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Massacre des Héréros et des Namas

Massacre des Héréros et des Namas

Page d'aide sur l'homonymie Pour les articles homonymes, voir Héréro.
Les Troupes allemandes combattant les Héréros (1904), peinture propagandiste de Richard Knötel (1857-1914), reproduite dans un ouvrage de 1936.
Illustration du conflit par le supplément du Petit Journal paru le 21 février 1904.

Le massacre des Héréros et des Namas perpétré sous les ordres de Lothar von Trotha dans le Sud-Ouest africain allemand (Deutsch-Südwestafrika, actuelle Namibie) à partir de 1904, considéré comme étant le premier génocide du XXe siècle[1],[2], est un programme d'extermination qui s'inscrit au sein d'un processus de conquête d'un territoire par les troupes coloniales allemandes entre 1884 et 1911[3] : il entraîna la mort de 80 % des autochtones insurgés et de leurs familles (65 000 Héréros et près de 20 000 Namas)[4].

Les faits, incontestables, ont été consignés pour la première fois dans un rapport commandé en 1917 dans un but politique par le Gouvernement britannique au juge Thomas O'Reilly et connu sous le nom de « The Blue Book »[5].

Réévalué à partir des années 1990, ce crime de masse suscite depuis un important travail de mémoire, que ce soit en Namibie même, ou au sein de la communauté des historiens.

L'établissement de la colonie allemande du Sud-Ouest africain

Entre 1830 et 1900, la Grande-Bretagne et la France prennent possession de plus de la moitié de l'Afrique. L'Empire allemand, constitué en 1871, se retrouve, mis à part quelques comptoirs, sans aucun territoire colonial. Via des initiatives privées, est lancé en 1878 un programme d'expansion, qui conduit à la formation de l'Union coloniale allemande (Deutscher Kolonialverein, 1882-1883). Après une série d'accords passés entre les treize principaux pays occidentaux et l'Empire ottoman, l'Allemagne se voit en 1884 accorder quatre zones d'expansion qu'elle nomme Togoland (Togo), Ostafrika (Tanzanie, Ruanda, Burundi), Kamerun (Cameroun) et Südwestafrika. C'est sur ce dernier territoire que se mettent en place les enjeux et les conditions du drame.

Contexte

Articles détaillés : Histoire de la Namibie et Sud-Ouest africain allemand.
En 1894, Hugo von François, frère de Curt, publie Nama und Damara. Deutsch Süd-West-Afrikaun, un reportage photographique sur les autochtones de la colonie ouest-africaine : ici un Nama et un Damara.
Friedrich von Lindequist (1er assis à droite), alors simple juge colonial, est ici en pourparler avec des Héréros (1898).
Illustration propagandiste allemande montrant une femme de colon agressée par des Noirs (avant 1904).

Luttes interethniques

Originellement, les Britanniques via le gouverneur du Cap avait commissionné William Coates Palgrave (1833-1897) pour rencontrer les responsables Héréros et Namas pris dans une guerre interethnique, afin de les convaincre de rallier un projet de fédération sud-africaine[6]. Ces négociations échouent en 1885, et l'Empire allemand profite de cette vacance politique, officiellement pour implanter son premier comptoir sous la responsabilité du négociant Adolf Lüderitz, puis de Gustav Nachtigal, remplacé l'année suivante par Heinrich Göring, nommé haut-commissaire du Reich.

Spoliations

Peuples pasteurs, Namas et Héréros s'affrontent sur la question des pâturages et des points d'eaux. Avançant vers l'intérieur du pays, Göring tente de négocier l'acquisition de terres mais Hendrik Witbooi, au nom du pays nama, refuse le protectorat allemand. Débordé par des troubles entre colons alléchés par d'inexistantes mines d'or, Göring est remplacé en 1888 par l'ancien mercenaire Curt von François.

