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Dioscoride

Dioscoride

Page d'aide sur l'homonymie Pour les articles homonymes, voir Dioscoride (homonymie).

De materia medica

Pedanius Dioscoride
Description de l'image Dioscorides01.jpg.
Alias
Πεδάνιος Διοσκορίδης (Grec ancien)
Naissance vers 25 après J.-C
Anazarbe (Cilicie, dans l'actuelle Turquie)
Décès vers 90 après J.-C
Nationalité gréco-romain
Profession

Pedanius Dioscoride (en grec ancien Πεδάνιος Διοσκορίδης Pedanios Dioskoridês), est né entre les années 20 et 40 ap. J.-C., à Anazarbe en Cilicie (une province romaine située sud-est de l'actuelle Turquie) et mort vers 90 ap. J.-C.. C'est un médecin, pharmacologue et botaniste grec dont l'œuvre a été une source de connaissances majeures en matière de remèdes de nature végétale, animale ou minérale, durant les 1 500 ans que couvrent les époques de l'Empire romain, de l'Empire byzantin, de la période arabe classique et du Moyen Âge au début de l'époque moderne en Europe[1]. Il est l'auteur de Peri hulês iatrikês (Περὶ ὕλης ἰατρικῆς), « À propos de la matière médicale », œuvre rédigée en grec mais plus connue sous le nom latin de De Materia Medica. Considéré comme un manuel de référence dans le domaine de la pharmacologie européenne et musulmane, il se conserva et se propagea tout au long de l'Antiquité et du Moyen Âge, par des copies du texte grec sur papyrus, parchemin et papier et à travers ses traductions en latin, syriaque, arabe, persan et langues européennes.

Jusqu'au début du XVIe siècle, l'ouvrage fut abondamment recopié (et plus ou moins remanié) et l'objet de quelques exégèses, sans qu'il soit porteur d'un progrès notable dans l'analyse botanique ou thérapeutique[n 1],[2]. Le tournant s'opère à l'époque de la Renaissance, où les riches commentaires du médecin Mattioli apportent une contribution nouvelle à la matière médicale et en annoncent d'autres tant dans les prescriptions médicales qu'en botanique, comme ce fut le cas des études de terrain précises faites aux siècles suivants, par les botanistes Tournefort et John Sibthorp.

Par la suite, le texte de Dioscoride cessa peu à peu d'être l'ouvrage de référence de la matière médicale. Quand les développements des sciences biologiques et de la chimie ouvrirent un nouveau paradigme de l'évaluation des remèdes, l'objet de la recherche passa de la matière médicale aux principes actifs, de l'écorce de quinquina à la quinine, du pavot à la morphine etc. Les plantes médicinales laissèrent progressivement la place à des remèdes chimiques aux doses parfaitement contrôlées et le nom de Dioscoride fut largement oublié. Les chercheurs ne visèrent plus à s'inscrire dans des lignées les plus longues possibles, mais ambitionnèrent de se positionner à la tête d'une marche en avant de la connaissance.

Plusieurs des grandes traditions médicales apparues dans l'Antiquité ont produit concurremment, aux alentours du premier siècle, des ouvrages fondateurs de leur matière médicale respectives (le Shennong bencao jing en Chine, et le Caraka samhita en Inde). Cependant, les médecines traditionnelles chinoise ou indienne ont offert une évolution contrastée avec la médecine européenne. Au contact de la médecine moderne, elles se sont rationalisées et se sont débarrassées des notions magiques et religieuses, les plus difficilement acceptables de nos jours. Mais alors qu'elles n'ont pas effectué de ruptures épistémologiques avec les principaux concepts des anciennes médecines savantes[n 2], non seulement n'ont-elles pas été laminées par la biochimie comme l'a été la médecine gréco-latine, mais ont-elles continué à être exercées et même à essaimer dans de nombreuses régions du monde.

En ce qui concerne les anciennes matières médicales, qu'elles soient d'origine chinoise ou indienne, l'analyse chimique et les évaluations cliniques modernes aboutissent immanquablement à des travaux de pharmacognosie, identiques à ceux effectués partout dans le monde (voir par exemple l'ouvrage Pharmacognosie de Jean Bruneton[3], à valeur totalement universelle, traitant de toutes les plantes médicinales quelle que soit leur origine).

Biographie

Nous possédons peu d'éléments sur la vie de Dioscoride. D'après les écrits du médecin grec Galien du IIe siècle, Dioscoride serait né à Anazarbe, dans la province romaine de Cilicie, en Anatolie méridionale, non loin de Tarse, une ville prospère et rivale d'Anazarbe[1]. On ignore aussi bien sa date de naissance que celle de sa mort. En comparant les passages parallèles de l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien et de Materia medica de Dioscoride, John Scarborough en conclut[1] que ce dernier devrait être né à l'époque du règne de Tibère (14-37) ou de Caligula (37-41). Plus précis, Alain Touwaide[4] avance l'année 25 de notre ère. Pline, son contemporain, a consacré deux livres (les XXVI et XXVII) de son Histoire naturelle aux plantes médicinales. Tous les deux ont dû rédiger leurs ouvrages sur les remèdes naturels durant à peu près la même période mais sans se connaître, car sans jamais citer leurs travaux respectifs[5]. Dioscoride dédit son travail à Areius, un enseignant respecté de Tarse qui l'a encouragé dans son travail. Mais on ne sait pas s'il fut son élève et quelle formation médicale il a reçu. Toutefois, Marie Cronier[6] pense que Areius fut probablement son maître. Il pourrait avoir fait ses études médicales à Tarse ou pour certains spécialistes à Pergame et Alexandrie[7].

Dioscoride indique dans sa préface[8] que depuis son enfance, il a toujours manifesté le plus vif intérêt pour la matière médicale et dit-il en s'adressant à Areius « j'ai parcouru beaucoup de territoires - parce que vous savez que j'ai mené une vie militaire - pour collecter, avec vos encouragements, la matière de cinq livres ». Faut-il en conclure qu'il fut un médecin militaire comme on l'a souvent affirmé ? Rien n'est moins sûr pour les historiens contemporains[5]. Il se pourrait que l'allusion à sa « vie militaire » ne soit qu'un moyen rhétorique pour indiquer la vie rude du voyageur qui allait par monts et par vaux pour recueillir les savoirs médicinaux[1]. Peut-être vivait-il en exerçant la médecine, suivant le modèle d'Hippocrate qui soignait les patients en allant de villes en villes, tout en approfondissant ses connaissances médicales. Peut-être aussi, a-t-il parcouru la campagne pour récolter les plantes médicinales, les préparer et les vendre? Ces deux activités étaient connues dans l'antiquité sous les noms de rhizotomos ριζοτομος « coupeur de racine » (ramasseur de plantes, herboriste) et de pharmakopôlês φαρμακοπώλης « vendeur de drogues »[5]. Le rhizotome se charge de la cueillette des plantes qu'il remet au pharmacopole qui a la responsabilité de la composition des remèdes et de la vente[9].

Pour écrire son ouvrage sur la matière médicale Peri hulês iatrikês, il a dû bénéficier des travaux effectués par divers auteurs l'ayant précédé. Mais pour la plupart, ces textes ne nous sont pas parvenus. En comparant le contenu de l’œuvre avec celle de son contemporain Pline l'Ancien Histoire naturelle, sur le même sujet, Marie Cronier estime que la rédaction a dû se faire dans le troisième quart du premier siècle[6].

Cadre historique

Rome et l'Asie grecque de Dioscoride

Empire romain à la fin du Ier siècle
La Cilicie, la patrie de Dioscoride, se trouve à la périphérie orientale de l'empire
  • Romanisation et hellénisation

Au IIe siècle avant notre ère, les Romains affermissent progressivement leur présence en Grèce, jusque ce que finalement en -146, un consul romain prenne d'assaut Corinthe et fasse de la péninsule un protectorat romain. La Cilicie, la région natale de Dioscoride, est une région côtière dans le sud-est de l'Asie mineure (Anatolie) qui après avoir été sous la domination de la Syrie des Séleucides fut intégrée à l'Empire romain par Pompée. Aux environs de -27, sous l'empereur Tibère, après son rattachement à la province romaine de Syrie, elle a dû subir une assimilation culturelle accélérée[4]. Dioscoride dut fréquenter le milieu du pouvoir romain local. L'Asie grecque, soustraite à la zone d'influence des Séleucides, possède des écoles de médecine à Pergame, Smyrne, Éphèse ou dans l'île de Cos (berceau de la médecine hippocratique), qui vont pouvoir prospérer sans subir le moindre dommage de la part des généraux romains victorieux[10].

Les vastes conquêtes romaines se sont traduites par des phénomènes d’acculturations contrastés : d'un côté une forte emprise du latin et du droit romain en Occident alors que de l'autre, en Orient, une emprise qui reste marginale. Schématiquement, la plupart des régions européennes conquises sont romanisées alors que dans la Grande Grèce, ce sont les conquérants romains qui s'hellénisent au contact des Grecs. Selon le vers célèbre d'Horace « la Grèce conquise conquit son farouche vainqueur et apporta ses arts au Latium...» (Épitre, II, 1, 156). Par paliers, Rome va assimiler l'hellénisme culturel non sans susciter la réaction de quelques « vieux Romains » pour défendre l'identité culturelle romaine.

