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Explosion cambrienne

Explosion cambrienne

L’explosion cambrienne (il y a entre 542 et 530 Ma) désigne l'apparition soudaine – à l'échelle géologique – de la plupart des grands embranchements actuels de métazoaires (animaux pluricellulaires)[1] ainsi qu'une grande diversification des espèces animales, végétales et bactériennes. Avant cette explosion, la plupart des organismes étaient simples et composés de cellules individuelles parfois regroupées sous forme de colonies. Le nombre de spécimens découverts reste faible mais démontre une grande diversité de classes dont certaines ont complètement disparu.

Cette explosion fut révélée par la découverte dans les schistes de Burgess au Canada, réalisée en 1909 mais qui n'a été correctement analysée que plus de cinquante ans après, d'un biotope marin encore inconnu jusque-là. Cependant, les raisons de cette apparition soudaine restent encore mystérieuses à cause du manque de fossiles.

Histoire et importance

Article détaillé : Histoire évolutive du vivant.

Dès Buckland (1784-1856), les scientifiques avaient remarqué l'apparition rapide de fossiles à l'époque cambrienne[2]. Charles Darwin considérait d'ailleurs cela comme l'un des principaux obstacles à sa théorie de la sélection naturelle[3]. En effet, ces animaux semblaient sortir de nulle part et il consacra à ce problème un chapitre entier de son ouvrage L'Origine des espèces. Le paléontologue américain Charles Walcott suppose alors qu'un intervalle de temps géologique appelé « Lipalien » n'avait pas encore été découvert et que c'est durant cette période que les « ancêtres » des animaux du Cambrien s'étaient développés[4].

On sait aujourd'hui que les premières formes de vie sont apparues il y 3 450 millions d'années[5] d'après l'étude des roches de Warrawoona en Australie. Celles-ci renfermaient des stromatolithes qui sont des formations sédimentaires fabriquées par des colonies de micro-organismes. En 2010, des organismes multi-cellulaires sont découverts au Gabon et repoussent l'apparition des premiers eucaryotes à 2 100 millions d'années dans la couche géologique correspondant au Grypania[6]. Les roches datant de 565 à 543 millions d'années contiennent des fossiles de la faune de l'Édiacarien qui sont les premiers organismes de taille métrique. Cependant ils disparaissent mystérieusement lors de l'explosion cambrienne.

En 1909, Walcott découvre dans des schistes près du Mont Burgess au Canada, des fossiles datant du Cambrien. Il y retourna jusqu'à sa mort en 1924 et excava plus de 65 000 spécimens de 120 espèces différentes. Le schiste étant un type de roche sédimentaire formé de particules fines d’argile et de limon, les fossiles sont très bien conservés et permettent de distinguer la plupart des détails des organismes. Malgré leur aspect surprenant et novateur, Walcott chercha, comme c'était la règle à l'époque, à classer ces espèces dans la classification existante, sans vraiment en comprendre la complexité. Ainsi, les organismes découverts restèrent au stade de curiosité jusque dans les années 1960 lorsqu'une nouvelle génération de scientifiques menée par Whittington réalise que les fossiles découverts représentent une faune beaucoup plus diversifiée et originale que ne l'avait pensé Walcott[7],[8].

Opabinia contribua largement au renouveau de l'intérêt scientifique pour l'explosion cambrienne

L'organisme le plus courant des schistes de Burgess, Marrella, est clairement un arthropode mais n'appartient à aucune des classes d'arthropodes connues. Opabinia est le premier animal inhabituel à avoir été complètement décrit lors de la redécouverte des fossiles dans les années 1970. Initialement classé parmi les arthropodes, Whittington démontre qu'Opabinia n'appartient à aucun embranchement connu. Cet organisme et bien d'autres comme Wiwaxia ou Yohoia ne ressemblent à aucun animal existant aujourd'hui. Dans son ouvrage, La vie est belle : les surprises de l'évolution[9], Stephen Jay Gould révèle au public l'existence de l'explosion cambrienne et les problèmes qu'elle soulève. En effet, Whittington et Gould proposent que tous les embranchements biologiques sont apparus soudainement il y a 535 millions d'années et que la plupart des formes de vie animales actuelles ne sont que des variations des organismes de cette époque. Cette vue est influencée par la théorie des équilibres ponctués qui voit l'évolution comme une suite de longues phases de stagnation "ponctuées" par de brèves périodes de changements rapides[10].