Selon Serge Bilé, le gouverneur Heinrich Göring aurait mené entre 1884 et 1890 une politique expéditive de déplacements, d'exécutions et de confiscations[7]. Cependant, ces affirmations et plusieurs autres sont remises en cause[8],[9] et furent contestées par des historiens comme Joël Kotek, Tal Bruttman et Odile Morisseau[10], d'autant plus que Göring, chargé de représenter l'autorité prussienne avec l'aide de deux fonctionnaires, n'avait fait que signer des traités de protection avec les Basters de Rehoboth. Son administration était d'ailleurs dépourvue de toute troupe militaire avant qu'un contingent de 21 soldats, commandé par Curt von François, ne débarque dans le Sud-Ouest Africain en 1888 peu de temps avant son retour en Allemagne[11].

Le massacre d'Hoornkrans

Dans la nuit du 12 avril 1893, près de 200 soldats dont des Basters commandés par Carl von François déferlent sur le clan nama et massacrent 80 hommes, femmes et enfants. Hendrik Witbooi réussit à fuir. La résistance nama semble vaincue, les colons peuvent s'installer sur tout le territoire, quand François réussit à signer en 1895 avec Samuel Maharero, chef des Héréros, un accord protectoral[12].

Durant dix ans, la colonisation s’accélère sur les plans agricole, de l'élevage ovin et de l'exploitation minière. Sous la direction du commandant Theodor Leutwein, un traité de paix est signé avec les Namas. Les frontières méridionales de l'Hereroland sont fixées.

Vers l'extermination (1904-1907)

Prisonniers de guerre héréros et namas (carte postale de propagande impériale, 1904)[13].

En 1904, les Héréros puis les Namas sont victimes d'un massacre de grande ampleur, qui entraîne une déportation massive, le travail forcé et diverses exactions mortifères qui prennent officiellement fin en 1908.

Soulèvement des Héréros

Les Héréros, exaspérés d'avoir perdu leurs meilleures terres, empêchés de pratiquer leurs transhumances, et victimes également d'une peste bovine qui décime leurs cheptels, tentent vainement de rallier à leur cause certains chefs de clans[14] : Samuel Maharero soulève alors seul son peuple contre les colons allemands, le . Il attaque une garnison basée à Okahandja et parvient à détruire les lignes de communication allemandes, chemin de fer et télégraphe. Il se défait également de plusieurs centaines de colons allemands, mais épargne les femmes et les enfants. Berlin, informé, décide de réagir avec une fermeté exceptionnelle.

Durant cinq mois, la répression s'organise chez les colons, sous la direction de Theodor Leutwein, puis arrivent six vaisseaux de guerre, sous le commandement du général Lothar von Trotha, qui arrivent le à Swakopmund avec d’importantes troupes, environ 15 000 soldats du corps de la Schutztruppe, un trésor de guerre de plus de 500 000 marks-or, des canons, des mitrailleuses, des grenades. Trotha s'est auparavant illustré au Togoland puis en Chine lors de la révolte des Boxers. Surnommé « le Requin », il est secondé par Franz von Epp.

Bataille de Waterberg

Article détaillé : Bataille de Waterberg.

Trotha pratique une guerre d'usure durant quatre mois : il ne fait pratiquement rien, observe et s'amuse à effrayer l'ennemi à coup de fusil. Mais en octobre, dans une zone située aux sources d'Ohamakari, sur un plateau appelé par les Allemands le Waterberg, il fait encercler les Héréros de trois côtés et les mitraille : c'est un véritable carnage qui n'épargne ni femmes ni enfants. Trotha ne leur laisse qu’une seule issue pour fuir : le désert du Kalahari. Alors que les Héréros survivants essayent d’y trouver refuge, Trotha fait empoisonner les points d’eau, dresse des postes de garde à intervalles réguliers avec ordre de tirer sans sommation à vue sur chaque Héréro, homme, femme ou enfant. L’ordre d’extermination (Vernichtungsbefehl) officiel du général von Trotha est libellé en ces mots : « Chaque Héréro trouvé à l’intérieur des frontières allemandes, armé ou non, en possession de bétail ou pas, sera abattu ».

