la population musulmane qui n'accepte pas l'enrichissement d'un vizir juif jugé trop puissant et fastueux[28].

L'idée la plus communément admise aujourd'hui est que le sort des minorités dépendait des autorités qui régnaient. Durant l'émirat et le califat, la situation était bonne sauf émeutes ponctuelles mais elle s'est dégradée à partir du XIIe siècle avec l'arrivée des Almohades pour se détendre par la suite avec le royaume de Grenade.

Islam

L'islam sunnite a été la religion officielle de l'Espagne musulmane de la conquête en 711 jusqu'à la chute du royaume de Grenade en 1492. Le courant théologique officiel était l'Asharisme. La jurisprudence y était exercée dans un premier temps selon l'école juridique awzâ'ite pour ensuite être appliquée selon l'école malékite. La jurisprudence zâhirite fut parfois appliquée mais son influence fut minime et ponctuelle[29]. Les autres « religions du Livre » furent acceptées avec, toutefois, des périodes de répression. Au XIe siècle, l'islam était devenu la religion majoritaire et les Musulmans constituaient plus de 80 % des habitants d'Al-Andalus[30].

Christianisme

La situation des Chrétiens à l'arrivée musulmane était différente selon les villes et les traités que les autorités locales avaient établies à l'arrivée musulmane. Dans la région de Mérida ils peuvent garder leurs propriétés à l'exception des ornements des églises. Dans les provinces d'Alicante et de Lorca ils versent un tribut. Dans d'autres cas il arrivait aussi que la situation ne leur soit pas aussi favorable comme pour certains grands propriétaires chrétiens qui voient leurs terres en partie spoliées[C 7].

De plus, les hommes chrétiens n'avaient pas le droit d'épouser des musulmanes.

La Reconquista

Miniature des Cantigas de Santa María.

Avant 1085, date de la prise de Tolède par les Chrétiens, l'al-Andalus était aux quatre cinquièmes sous domination musulmane, le nord relevant de quatre royaumes chrétiens et depuis 806 d'une marche franque créée par Charlemagne avec Barcelone comme capitale[31]. Après cette bataille de Tolède de 1085, la Reconquista, reconquête chrétienne, progresse fortement. Al Andalous se réduit à un peu plus de la moitié du territoire espagnol. Lorsque les Chrétiens commencèrent à s'unir pour repousser les Musulmans installés depuis les années 720, la région était dirigée par un calife, le calife de Cordoue. Après Tolède, la Reconquista s'accélère au XIIIe siècle avec l'importante défaite musulmane lors de la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212, grande victoire catholique historique, suivie de la conquête de Cordoue en 1236 et de Séville en 1248. Des milliers de Musulmans quittent l'Espagne ou se réfugient dans le petit royaume de Grenade[31] En 1237, en pleine déroute, un chef musulman nasride a pris possession de Grenade et fondé le royaume de Grenade, reconnu vassal par la Castille en 1246 et qui devait ainsi lui payer un tribut. De temps en temps, éclataient des conflits dus au refus de payer et qui se terminaient par un nouvel équilibre entre l'émirat maure et le royaume chrétien. En 1483, Muhammad XII devient émir, dépossédant son père, événement qui déclencha les guerres de Grenade. Un nouvel accord avec la Castille provoqua une rébellion dans la famille de l'émir et la région de Malaga se sépara de l'émirat. Málaga fut prise par la Castille et ses 15 000 habitants furent faits prisonniers, ce qui effraya Muhammad. Ce dernier, pressé par la population affamée et devant la suprématie des rois catholiques, qui avaient de l'artillerie, capitule le 2 janvier 1492, terminant ainsi onze ans d'hostilité pour Grenade et sept siècles de présence du pouvoir islamique dans cette extrémité de l'Espagne. La présence de populations musulmanes dans l'Espagne redevenue chrétienne ne prit fin qu'en 1609, lorsqu'elles furent totalement expulsées d'Espagne par Philippe III inquiet du désir de revanche des Morisques, des troubles qu'ils occasionnent, de raids barbaresques sur les côtes espagnoles et de l'aide attendue des Ottomans[31].

Judaïsme

Article détaillé : Séfarade.

L'état en Al-Andalus

Économie et commerce

Aynadamar, canal construit au XIe siècle et classé monument national permet encore aujourd'hui l'irrigation d'un quartier de Grenade

Les vastes étendues de terres, notamment au Xe siècle lorsque le califat était à son apogée permettait à Andalus d'avoir une agriculture variée. La culture des céréales était principalement située sur les terres sèches au Sud de Jaén ou de Cordoue. Les régions à l'ouest de Séville quant à elles étaient de grandes productrices d'huile d'olive et de raisin. Le bananier, le riz, les palmiers ou encore la canne à sucre étaient cultivés dans le sud et le sud-est. Les fruits et légumes comme l'asperge, l'amandier, le cerisier ou l'oranger par exemple, ont été introduits très tard dans le pays. Le coton était essentiellement produit dans la région de Valence ou de Murcie enfin le ver à soie et le lin l'étaient dans la région de Grenade. Les vastes étendues boisées autour de Cadix, Cordoue, Malaga ou Ronda permettaient au pays de lancer de grands projets coûteux en bois, comme les chantiers navals. En cas de mauvaises récoltes comme au début du Xe siècle, les céréales étaient importées d'Afrique du Nord des ports d'Oran ou de Tunisie[C 12].