Longtemps, les élites romaines manifestèrent des réactions d'attraction-répulsion vis-à-vis de la pensée spéculative grecque. Au IIe siècle av. J.-C., plusieurs décrets entraînèrent l'expulsion de trois philosophes grecs qu’Athènes avait envoyé au Sénat romain en -155. Ils effrayèrent à ce point Caton qu'il les fit chasser au plus vite[11]. L. Mummius qui avait brutalement mis à sac Corinthe, la métropole de l'art, fait par ailleurs envoyer à Rome, les chefs-d’œuvre de la statuaire et de la peinture et joint au butin, des esclaves instruits, des pédagogues et des médecins (Polybe, Hist. IX, 10).

  • La médecine du paterfamilias résiste à l'hippocratisme grec

À Rome, traditionnellement, les soins de la maisonnée relevaient du paterfamilias et reposaient sur les vertus du chou[n 3], souverain sous toutes ses formes contre la goutte, la mélancolie, les palpitations et sur quelques incantations contre les cas de luxations et de fractures, le reste n'étant que mensonges des Grecs[12]. Le peuple romain n'a jamais attribué à l'art médical une très grande dignité. Le peu d'estime pour ceux qui exerçaient cette activité a fait que pendant longtemps, quelques grandes familles possédaient un médecin-esclave pour leur usage privé[12].

Pline l'Ancien qui n'était pas médecin mais un encyclopédiste romain contemporain de Dioscoride, consacrera plusieurs livres de sa monumentale Histoire naturelle à la médecine. Il commence son livre XXIX[13] en affirmant qu'il est le premier à traiter dans la langue latine de l'art médical. Il se livre ensuite à un réquisitoire impitoyable contre les médecins grecs. Il rapporte ces paroles de Caton dans ses préceptes à l'intention du fils :
« Je te parlerai de ces maudits Grecs ... Je te démontrerai que c'est une race vile entre toute et rebelle, et crois bien que c'est parole d'oracle que de dire : quand cette vilaine nation apportera sa littérature, elle corrompra tout, et encore davantage si elle envoie ses médecins. Ils se sont jurés entre eux de tuer tous les Barbares au moyen de la médecine, et ils se font encore payer pour cela, afin de gagner leur confiance et de les anéantir facilement. »

Les préjugés anti-médicaux découlent du fait que les premiers professionnels de la médecine n'étaient pas des Romains authentiques, qu'ils jargonnaient dans une langue incompréhensible, qu'on les disait avides car ils faisaient payer des services qui jusque là n'étaient pas rétribués.

La médecine est jugée comme un art étranger, incompatible avec la « gravité romaine », le sérieux d'un peuple fort et parfaitement sain[10].

Les prédécesseurs de Dioscoride

Pour se soigner, les anciens Grecs pouvaient recourir à la médecine coutumière des guérisseurs ou essayer les secours de la médecine religieuse qui s'exerçait dans les sanctuaires d'Apollon puis d'Asclépios (comme à Épidaure). À côté de ces pratiques, se développent dès le VIe siècle avant notre ère, des centres médicaux où s'élabore une médecine fondée sur l'observation et l'analyse rationnelle. C'est le cas à Crotone en Italie du Sud ou dans l'île de Cos, célèbre du fait de l'enseignement d'Hippocrate[14] (-460, -370).

La tradition médicale européenne prend sa source dans le Corpus hippocratique, qui rejette toute intervention divine dans les maladies et prône l'observation des symptômes afin d'établir un pronostic. Les maladies ont des causes naturelles et doivent être traitées rationnellement sans recours aux prières, charmes et opérations magiques.

Les remèdes, pharmaka, agissent à l'inverse des processus pathologiques identifiés en fonction de leur qualité propre[15]. Le Corpus hippocratique recense pas moins de 300 plantes différentes pour traiter de nombreuses affections[16].

Théophraste (-371, -288), inspiré par la démarche d'Aristote qui préférait l'observation directe du monde à la réflexion philosophique a priori, offre avec son ouvrage Recherches sur les plantes, une description méthodique des végétaux en se basant sur leur morphologie et leur habitat. Il fonde ainsi une science botanique autonome de la médecine. Ce travail pionnier restera sans équivalent pendant des siècles, partout dans le monde. Car ailleurs, la botanique deviendra pendant cette très longue période, synonyme d'étude des plantes médicinales[2]. Ce n'est qu'en Italie, au XVIe siècle, que ces travaux de botanique théorique seront repris par Ghini et Aldrovandi (Amigues[17], 2010).

Le livre IX de Recherches sur les plantes conçu indépendamment du corps de l'ouvrage et intitulé Les vertus des simples, traite des substances végétales aromatiques et des plantes médicinales. C'est le premier ouvrage européen sur les plantes médicinales intégralement conservé[15]. Il rapporte les croyances des rhizotomos, les « coupeurs de racines », qui combinent des observations précises avec des pratiques magiques. Dans une autre section, il donne le nom et la description de nombreuses espèces de plantes médicinales, associée avec la méthode de récolte et de préparation, les indications médicales et le mode d'administration. Dioscoride cite trois fois cet ouvrage.

Durant les quatre siècles qui séparent Théophraste de Dioscoride[n 4] ne nombreux auteurs ont écrit sur la médecine par les plantes. Dioscoride[8] mentionne dans la préface de son ouvrage plusieurs de ces auteurs. Certains étaient aussi connus de Pline. Un des plus anciens, datant du IVe siècle av. J.-C., est Dioclès de Karystos qui a donné des descriptions de plantes, accompagnées de l'indication de leurs propriétés médicinales[5]. Un autre, Mantias (IIIe siècle av. J.-C.), vanté par Galien, est auteur d'un ouvrage contenant de nombreux remèdes à base de plantes. Ducourthial[5] cite ainsi tout une suite d'auteurs ayant pu influencer Dioscoride.

L’œuvre

Le Dioscoride de Vienne ou codex Anicia Juliana est un des plus anciens manuscrits grecs de Peri hulês iatrikês

Le contenu de l’œuvre

Le traité de matière médicale décrit l'utilisation médicale de plus de 800 substances, dont une grosse majorité sont des végétaux, le reste des animaux et des minéraux. Chaque matière médicale est décrite dans une notice, donnant méthodiquement les informations permettant de la reconnaître et d'en appréhender les propriétés. Ainsi, sont donnés le nom populaire de chaque espèce de plante, lorsque c'est possible la distribution géographique, une description brève de la partie utilisée, puis le procédé de récolte, de préparation et d'administration. Les indications thérapeutiques sont ensuite présentées ainsi que la posologie.

La Materia Medica est importante pour la connaissance des plantes et des remèdes utilisés par les Grecs, les Romains, et les autres cultures de l'Asie mineure, Syrie, Judée, Égypte et Arabie. L'Égypte est citée comme lieu de provenance ou de transit d'au moins 40 substances[18]. Ces travaux nous ont également transmis les noms de certaines plantes de Dacie et de Thrace qui, autrement, auraient été perdus.

Méthode d'analyse

Dans De Materia Medica[n 5], Dioscoride après avoir recueilli les principales connaissances de son temps sur les simples[n 6], les classe et les analyse en s'appuyant sur son expérience personnelle de rhizomatos et de médecin. C'est du moins ce que laisse entendre sa préface, dans laquelle il reproche aux sources de son temps d'être incomplètes, de jacasser sur les causes, de dépendre de connaissances purement livresques et de ne pas avoir une expérience des remèdes, ou même de les confondre (M.M., Préface, 2). Il préfère l'observation directe à la répétition de ouï-dire et critique les ouvrages de ses prédécesseurs à l'exception toutefois de ceux de Cratevas. Il affirme avoir pu faire des observations personnelles sur la plupart des drogues et de pouvoir les arranger « suivant les propriétés naturelles de chacune d'elles ». (M.M., Préface, 4).

Dioscoride utilise une extension de la théorie de Dioclès du mode d'action des pharmaka par des dynameis, pour justifier les vertus médicinales des drogues[15]. Toute substance possédant des propriétés spécifiques δύναμις/δυνάμεις dynamis/dynameis sont capables de traiter les maladies. Ces propriétés propres vont par paires antagonistes, par exemple thermantikos « échauffant » / psyktikos « refroidissant », stryptikos « astringent » / lytikos « relâchant », ramollissant / durcissant, provoquant des flatulences / supprimant les flatulences, etc.(Beck[8], 2011). Elles peuvent aussi être uniques : escarotiques (caustiques), adhésives, détersives (lavantes), diurétiques etc.