En quelques semaines, les Héréros meurent par dizaines de milliers de soif et de faim dans le désert Omaheke. Certains se constituent prisonniers et seront déportés dans des camps. Selon Serge Bilé[15], il y eut environ 65 000 morts, les autorités allemandes déclarant de leurs côtés un chiffre qui varie entre 25 000 et 40 000. Certains trouvent refuge au Bechuanaland, sous protection britannique, dont leur chef Samuel Maharero qui y meurt en 1923.

Six camps de concentration

Les survivants sont enchaînés puis transportés par trains et répartis à partir de entre six camps de concentration inspirés de ceux créés par les Britanniques en Afrique du Sud lors de la révolte des Boers en 1901. Chaque détenu est tatoué des lettres GH, pour Gefangener Herero (prisonnier Héréro). Selon Serge Bilé, la moitié des prisonniers seraient morts en captivité, soit 7 862[16]. Ces camps se trouvent sur la péninsule de Shark Island, puis autour et à Swakopmund, près de la côte qui est froide et désertique. Du camp de concentration de Shark Island, sur 3 500 prisonniers, il ne reviendra que 200 survivants.

Article détaillé : Camp de concentration de Shark Island.

La presse internationale réagit à cette campagne militaire mais la désinformation est telle que très peu de journaux comprendront l'ampleur des faits : seule une partie de la presse du Cap la dénonce, un certain William Wison ayant enquêté sur place, il a pris des photos. Les exactions de Trotha sont alors connues de l’opinion publique allemande via une partie de la presse, celle de gauche, résolument anticolonialiste. Le Parlement allemand s'inquiète. Le chancelier Bernhard von Bülow demande au kaiser Guillaume II de démettre Trotha de son commandement. Le kaiser nomme alors Friedrich von Lindequist, un habitué des lieux, comme commandant en second : il va côtoyer Trotha durant l'année 1905, jusqu'à ce que celui-ci rentre à Berlin le 19 novembre.

Les prisonniers sont condamnés à des travaux forcés, principalement à la construction de chemins de fer. Le jeune généticien Eugen Fischer procède sur les détenus à des expérimentations médicales et à des mensurations sur les cadavres dans une optique anthropologique et eugéniste. De retour à Berlin, il fait part du résultat de ses recherches à la Société Kaiser-Wilhelm[17] : en 1927, il fonde l'Institut Kaiser-Wilhelm d'anthropologie, d'hérédité humaine et d'eugénisme.

La dernière révolte des Namas

Au début de l'année 1905, Friedrich von Lindequist tente de signer un accord avec les Namas, officiellement insoumis mais non belligérants. De leurs côtés, les Basters et les Sans refusent d'aider l'armée allemande, de servir de guide, de collaborer. Trotha organise lui-même une battue, il cherche à pister Hendrik Witbooi mais durant trois mois, celui-ci est insaisissable. Il est finalement touché par une balle ennemie et meurt le 29 octobre. Allant de défaite en défaite, près de 20 000 Namas auront péri durant ce conflit, soit par les armes, soit à la suite de mauvais traitements (disette, travail forcé, torture, absence de soins).