L'industrie textile

Arrivée de Chine par la Perse, la soie est cultivée essentiellement dans la région du haut Guadalquivir aux pieds des sommets de la Sierra Nevada et de la Sierra Morena[C 13] enrichissant les villes proches comme Baza où même Cadix. Mais c'est à Almería et ses environs que se spécialisent les artisans qui y fabriquent les étoffes, rideaux ou costumes avant qu'au IXe siècle Séville et Cordoue ne possèdent leurs propres ateliers de tissage [C 14]. Le commerce de la soie était une grande source de richesse pour le pays qui la vendait dans tout le bassin méditerranéen, au Yémen, en Inde mais aussi en Europe du Nord jusqu'en Angleterre. Roger de Hoveden voyageur anglais au XIIIe siècle ou encore la la Chanson de Roland parlent de la soie d'Almeria et des tapis de soie. Cependant c'est aussi à partir du XIIe siècle que cette industrie voit sa production chuter. Les Européens et en particulier les Italiens s'ouvrent à ce commerce et leurs marchands s'aventurent de plus en plus sur la route de la soie, de plus la vogue de la laine d'Angleterre ou de Flandres supplante la soie. Malgré tout, la soie andalouse sera exportée jusqu'à la chute de Grenade au XVe siècle[C 15].

La laine quant à elle, exploitée depuis l'Antiquité est essentiellement produite autour du fleuve Guadiana et dans toute l'Estrémadure. Sous la domination musulmane elle est intensément produite et exportée, notamment avec les élevages de moutons de race dite Mérinos dont le nom vient des Mérinides, une dynastie berbère d'Afrique du Nord. C'est du Maghreb que les musulmans de la péninsule apprendront les techniques d'élevage, d'organisation des transhumances entre les différentes saisons, les règles juridiques concernant les droits d'exploitation des sols. Alphonse X de Castille lui-même reprendra ces techniques et juridictions pour les imposer sur ses terres. Bocairent près de Valence est alors un des grands centres de fabrication de tissus dans la péninsule. Les marchands andalous exportent jusqu'en Égypte à la cour des califes fâtimides où en Perse[C 16].

Les métaux, le bois et le papier

Astrolabe andalou en bronze du XIe siècle

Comme dans tout le monde musulman en général les terres andalouses sont pauvres en fer et on est obligés de l'importer d'Inde. Les lames de Tolède sont aussi connues que celles de Damas et se vendent à prix d'or dans tout le bassin méditerranéen ou en Europe. Le métal le plus exploité dans le pays est le cuivre, extrait essentiellement dans la région de Séville qui l'exporte sous forme de lingots ou d'objets manufacturés, décoratifs ou usuels[C 16].

Tout aussi rare que le fer, le bois, matière indispensable pour l'industrie ou la construction navale, manquait cruellement à travers le monde musulman qui était obligé de lancer des expéditions jusqu'en Dalmatie pour trouver des bois de qualité. L'avantage certain que possédait Al-Andalus grâce à ses grandes étendues boisées (surtout autour de Dénia ou Tortosa) lui permettait d'exporter en grande quantité, mais au fur et à mesure que la Reconquista progressait, les forêts se raréfiaient[C 17].

Introduit en Orient quelques années après la bataille de Talas en 751, le papier est une matière essentielle dans l'économie andalouse. Fabriqué dans la région de Xàtiva près de Valence_(Espagne), il acquiert une grande renommée grâce à sa qualité de fabrication mêlant le chiffon et le lin. Très demandé dans tout l'Orient et en Europe il est nommément cité dans la Guenizah du Caire[C 18].

Les esclaves

Le trafic d'esclaves est attesté dès la fin du IXe siècle[32]. La grande majorité des esclaves venaient du pays nommé bilad as-Sakalibas c'est-à-dire pays des esclaves et qui englobait toute l'Europe orientale et centrale. Les autres provenaient des steppes d'Asie (bilad Al-Attrak) ou de l'actuel Soudan (bilad as-Sudan). Les esclaves provenant d'Europe étaient essentiellement des Slaves capturés autour de la région de L'Elbe, la Dalmatie ou encore les Balkans. Les Scandinaves sont les principaux vendeurs d'esclaves, ils les acheminent jusqu'aux abords du Rhin où des marchands, essentiellement juifs, achètent les esclaves puis les revendent dans toute l'Europe comme à Verdun qui est le principal centre de castration des esclaves, mais aussi à Prague mais aussi en Orient ou en Andalousie. Toutefois avec l'arrivée des Almoravides, le commerce d'esclaves européens diminuera au profit de celui d'Afrique[C 19].

Les grands axes commerciaux

Bien avant l'arrivée arabe, la péninsule ibérique possède de solides infrastructures routières mises en place par les Romains mais laissée à l'abandon avec l'arrivée des Wisigoths. Durant la domination arabe, les principaux axes routiers internes partaient tous de Cordoue, la capitale et rejoignaient les grandes villes du pays comme Séville, Tolède, Almería, Valence, Saragosse ou encore Malaga.

En ce qui concerne le commerce extérieur, le principal axe était celui qui joignait l'Andalousie à l'actuel Languedoc-Roussillon (qui durant un demi-siècle était une province arabe) avec des villes comme Arles ou Narbonne d'où partaient les marchandises vers toute l'Europe ou l'Orient. Les marchands andalous y achètent essentiellement des armes ou des draps des Flandres et y vendent des soieries et des épices.

Les Baléares et principalement Majorque, entre 903 et 1229, verrouillent le commerce en méditerranée, ainsi qu'entre la péninsule et Alger. Les îles offrent également une base pour les expéditions pirates.