L'œuvre est avant tout un ouvrage de pharmacologie. Dioscoride fournit aussi quelques informations sur la taille, la forme des racines, l'aspect des fleurs, des feuilles et des fruits, ainsi que les particularités de leur habitat. Mais elles sont un peu légères pour identifier surement la plante. Toutefois de nombreuses versions historiques de l’œuvre sont pourvues d'illustrations de plantes, pour faciliter l'identification. Dioscoride concentre son intérêt sur la matière médicale qu'il décrit précisément, dans un style simple, dans une langue grecque que Scarborough[1] (un traducteur de Materia medica en 1982) qualifie de « limpide et cristalline ». Il se tient à distance de la pensée magique et des croyances naïves ; les rares fois où il les rapporte, il les introduit par « on dit ..., certains croient...».

Structure du manuscrit grec originel

On ne connait pas exactement la structure originelle du texte grec de Peri hulês iatrikês. Max Wellmann[19] s'est efforcé de la reconstituer entre 1906 et 1914. L'édition critique qu'il a donné, sans traduction et avec des notes en latin, s'est imposée jusqu'à l'époque actuelle. Actuellement, Marie Cronier et Pascal Luccioni s'emploient à relever à nouveau le défit et préparent une nouvelle édition avec traduction en français[6].

L’œuvre nous a été transmise sous un nombre considérable de versions extrêmement différentes. Certaines ont plus de 800 notices d'autres à peine une centaine. Quelque unes s'organisent en un seul livre (comme l'herbier alphabétique), d'autres en 5 livres ou bien 6 voire 7 ou 9. Certains sont illustrés d'autres pas.

Le texte grec de Dioscoride, reconstruit par Wellmann, est divisé en cinq livres d'égale longueur. Cette division par matière pourrait aussi avoir été imposée par la longueur des rouleaux de papyrus qui étaient le support d'écriture utilisé à l'époque de sa confection[7]. Quoi qu'il en soit, dans chaque groupe, les substances sont ordonnées par ordre d'activité.

L'ouvrage (dans la traduction de Beck de la restitution de Wellmann) est fait de 827 fiches descriptives de substances naturelles (simples ou composées) avec leurs propriétés thérapeutiques. Si on exclut les 71 vins aromatisés de divers substances par ailleurs décrites (livre V), il reste 756 substances médicinales de base. Parmi celles-ci, on compte 583 plantes (soit 77,1 %), 84 animaux ou productions animales (11,1 %) et 89 minéraux et substances inorganiques (soit 11,8 %).

L'ouvrage regroupe les substances de propriétés similaires ce qui facilite la mémorisation et permet au médecin de trouver des substituts facilement. Il est divisé en cinq livres[n 7].

La plupart des plantes (ou des classes de plantes) étudiées par Dioscorides se retrouvent dans les pharmacognosies modernes (comme celle de Bruneton[3]) par contre les matières animales et minérales en ont disparu.

Le succès exceptionnel de ce travail au cours de tant de siècles tient pour Cronier[6] :

  1. au caractère encyclopédique de l'œuvre
  2. au rationalisme marqué de l'analyse.

La réception de l’œuvre

Évolution des professions médicales

  • Changement de statut du médecin

Né dans la périphérie orientale de l'empire romain, Dioscoride rassemble les connaissances grecques en pharmacologie des différentes régions de l'empire et en fait une nouvelle synthèse qui constituera un aboutissement, longtemps indépassable. Bien que les conditions de la réception de ce travail ne fussent pas très favorables au centre de l'empire (comme nous avons vu ci-dessus), la situation allait bientôt changer.

L'acceptation de la médecine grecque fut favorisée par l'arrivée à Rome, en -91, d'Asclépiade de Bithynie un médecin grec, sensible à la philosophie épicurienne, qui prônait une thérapeutique toute en douceur. Ce praticien de l'art médical réussit à séduire enfin les Romains en prescrivant à ses patients de la gymnastique, des bains, de l'eau fraîche et du bon vin[12]. Attirés par sa notoriété, le nombreux médecins formés dans l'orient grec vinrent à sa suite s'installer à Rome. Avec l'afflux de médecins grecs compétents, l'attitude de l'État romain allait évoluer en leur faveur. Finalement au II-IIIe siècle de notre ère, la profession médicale trouvera une organisation stable et définitive.

À Rome, les médecins libéraux exerçaient leur art dans la medicatrina, à la fois cabinet de consultation et herboristerie. Ils recevaient les patients, en mettaient certains en observation et vendaient aussi leurs remèdes, élaborés par le pharmacopole. Le meilleur praticien n'étant rien sans un remède convenable, l'association médecin-pharmacopole ne put que se renforcer et faire que le pharmacopole évolue progressivement vers l'apothicaire des débuts du Moyen Âge[9].

  • Changement du statut du pharmacopole

Longtemps le pharmacopole a traîné la mauvaise réputation des marchands ambulants. La plus ancienne mention conservée du pharmakopôlès se trouve chez Critias un philosophe athénien du Ve siècle avant notre ère. Il est décrit au milieu des vendeurs de curiosités, des marchands de légumes, des oiseleurs ou vendeurs d'aiguilles[9]. Sur les marchés, le pharmacopole avait acquis la réputation d'un bonimenteur impénitent.

En s'associant à la médecine rationnelle, initiée par Hippocrate, le camelot vendeur de remèdes, allait devenir un professionnel de la santé respectable. Les travaux de Théophraste, Nicandre et Dioscoride, favorisèrent la transmission des connaissances des plantes médicinales et popularisèrent la thérapeutique par les simples. Puis vint Galien, le dernier des grands médecins créateurs de l'Antiquité, le deuxième « père fondateur » de la médecine antique après Hippocrate[20]. Ces travaux de médecine savante combinés à l'attirance du public pour les simples vont conférer une légitime célébrité à certains pharmacopoles.

L’œuvre immense de Galien de Pergame, au IIe siècle, fournit des témoignages éloquents de cette évolution. Parmi les différents métiers au service du médecin, il cite le rhizotome « coupeur de racines » préposé « à la défense et à la réalisation de la bonne santé »[21]. À plusieurs occasions, Galien cite des recettes de médicaments qu'il reconnaît comme efficaces, mis au point par des rhizotomes ou des pharmacopoles. Ainsi une « pastille contre le mal de tête » dont l'inventeur était un certain Antônios o rhizotomos (Αντώνιος ό ριζοτόμος) « ayant une grande expérience dans l'emploi des médicaments » ou le « remède extraordinaire pour le foie » du rhizotome Pharnakès, poussé à cette découverte par sa propre souffrance. Seul comptait l'évaluation du médecin compétent pour juger d'un remède, peu importait qui l'avait mis au point.

L’œuvre de Galien témoigne de l'expansion extraordinaire du marché des simples au Ier et IIe siècle de notre ère[21].

Histoire du texte Peri hulês iatrikês

Le texte grec de Peri hulês iatrikês nous a été transmis directement par une dizaine de papyrus et une soixantaine de manuscrits sur parchemin. Il nous est aussi parvenu indirectement par de nombreuses traductions en latin, quatre traductions en arabe, trois traductions persanes et de nombreux extraits en syriaque[22]. L'arrivée du papier en Europe par Al-Andalous suivie par la création de l'imprimerie à caractères mobiles par Gutenberg (vers 1440) vont permettre une large diffusion de l'ouvrage de Dioscoride en grec, latin et dans les langues européennes modernes.

Histoire du texte grec

L'ouvrage de Dioscoride fut surtout connu dans l'Empire romain dans sa version en langue grecque. Le manuscrit circula très rapidement dans tout le bassin méditerranéen, d'Égypte à Constantinople, de Syrie à Rome[7]. Il revêtit des formes textuelles extrêmement différentes, variant suivant le nombre de notices (de 100 à 900 environ), de livres (de 1 à 9) ou de classement (alphabétique, thématique) et la présence ou non d'illustrations[22].

  • Les Dioscoride sur rouleaux de papyrus aux II-IVe siècles

La version originelle de Peri hulês iatrikês était écrite sur rouleau de papyrus. On connaît actuellement quatre rouleaux de papyrus contenant des fragments très limités de l’œuvre.
Au IIe siècle : papyrus Aberdeen 8, Köln VII 312, Michigan inv 3.
Au IVe siècle : papyrus Leiden X
Le papyrus Michigan inv 3, détenu à l'université du Michigan, Ann Arbor, constitué du fragment II, 76, a été composé dans la seconde moitié du IIe siècle.

  • Les Dioscoride grecs en cinq livres
Dioscoride grec de Byzance XVe siècle

Paradoxalement, les manuscrits préservés qui sont jugés par les philologues (comme Max Wellmann[19] et Marie Cronier[6]) comme les plus proches du texte originel, ne correspondent pas aux manuscrits les plus anciens. Seule l'analyse philologique des longues chaînes de copies (arbre de filiation ou stemma codicum) permet d'estimer celles dont la source est la plus ancienne (avec parfois pour uniques témoins préservés des copies assez récentes).

Les manuscrits du groupe dit syro-palestinien par Cronier, sont composés de cinq livres regroupant les simples suivant leur nature et leurs propriétés. Ils comportent 800 notices (appelées aussi chapitres) signalées par une numérotation continue.