Cependant, la faune de l'Ediacarien montre que la vie avant l'explosion cambrienne n'était pas uniquement constituée d'organismes unicellulaires.

Preuves de l'explosion

Étudier des événements datant de près d'un demi-milliard d'années est un exercice difficile car les seuls indices sont des traces biologiques et chimiques dans les roches et de rares fossiles.

Datation du Cambrien

La datation absolue par radioactivité est obtenue en étudiant la proportion de radioisotopes dans les roches. Cette méthode n'est devenue relativement précise qu'il y a peu de temps et n'a encore été utilisée que dans peu de régions[11].

La datation relative (A était là avant B) est souvent suffisante pour étudier les processus évolutifs mais il est souvent difficile de trouver des roches datant de la même époque sur différents continents[12].

Par conséquent la succession d'événements doit être prise avec précaution jusqu'à ce que des données plus fiables soient disponibles.

Fossiles

Les fossiles des organismes sont souvent les sources d'informations les plus importantes. La fossilisation est un événement très rare et de nombreux fossiles sont détruits par l'érosion ou le métamorphisme avant d'avoir été étudiés. Par conséquent, les restes fossiles sont d'autant plus rares qu'ils sont anciens. Ils permettent cependant de connaitre les grandes lignes de l'histoire de la vie. Il existe également des biais dans les traces fossiles. Certains environnements sont beaucoup plus propices à la fossilisation que d'autres[13]. De plus, seules les parties déjà minéralisées des organismes comme les coquilles des mollusques ou les os des vertébrés sont généralement conservées. Les parties molles sont souvent décomposées avant d'avoir été fossilisés.

Ce spécimen de Marrella illustre la précision des détails des fossiles issus des schistes de Burgess

Les fossiles du Cambrien sont quasiment tous issus de lagerstättes qui préservent les tissus mous et permettent aux paléontologues d'étudier l'anatomie interne des animaux y compris les parties disparues sur les spécimens issus d'autres roches. Les principaux lagerstättes du Cambrien sont ceux de Maotianshan en Chine, d'Emu Bay en Australie, de Sirius Passet au Groenland et d'Öland en Suède. Bien que les lagerstättes aient préservé bien plus de fossiles que les autres roches, ils sont loin d'être suffisants. Les lagerstätte sont limités à quelques environnements (ceux où les organismes mous sont rapidement ensevelis comme lors de glissements de terrain) et de nombreuses espèces ne sont sans doute pas représentées.

Un Rusophycus et d'autres traces fossiles issues de la Formation Gog près du lac Louise au Canada

Les corps fossilisés ne sont pas les seules traces biologiques des organismes. Ceux-ci ont laissé des traces comme des sillons, des terriers ou des coprolithes (excréments fossilisés). Ces traces permettent d'approfondir notre connaissance du comportement des organismes et sont souvent découvertes avant l'organisme qui les a créés.

Études géochimiques

De nombreux marqueurs chimiques indiquent un changement radical dans l'environnement au début du Cambrien et sont cohérents avec une extinction de masse[14] ou avec un réchauffement massif dû à un largage massif d'hydrate de méthane qui peuvent être l'une des causes de l'explosion.

Techniques phylogénétiques

La cladistique est une technique permettant de dessiner l'"arbre généalogique" d'une famille d'organismes. Cette méthode repose sur le fait que si les groupes B et C ont plus de points communs entre eux qu'avec le groupe A alors B et C sont plus proches l'un de l'autre que de A. Les caractéristiques comparées peuvent être anatomiques, comme la présence de notochorde ou moléculaires en comparant les séquences d'ADN ou les protéines. Finalement, on obtient une hiérarchie de clades qui sont des groupes dont les membres ont probablement un ancêtre commun. Cette technique n'est pas parfaite car certaines caractéristiques comme les ailes ou l'œil évoluent en plusieurs étapes. La convergence évolutive doit également être prise en compte.