Le , à l'occasion de son anniversaire, le kaiser décide de gracier les Namas et les Héréros survivants et de faire fermer définitivement les camps, car leur maintien semble entraîner un manque de main-d'œuvre dans le pays[15]. En 1911, il reste officiellement 15 130 Héréros, soit 20 % de la population originelle. Il est aussi vraisemblable que les nombreux missionnaires présents sur le territoire aient fini par écrire à leurs paroisses pour dénoncer ces crimes. L'un d'entre eux s'appelle Friedrich Vedder, il témoigne dans son journal paroissial : « Les Héréros sont parqués comme des animaux, derrière des fils de fer barbelés renforcés, et entassés par groupe de cinquante, sans distinction d'âge ni de sexe, dans de misérable cahutes. Dès avant l'aube jusqu'à tard dans la nuit, ils sont soumis à des travaux forcés, chaque jour de la semaine, sans aucun repos, à la merci des coups violents et incessants de gardiens, jusqu'à ce qu'ils tombent par terre d'épuisement, incapables de se relever. Ils sont très peu nourris, à peine une poignée de riz cru, les rations sont trop insuffisantes pour assurer leur survie. Ils tombent morts par centaines, et leurs corps sont brûlés, sur place. (...) Je ne puis donner les détails des atrocités dont j'ai été le témoin, particulièrement sur les femmes et les enfants, très souvent, c'est trop horrible pour être écrit. »[18]

Cependant, en , les premiers diamants sont découverts dans la baie de Lüderitz par un mineur noir, soit à l'endroit même où avait débuté la colonisation en 1884.

Un massacre qualifié de génocide

Considérations générales

Ces exactions commises par des officiers allemands sur les Héréros et les Namas doivent être resituées dans le contexte plus large de la colonisation occidentale du début du XXe siècle : le comportement des militaires espagnols à Cuba (instauration des camps de concentration durant la guerre d'indépendance cubaine), celui des Français à Madagascar (« pacification » par le gouverneur général Gallieni), des Britanniques contre les Zoulous (guerre anglo-zouloue), sans parler des Indiens des plaines livrés aux excès de certains militaires américains (Guerres indiennes). Les violences perpétrées dans le cadre de la colonisation allemande se distinguent des autres néanmoins, dans la mesure où, en 1904, un ordre d'extermination a été donné par l'Empire allemand sur des sujets qu'il était censé protéger ; quant aux survivants ils ont été placés dans une situation d'esclavagisme.

Pratiques coloniales allemandes

Article détaillé : Empire colonial allemand.

La guerre franco-allemande de 1870 où l’armée allemande eut à faire face à une opposition active de la population civile (levée en masse, apparition de francs-tireurs) conduisit les stratèges de cette armée à envisager d’agir par la coercition préventive à l’encontre des civils lors d’une opération de guerre ou de répression[note 1]. Les premières applications de cette stratégie ont lieu dans les colonies allemandes d’Afrique de l’est (1891-1897) puis en Chine, lors de la révolte des Boxers, enfin dans les colonies allemandes d’Afrique de l’ouest, de 1904 jusqu’au début de la Première Guerre mondiale. Le point commun entre ces divers événements est que la répression contre les populations n’est pas directement liée à des situations de conflits ouverts[19] :

  • En Afrique de l'Est, les mesures coercitives, si elles s’inscrivent dans une série de rébellions contre le colonisateur (dès 1888) qui les précèdent, les accompagnent et les suivent, correspond à une volonté du gouvernement allemand d’une reprise en main militaire de la colonie et d’une soumission des populations réfractaires par la force puis, à partir de 1894 et de l’envoi d’un important corps expéditionnaire sous le commandement de Lothar von Trotha, par la terreur.
  • En Chine, la répression violente se déroule après la fin des conséquences de la révolte des Boxers : la coalition des pays coloniaux a repris Pékin et rétabli l’ordre dans les zones de concessions le , mais la répression allemande ne commence qu’en octobre et s’exerce sur toute la population, sans distinction d’âge et de sexe et qu’elle ait ou non participé à l’insurrection.
  • En Afrique de l’ouest, si l’ordre d’exécution ou de déportation des Héréros, sans distinction d’âge ou de sexe, fait suite à une révolte de ce peuple, elle se déroule après et se poursuit sans qu’il y ait de réaction coordonnée contre elle; dans le même temps, cette politique de coercition générale se dirige contre d’autres populations, notamment au Tanganyika à partir de 1905 (environ 100 000 morts en deux ans) et en Namibie à partir de 1908 (contre les Namaquas).