Les deux manuscrits les plus représentatifs sont le Parisinus gr. 2179[23] (situé à Paris, Bibliothèque Nationale) et le Laurentianus 74, 23 (à Florence, Bibliothèque Laurentienne). Le Parisinus gr. 2179 a été réalisé en milieu gréco-arabe à la fin du VIIIe siècle, probablement dans le cadre d'un monastère chrétien nestorien de Jérusalem. Parvenu en Italie vers le XIIe siècle, il fut vendu à un ambassadeur de France à Venise au XVIe siècle. C'est un manuscrit de luxe, réalisé avec une extrême minutie, écrit en majuscule sur un codex de parchemin et comportant 415 illustrations de plantes.

L'autre manuscrit important de ce groupe est le Florentinus Laurentianus 74, 23 qui constitue le seul exemplaire complet des cinq livres originaux de Dioscoride. Daté du début de XIVe siècle, réalisé probablement à Constantinople, cette copie présente un état textuel fort ancien, provenant d'un ancêtre commun en majuscules avec le Parisinus gr. 2179. Il est à l'origine de la grande majorité des copies réalisées aux XIV-XVe siècles[6].

  • Les « Dioscoride alphabétiques » grecs : les Herbiers alphabétiques

En l'absence de sommaire ou d’index, la recherche d'une drogue dans Peri hulês iatrikês, pouvait s'avérer difficile pour le praticien médical. C'est pourquoi Oribase, un médecin grec du IVe siècle, originaire de Pergame comme Galien, proposa dans son ouvrage Collection médicale (Ἰατρικαὶ Συναγωγαί, Iatrikai Synagogai) un classement alphabétique des notices de Dioscoride[24]. Il fournit par ordre alphabétique, dans les livres XI et XII, les médicaments simples issus des plantes et dans le livre XIII les médicaments d'origine minérale. Galien qui s'appuyait sur les descriptions des drogues données par Dioscoride, les classa aussi par ordre alphabétique. Il jugea très positivement la description des simples fournie par Dioscoride mais blâma la partie purement médicale de chaque notice.

Le manuscrit en grec, Codex medicus Graecus, dit Dioscoride de Vienne (vers 512), comporte 383 illustrations botaniques, comme celle-ci de διψακος, Dipsacus, avec annotations en arabe

Par la suite, un certain nombre de notices sur les plantes furent extraites de Peri hulês iatrikês et publiées par ordre alphabétique, sous le nom d'Herbier alphabétique grec. Ce manuscrit a probablement été réalisé à la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle en Italie. À l'origine de tous les autres représentants de ces Herbiers alphabétiques sont les deux manuscrits nommés le Dioscoride de Vienne et le Dioscoride de Naples.

Le plus ancien manuscrit de ce type connu à ce jour, est Vindobonensis medicus graecus 1, dit le Dioscoride de Vienne, conservé actuellement à Bibliothèque nationale autrichienne à Vienne en Autriche[7]. Ce manuscrit fut offert à la princesse Anicia Juliana, de la branche constantinoplitaine des Anicii, fille de l'éphémère empereur d'Occident (472), Flavius Anicius Olybrius[n 9],[24]. Les habitants d'un faubourg de Constantinople passèrent commande du volume pour remercier la princesse d'avoir fait édifier en 512 une église dans leur quartier.

Connu aussi sous le nom de Codex Vindobonensis, ce manuscrit décrit 435 plantes médicinales, énumérées dans l'ordre alphabétique avec indication de leurs propriétés pharmacologiques, de leur utilisation et avec leurs illustrations en couleur. Au cours des siècles suivants, l'original de ce manuscrit a été abondamment utilisé comme ouvrage de référence et a souvent été recopié. On trouve sa trace au XIIIe siècle dans la bibliothèque xénon du Kral jouxtant le monastère Saint-Jean Prodrome (quartier de Pétra, à Constantinople) où en 1350, un moine du nom de Néophitos (Néophyte Prodroménos) l'a copié. Une de ces copies se trouve d'ailleurs à la Bibliothèque nationale de France (Parisinus gr. 2286). Elle comporte 24 plantes de moins que le Codex Vindobonensis

En 1453, lorsque Constantinople tombe entre les mains des Turcs, le manuscrit continue à être apprécié par les nouvelles autorités et est consulté par de nombreux médecins qui laissent des annotations en langues persane, turque et arabe.

Au XVIe siècle, le manuscrit arrive entre les mains de Hamon, le médecin juif de Soliman le Magnifique. L'ambassadeur de Ferdinand I, Augier Ghislain de Busbeck, déclare l'avoir trouvé chez Hamon, l'avoir acheté et offert à l'empereur Maximilien II du Saint-Empire. C'est cette copie qui est conservée actuellement à Vienne, et qui a reçu de multiples dénominations : Dioscoride de Vienne ou Codex Vindobonensis, Codex Constantinopolitanus, Codex Byzantinus, Codex Aniciae Julianae. Elle présente l'énorme intérêt pour l'identification des plantes, de fournir un grand nombre d'illustrations en couleurs et de donner des listes de synonymes pour la plupart des plantes. Il est d'ailleurs probable que les illustrations proviennent du Rhizotomikon de Cratevas. Le manuscrit a reçu en marge de nombreuses gloses, annotations et transcriptions en minuscules byzantines, latines, persanes et hébraïques qui nous éclairent sur les pérégrinations de l’œuvre avant son arrivée à la Bibliothèque Impériale de Vienne[24].

Bien que très ancien, ce volume qui a actuellement plus de 1 500 ans, nous livre un herbier assez remanié.

Histoire des traductions latines, syriaques, arabes et persanes

  • Premières traductions latines au IIIe siècle, puis au VIIIe siècle

À Rome, l'hellénisme qui brillait encore à l'aube du Ve siècle, ne survit pas à la prise de la ville par Alaric[25]. Après la chute de Rome en 476, l'Empire byzantin reconquit l'Afrique du Nord vandale puis l'Italie.

Le Peri hulês iatrikês de Dioscoride était connu à Rome au moins à l'époque de Galien. Mais à cette époque, la culture grecque disparaissait progressivement du monde occidental[25] et pour demeurer exploitables, les textes médicaux de l'Antiquité devaient être traduits en latin. C'est ce qui advint de l'ouvrage de référence de Dioscoride, traduit en latin sous le nom De materia medica.

La plus ancienne mention de Dioscoride dans la littérature latine, se trouve dans De herbis femininis, attribué à Gargilius Martialis, un auteur du milieu du IIIe siècle. Sur les 71 chapitres de l’œuvre, les 34 premiers ont pour source Dioscoride mais on ne sait s'ils ont été traduits par Martialis ou quelqu'un d'autre[6]. Pour localiser l'œuvre, on peut se rappeler seulement que Gargilius Martialis vécut dans la colonie romaine d'Auzia (Sour El-Ghozlane, Algérie) où il mourut en 260.

Les secondes traductions latines connues à l'époque ancienne se trouvent dans la famille des manuscrits dits de Dioscoride Longobardus dont les deux représentants les plus significatifs sont le Monacensis Clm. 337 (au Xe siècle) et le Parisinus lat. 9332 (fin du VIIIe siècle Fleury-sur-Loire, près d'Orléans). Les études philologiques suggèrent qu'ils pourraient descendre d'un modèle commun aujourd'hui disparu.

Le Codex Monacensis 337, de la Bayerische Staatsbibliothek à Munich (Allemagne) est écrit dans la graphie typique de Benevento (Italie), il peut donc être attribué à la région de Naples au Xe siècle. Il est formé de cinq livres, avec des notices numérotées de manière indépendante, et comporte d'abondantes illustrations. Le Parisinus lat. 9332, conservé à la BnF, comporte 869 notices (chapitres) et remonterait au VIIIe siècle.

On ne sait pas d'où provenait leur ancêtre commun, mais on sait qu'aux V-VIe siècle les deux centres principaux de traduction du grec en latin sont en Afrique du Nord et en Italie du Nord. Ces manuscrits furent largement diffusés de la fin du VIIIe siècle au début du Xe siècle.

Les exhortations de Cassiodorus (485-580), le fondateur du monastère de Vivarium en Calabre (Italie du Sud) à ses moines ont souvent été discutées[6]. À ses moines désireux de s'instruire en botanique et en médecine mais peu portés sur la langue grecque, il leur dit qu'ils peuvent pour cela s'aider d'un Herbier de Dioscoride où sont merveilleusement décrites et traitées les herbes des champs. Doit-on comprendre qu'il existait dès cette époque un Herbier de Diocoride en latin? Cassiodore ne le dit pas. Actuellement, les pécialistes avec Marie Cronier, pensent que ce passage pourrait faire référence au De herbis femininis ou bien à une compilation illustrée de Dioscoride en latin.

Cette chaîne de copies latines fut remaniée au XIIe siècle et donna des textes avec classification alphabétique, appelés Dyoscorides (avec un y), en relation avec l'école de médecine de Salerne. Ces textes furent enrichis d'addition venant de l'Alfabetum Galieni, un herbier médicinal du Haut Moyen Âge et d'Oribase, voire d'auteurs arabes[24]. La Bibliothèque nationale de France possède trois exemplaires de ces Dioscoride latins alphabétiques. Contrairement aux autres Dioscoride alphabétiques, ces manuscrits englobent toutes les substances décrites par Dioscoride, aussi bien les végétaux que les animaux, les huiles, les onguents et les vins.