À l'aide de ces relations, il est possible d'obtenir la date d'apparition de la lignée. Par exemple, si les fossiles B ou C datent de X millions d'années et si selon l'« arbre généalogique » A est un ancêtre de B ou C alors A doit être apparu il y a plus de X millions d'années.

Il est également possible d'estimer la durée séparant la divergence entre deux clades en supposant que les mutations génétiques s'accumulent à un rythme constant. Ces « horloges moléculaires » sont cependant peu précises et ne permettent pas d'estimer à quel moment a commencé l'explosion cambrienne. Cependant, elle permettent de dire qu'une période de forte diversification a eu lieu lors de l'Ediacarien et du Cambrien[15].

Explication de quelques termes scientifiques

Un embranchement est le niveau le plus élevé de la classification classique. Cette classification repose sur un système hiérarchique. Les organismes sont rassemblés au sein de groupes selon leurs caractéristiques morphologiques et les groupes créés sont ensuite regroupés par similarités jusqu'à obtenir une hiérarchie. Cependant, cette classification par formes reflétait mal la diversité des organismes. Malgré leurs différences évidentes, les araignées et les balanes appartiennent tous deux à l'embranchement des arthropodes, en revanche les lombrics et les ténias bien que d'apparence similaire appartiennent à deux embranchements différents. Cette classification en embranchements ne caractérise pas une division fondamentale de la nature mais est un groupe de haut niveau de la classification classique permettant de décrire tous les organismes vivants. Cette classification est imparfaite même pour les espèces existantes ainsi les spécialistes sont rarement d'accord sur la liste d'embranchements en particulier dans le cas des espèces de vers. De plus, elle est basée sur les espèces vivantes et accepte mal l'ajout d'espèces disparues[16]. Cela est montré par la volonté de Walcott de faire rentrer les fossiles de Burgess dans les cases déjà existantes malgré de profondes différences.

Le concept de groupe-couronne fut introduit pour couvrir l'évolution des « cousins » des groupes vivants. Un groupe-couronne est un groupe contenant tous les organismes vivants du groupe, leur plus proche ancêtre commun, et tous les groupes aujourd'hui disparus relevant de cet ancêtre. Un groupe-souche rassemble les ramifications antérieures à l'ancêtre commun du groupe-couronne. Par exemple, les tardigrades sont des animaux existants actuellement et possèdent leur propre groupe-couronne mais Budd les considère comme un groupe-souche de celui des arthropodes[17],[18].

Les triploblastiques sont des animaux dont l'embryon s'organise en trois feuillets embryonnaires. Chacun de ces feuillets a pour rôle de former les organes du futur individu. Le feuillet interne produit le système digestif, le feuillet extérieur forme la peau ou la carapace et le système nerveux. Le feuillet intermédiaire produit les muscles et les organes internes à l'exception du système digestif et le squelette pour les vertébrés. La plupart des animaux sont triploblastiques mais les éponges et les méduses sont diploblastiques et ne possèdent pas de feuillet intermédiaire.

Les bilatériens sont des animaux possédant une symétrie bilatérale (avant/arrière et droite/gauche) à la différence des radiaires qui possèdent une symétrie radiale (en forme de roue). Tous les animaux triploblastiques connus sont bilatériens et inversement. Les échinodermes vivants (étoiles de mer, oursins ou Holothuries…) semblent avoir une symétrie radiale néanmoins leurs larves possèdent une symétrie bilatérale et les plus anciens échinodermes semblent avoir été bilatériens[19]. Les méduses et les éponges sont des radiaires.

Les coelomates sont des triploblastiques possédant une cavité interne (cœlome). Ce taxon est obsolète mais permet de décrire les animaux. La plupart des embranchements issus de l'explosion cambrienne sont des coelomates, les priapulidas sont l'une des principales exceptions. Tous les coelomates sont des triploblastiques mais l'inverse est faux car les vers plats sont des triploblastiques mais n'ont pas de coelome.