L’invention des camps de concentration

L'Assiette au beurre du 26 septembre 1901 dénonce via Jean Veber le silence international entourant les « camps de reconcentration » au Transvaal.

Cette invention est liée à l’histoire coloniale. Le premier pays à créer des camps de concentration au sens où on l'entendait avant la Seconde Guerre mondiale fut l’Espagne, lors de la révolte cubaine de 1896. Ils étaient destinés aux seuls insurgés armés, à l’exclusion du reste de la population.

Le terme lui-même fut inventé trois ans plus tard, lors de la Seconde Guerre des Boers, durant laquelle la Grande-Bretagne créa le futur modèle des camps d’internement : une zone de rétention fermée par une clôture grillagée et protégée par une deuxième clôture formée de rangs de fils de fer barbelés. Ce fut la première fois que le principe de la déportation et de l’internement de populations entières, quels que soient leur statut, sexe et âge, fut appliqué. À l'origine, ces camps étaient destinés à interner des combattants mais ils furent vite utilisés pour parquer les civils boers du Transvaal et de l'État libre d'Orange. Les camps regroupèrent finalement 120 000 personnes, essentiellement des personnes âgées, des femmes et des enfants ainsi que les garçons de fermes et bergers noirs. Les conditions de vie dans ces camps étaient particulièrement insalubres, la sous-alimentation et le manque d'hygiène furent à l'origine de l'apparition de maladies contagieuses. Combinée avec des manques en matériel et fournitures médicales, la situation provoqua de nombreux décès (environ 27 927 civils boers dont 22 074 enfants de moins de 16 ans ainsi qu'au moins 14 154 noirs)[20].

Le massacre des Héréros, cinq ans plus tard, fut la dernière étape qui devait mener tout au long du XXe siècle, en Europe et en Asie principalement, à la constitution des camps de concentration totalitaires, en y combinant la sous-alimentation des internés et le travail forcé[21]. Toutefois, l'invention du camp d'extermination proprement dit, à savoir, la chambre à gaz, est le fait de l’ingénierie nazie[22].

Un drame oublié

Le massacre des Héréros est sorti des oubliettes de l’Histoire le après l'approbation par la Commission des droits de l'homme des Nations unies, dans le cadre de la Sub-Commission on the Promotion and Protection of Human Rights (en), d'une motion issue du rapport Whitaker intitulé Revised and Updated Report on thè Question of the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide. Le paragraphe 24 dudit rapport précise que : « The Nazi aberration has unfortunately not been the only case of genocide in the twentieth century. Among other examples which can be cited as qualifying are the German massacre of Hereros in 1904, the Ottoman massacre of Armenians in 1915–1916, the Ukrainian pogrom of Jews in 1919, the Tutsi massacre of Hutu in Burundi in 1965 and 1972, the Paraguayan massacre of Ache Indians prior to 1974, the Khmer Rouge massacre in Kampuchea between 1975 and 1978, and the contemporary [1985] Iranian killings of Baha'is ».

Ce paragraphe ouvrit une polémique entre certains représentants : l'expression « parmi d'autres exemples » pose notamment un problème de définition du cadre. Aussi, l'un des points les plus importants est que ce rapport proposa d'adopter trois nouvelles occurrences plus précises destinées à mieux signifier la nature des exactions : à savoir, les termes écocide, ethnocide et génocide culturel[1]. Le terme « génocide » ne peut en aucun cas être banalisé, il ouvre à une série de mesures entendues sur le plan du droit international telle que l’imprescriptibilité des crimes, la notion de réparation, le devoir de mémoire, et surtout l'affirmation incontestable des faits.

En 1985, la télévision allemande programme le film Morenga qui met en scène cette période coloniale, provoquant un début d'émotion.