Jusqu'au XIe siècle, en Europe, la médecine était enseignée dans les monastères et collégiales. Au siècle suivant, Hippocrate, Dioscoride et Galien commencent à être enseignés dans des centres spécialisés comme à Paris ou Montpellier. La médecine se sépare dès lors des autres disciplines pour faire l'objet d'études tout à fait distinctes.

Dioscoride apparaît comme un auteur de référence. Mais contrairement à beaucoup d'auteurs classiques, son œuvre n'a pas été redécouverte à la Renaissance, car il n'a jamais cessé de circuler en Europe. Toutefois, il fut connu le plus souvent au Moyen Âge latin sous forme de courtes compilations illustrées et rarement dans sa forme complète et originelle[6].

  • Dioscoride en syriaque

Les premières traductions dans une langue sémitique du Peri hulês iatrikês de Dioscoride furent faites en syriaque, une langue araméenne parlée à Édesse.

On ne connait pas de texte complet de Dioscoride traduit en syriaque. Une trace se trouve chez le lexicographe jacobite Bar-Hebraeus (1226-1286) qui aurait écrit en syriaque un résumé de la matière médicale de Dioscoride[6].

L'étude philologique de plusieurs traductions en arabe de Dioscoride ont permis de remonter la filiation des traductions grec→syriaque→arabe. Ainsi, le manuscrit arabe Parisinus ar. 4947 daté du XIIIe siècle (conservé à Paris) ainsi que sa copie Topkapi Ahmet III 2147 (Topkapı, Istanbul) sont des formes extrêmement abrégées de la matière médicale de Dioscoride[n 10] pouvant s'expliquer par la double traduction du grec en syriaque puis du syriaque en arabe. La préface du manuscrit de la bibliothèque Ahmed III ar. 2147 indique que la traduction a été effectuée du grec au syriaque par Gabriel b. Bocht-Ichô[26] au IXe siècle.

Une autre traduction en arabe, due à Mihrân b. Mansur, est partie aussi d'une traduction en syriaque. Elle est connue par le manuscrit de Mashhad (Iran) réalisé au XIIIe siècle et par sa copie Ahmet III 2147. Les phytonymes sont souvent en syriaque, indiquant par là que le traducteur ne connaissait pas leurs équivalents en arabe.

  • Dioscoride en arabe au IXe siècle

Le Peri hulês iatrikês de Dioscoride fut traduit du grec en arabe à Bagdad au milieu du IXe siècle, par Stéphane fils de Basile (Stephanos ibn Basilos, Istifân b. Basîl), un disciple de Hunayn[6]. Le prénom et l'ascendance de Stéphane en font probablement un chrétien nestorien dont la langue maternelle était le grec (et non l'arabe). Il donna une traduction assez pesante, reproduisant les tournures du texte source[n 11]. Stéphane eut aussi beaucoup de mal à trouver le nom des plantes en arabe et dut souvent recourir à une simple translittération[7] des termes grecs dans l'alphabet arabe. Les manuscrits arabes indiquent que la traduction de Stéphane fut révisée par Hunayn (Abi Zayd Hunain ibn Ishâq, 809-877) mais Cronier reste sceptique sur l'apport véritable de Hunayn. Celui-ci, d'origine nestorienne, était le médecin officiel du calife abbasside al-Mutawakkil de Bagdad.

Livre arabe des remèdes simples d’après la Materia Medica de Dioscoride. Le cumin et l'aneth. C. 1334, par Kathleen Cohen's au British Museum de Londres.

La traduction de Stéphane et Hunayn[n 12], connue sous le nom de Livre des plantes médicinales[27] (Kitâb al-Hashs' sish fi Mawâdd al-Ilâj), se répandit dans le monde arabo-musulman et devint le fondement de la pharmacopée musulmane.

L'Occident latin n'a jamais connu de traduction en latin du texte arabe de Dioscoride[6]. L'ouvrage de Dioscoride ne fait pas partie des traductions en latin des ouvrages arabes effectués au XIe siècle par Constantin l'Africain à Salerne. Par contre des commentaires et des remaniements arabes de Dioscoride furent traduits en latin à Tolède aux XII-XIIIe siècle.

Dioscoride arabe, Espagne XII-XIIIe siècle

À cette époque, les contacts entre le Proche Orient et l'Europe se faisaient par l'intermédiaire de l'Al-Andalus (l'Espagne musulmane). À Cordoue, l’œuvre de Dioscoride était connue à travers la traduction de Stéphane[28] mais d'après Ibn Gulgul, un historien de la médecine de l'époque, une version améliorée de la traduction aurait été effectuée sur place. Suivant Gulgul, sous le règne de Abd al-Rahman III, l'empereur Armanius de Constantinople envoya (vers 948-949) au calife Omeyyades de Cordoue, une ambassade chargée de cadeaux dont un Dioscoride grec richement illustré.

Le projet se forme alors d'établir une nouvelle version en comblant les lacunes lexicographiques des précédents traducteurs. Le besoin premier est alors de reconnaître les substances médicinales pour rapprocher la terminologie grecque de celle utilisée par les médecins arabo-musulmans. Comme en ces temps là, il n'y avait personne à Cordoue sachant le grec, le calife fit venir de Constantinople, le moine byzantin Nicolas qui maitrisait aussi bien le grec que l'arabe. Arrivé à Cordoue en 951-952, Nicolas, entouré d'érudits andalous, dont Abou Abdallah es-Siqili, travailla à améliorer la traduction des phytonymes.

Toutefois, étrangement, cette amélioration du texte par Nicolas n'a laissé aucune trace documentaire.

Une autre traduction de la version syriaque de Dioscoride en arabe fut faite par Mihrân ibn Mansur, au XIIe siècle. Laquelle fut ensuite traduite en persan par Ali ibn Sherif al-Huseyni, comme en témoigne un manuscrit de la bibliothèque du Palais de Topkapı[26]. Cette version persane est l'aboutissement de trois traductions successives : grec→syriaque→arabe→persan.

Une autre traduction persane est attestée à partir de la traduction de Stéphane et Hunayn (Leidensis or. 289 conservé à Leyde). Elle aurait été effectuée en 510 de l'hégire (1116-1117).

Renaissance, imprimerie et traductions dans les langues modernes

  • Premières impressions des Dioscoride latin et grec, en Italie en 1478 et 1499

Pendant tout le Moyen Âge, l'Europe occidentale a eu accès au texte de la grande encyclopédie pharmaceutique de Dioscoride Peri hulês iatrikês, à travers les copies manuscrites de sa traduction latine[29] De materia medica (à l'exception de l'Italie du Sud hellénophone et de l'Espagne musulmane arabophone).

À la fin du XVe siècle, arrivent cependant en Italie quelques manuscrits byzantins conservant la langue grecque originelle. Ils reçurent un accueil enthousiaste de la part des humanistes de la Renaissance qui cherchaient à retrouver les textes originels. L'imprimeur Alde l'Ancien de Venise, se fait aider d'érudits grecs venus de l'Empire byzantin, pour éditer et imprimer le texte grec de Dioscoride[22]. L'édition Aldine de Dioscoride de 1499 (en grec) puis celle de 1518, seront reprises par presque toutes les éditions et traductions du XVIe siècle[n 13]. L'Aldine de 1499 se présente en cinq livres auxquels sont rajoutés les deux traités apocryphes l'Alexipharmaques et Thériaques, mis dans les livres VI et VII-IX. Cette édition servira à l'édition d'un Dioscoride bilingue grec-latin, parue chez Johann Bebel à Bâle et à chez J. Soter à Cologne, en août 1529, et à la traduction en latin de Marcellus Vergilius[30] en 1532 . Une édition bilingue sort à Paris en 1549 par P. Haultin et A. Birkmann. Toutes ces éditions reposent sur l'édition Aldine dont la suprématie ne cessera qu'avec l'édition de Wellmann.

Page de titre de la traduction latine de De materia medica par Jean Ruel.

Toutefois la première édition imprimée de l'œuvre de Dioscoride est celle de la traduction latine de Johanemm Allemanun de Mdemblik en 1478, à Colle en Toscane en Italie. En 1516, est publiée la traduction en latin avec annotations, de l'humaniste Hermolao Barbaro, 23 ans après sa mort[31]. L'ouvrage corrigé, réédité en 1530, deviendra littérature de référence. L'effort de traduction est poursuivie par le doyen de la Faculté de Médecine de Paris (du temps de François Ier), le botaniste Jean Ruel (1479-1537). Sa nouvelle traduction en latin de Dioscoride[32], est publiée en 1516 par Henri Estienne (l'ancien). Les qualités du travail, liées à ses compétences en philologie, botanique et médecine, sont à la clé du succès de l'ouvrage qui connut 20 rééditions au XVIe siècle. Jean Ruel fut aussi professeur de deux auteurs et traducteurs importants du De Materia Medica : Michel de Villeneuve et Andrés Laguna.