Vie précambrienne

Notre compréhension de l'explosion cambrienne repose sur la connaissance de ce qu'il y avait avant. L'événement est-il l'apparition soudaine d'une grande variété d'animaux et de comportements ou ces espèces existaient-elles avant ?

Preuve de l'existence d'animaux il y a 1 milliard d'années

Pour plus d'informations, voir Acritarche et Stromatolithe
Stromatolithe fossile découvert en Bolivie, les différentes couches sont clairement visibles
Stromatolithes modernes dans le Havre Hamelin dans l'ouest de l'Australie

Les stromatolithes sont des roches formées par l'accumulation de couches minérales formées par des colonies de bactéries. Ceux-ci existaient déjà il y a 3,5 milliards d'années cependant leur abondance a fortement diminué il y a 1,25 milliard d'années. Ce déclin est généralement attribué à l'apparition de la prédation avec des animaux rongeurs ou foreurs[20],[21],[22].

La vie marine précambrienne était dominée par de petits fossiles connus sous le nom d'acritarches. Ce terme dérivant du grec akritos (incertain ou confus) et de arche (ce qui est premier; principe,origine) désigne tous les petits organismes à coquille calcaire vivant dans les océans précambriens. Les acritarches regroupent cependant des organismes très variés depuis des petits animaux à des spores d'algues vertes. Les acritarches apparaissent il y a environ 2 milliards d'années et connaissent un boom il y a 1 milliard d'années. Ce boom pourrait indiquer un besoin croissant de défense contre les prédateurs. Cependant, le rythme d'évolution au cours du Précambrien était très lent et de nombreuses espèces d'algues bleues restèrent inchangées durant des millions d'années[23]. Si ces organismes prédateurs étaient réellement des animaux, cela signifie que ceux du Cambrien n'ont pas surgi du néant ; leurs ancêtres existaient déjà plusieurs centaines de millions d'années auparavant.

Fossiles de la formation de Doushantuo

La Formation de Doushantuo âgée de 580 millions d'années dans le sud de la Chine abrite des micro-fossiles qui pourraient être les premiers représentants des bilatériens[24]. Certains ont été décrits comme des embryons d'animaux ou des œufs bien qu'ils puissent représenter les restes d'une bactérie géante[25] ,[26] ,[27]. Un autre fossile, Vernanimalcula a été décrit comme un coelomate bilatérien[28] mais cette analyse reste très controversée et pourrait simplement être une bulle pleine[29].

La révolution agronomique

Une trace fossile de l'Ediacarien faite lorsqu'un organisme a creusé sous le biofilm microbien

Des traces d'organismes se déplaçant sur et sous le biofilm microbien qui recouvrait les fonds marins de l'Édiacarien ont été découvertes et remontaient à environ 565 millions d'années. Ces traces ont été réalisées par des organismes semblables à des vers qui se nourrissaient des micro-organismes du biofilm. Ces creuseurs n'ont pas encore été découverts mais comme ils avaient besoin d'une tête et d'une queue, ils possédaient probablement une symétrie bilatérale et étaient donc des bilatériens[30]. C'est dans cet environnement que vivait la faune de l'Ediacarien.

Au début de l'ère cambrienne (il y a environ 542 millions d'années), de nouvelles traces apparaissent dont des forages verticaux à travers le substrat sous le biofilm et des traces attribuées à des arthropodes. Les forages verticaux indiquent que les organismes ressemblant à des vers ont acquis un nouveau comportement et probablement de nouvelles capacités mécaniques. Certaines traces indiquent que les creuseurs possédaient un exosquelette non nécessairement minéralisé[31].