Le travail de la mémoire  : vers la reconnaissance

Concernant le crime commis contre les Héréros et les Namas, ce processus de réinscription dans le récit de l'histoire de l'humanité se déroule en deux temps :

Premièrement, la fin du processus de l'apartheid qui permet d'une part la création de l’État de Namibie, puis l'ouverture des archives sud-africaines. C'est à Pretoria que fut retrouvé The Blue Book, un rapport rédigé en 1917-1918 par le jeune juge irlandais Thomas O'Reilly en poste à Omararu (mort en septembre 1919) et commandé par le ministre de l'Intérieur britannique sur les recommandations du brigadier-général E. Howard Gorges[23] : la manœuvre est évidente, il s'agit de chercher à légitimer la confiscation des territoires du sud-ouest africain allemand, ce qui fut chose faite lors du traité de Versailles en 1920. Cependant, ce rapport, intitulé Report of the Natives of the South-West Africa and their Treatment by Germany[24], qui comprend des photographies et près de 50 témoignages de survivants, n'était pas destiné au grand public. En 1926, un représentant allemand menace de révéler au public un White Book sur les exactions coloniales britanniques. Pour des raisons diplomatiques, le Blue Book disparaît alors de toutes les officines.

Deuxièmement, le processus historiographique : c'est chose faite entre 1999 et 2003 avec la publication des essais de trois chercheurs, à savoir Jan-Bart Gewald[25], Klaus Dierks[26] et d'Andrew Zimmermann[27]. Auparavant, en , le président de l'Allemagne, Roman Herzog, en visite en Namibie, avait été interpellé sur la question de la reconnaissance du génocide. Par ailleurs, la publication en 2003 d'un essai critique autour du rapport O'Reilly[28], qui avait disparu depuis 1926, a mis en lumière, entre autres, le sort des Namas, lesquels doivent également être pris en compte.

En 2004, cent ans après les débuts des massacres, l’événement refait une nouvelle fois surface dans la presse allemande qui pose entre autres la question d’une indemnisation possible due à la Namibie[29]. Est alors diffusé à la télévision un documentaire intitulé Kaiser Wilhelms Wüstenkrieg – Namibia 100 Jahre nach dem Herero-Aufstand et signé Stefan Schaaf. Le , le ministre fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement, Heidemarie Wieczorek-Zeul, participe en Namibie à la cérémonie commémorant le massacre de plusieurs milliers de Héréros par des soldats du Reich, entamée cent ans plus tôt. « La ministre a demandé au peuple Héréro de Namibie de pardonner l’Allemagne et a déclaré que les Allemands acceptaient leur responsabilité morale et historique et la culpabilité des Allemands à cette époque ». Mais l’indemnisation financière n’est pas à l’ordre du jour. Cependant, le Gouvernement fédéral allemand affirme vouloir poursuivre son aide au développement en Namibie avec un budget annuel de l'ordre de 11,5 millions d'euros[30].

En 2007, des descendants de la famille de Lothar von Trotha sont venus en Namibie, à Omararu, demander pardon aux chefs héréros et namas[31].

En 2011, le musée anthropologique de l'hôpital de la Charité de Berlin restitue 20 crânes de Héréros et de Namas à la Namibie[32] : ces restes humains conservés dans du formol provenaient de sépultures profanées. Il s'agissait de 4 femmes, 15 hommes et d'un enfant.

En juillet 2015, une motion est déposée au Bundestag par le député Niema Movassat, pour le parti de gauche Die Linke, précisant que : « Le parlement allemand se souvient des atrocités commises par les troupes coloniales de l’empire allemand dans son ancienne colonie du Sud-Ouest africain, et entend honorer la mémoire des victimes de massacres, d’expulsions, d’expropriations, de travail forcé, de viols, d’expérimentations médicales, de déportations et d’enfermements inhumains dans des camps de concentration. La guerre d’extermination menée par les troupes coloniales allemandes entre les années 1904 et 1908 a entraîné la mort de 80 % du peuple herero, de plus de la moitié du peuple nama et d’une large partie des groupes ethniques Damara et San »[33]. Le 10 juillet 2015, le ministre des Affaires étrangères (SPD) Frank-Walter Steinmeier (lequel, alors qu'il était dans l'opposition, avait dès 2012 soutenu une motion de reconnaissance de ce génocide) reconnaît publiquement « un crime de guerre et un génocide »[33].