  • Les Dioscoride en langues modernes à partir du XVIe siècle

À la Renaissance, les humanistes trouvèrent le texte de Dioscoride défiguré par des siècles de copies et traductions peu fidèles. Ils cherchèrent le texte primitif pour le traduire dans les langues vernaculaires d'Europe afin qu'il soit disponible au plus grand nombre.

De medicinali materia libri sex, Joanne Ruellio Suessionensi interprete

Les premières traductions de Peri hulês iatrikês dans les langues modernes ont commencé au XVIe siècle :
- en italien en 1542 par S. Fausto da Longiano, puis en 1546 par Montagiano
- en français en 1553 de Martin Mathée chez B. Arnoullet à Lyon[33], puis en 1669 par Ruelle le jeune
- en espagnol en 1555 par Andrés Laguna
- en anglais en 1655 par John Goodyer

Le Siennois Pierandrea Mattioli (1501-1577) publia en 1544 à Venise, une traduction commentée en italien de Materia medica. Cette contribution significative au travail de Dioscoride fut traduite en français par Jean Ruel[34],[35] en 1554 et en allemand par Camerius, en 1626. À la suite de Mattioli, d'autres botanistes ont apporté leur contribution personnelle en publiant des commentaires, comme de Walther Ryff (1543) et de Valerius Cordus (1561).

Les efforts de Mattioli pour identifier les plantes décrites de Materia medica, se sont poursuivis au XVIIe siècle avec Tournefort qui fit un long voyage au Levant en 1700-1702, jusqu'aux frontières de la Perse, pour herboriser sur les pas de Dioscoride. L'esprit d'ouverture et de curiosité sur le monde, propre aux philosophes des Lumières, préférant observer la nature que de s'en remettre aveuglément aux Anciens commençait à souffler. « Il ne se proposait pas de moindres avantages pour la botanique, ayant dessein de vérifier sur les lieux, si ce que Théophraste, Dioscoride, Matthiole & les autres anciens Auteurs avaient écrit des Plantes, étaient conforme à la vérité » (Fontenelle[36], Abrégé historique p. 446). À la fin du XVIIIe siècle, le botaniste anglais John Sibthorp, poursuit cette quête des plantes décrites par Dioscoride, et au retour de deux voyages en Grèce et en Asie Mineure, rédige une Flora Graeca, l'une des plus belles flores au monde, qui sera publée en dix volumes entre 1806 et 1840. Après une longue période de stagnation, de régression et un lent réveil[2] (à l'école de Salerne, puis au XIIIe siècle en al-Andalus), la botanique savante dont les grandes lignes avaient été esquissées il y a deux millénaires par Théophraste et Dioscoride, avançait à nouveau à grands pas.

Pour en revenir aux traducteurs, le médecin espagnol Andrés Laguna est aussi une figure tout à fait représentative de l'humanisme européen. Né à Ségovie, d'un médecin juif converti, il va étudier à l'université de Paris la médecine, les arts et les langues classiques. Il vécut aux Pays-Bas, exercea la médecine à Metz, puis il se rend en Italie, où il est nommé docteur de l'université de Bologne. Il gagne ensuite Anvers où il publie[37] en 1555, la version castillane de Dioscoride enrichie de commentaires substantiels, sous le nom de Pedacio Dioscôrides Anazarbeo, Acerca de la materia medicinal y de los venenos mortferos... Cette traduction connut un immense succès en Espagne où les rééditions se succédèrent du XVIe au XXe siècles. Ce fut la principale source d'information botanique, pharmacologique et commerciale pour les pharmaciens jusqu'au début du XXe siècle.

Au terme de 1 500 ans d'histoire, le texte de l'Aldine de Dioscoride, se retrouve à l'aube de la Renaissance, comme il était à l'origine, débarrassé des scories des copistes, mais sans avoir accompagné un progrès notable dans l'identification et l'usage thérapeutique des plantes. Durant cette longue période, il fut utilisé[6]
- soit comme un manuscrit d'apparat richement illustré, présent à la cour de Naples, de Byzance ou de Cordoue et objet de somptueux cadeaux princiers
- soit en usage médical auprès des princes ou en milieu monacal, les médecins laissant en marge des annotations en diverses langues.

Les progrès significatifs dans l'analyse botanique ou médicinale des simples sont faits au XVIe siècle quand les commentateurs médicaux (comme Mattioli) ou botaniques (comme Tournefort et Sibthorp) commencent à contribuer positivement à l'avancement des connaissances. Au cours des siècles, le souci des copistes semblait être de préserver un patrimoine culturel, comme ils le faisaient des classiques de la littérature. Les commentaires n'étaient que des exégèses savantes d'une œuvre canonique indépassable.

Des plantes médicinales aux médicaments chimiques

À partir du XVIe siècle, les efforts des scientifiques pour comprendre la physiologie humaine, les processus de la maladie et le modes d'action des remèdes allaient peu à peu faire disparaître l'usage traditionnel des plantes médicinales. Bien que l'apport de Dioscoride fut important à la construction des savoirs pharmacologiques, il fallut pour des raisons épistémologiques rejeter les auteurs de l'Antiquité pour établir de nouvelles approches plus rigoureuses et plus objectives.

XVIe siècle : Paracelse recommande les remèdes chimiques

Le renouvellement de la médecine et de la pharmacologie dut d'abord passer par les provocations de Paracelse (1493-1541), un truculent médecin adepte de l'alchimie, qui proclame que les médecins « se sont attachés, avec un pédantisme extrême, aux sentences d’Hippocrate, de Galien et d’Avicenne (...). L’expérience [savante] est notre maître d’école suprême - et de mon propre travail. Ce sont donc l’expérience et la raison, et non les autorités [Hippocrate, Galien, Avicenne] qui me guideront lorsque je prouverai quelque chose. » (Liber paragraphorum[38]).

Bien que la théorie alchimique de la vie de Paracelse soit complètement fausse[39], Paracelse est pourtant à l'origine du renouvellement de la médecine, en promouvant l'esprit critique et l'expérience plutôt que le respect aveugle des anciens. Il fallait rejeter Aristote et Galien, pour que la médecine moderne advienne, tout comme Galilée dut réfuter Aristote pour fonder la mécanique moderne[n 14], en basant son argumentation sur des expériences de billes roulant sur un plan incliné plutôt que sur l'autorité des maîtres de l'Antiquité.

La clef de la nouvelle philosophie naturelle des paracelsiens était la chimie[40] - à cette époque chimie et alchimie sont synonymes[41] et se pratiquent au grand jour. Chaque organe du corps possède sa propre force directrice agissant comme un alchimiste, séparant le pur de l'impur. Par la digestion, l'alchimiste interne retient les parties utiles des aliments et rejette les parties inutiles. L'origine des maladies peut s'expliquer par un dysfonctionnement de l'arché d'un organe (son principe directeur). Les maladies sont donc aussi d'origine chimique et peuvent être traitées avec des produits chimiques. Les paracelsiens remettent en cause l'usage traditionnel des simples (la materia medica) auxquels ils préfèrent les composés minéraux.

Paracelse unifia l'alchimie métallurgique et les traitements médicaux utilisant des médicaments chimiques. La biochimie moderne repose sur une idée semblable, à savoir que les principes chimiques qui gouvernent le fonctionnement du corps sont identiques à ceux qui opèrent dans le reste de la nature. Paracelse affirmait aussi que le médecin devait comprendre la chimie du corps pour pouvoir ensuite utiliser ce savoir pour trouver les remèdes chimiques capables de résoudre le problème de santé.

La médecine paracelsienne opère la rupture épistémologique avec la théorie traditionnelle galénique des maladies qui domina la littérature médicale durant tout le Moyen Âge. Rappelons que suivant le paradigme galénique, la santé est due au maintien de la juste proportion des quatre humeurs : du sang, du phlegme, de la bile jaune et de la bile noire. En conséquence de quoi, la maladie résulte des l'excès ou du déplacement de l'une ou l'autre de ces humeurs[40].

Les controverses entre galénistes, chimistes et partisans d'un compromis se perpétueront tout au long des XVI-XVIIe siècles.

XVIIe siècle : La querelle de l'antimoine

La vision profondément renouvelée de la médecine apportée par Paracelse suscita une avalanche de publications sur la valeur des préparations chimiques[40]. On illustrera cette phase de lutte des Anciens et des Modernes par l'exemple de la querelle ardente et picaresque qui opposa les partisans et adversaires de l'antimoine. La traduction française des commentaires de l’œuvre de Dioscoride par Mattioli indique que l'antimoine est utile dans le traitement de certaines maladies. Si quelques auteurs anciens le mentionnent bien, Paracelse fut néanmoins le premier à prescrire son usage interne comme purgatif. L'activité du « vin émétique » à base d'antimoine était double puisqu'il « excitait les vomissements et purgeait par le bas». Son action pouvait être interprétée, sans difficulté, dans la cadre de la théorie des humeurs[42] (comme remède purgeant par les deux voies) mais il était avant tout considéré comme un médicament chimique (ou iatrochimique) et suspect à ce titre aux yeux des galénistes. La lutte fit rage pendant un siècle, avec souvent beaucoup de mauvaise foi de part et d'autre car elle opposait la Faculté de Paris, adversaire des nouveaux traitements et les docteurs de Montpellier qui monopolisaient les places d'honneur à la Cour. Après de nombreux épisodes hauts en couleur, l'antimoine sortit finalement vainqueur grâce au roi qui avait été guéri en absorbant un vin antimonial.