Les ports andalous étaient essentiellement tournés vers le commerce avec l'Afrique du Nord, la Syrie ou le Yémen. C'est par voie maritime qu'étaient transportés les produits pondéreux comme le bois, la laine, le blé mais aussi les pèlerins en direction de La Mecque[C 20]

Institutions

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Gouvernement et bureaucratie

Le souverain dans l'État

Le souverain domine le peuple et possède tous les pouvoirs, n'obéissant qu'à sa seule conscience et aux règles islamiques. Il est le personnage central du pays et plus encore depuis qu'Abd Al-Rahman III s'est fait couronné calife, commandeur des croyants. Le souverain a l'autorité absolue sur les fonctionnaires et l'armée. Il nomme qui il souhaite aux hauts postes de l'État. Le souverain apparaît rarement en public[C 21], surtout après la construction du palais de Madinat Al-Zahra par Abd Al-Rahman III où les réceptions sont régies par un protocole strict et complexe, ce qui ne manque pas d'éblouir les ambassadeurs occidentaux marqués par la crainte respectueuse qu'inspirait le calife à ses sujets. Le souverain garde auprès de lui dans son palais sa famille.

La plus grande cérémonie dans la vie d'un souverain est la baya, hommage qui marque l'avènement d'un nouveau dirigeant. Sont présents sa famille proche et éloignée, les hauts dignitaires de la cour, juges, militaires etc. Toutes ces personnes jurent fidélité au nouveau souverain selon un ordre hiérarchique importé du califat Abbasside par Zyriab. Ensuite viennent les fêtes de la rupture du jeune du mois de Ramadan puis la fête du Sacrifice qui sont célébrées avec faste[C 21].

Les marches et les Kûwar

Il est très difficile de réaliser une carte précise des différentes régions d'Al Andalus tellement ses frontières étaient mobiles et les changements de dirigeants fréquents. Il est parfois même plus sûr de se fier aux sources chrétiennes qu'aux sources arabes de l'époque. Toutefois dans les grandes lignes et selon de nombreux auteurs arabes le pays était divisé en marches (tughur ou taghr au singulier) et en districts (kûra au singulier, kuwar au pluriel [C 22],[33]).

Pièce en or datant du règne Almoravide, Séville, Espagne, 1116. British Museum.

Situés entre les royaumes chrétiens et l'émirat, les marches font office de frontière et de zone tampon. Inspirées des tughur que les Abbassides avaient placés sur leur frontière avec Byzance, ces marches étaient défendues par des forteresses plus où moins grandes en fonction de l'intérêt stratégique des lieux. Gouvernées par des militaires aux pouvoirs étendus, les populations y vivant bien qu'étant en état de guerre y menaient une existence dans une paix relative dû aux forces que le gouvernement central y plaçait[C 22].

Dans le reste du pays, des garnisons formées de soldats arabes mais aussi des mercenaires garantissent la sécurité du territoire. L'administration quant à elle n'est pas aux mains d'un militaire mais d'un wali qui est nommé et surveillé par le pouvoir central. Le wali gouverne une circonscription provinciale. Chaque kûra possède donc un chef-lieu, un gouverneur et une garnison. Le gouverneur habite dans un bâtiment fortifié (kâsba) du chef-lieu. Le nombre de kûras sont assez fluctuants; al-Muqaddasî nous rapporte une liste de 18 noms. Yâqût en dénombre au total 41 et Al-Râzî, quant à lui donne le chiffre de 37. Apparue dès les débuts de la présence arabe dans la péninsule, ce mode de division administrative, lui-même hérité du modèle des Abaassides de Bagdad ou des Omeyyades de Damas, subsistera jusqu'à la fin de la présence musulmane en Espagne[C 23].

Administration et finances

Le souverain est entouré de conseillers, les vizirs, le premier vizir qui est aussi à la tête de l'administration est le hadjib. Ce dernier est la seconde personne en importance après le souverain et il peut entrer à tout moment en contact avec celui-ci et doit l'en tenir informé du bon fonctionnement des affaires du pays. Le hadjib est aussi après le souverain, la personne la mieux payée et il est objet de tous les honneurs mais en contrepartie il est responsable d'une administration lourde et complexe. Il vit dans l'Alcazar puis à Madinat al-Zahra après la construction de celle-ci[C 24].

Ensuite viennent les « bureaux » ou diwans qui sont au nombre de trois et dont chacune est dirigée par un vizir. Le premier diwan est la Chancellerie ou le katib al-diwan ou diwan al-rasail. Il a la responsabilité des diplômes et brevets, des nominations et des correspondances officielles. Ce diwan a aussi la responsabilité de la Poste ou barid, système de communication hérité de Abbassides. Enfin le premier diwan gère les Services de Renseignements[C 25].

Sous l'autorité de Mozarabes ou de Juifs, la gestion des finances ou le khizanat al-mal est organisé de manière complexe. On y comptabilise les revenus de l'État ainsi que les revenus du souverain. En Andalus, les impôts sont la première entrée d'argent, à cela s'ajoute les tributs des vassaux et les recettes extraordinaires. Au cours des siècles ces entrées varient considérablement, de 250 000 dinars aux débuts de la présence arabe ce montant va s'élever à un million sous Abd Al-Rahman II puis jusqu'à cinq millions sous Abd Al-Rahman III et ses successeurs. Parmi les impôts on retrouve la zâkat pour les Musulmans, la djizîa pour les non-musulmans mais aussi d'autres impôts que le gouverneur lève en cas de besoins. La cour royale représente un poste de dépense important. Sous Abd Al-Rahman III, l'entretien de son palais de Madinat Al-Zahra mais aussi le harem et ses 6 000 femmes, personnel domestique, famille du souverain englouti des sommes considérables[C 26].