Bibliographie

  • (en) Lieutenant Fred C. Cornell, The Glamour of Prospecting: Wanderings of a South African Prospector in Search Of Copper, Gold, Emeralds, and Diamonds, Londres, T. Fisher Unwin Ltd, 1920 - l'un des rares témoignages d'époque.
  • (en) Jon M. Bridgman, The Revolt of the Hereros, coll. « Perspectives on Southern Africa », Berkeley, University of California Press, 1981, rééd. en 2004, (ISBN 978-0520041134).
  • (de)(fr) Berliner Zeitung du 13 janvier 2004 : « In Namen der Hereros » - article de Maritta Tkalec, repris dans le numéro de Courrier international du 12 février 2004.
  • (en) Rachel Anderson, Redressing Colonial Genocide Under International Law: The Hereros' Cause of Action Against Germany, 93, California Law Review, 2005, p. 1155.
  • Bilé, Serge, Noirs dans les camps nazis, Monaco, Éditions du Rocher, 2005, (ISBN 978-2268053011) - cf. chapitre I, « Konzentrationslager ».
  • (en) Jurgen Zimmerer, Joachim Zeller & E. J. Neather, Genocide in German South-West Africa: The Colonial War of 1904-1908 and Its Aftermath, Merlin Press, 2007 - (ISBN 978-0850365740).
  • (en) David Olusoga & Casper W. Erichsen, The Kaiser's Holocaust: Germany's Forgotten Genocide and the Colonial Roots of Nazism, Faber & Faber, 2011 (3e édition), (ISBN 978-0571231423).
  • Olivier Herviaux, « Namibie : le génocide du IIe Reich », in Le Monde, 18 mai 2012.
  • Élise Fontenaille-N'Diaye, Blue book[34], Paris, Calmann-Lévy, 2015, (ISBN 978-2702144121).

Vidéographie

  • Morenga, téléfilm allemand d'Egon Günther, 1985, d'après le roman de Uwe Timm (1978).
  • Kaiser Wilhelms Wüstenkrieg – Namibia 100 Jahre nach dem Herero-Aufstand, documentaire allemand de Stefan Schaaf, 29 min, 2004.
  • Genocide & The Second Reich, documentaire de David Olusoga, BBC Four, octobre 2004

Voir aussi

Liens externes

  • Le massacre des Hereros (1904-1908), Ligue des droits de l’Homme, section de Toulon.
  • Compte-rendu du livre d’Isabel V. Hull Absolute Destruction : Military Culture and the Practices of War in Imperial Germany, Cornell University Press, 2004.

Articles connexes

  • Les Héréros et les Namas
  • Les Damaras et les Bochimans (Sans)
  • Histoire du Sud-Ouest africain allemand
  • Histoire de la Namibie
  • Histoire de la Tanzanie
  • La question des génocides
  • Racialisme

Notes et références

Notes

  1. Ces méthodes seront aussi appliquées de manière impitoyable en Belgique en 1914 après la violation de sa neutralité et de son territoire par les troupes allemandes