Ces controverses, somme toute assez stériles, auraient pu se poursuivre fort longtemps si les progrès de la science n'avaient permis au fil du temps, de poser des questions de plus en plus pertinentes qui pouvaient être évaluées de mieux en mieux par l'expérimentation.

Le décret royal instituant le Jardin des Plantes ordonna la nomination d'un professeur de chimie capable d'enseigner la préparation de médicaments chimiques[40]. Le Jardin ouvrit en 1640 mais ce fut huit ans plus tard que le médecin formé à Montpellier, William Davisson, y assuma la charge de professeur de chimie. En 1675, Nicolas Lémery, un apothicaire du grand prévôt, publia son Cours de chimie qui devait se révéler l'un des plus grands succès de librairie de la littérature scientifique du XVIIe siècle. « Il se vendit comme un ouvrage de galanterie ou de satire » dit Fontenelle[43] dans son Éloge. L'ouvrage connut douze éditions en français, du vivant de l'auteur, puis six éditions posthumes jusqu'en 1757. Il servit de référence pour l'enseignement de la chimie dans tous les pays d'Europe pendant trois quart de siècle[42].

XVII-XVIII-XIXe siècle : De l'écorce de quinquina à la quinine

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les deux fléaux majeurs qui ravagent l'Europe sont les fièvres palustres (le paludisme) et la variole[44]. Face à ces calamités, la médecine reste impuissante. L'Italie est la plus touchée par le paludisme ; il y aurait eu 40 000 morts dans la seule région de Naples en 1602. Rome est atteinte en 1623. Chaque été des centaines de personnes meurent de mal'aria, le « mauvais air ». Plusieurs papes en sont victimes.

Ce furent les jésuites qui grâce à leur implantation mondiale trouvèrent dans le Nouveau Monde la plante guérisseuse[45]. Un des membres de la Compagnie de Jésus de Lima, Bernabé Cobo, rapporte en 1639 « Dans le district de la ville de Loja [aujourd'hui situé en Équateur], du diocèse de Quito, pousse une certaine espèce de grands arbres qui ont une écorce semblable à la cannelle, un peu rugueuse et très amère ; laquelle réduite en poudre, est administrée à ceux qui ont la fièvre, et avec ce remède seul le mal disparait ». Il s'agissait du quinquina. On sait qu'à partir des années 1631, lorsque les pères jésuites se rendaient à Rome, ils emportaient de « l'écorce du Pérou » avec eux. Les médecins du Vatican eurent alors la possibilité de vérifier que l'« écorce des Jésuites » ou « herbe des Jésuites » était efficace contre les fièvres intermittentes qui décimaient chaque été les Romains, papes et cardinaux y compris.

Les mérites de l'écorce du Pérou ne s'imposèrent pas immédiatement en Europe, encore fallait-il trouver le bon emploi, l'emporter sur les tenants de l'orthodoxie galénique de la faculté et surtout vaincre les résistances des protestants face à une drogue papiste. Un ancien apprenti apothicaire anglais, Robert Talbor (1642-1681), sut trouver la ruse pour faire accepter la poudre des jésuites à ses concitoyens très remontés contre le Pape[45]. Par tâtonnements, il réussit à doser l'écorce du Pérou pour soigner la fièvre sans provoquer d'effets secondaires calamiteux. Puis il l'assembla avec d'autres ingrédients et proposa un mystérieux remède dont la composition était tenue secrète. Il prit soin de dénigrer la poudre des papistes et réussit à guérir le roi Charles II. Devenu très célèbre, il fut même anobli. Talbor fut par la suite invité en France pour soigner le Grand Dauphin, souffrant de fièvres et réussit grâce à sa poudre angloise à guérir le fils de Louis XIV. À sa mort, on apprit que l'ingrédient principal de sa potion miraculeuse n'était autre que l'écorce de quinquina.

La faculté de médecine de Paris, avec à sa tête le pugnace Guy Patin, mena le combat contre la poudre, au nom de l'orthodoxie hippocratico-galénique. Suivant le principe de Galien, contraria contrariis curantur, un remède est efficace dans la mesure où il contrarie l'humeur responsable de la maladie. Aussi, l'écorce du Pérou, tenue pour une drogue chaude et sèche ne pouvait lutter contre les fièvres causées par un excès de bile, humeur chaude et sèche. Cet argument simple et logique fit se dresser la faculté contre ce qui allait pourtant être la « plus grande découverte thérapeutique du siècle » (Lafont[46], 2011).

Les histoires hautes en couleur de la guerre de l'antimoine et de la poudre des Jésuites, montrent à quel point l'évaluation de l'efficacité d'un remède était en ces XVII-XVIIIe siècles encore très loin d'une procédure scientifique objective.

Pourtant au début du XIXe siècle s'esquisse un moyen de sortir de l'impasse. En 1820, les pharmaciens-chimistes français Joseph Pelletier et Joseph Caventou purent extraire les principes actifs de l'écorce de quinquina (quinquina rouge[47], ou jaune[48]). Ils découvrirent que la base fébrifuge était constituée de deux alcaloïdes qu'ils appelèrent quinine et cinchonine. Les études qui suivirent permirent de trouver à quelles doses les principes actifs étaient efficaces.

La production de quinine marque ainsi le début du remplacement des plantes médicinales au contenu variable, incertain et parfois frelaté, par des médicaments faciles à prendre et ne contenant que la molécule active, à une dose précise.

XXe siècle : De la matière médicale au principe actif

À la fin du XVIIIe siècle, un événement considérable fut la mise en place d'une nomenclature chimique, qui éliminait le recours pour les remèdes aux définitions en rapport avec la religion, les croyances ou l’aspect des produits[42]. Publié en 1787, l'ouvrage Méthode de nomenclature chimique[49], était proposé par MM. de Morveau, Lavoisier, Berthollet et de Fourcroy. Ce travail donnait pour la première fois la prépondérance des chimistes dans la préparation des remèdes sur les médecins et apothicaires qui en avaient été les tenants jusqu'au XVIIIe siècle[42].

La rupture des plantes médicinales avec les médicaments chimiques était consommée.

Le développement de la chimie permet de passer de la matière médicale au principe actif, du quinquina à la quinine, de la digitale à la digitaline, de l'opium à la morphine ou de l'écorce de saule à l'acide salicylique[50]. L'extraction du principe actif ouvre la voie à la notion de dosage thérapeutique, aujourd'hui essentiel en pharmacologie. Tant qu'on ne disposait pas de principe actif isolé et purifié, il était impossible de savoir combien de produit actif on administrait au malade, avec les risques importants liés au surdosage.

L'héritière de l'étude de la matière médicale est la pharmacognosie et plus généralement la pharmacologie moderne, sciences qui se sont construites peu à peu en établissant les grands principes suivants[51] :
- le principe actif : le suisse J. Jacob Wepfer (1620-1695) suivi par Félix Fontana (1720-1805) effectuèrent des milliers d'expériences pour évaluer la toxicité des drogues et des poisons sur les animaux. Fontana suggère que dans une plante médicinale se trouve un principe actif qui agit sur une partie de l'organisme où il y produit des effets caractéristiques[52]. Ce travail pionnier fut poursuivi par ceux de François Magendie (1783-1855) et de Claude Bernard (1813-1878) qui établirent que le site d'action d'un médicament peut être localisé sur une structure spécifique du corps.
- la relation entre la dose et l'effet : Peter John Andrew Daries dans des études bien contrôlées publiées en 1776, anticipa très longtemps à l'avance le principe fondamental de la pharmacologie suivant lequel il existe une relation entre la quantité de drogue administrée et l'amplitude de la réaction provoquée.
- la relation structure - activité des médicaments : James Blake (1815-1841) modifia systématiquement une série de sels inorganiques et observa que leurs effets pharmacologiques différaient. Un changement de structure chimique d'un médicament peut transformer son action.

La production de médicaments sort progressivement de l'officine du pharmacien et devient une affaire organisée, méthodique, au sein d'entreprises à caractère industriel et commercial.

Les grandes traditions pharmacologiques

Plusieurs des grandes traditions médicales apparues dans l'Antiquité ont produit concurremment, aux alentours du premier siècle, des ouvrages fondateurs de leurs pharmacognosies respectives. Si on met en perspective les traditions médicales européennes et asiatiques, on s'aperçoit qu'elles partagent de nombreux traits communs, propres aux médecines savantes préscientifiques, mais qu'elles connurent un sort opposé au moment de l'avènement de la science moderne.

En Europe

En Europe, De Materia Medica n'est pas le premier ouvrage à avoir été écrit sur les simples et il ne sera pas le dernier mais c'est le seul ouvrage de matière médicale, à avoir été cité et commenté jusqu'à l'époque de la Renaissance, sur un large territoire couvrant l'Europe et le pourtour méditerranéen.