La justice

Le calife, lieutenant de Dieu sur Terre, est aussi juge de tous les Croyants. Il peut exercer cette fonction s'il le souhaite mais en général il la délègue à des subordonnés investis du pouvoir de juridiction c'est le cadi. Le cadi de Cordoue est le seul à être directement nommé par le calife, les autres étant en général nommés par les vizirs ou des gouverneurs de province.

Lors d'un jugement, le cadi est seul et il est assisté d'un conseil remplissant un rôle uniquement consultatif. Le cadi est choisi en fonction de ses compétences en matière de droit islamique, mais aussi pour ses qualités morales. Ses jugements sont sans appels bien qu'il soit possible dans certains cas de demander à être jugé de nouveau par le même cadi ou un autre cadi ou par un conseil réuni à cet effet. Les sentences les plus graves sont exécutées par les autorités civiles ou militaires. Outre les jugements, le cadi gère les biens de mainmorte, entretient les mosquées, les orphelinats et tout bâtiment destiné aux plus défavorisés. Enfin il lui est permis de présider la prière du vendredi, ou des autres fêtes religieuses.

La justice est gratuite, aussi, le cadi qui se doit d'être d'un caractère pieux et doit rendre justice équitablement est mal payé mais reste un personnage considérable au sein de l'État. Il n'y a aucun bâtiment conçu pour les audiences de justice, les jugements se faisant dans une pièce attenante à la mosquée. Le cadi peut juger entre deux Musulmans ou entre un Musulman et un Chrétien. En cas de litige entre Chrétiens c'est un magistrat spécial qui est affecté et qui juge selon l'ancien droit wisigoth, entre Juifs c'est un juge juif[C 27].

La loi

Au temps d'Al-Andalus, la loi était issue de la charia. Un fonctionnaire est spécialement affecté pour maintenir l'ordre public, c'est le sahib al-suk qui aujourd'hui pour équivalent l'officier de police. Il s'assure que la population accomplit les devoirs religieux, du bon comportement de la population dans la rue, de l'application des règles discriminatoires envers les dhimmis. Toutefois sa fonction principale est de traquer les contrefaçons et les tromperies dans les marchés en vérifiant les poids et mesures, s'assurant de la qualité des produits vendus, etc. Les règles auxquelles il doit se conformer sont consignées dans des traités qui indiquent les mesures à prendre pour chaque cas qui se présente. Lorsque le sahib al-suk attrape une personne il la remet au cadi pour le jugement. Dans les villes de province c'est au gouverneur que revient la tâche d'arrêter mais aussi d'exécuter les peines des malfaiteurs[C 28].

Diplomatie

Les difficultés de communication et la lenteur des moyens de transport ne permettaient pas d'avoir une réelle diplomatie hormis avec les voisins proches d'Andalous. Au Xe siècle, l'émirat est encore un jeune état à peine débarrassé des révoltes et des troubles qui l'agitaient à peine un siècle plus tôt. Étant à la frontière de deux grands espaces (latin et oriental), le pays entretenait des relations très riches mais aussi tumultueuses avec eux.

Avec les califes Abbassides

Chrétien et Musulman jouant au jeu d'échecs. Introduit à la cour andalouse par Zyriab, il est joué depuis plusieurs siècles en Perse

Les rapports exécrables qu'avaient connus les Omeyyades avec les Abbassides de Bagdad à la suite de l'assassinat de toute la famille régnante hormis Abd Al-Rahman Ier se sont estompés avec le temps. Les Omeyyades qui s'étaient établis depuis près de deux siècles avaient perdu leurs traditions orientales, de Damas leur ancienne capitale, il ne reste plus rien du prestige passé hormis quelques bâtiments en ruines, à présent tout le monde arabe se tournait vers Bagdad, Andalous y compris[C 29]. Le rayonnement de la cité irakienne inspire Andalous et Zyriab est un des éléments les plus remarquables de la pénétration de la culture abbasside en Andalousie. D'origine Kurde il quitte Bagdad et demande à Al-Hakam la permission de s'établir auprès de sa cour mais au moment de son débarquement sur la péninsule, Al-Hakam meurt et c'est Abd Al-Rahman II qui à l'occasion de le recevoir. Ils deviennent rapidement de proches amis, l'émir appréciant la grande culture de Zyriab. Ce dernier fonde à Cordoue une école, un conservatoire et introduit le chant médinois qui inspirera par la suite le cante jondo. Son arrivée bouleverse totalement la cour andalouse qui découvre un nouveau mode de vie, l'habillement, les règles de la table importées de Bagdad, les jeux (il importe le jeu d'échecs connu en Perse depuis le IVe siècle) et jusqu'à la façon de s'exprimer ou de se comporter en société, Zyriab apporte un vent nouveau en Andalousie. L'influence de cet homme ne doit pas faire oublier que son succès est principalement dû au terrain favorable qu'offrait alors le pays pour l'essor de la culture et des sciences. La personnalité de l'émir Abd Al-Rahman II lui-même passionné de poésie et qui s'est entouré d'autres personnes toutes aussi brillantes que Zyriab comme Al-Ghazal ou Ibn Firmas[C 30] y contribuent. Le pays connaît une période de prospérité économique et agraire grâce à ces échanges avec l'Orient. Les hommes comme Zyriab permettent à Abd Al-Rahman de donner à l'Andalousie un nouveau chemin axé sur Bagdad, se détachant définitivement de la culture romaine, wisigothe ou syrienne d'où sont issus les premiers émirs.