Références

  1. 1 2 Benjamin Whitaker, On the Question of the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide. Sub-Commission on Prevention of Discrimination and Protection of Minorities, 1985 réédité en 1986, UN Document E/CN.4/Sub.2/1985/6.
  2. (en) Allan D. Cooper, « Reparations for the Herero Genocide: Defining the limits of international litigation », in Oxford Journals African Affairs, 31 août 2004.
  3. Le massacre des Hereros
  4. « En mémoire des Hereros [sic] et des Namas » par Virginie Bart, in Le Monde des livres, 27 mrs 2015, p. 6.
  5. Jan Bart Gewald, Jeremy Silvester, Words cannot be found, German Colonial Rule in Namibia: an annotated reprint of the 1918 Blue Book, coll. Sources for African History, Vol. I, Leiden/Boston, Brill, 2003 - (ISBN 978-9004129818).
  6. (en) E. L. P. Stals (ed.), The Commissions of W.C. Palgrave: Special Emissary to South West Africa, The Van Riebeeck Society, 1991, p. X et suiv..
  7. Bilé, p. 8.
  8. Biographie de Goering
  9. Voir également Christian Bader, Histoire de la Namibie, 1997, Karthala
  10. notamment dans un article du journal Le Monde du 19 mars 2005
  11. John H. Wellington, South West Africa and its human issues, Oxford University Press, Londres, 1967.
  12. (de) Jörg Schildknecht, Bismarck, Südwestafrika und die Kongokonferenz – Die völkerrechtlichen Grundlagen der effektiven Okkupation und ihre Nebenpflichten am Beispiel des Erwerbs der ersten deutschen Kolonie, LIT-Verlag, Hamburg 2000, p. 251.
  13. Légende originale indexée par Archives fédérales allemandes : « Deutsch-Südwest-Afrika.- Kriegsgefangene Nama (Herero; kolorierte Postkarte) ».
  14. « Toute notre docilité et notre patience envers les Allemands ne nous servent à rien, car chaque jour ils nous fusillent pour rien, écrit-il le aux autres chefs de tribus pour les exhorter à la révolte. », in Bilé (2005, p. 8) citant Diener, Ingolf (2000). Namibie, une histoire, un devenir. Paris : Karthala.
  15. 1 2 Bilé 2005, p. 10.
  16. Bilé, p. 11.
  17. La stérilisation des femmes héréros fut notamment menée « pour s'assurer que les rapports sexuels [forcés] qu'elles entretiennent avec les colons ne menacent pas la pureté du sang allemand » selon Serge Bilé, p. 12.
  18. É. Fontenaille-N'Diaye (2015), op.cit., p. 148-149.
  19. Lire : L'expansion allemande hors d'Europe Par Ernest Louis P. Tonnelat, A. Colin, 1908
  20. François-Xavier Fauvelle-Aymar, Histoire de l'Afrique du Sud, Paris, Seuil, 2006, (ISBN 2020480034), p. 326-327
  21. L'étude de Tristan Mendès France
  22. Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Yale, Yale University Press, 1961, rév. 1985.
  23. (en) B.G. E. Howard Gorges & William L. Langer, « The Great War in West Africa », Londres, Foreign Affairs/Council of Foreign Relations, octobre 1930.
  24. Sous-titré Prepared in the Administrator's Office, Windhuk, South-West Africa, January 1918, presented to both Houses of the Parliement by command of His Majesty, August 1918.
  25. J. Gewald, Herero Heroes, a Socio-Political History of the Herero of Namibia. 1890-1923, Athens (Ohio), Ohio University Press, 1999.
  26. K. Dierks, Chronology of Namibian History, Windhoek, Namibia Scientific Society, 2002.
  27. A. Zimmermann, Anthopology and Antihumanism in Imperial Germany, Chicago & Londres, University of Chicago Press, 2001.
  28. Jan Bart Gewald, Jeremy Silvester (2003), op. cit.
  29. Namibie : les confessions allemandes : L’Allemagne reconnaît enfin le génocide des Hereros
  30. L'Allemagne demande « pardon » au peuple Herero, Le Nouvel Observateur, 19 août 2004
  31. (en) « German family's Namibia apology », BBC, (lire en ligne)
  32. Kossivi Tiassou, « Berlin a restitué des crânes de Herero et de Nama », in Deutsche Welle, 30 septembre 2011.
  33. 1 2 Frédéric Lemaître, « L’Allemagne reconnaît le génocide des Herero et des Nama en Namibie », lemonde.fr, (consulté le 17 juillet 2015)
  34. Critique de l'ouvrage, journal Libération' du 14 janvier 2015.
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