Les forages indiquent avec certitude l'existence d'organismes complexes. La raison de ces forages est probablement défensive du fait de l'apparition de la prédation au début du Cambrien. Ces forages ont provoqué une véritable révolution car en remuant les fonds marins, celui-ci est devenu plus habitable et un grand nombre d'organismes ont pu coloniser ce nouveau milieu. De même, l'apparition d'animaux "brouteurs" comme Spriggina ont progressivement décimé le biofilm qui recouvrait le fond des océans, ce qui a probablement provoqué la disparition de la faune de l'Édiacarien.

Faune de l'Édiacarien

Dickinsonia costata, un organisme de l'Ediacarien ne pouvant être rattaché de façon certaine à aucun règne actuel
Article détaillé : Faune de l'Édiacarien.

Au début de l'Édiacarien, il y a 630 millions d'années, la plupart des acritarches qui n'avaient pratiquement pas évolué durant des centaines de millions d'années disparurent et furent remplacés par de nouvelles espèces plus grandes[23]. Cette radiation, la plus ancienne connue à ce jour[23] donne naissance à l'étrange faune de l'Ediacarien[32] qui se développe durant 40 millions d'années jusqu'au commencement du Cambrien[33]. Ces organismes mesurent quelques centimètres et sont bien plus imposants que les spécimens antérieurs.

La plupart de ces organismes en forme de disques mous ne possédaient ni tête, ni queue, ni membres, ni même une bouche ou organes digestifs et ne semblent correspondre à aucune autre espèce ayant existé avant ou après eux. Un paléontologiste proposa même de classifier ces étranges organismes dans un règne séparé, les Vendozoaires puis ils furent rattachés au règne animal dans un embranchement spécifique[34]. Ces organismes devaient probablement se nourrir en filtrant l'eau à la manière des éponges.

Un fossile de Spriggina , ce dernier est classifié parmi les vers mais pourrait être l'ancêtre des arthropodes et des vertébrés.

Certains organismes ont été identifiés comme pouvant être à l'origine des embranchements de l'explosion cambrienne comme les premiers mollusques (Kimberella)[35],[36], échinodermes (Arkarua)[37] ou arthropodes (Spriggina[38], Parvancorina[39]). La classification de ces spécimens reste cependant encore sujet à débats car les caractéristiques permettant de classifier les espèces plus récentes sont absentes chez les organismes de la faune de l'Ediacarien[40]. Ces spécimens jouent une rôle majeur dans la question de l'importance et de la soudaineté de l'explosion cambrienne. Si certains sont les premiers représentants des embranchements animaux actuels, l'explosion semble beaucoup moins soudaine que si ces organismes n'étaient qu'une « expérience ratée » n'ayant débouché sur rien.

Vie cambrienne

Les connaissances actuelles sur la vie au Cambrien sont basées sur l'étude des lagerstätte de l'époque. Les schistes de Burgess au Canada ont été les premiers découverts en 1909. Ceux-ci sont âgés de 505 millions d'années et correspondent à la fin de l'explosion cambrienne. Par la suite d'autres sites plus anciens ont été découverts et le plus important d'entre eux est probablement celui des schistes de Maotianshan découvert en 1984 en Chine. Ceux-ci sont âgés de 520 millions d'années et se trouvent donc au milieu de l'explosion cambrienne. Les schistes d'Emu Bay en Australie et de Kaili en Chine sont situés entre ces deux dates. La faune du Cambrien apparait extraordinairement diversifiée et la dispersion des sites fossiles montre qu'elle existait dans une grande partie des océans de l'époque.

Les fossiles connus sous le nom de « petits fossiles coquilliers » ont été retrouvés dans de nombreuses parties du monde et existaient au début du Cambrien. Ils regroupent une grande variété de spécimens allant des archaeocyatha (sorte d'éponges) à des petits coquillages comme les brachiopodes ou des mollusques en forme d'escargot pouvant posséder des épines ou des sclérites. Néanmoins, ces animaux étaient minuscules, les éponges pouvaient atteindre plusieurs centimètres mais les mollusques ne dépassaient pas quelques millimètres[41]. Les embranchements actuels apparaissent à cette période. Sanctacaris et Sidneyia appartiennent au groupe des arthropodes. De même que les trilobites apparus il y a 530 millions d'années. Les premiers échinodermes apparurent un peu plus tard, il y a 520 millions d'années. À la différence des échinodermes actuels, ceux-ci ne présentaient pas tous une symétrie radiale[42]. On retrouve également des ancêtres des onychophores et des priapuliens et de très nombreuses éponges. Des méduses au stade de polype ont également été découverts. Haikouichthys descendant de Pikaia est considéré comme le premier vertébré et le plus ancien poisson connu.