L'influence irakienne se fait sentir aussi au niveau des institutions. L'émir devient monarque absolu dont le pouvoir est quasiment total sur l'Andalousie, hormis des questions religieuses qui étaient toujours sous l'autorité du grand cadi et du mufti. Les gouverneurs autrefois si prompts à désobéir à l'émir sont surveillés de près et ne rendent des comptes qu'à lui. Là encore l'influence de Bagdad se fait sentir puisque cette organisation de la société en est totalement inspirée. Abd Al-Rahman continue à réorganiser l'armée en suivant l'exemple de ses ancêtres; Aux groupes indisciplinés issus des différentes tribus dont ils continuaient à obéir, il préfère des soldats de métier aux ordres d'un gouvernement central. Il se constitue une armée d'esclaves (mamelouks) d'origine slave, imitant ainsi les souverains abbassides qui avaient sous leurs ordres des soldats esclaves turcs encore largement non-musulmans. Ces esclaves sont achetés à l'étranger et surtout en Europe puis formés aux métiers des armes.

Avec l'Afrique du Nord

L'Afrique du Nord durant les premiers siècles de l'émirat est une vaste terre où se mènent des luttes entre tribus, les gouverneurs abbassides s'étant affranchis de l'autorité du lointain calife de Bagdad et certains religieux chiites qui souhaitaient s'établir sur ces contrées[C 31].

Durant le règne d'Abd Al-Rahman III, le califat n'a que peu de contacts avec ces pays se limitant uniquement à acheter des céréales en cas de mauvaises récoltes. Le plus grand danger venait certainement du califat chiite Fâtimide encore établi dans l'actuelle Tunisie et une partie de l'Algérie et qui lorgnait sur les terres du Maroc. Le calife suit avec attention les victoires et les défaites de cette dynastie rivale et s'allie avec les Berbères dans sa lutte. Il annexe Melilla et 929 c'est Ceuta et même Alger en 951[C 32].

Byzance

Byzance est avec Bagdad une des plus grandes et plus riches villes du Moyen-Orient. Héritier de l'Empire romain dans la partie orientale, l'empire byzantin a eu à lutter contre les armées des Omeyyades de Damas au cours du VIIIe siècle. L'Afrique du Nord autrefois possession byzantine avait été perdue et même la capitale byzantine avait été menacée. La haine entre les deux pays avait par la suite fait place à une indifférence jusqu'au règne d'Abd al-Rahman II. En 839-840, Théophile empereur de Byzance envoie un ambassadeur à Cordoue proposer un traité d'amitié[C 33]. De plus l'empereur byzantin, menacé par les avancées des armées musulmanes d'Afrique du Nord en Sicile et vexé de la perte de l'île de Crête, colonisée par des Andalous chassés par l'émir Al-Hakam en 818 lors de la Révolte du Faubourg. Théophile est sans doute mal renseigné sur la situation et Abd al-Rahman II répond prudemment mais fermement que Crête et ses habitants ne dépendent plus d'eux depuis qu'ils ont été chassés du pays et par politesse envoie à Byzance divers cadeaux ainsi qu'un poète.

Cet épisode bien que secondaire ravit au plus haut point Abd al-Rahman II et marque l'entrée du pays dans l'arène des grands pays du monde méditerranéen. C'est la première fois qu'un empire aussi puissant que celui de Byzance se tourne vers l'Andalousie et lui demande son aide[C 33].

Les relations sont quasiment inexistantes durant près d'un siècle jusqu'au règne d'Abd al-Rahman III. En ce milieu du Xe siècle, les pirates andalous causaient de grands dommages en Méditerranée et l'empire Byzantin en était la première victime. L'empereur byzantin envoie des cadeaux somptueux au calife ainsi qu'une lettre lui demandant d'arrêter ces pillages[C 34].

Avec l'Europe du Nord

Cathédrale Notre-Dame du Puy et ses arches en forme de fer à cheval ressemblant à celle de la mosquée de Cordoue

Les échanges avec la Chine et l'Inde, mais aussi la prise d'Alexandrie ou de Damas, qui étaient des anciennes cités romaines possédant de vastes bibliothèques dont beaucoup de livres en grec sont le point de départ des sciences dites arabes. Tout en traduisant ces textes, les penseurs musulmans s'efforcent de les améliorer. Ce courant ne tarde pas à arriver en Europe, timidement au départ, il prend toute sa place à la fin du Moyen Âge, contribuant en partie à la Renaissance en Europe.

Les premiers à traduire les textes arabes sont les Espagnols et les Italiens, ces documents pénètrent lentement en France. Paris est au XIIIe siècle le centre le plus important d'études philosophiques et théologiques du monde latin, les cours dispensés dans son université sont réputés dans toute l'Europe. Malgré son prestige, ce n'est que deux siècles après la mort d'Avicenne que l'université de Paris reconnaît totalement ses œuvres. Les premiers à s'intéresser à la pensée arabe ne sont autres que les théologiens et hommes d’Église français. Guillaume d'Auvergne, évêque de Paris au XIIIe siècle montre un grand intérêt pour les philosophies arabe et grecque même s’il n'hésite pas à critiquer et dénigrer les travaux d’Avicenne sur ses réflexions pro-islamiques. Plus tard Thomas d'Aquin a la même réaction vis-à-vis des textes du penseur arabe[35].

Sur le plan scientifique, l'Europe qui est restée jusqu'au XIe siècle à l'écart des sciences grecques a là aussi l'occasion de les redécouvrir par l'intermédiaire des savants arabes. Gerbert d'Aurillac, après avoir parcouru la Catalogne et fréquenté des bibliothèques d'Evêché ou de monastère comportant des traductions d'ouvrages musulmans et espagnols, est un des premiers à rapporter en France les sciences arabes[36]. À travers l'Europe un vaste mouvement de traduction est lancé. Bien qu'imparfaites ces traductions introduisent de nombreuses notions en mathématiques, médecine, astronomie, etc.

Dans le domaine des arts, l'influence arabe, venue de Byzance et de Perse, dans le domaine de l'architecture, se fait sentir en Europe. Plusieurs églises romanes du sud de la France entre le XIIe siècle et XIIIe siècle empruntent grâce aux ouvriers et artisans arabes qui participent à leur édification, mais aussi des croisés revenant de Terre Sainte, une architecture semblable aux mosquées et palais d'Al Andalous comme les arches en forme de fer à cheval repris de l'architecture byzantine ou perse ou bien des inscriptions bibliques gravées dans la pierre et directement inspirées des arabesques qui ornent les mosquées de l'époque. L'exemple le plus frappant est certainement la cathédrale du Puy-en-Velay et dont Émile Mâle remarque la ressemblance frappante avec la mosquée de Cordoue[37].

Al-Andalus, mythe ou réalité ?

Al-Andalus, réalité historique et territoriale est aussi un mythe entretenu successivement par plusieurs strates d'écrits arabes puis européens.

Cependant, depuis les années 1970, des historiens tels que Pierre Guichard puis plus tard des universitaires tels que Serafín Fanjul[38], arabisant espagnol, spécialiste de la philologie sémitique, Guy Rachet[39], écrivain français, passionné d'archéologie et d'égyptologie, ou l'universitaire américain Norman Berdichevsky, de l'université du Wisconsin à Madison ou encore Gabriel Martinez-Gros, considèrent que l'âge d'or d'Al-Andalus où les trois religions auraient coexisté en bonne harmonie est plus un mythe construit qu'une réalité historique.

Sylvain Gouguenheim, historien médiéviste français va plus loin en remettant en cause la thèse d'une transmission des auteurs antiques par les arabes dans son livre Aristote au mont Saint-Michel. Serafín Fanjul écrit dans La Nouvelle Revue d'histoire, revue fondée par Dominique Venner : « Le livre de Gouguenheim est excellent, bien structuré, magnifiquement documenté, et c'est ça qui fait mal. Comme il est difficile de le contredire avec des arguments historiques, on a recours à l'attaque personnelle »[40].

Toutefois les thèses de Sylvain Gouguenheim ont été vivement contestées par des historiens du Moyen Âge spécialistes de l'histoire intellectuelle, culturelle et philologique dans plusieurs articles et ouvrages[41]. Thomas Ricklin, professeur à l'université Ludwig Maximilian à Munich et historien de la philosophie médiévale, estime en mai 2011 dans la revue franco-allemande en ligne Trivium que « la grande majorité de la communauté scientifique » considère Aristote au Mont-Saint-Michel « tel qu'il est, c'est-à-dire comme un ouvrage scientifiquement malhonnête ». Th. Ricklin souligne aussi que « rarement un historien contemporain a si peu respecté les règles élémentaires de notre métier »[42].

Héritage

Génétique

D'après une étude d'Adams et al. en 2008 les habitants de la péninsule Ibérique ont en moyenne environ 11 % d'ancêtres nord-africains avec des variations géographiques importantes allant de 2 % en Catalogne à près de 22 % en Castille du Nord-Ouest[43]. Selon une autre étude de Capelli et al. en 2009, 7-8 % des lignées paternelles actuelles (chromosome Y) des Espagnols et des Portugais sont d'Afrique du Nord-Ouest et ont été introduites par les Maures au Moyen Âge[44].

Notes et références

Notes

  1. Le sentiment d'appartenance à une nation al-Andalus est examiné notamment par l'historien espagnoliste Bartolomé Bennassar