Néanmoins, de nombreux fossiles causèrent de nombreux problèmes aux paléontologues. Ainsi Marrella, pourtant le spécimen le plus répandu dans les schistes de Burgess fut successivement classé parmi les crustacés, les trilobites et les branchiopodes avant que Whittington ne le classe dans un groupe spécifique d'arthropodes. De même Opabinia semblait tellement étrange que l'audience rit lors la présentation de son analyse par Whittington[43].

Un fossile de trilobite, un ancien type d'arthropode. Ce spécimen issu des schistes de Burgess a conservé ses parties « molles » comme les pattes et les antennes.

Opabinia fut alors retiré de l'embranchement des arthropodes et placé dans un embranchement spécifique. Hallucigenia est un autre exemple de mauvaise interprétation. Il fut décrit par Walcott en 1909 qui lui donna ce nom à cause des « qualités étranges et fantaisistes semblant sorties d'un rêve » de cet animal. La description faite à l'époque était très peu satisfaisante mais elle était néanmoins la plus convaincante. Les fossiles issus des schistes de Maotianshan encore mieux conservés que ceux de Burgess permirent d'affiner la description de nombreux spécimens, ainsi Hallucigenia fut rapproché des onychophore. Cependant, cette analyse reste controversée et il se pourrait qu'Hallucigenia ne soit qu'une partie d'un animal plus imposant. Ainsi, la bouche fossilisée d'Anomalocaris fut d'abord considérée comme une méduse, ses appendices buccaux comme des crevettes et son corps comme un concombre de mer, il faudra attendre les années 1980 pour que ces différentes parties soient rassemblées au sein d'un même animal.

À la différence des animaux plus anciens, ceux du Cambrien sont bien plus imposants et atteignant couramment plusieurs centimètres. Les 80 centimètres de l'Anomalocaris en font un véritable géant des mers cambriennes. On peut remarquer l'apparition d'une véritable chaine alimentaire, ainsi Haplophrentis servait de nourriture au ver Ottoia qui était probablement chassé par Opabinia, lui-même servant de proie à l'énorme Anomalocaris au sommet de cette chaine.

La faune du Cambrien fut décimée par une extinction de masse au début de l'Ordovicien, il y 480 millions d'années. Cette extinction a probablement été causée par une diminution de la teneur en oxygène de l'eau liée à un refroidissement global. Lors de l'Ordovicien, la diversité augmente fortement avec un doublement du nombre d'ordres et un triplement de celui des familles[44].

Causes possibles de l'explosion

Malgré les preuves que des animaux complexes (triploblastique bilatériens) existaient bien avant le début du Cambrien, il semble que le rythme de l'évolution fut extrêmement rapide au cours du Cambrien. Les explications de cette explosion sont classées en trois catégories : environnementales, liées au développement et écologiques

Changements dans l'environnement

Accroissement du niveau d'oxygène

L'atmosphère originelle de la Terre ne contenait pas d'oxygène. L'oxygène actuellement présent dans l'air et dissous dans l'eau est le résultat de milliards d'années de photosynthèse. La concentration en oxygène de l'atmosphère augmenta progressivement au cours du Précambrien. Le manque d'oxygène pourrait avoir retardé l'apparition de grands animaux complexes. La quantité d'oxygène qu'un animal peut absorber est largement déterminée par la surface de ses organes respiratoires (poumons et branchies pour les plus évolués, la peau pour les autres) en revanche la quantité d'oxygène nécessaire dépend largement du volume de l'animal qui augmente plus rapidement que la surface des organes respiratoires si l'animal grossit. Un accroissement de la quantité d'oxygène dans l'eau a permis à des organismes de croitre sans que leurs organes ne soient en manque d'oxygène. La production de collagène nécessaire à la construction de structures complexes demande de l'oxygène[45] tout comme de nombreuses molécules indispensables à la fabrication d'un exosquelette[46].