Références

Reinhart Pieter Anne Dozy, Histoire des Musulmans d’Espagne : jusqu’à la conquête de l’Andalousie par les Almoravides (711-1110), E.J. Brill, (lire en ligne).
    André Clot, L'Espagne musulmane : VIIIe-XIe siècle, (ISBN 2262023018).
    1. Clot 2004, p. 328.
    2. Clot 2004, p. 327.
    3. Clot 2004, p. 326.
    4. Clot 2004, p. 334.
    5. Clot 2004, p. 228.
    6. 1 2 3 4 Clot 2004, p. 17.
    7. 1 2 3 Clot 2004, p. 55.
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    12. Clot 2004, p. 227.
    13. Clot 2004, p. 373.
    14. Clot 2004, p. 374.
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    23. Clot 2004, p. 212.
    24. Clot 2004, p. 216.
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    26. Clot 2004, p. 219.
    27. Clot 2004, p. 220.
    28. Clot 2004, p. 221.
    29. Clot 2004, p. 77.
    30. Clot 2004, p. 83.
    31. Clot 2004, p. 90.
    32. Clot 2004, p. 122.
    33. 1 2 Clot 2004, p. 91.
    34. Clot 2004, p. 125.
    Autres sources
    1. (es) « Los arabes y musulmanes de la Edad Media aplicaron el nombre de al-andalus a todas aquellas tierras que habian formado parte del reino visigodo : la Peninsula Ibérica y la Septimania ultrapirenaica ». ("Les Arabes et les Musulmans du Moyen Âge ont appliqué le nom de al-Andalus à toutes les terres qui faisaient auparavant partie du royaume wisigoth : la péninsule ibérique et la Septimanie"), Eloy Benito Ruano (es), Tópicos y realidades de la Edad Media, Real Academia de la Historia, 2000, p. 79
    2. (es) « Para los autores árabes medievales, el término al-Andalus designa la totalidad de las zonas conquistadas - siquiera temporalmente - por tropas arabo-musulmanas en territorios actualmente pertenecientes a Portugal, Espana y Francia » ("Pour les auteurs arabes du Moyen Âge le terme al-Andalus sert à désigner toutes les zones conquises - même temporairement - par les troupes arabo-musulmanes dans des territoires appartenant aujourd'hui au Portugal, à l'Espagne et à la France"), José Ángel García de Cortázar (es), V Semana de Estudios Medievales: Nájera, 1 al 5 de agosto de 1994, Gobierno de La Rioja, Instituto de Estudios Riojanos, 1995, p. 52
    3. "La Narbonnaise (ou Septimanie) fut considérée comme incluse dans les limites d'al-Andalus", François Clément, « La province arabe de Narbonne au VIIIe siècle » in Histoire de l'islam et des musulmans en France, Albin Michel, 2006, p. 18
    4. "Narbonne continuera d'occuper une place importante chez les auteurs arabes du Moyen Âge qui y voient l'une des limites de la Péninsule ibérique : ainsi Ahmad al-Râzî écrit-il qu'al-Andalus a la forme d'un triangle et que le second de ses angles se trouve dans la partie orientale d'al-Andalus, entre la ville de Narbonne et celle de Barcelone", Philippe Sénac, Les Carolingiens et al-Andalus, Maisonneuve et Larose, 2002, p. 40.
    5. Selon Joseph Pérez, « parmi les envahisseurs de 711, les Arabes proprement dits étaient une infime minorité [...] la majorité était formée de Berbères. [...] C'est pourquoi les Espagnols, pour évoquer la domination musulmane, préfèrent parler de Maures, c'est-à-dire de Maghrébins.», Joseph Pérez, Histoire de l'Espagne (1996), Fayard, 1996, p. 34
    6. "La rapidité des progrès de l'Islam dans les sciences, les arts, l'industrie, le commerce et tous les raffinements de la société policée, est presque aussi étonnante que la rapidité de ses conquêtes", Henri Pirenne, Histoire de l'Europe des invasions au XVIe siècle, Nouvelle société d'éditions, 1936, p. 49
    7. "Le mécénat des califes, émirs et gouverneurs est un des facteurs qui expliquent une civilisation aussi brillante[réf. nécessaire]. Il en résulte une valorisation des travaux de l'esprit et l'un des plus riches épanouissements culturels qu'ait connus l'histoire des civilisations[réf. nécessaire]. Selon certains historiens un véritable enthousiasme intellectuel fait que l'on poursuit toutes les formes du savoir : l'histoire, la géographie, la philosophie, la médecine, les mathématiques", Anne-Marie Delcambre, L'Islam, La Découverte, 2004, p. 48
    8. "La plupart des chrétiens qui cherchaient à s'instruire, surtout en médecine, se rendaient dans leurs école. Gerbert, archevêque de Reims, l'un des grands hommes du siècle, et qui devint pape sous le nom de Sylvestre II, avait fait ses études à Cordoue", Georges Cuvier, Histoire des sciences naturelles, Fortin, Masson et cie, 1841, t. 1, p. 396
    9. Miguel Casiri, Bibl. Arabico-Hispana t.2, p. 327
    10. Vallvé Bermejo, Joaquín, The Territorial Divisions of Muslim Spain, 1986
    11. Marianne Barrucand et Achim Bednorz, Architecture maure en Andalousie, PML Éditions, 1995, p. 12.
    12. Heinz Halm, Al-Andalus und Gothica Sors dans Welt des Orient, 66, 1989, p. 252-263
    13. Marianne Barrucand et Achim Bednorz, Architecture maure en Andalousie, PML Éditions, 1995, p. 13
    14. Martyrs et Saints : Saint Parfait
    15. Histoire de l'Église, Ignaz von Döllinger, 1841.
    16. http://www.leconomiste.com/article/les-beni-ghaniya-princes-almoravides-des-iles-balearesbripar-mouna-hachimi
    17. Picard 2001, p. 221.
    18. 1 2 3 Picard 2001, p. 222
    19. 1 2 Picard 2001, p. 226
    20. 1 2 Picard 2001, p. 228
    21. Picard 2001, p. 229.
    22. Picard 2001, p. 242.
    23. Picard 2001, p. 58.
    24. Pierre Guichard, Structures sociales "orientales" et "occidentales" dans l'Espagne musulmane, éd. École des Hautes Études en Sciences Sociale, 1977, p. 124
    25. Picard 2001, p. 50.
    26. André Clot, l'Espagne musulmane, 1999, Perrin, p. 233/430
    27. http://www.islamophile.org/spip/La-capitation-et-l-impot-foncier.html
    28. Bernard Lewis, Islam, Quarto Gallimard, 2005, p. 500/1333
    29. Voir Al Muqaddimah de l'Imâm Ibn Khaldûn aux éditions Seuil.
    30. Adeline Rucquoi, Histoire médiévale de la Péninsule ibérique, Seuil, 1993, p. 132
    31. 1 2 3 Histoire de la Reconquista, Philippe Conrad, 1998, PUF, 127 p.
    32. Malek Chebel, L'esclavage en terre d'islam, 2007, p. 249
    33. A History of Portugal and the Portuguese Empire, Vol. 1: From Beginnings to 1807: Portugal (Volume 1) p. 55
    34. LAGARDÈRE Vincent, Histoire et société en Occident musulman au Moyen Âge. Analyse du Mi’yâr d’al-Wansarîsî, Madrid, Casa de Velazquez, 1995.
    35. Mohammed Arkoun, op. cit., p. 227-228
    36. Mohammed Arkoun, op. cit., p. 257
    37. Laurens, Tolan, Veinstein, op. cit., p. 102
    38. Al-Ándalus contra España. La forja del mito (Siglo XXI, 2000)
    39. Les Racines de notre Europe sont-elles chrétiennes et musulmanes ?, Picollec, 2011
    40. Serafín Fanjul, entretien, « Le « mythe d'Al-Ándalus », La Nouvelle Revue d'histoire , no 62, septembre-octobre 2012, p. 34
    41. Max Lejbowicz (dir.), Jean Celeyrette, John Tolan, Jean Jolivet, Abdelali Elamrani-Jamal, Marie-Geneviève Balty-Guesdon, Régis Morelon, Louis-Jacques Bataillon et Sten Ebbesen, L'Islam médiéval en terres chrétiennes : Science et idéologie, Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du septentrion, coll. « Les savoirs mieux », , 176 p. (ISBN 978-2-7574-0088-3, présentation en ligne, lire en ligne) ; Philippe Büttgen (dir.), Alain de Libera (dir.), Marwan Rashed (dir.) et Irène Rosier-Catach (dir.), Les Grecs, les Arabes et nous : Enquête sur l'islamophobie savante, Fayard, coll. « Ouvertures », (ISBN 978-2-213-65138-5, présentation en ligne)
    42. Thomas Ricklin, Le cas Gouguenheim, Trivium. Revue franco-allemande de sciences sociales et humaines, (présentation en ligne)
    43. (en) Adams et al., « The Genetic Legacy of Religious Diversity and Intolerance: Paternal Lineages of Christians, Jews, and Muslims in the Iberian Peninsula », The American Journal of Human Genetics, vol. 83, , p. 725 (DOI 10.1016/j.ajhg.2008.11.007, lire en ligne)
    44. Capelli, C; Onofri, V; Brisighelli, F; Boschi, I; Scarnicci, F; Masullo, M; Ferri, G; Tofanelli, S et al. (Jun 2009). "Moors and Saracens in Europe: estimating the medieval North African male legacy in southern Europe". European Journal of Human Genetics 17 (6): 848–52. doi:10.1038/ejhg.2008.258. ISSN 1018-4813. PMC 2947089. PMID 19156170