Terre boule de neige

À la fin du Protérozoïque (jusqu'au début de l'Édiacarien), la Terre subit une glaciation massive au cours de laquelle la totalité de la surface terrestre a pu être recouverte par la glace. Cela a entrainé une extinction massive et un goulot d'étranglement génétique qui aurait causé une sélection de parentèle. La diversification résultante aurait pu conduire à l'apparition de la faune de l'Édiacarien[47]. Cependant, il est difficile de confirmer cette théorie, et les épisodes de glaciation successifs auraient tout aussi bien pu retarder l'évolution sur une grande échelle[22].

Explication liées au développement

Une série d'explications sont fondées sur la théorie que de petites modifications lors du développement de l'animal de l'embryon à l'état adulte pourraient causer des changements importants sur le spécimen à l'âge adulte. Les gènes HOX contrôlent par exemple le positionnement et le développement des différents organes dans une région précise. Par exemple, si un certain gène HOX est exprimé, la zone va se développer sous la forme d'un membre, si un autre est exprimé, la région peut devenir un œil. Ces gènes furent découverts dans les années 1980 mais l'idée avait été pressentie par Richard Goldschmidt dès les années 1940. Un tel système permet l'apparition d'un grand nombre de modifications corporelles à partir d'un nombre limité de gènes.

Explications écologiques

Ces explications se concentrent sur les interactions entre les différents organismes. Certaines supposent des changements dans la chaine alimentaire, d'autres font appel à une course aux armements entre les prédateurs et les proies et d'autres suggèrent des mécanismes de coévolution.

Extinction de masse de la fin de l'Édiacarien

Les preuves d'une telle extinction incluent la disparition des sources fossiles des organismes de la faune de l'Édiacarien et la modification du ratio 12C/13C due à un changement dans le réseau trophique. Les extinctions de masse sont souvent suivies par des radiations évolutives lorsque les groupes survivants occupent les niches écologiques laissées vacantes par les organismes disparus.

Évolution de l'œil

Le biologiste Andrew Parker suggéra que les relations entre les prédateurs et leurs proies avaient considérablement changé après l'amélioration de la vue. Avant cela, la chasse et la fuite se déroulaient à faible distance, l'odorat et le toucher étaient les seuls sens utilisés. Lorsque les prédateurs purent repérer leurs proies à distance, de nouvelles stratégies défensives devinrent nécessaires. Les carapaces, les épines et les autres systèmes de défense ont pu apparaître en réponse au développement de la vue. Il avança également que là où les animaux perdaient la vue dans des environnements non éclairés comme des grottes, la diversité des formes animales avait tendance à diminuer[48]. Néanmoins, de nombreux scientifiques doutent que la vision ait pu causer l'explosion à elle seule. En effet, d'autres sens comme l'odorat ou la détection des changements de pression permettent de repérer des proies aussi bien que la vue et leur apparition n'a semble-t-il pas causé d'explosion évolutionnaire.

Course aux armements

La capacité de résister à la prédation est un avantage décisif pour une espèce et est l'un des acteurs fondamentaux de la sélection naturelle. La pression adaptative est plus forte sur la proie que sur le prédateur  : si le prédateur échoue, il perd un repas, si la proie échoue, elle perd la vie[49]. Cependant, il existe des preuves que la prédation existait déjà avant le Cambrien comme le nombre grandissant d'épines sur les acritarches, les trous dans les coquilles de Cloudina et des traces de forages pour échapper aux prédateurs. Ainsi, il est improbable que l'« apparition » de la prédation soit l'un des éléments déclencheurs de l'explosion cambrienne, bien qu'elle ait considérablement influencé la forme des organismes issus de cette explosion[22]

Unicité de l'explosion

L'explosion cambrienne peut être vue comme deux vagues d'expansion animales au sein de niches écologiques vacantes, à l'Édiacarien lorsque les animaux s'établirent sur le fond marin puis au Cambrien lorsqu'ils conquirent la colonne d'eau[23]. Le taux de diversification au Cambrien est sans équivalent pour les animaux marins, il a affecté tous les clades animaux. Les radiations évolutives suivantes comme celle des poissons au Silurien et au Dévonien n'impliquèrent que quelques taxons. Bien que la radiation après l'extinction Permien-Trias commençât avec aussi peu d'espèces animales que celle du Cambrien, elle produisit beaucoup moins de nouveaux types d'animaux[50].

Quelle que soit la cause de la diversification au Cambrien, elle a ouvert la voie à un nombre exceptionnellement large de nouvelles niches écologiques. Une fois celles-ci occupées, il restait peu de place pour une nouvelle diversification aussi large car il y avait déjà une compétition féroce au sein de toutes les niches et les espèces déjà en place ont généralement l'avantage.

Il existe deux explosions similaires dans l'histoire évolutive des végétaux, lors du Dévonien (il y 400 millions d'années), les plantes colonisent rapidement les terres émergées et la diversification rapide des plantes à fleurs lors du Crétacé.

Notes et références

  1. (en) D.Y.C. Wang, S. Kumar et S. B. Hedges, « "Divergence time estimates for the early history of animal phyla and the origin of plants, animals and fungi." », Proceedings of the Royal Society of London, Series B, Biological Sciences, vol. 266, 1999, p. 163-171
  2. (en) W. Buckland, Geology and Mineralogy Considered with Reference to Natural Theology, Lea & Blanchard, (ISBN 978-1-147-86894-4)
  3. (en) C. Darwin, On the Origin of Species by Natural Selection, New York, Murray, London, United Kingdom, (ISBN 978-1-60206-144-6, OCLC 176630493), p. 437–438
  4. (en) C. D. Walcott, « Cambrian Geology and Paleontology », Smithsonian Miscellaneous Collections, vol. 57, , p. 14
  5. (en) Heinrich D. Holland, « Evidence for life on earth more than 3850 million years ago », Science, vol. 275, no 5296, , p. 38 (PMID 11536783, DOI 10.1126/science.275.5296.38)
  6. http://www2.cnrs.fr/presse/communique/1928.htm
  7. Whittington, H. B. (1979). Early arthropods, their appendages and relationships. In M. R. House (Ed.), The origin of major invertebrate groups (p. 253–268). The Systematics Association Special Volume, 12. London: Academic Press.
  8. (en) H. B. Whittington, Geological Survey of Canada, The Burgess Shale, Ottawa, Yale University Press, , poche (ISBN 978-0-660-11901-4, OCLC 15630217, LCCN 86141281)
  9. (en) S. J. Gould, Wonderful Life: The Burgess Shale and the Nature of History, New York, W.W. Norton & Company, , 1e éd. (ISBN 978-0-393-02705-1, OCLC 185746546)
  10. S. Bengtson, « Neoproterozoic- Cambrian Biological Revolutions », Palentological Society Papers, vol. 10, , p. 67–78 (lire en ligne [PDF])
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  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Cambrian explosion » (voir la liste des auteurs).

Sources

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Sur la chronologie
  • (en) M. W. Martin, D. V. Grazhdankin, S. A. Bowring, D. A. D. Evans, M. A. Fedonkin et J. L. Kirschvink, « Age of Neoproterozoic Bilaterian Body and Trace Fossils, White Sea, Russia: Implications for Metazoan Evolution », Science, vol. 288, no 5467, , p. 841–845 (PMID 10797002, DOI 10.1126/science.288.5467.841)

Liens externes

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  • (en) The Cambrian Explosion In Our Time, BBC Radio 4 enregistrement radio, 17 February 2005
  • (en) Utah's Cambrian life – Site présentant de bonnes images d'un grand nombre de fossiles datant du Cambrien
  • Portail de l’évolution
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