    Voir aussi

    Bibliographie

    Par ordre chronologique inversé

    • (en) Ronald A. Messier, The Almoravids and the Meanings of Jihad, (ISBN 0313385890).
    • Brigitte Foulon et Emmanuelle Tixier du Mesnil, Al Andalous (Anthologie), Garnier-Flammarion, .
    • Jean-Paul Roux, Un choc de religions : La longue guerre de l'islam et de la chrétienté, Fayard, (ISBN 2213632588).
    • Mohammed Arkoun, Histoire de l'islam et des musulmans en France du Moyen Age à nos jours, (ISBN 2226175032).
    • André Clot, L'Espagne musulmane : VIIIe-XIe siècle, (ISBN 2262023018).
    • Maribel Fierro, « Al-Andalus : savoirs et échanges culturels », dans Encyclopédie de la Méditerranée, Tunis/Aix-en-Provence/Casablanca, Alif/Édisud/Toubkal, , 119 p.(ISBN 978-2-7449-0026-6) (Édisud) (ISBN 978-9973-22-164-3) (Alif)
    • Manuela Marín, « Al-Andalus et les Andalousiens », dans Encyclopédie de la Méditerranée, Tunis/Aix-en-Provence/Casablanca, Alif/Édisud/Toubkal, , 119 p.(ISBN 978-2-7449-0026-6) (Édisud) (ISBN 978-9973-22-164-3) (Alif)
    • Christophe Picard, Le Portugal musulman, VIIIe-XIIIe siècle, (ISBN 2706813989).
    • Pierre Guichard, Al-Andalus, 711-1492 : Une histoire de l'Espagne musulmane, Hachette Littératures, coll. « Pluriel », , 269 p. (ISBN 978-2-01-279030-8).
    • Philippe Conrad, Histoire de la Reconquista, Paris, PUF, .
    • (es) Thomas F. Glick, Cristianos y musulmanes en la España medieval (711-1250), Madrid, Alianza Editorial, .
    • Rachel Arié, L’Espagne musulmane au temps des Nasrides (1232-1492), Paris, de Boccard, , 529 p.
      Ouvrage constitué du texte d'une thèse de lettres, soutenue en 1971 devant l'université Paris III. — Réédition : 1990, 528p. + 4p. de cartes + xiip. de planches illustrées, notice BNF n°FRBNF36641927t.
    • Ignacio Olagüe, Les Arabes n'ont jamais envahi l'Espagne-éditeur=Flammarion, Paris, .
    • Évariste Lévi-Provençal, Histoire de l'Espagne musulmane, Paris, Maisonneuve et Larose, .
    • Reinhart Pieter Anne Dozy, Histoire des Musulmans d’Espagne : jusqu’à la conquête de l’Andalousie par les Almoravides (711-1110), E.J. Brill, (lire en ligne).
    • Jerrilynn Denise Dodds, Al-Andalus: The Art of Islamic Spain, (ISBN 0810964139).

    Articles connexes

    • Espagne
    • Andalousie
    • Mutazilisme
    • Omeyyades | Omeyyades de Cordoue
    • Musique arabo-andalouse
    • Serafín Fanjul
    • Monuments et vestiges d'Al-Andalus

    Liens externes

    • (fr) L'Espagne sous la domination almoravide et almohade par l'historien Philippe Conrad
    • (en) Les chemins d'al-Andalus (site de l'UNESCO)
    • (fr) Al Andalus, de sa fondation à sa chute, Reportage historique ARTE en 3 parties
    • (en) The Myth of the Andalusian Paradise, par Darío Fernández-Morera, 2006
    • Portail d’al-Andalus
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