À partir du XVIe siècle, une querelle acharnée opposa Anciens et Modernes, entre d'une part les tenants de l'approche médicale vieille de deux millénaires, basée sur les enseignements d'Aristote, d'Hippocrate et de Galien (et corrélativement de Dioscoride), et d'autre part, les Modernes partisans d'une approche chimique, basée sur l'idée que les principes chimiques qui gouvernent le fonctionnement du corps sont identiques à ceux qui opèrent dans le reste de la nature. La victoire sans partage des seconds fit que les concepts de l'ancienne médecine européenne furent rejetés comme autant d'obstacles épistémologiques incompatible avec l'émergence d'une nouvelle science.

En Chine

  • Une longue histoire de la matière médicale chinoise

En Chine, le plus ancien ouvrage traitant des drogues végétales, animales et minérales, est le Shennong bencao jing 神农本草经, le Classique de la matière médicale du Laboureur Céleste, une compilation écrite aux alentours du début de notre ère[53]. Ses rédacteurs appartenaient très certainement au milieu des alchimistes et des guérisseurs que l'on a l'habitude de rapprocher des pratiques et représentations taoïsantes (F. Obringer[54], 1997; p. 146). Le corps doctrinaire de cette matière médicale des apothicaires sera pendant plus d'un millénaire bien distinct de celui des médecins, codifié par le Huangdi Neijing, le Classique interne de l'empereur Jaune, qui donne une représentation naturaliste du fonctionnement de l'organisme (Unschuld[55], 2010). Ce n'est qu'au XII-XIIIe siècle (sous les Song) que la matière médicale fut intégrée avec succès à l'art de soigner médical. À partir du XIVe siècle, la médecine semble perdre son orientation générale et se divise en multiples écoles et modes[56]. En 1754, le médecin Xu Dachun (1693-1771) annonça que l'acupuncture était une tradition perdue. Ce que confirma le gouvernement en 1822, qui déclara cet art à éviter étant donné qu'il n'était plus pratiqué avec assez de compétence.

  • Le choc avec la médecine occidentale

Pendant deux millénaires, jusqu'à l'irruption des sciences et techniques européennes aux XIXe et XXe siècles, l'analyse médicale repose sur des systèmes de correspondance entre l'individu et l'univers. Contrairement à la médecine en Europe, qui a évolué en effectuant des révolutions conceptuelles profondes, « les changements qui se sont produits [dans la tradition médicale chinoise] l'ont toujours été à l'intérieur du même dispositif...C'est la rencontre avec l'Ouest qui, pour la première fois déclenche une vraie remise en cause » (Unschuld[57], 2001, p. 92).

En 1915, Chen Duxiu le futur cofondateur du Parti communiste chinois, fonde la revue Nouvelle Jeunesse (Xin Qingnian) dans laquelle il appelle la jeunesse chinoise à rejeter la tradition confucéenne. Cet occidentaliste convaincu reproche aux médecins chinois l'état déplorable de leur connaissance. Les intellectuels progressistes du Mouvement du 4 Mai 1919, à quelques exceptions près, qualifient l'ancienne médecine de réactionnaire, superstitieuse et irrationnelle. Un médecin formé au Japon, Yu Yan 余岩, de l'administration médicale républicaine proposa en 1929 d'abolir la médecine chinoise. Une controverse enflammée s'ensuivit[58],[59].

  • Tentatives d'intégration

Finalement, c'est Mao Zedong qui sauvera la médecine chinoise. Il l'a fait pour des raisons culturelles, économiques et politiques. Mao considéra très pragmatiquement, qu'il serait vain de chercher à mettre fin rapidement à une médecine très enracinée dans le peuple[56]. En second lieu, les médicaments chimiques modernes sont chers et donc inaccessibles à l'immense majorité du peuple. D'ailleurs, le très petits nombre de médecins formés à la médecine occidentale n'exercent que dans les grandes métropoles. Enfin, exalter la longue tradition médicale chinoise est bon pour l'amour propre national alors que la médecine moderne est liée à l'impérialisme occidental tellement honni.

Dès les années 1950, une commission fut chargée de déterminer quels étaient les « trésors » de la pratique médicale traditionnelle, c'est-à-dire quelles recettes et pratiques pouvaient être rationnellement conservées. La commission intégra des pratiques influencées par la science médicale moderne avec des aspects choisis de la médecine traditionnelle. Cette création [56] fut appelée « médecine traditionnelle chinoise » (MTC). Elle permettait de se débarrasser de tout le fatras de conceptions magiques, religieuses, cosmologiques et thérapeutiques, convoyé par la véritable médecine traditionnelle. Mao ne prône pas le retour à la tradition, mais un « détour » par l'ancien pour le joindre au « moderne » (Hsu[58], 2007).

La MTC fut conçue comme une pratique médicale rationalisée et d'inspiration traditionnelle[56]. On chercha à greffer sur le meilleur de la tradition médicale chinoise des éléments de médecine moderne. L'institutionnalisation de son enseignement se fit par l'ouverture d'académies de 1956 à 1964, et la publication de son manuel de référence Zhongyixue gailun en 1958. La standardisation de la MTC[58] consista dans un premier temps à enseigner aux médecins chinois les bases de l'hygiène et de la médecine occidentale (1950-1953), puis d'obliger les praticiens de la médecine occidentale à apprendre la médecine chinoise (1954-1958).

Actuellement, selon Hor Ting[60] (2006), la pratique médicale relève à 70 % de la médecine occidentale, à 25 % de la MTC et 5 % pour les autres (principalement la médecine traditionnelle Tibétaine). La politique d'unification des deux approches se poursuit. Au niveau de la formation, même dans les universités de médecine traditionnelle (zhongyi xueyuan), plus de la moitié des cours sont des cours de médecine moderne (anatomie, physiologie, biochimie, immunologie, diagnostic par imagerie médicale etc.).

En Chine, l'enseignement de la médecine chinoise passe par une étude approfondie des textes fondateurs de cette discipline. Selon le professeur Éric Marié[61] « la médecine chinoise est principalement définie par ses textes fondateurs, auxquels tous les praticiens et chercheurs se réfèrent encore aujourd'hui, et par un très grand nombre d'ouvrages classiques rédigés au cours de deux millénaires qui confèrent à cette discipline une structure théorique très élaborée de « médecine savante ». La « tradition inventée », suivant le terme de Hsu, de la MTC est une tentative de rationaliser l'ancienne médecine chinoise, en lui greffant des éléments de médecine moderne, et en légitimant son appellation de médecine "chinoise" en posant comme principe qu'elle s'inscrit dans la continuité avec le passé. Car conformément à la tradition confucéenne, les penseurs chinois cherchent toujours à s'inscrire dans des lignées les plus longues possibles, fussent-elles mythiques (comme celle de l'empereur Shennong).

Toutefois, le débat sur le caractère scientifique de la MTC a rebondi ces dernières années, avec l'appel en 2006 du professeur de l'université de Zhongnan en Chine, Zhang Gongyao 张功耀, à signer en ligne une pétition demandant l'arrêt progressif du financement public de la MTC[62]. Les signataires considèrent en effet que cette discipline est sans fondement scientifique. L'appel a été relayé par le physicien diplômé de l'université du Michigan, Fang Zhouzi 方舟子, qui a publié en 2007 un ouvrage analysant la MTC comme une pseudo-science[63]. D'éminents philosophes, comme Fang Keli, ont répondu aux critiques en considérant la MTC comme un patrimoine culturel de la Chine à préserver. Et c'est finalement le gouvernement qui a clôt le débat en fermant le site de la pétition et en réaffirmant son soutien à la MTC.

L'Inde

En Inde, le plus ancien traité de médecine relevant du canon védique est le Caraka samhita चरक संहिता attribué à Caraka, médecin à la cour de l'empereur Kanishka, au IIe siècle. C'est le texte fondateur de l'Ayurveda[64] आयुर्वेद qui serait un remaniement de textes beaucoup plus anciens. Reposant sur des idées de la philosophie Samkhya, le corps humain est composé des mêmes éléments que l'univers : la terre, l'eau, le feu, l'aire et l'espace, les cinq éléments grossiers (bhuta). Le Caraka samhita en s'appuyant sur les relations fondamentales unissant les êtres vivants et l'univers, cherche des causes naturelles plutôt que surnaturelles aux maladies et présente des éléments de pathologie, d'anatomie et de thérapeutique. Dans la septième section (Kalpa), il donne la préparation et l'usage des drogues d'origine végétale, animale, minérale et métallique.

Durant leur longue domination coloniale (du XVIIIe siècle à 1947), les Britanniques vont développer l'action sanitaire et la diffusion de la médecine moderne en Inde, en luttant contre les épidémies (choléra, peste, variole) et en créant les premiers hôpitaux et les premiers établissements d'enseignement médical[64]. En 1822, est fondée à Calcutta, une Native Medical Institution offrant un enseignement en langue vernaculaire de l'Ayurveda et de l' Unani tibb de concert avec la médecine européenne. Des traités l'anatomie, médecine et chirurgie européenne sont traduits. Mais après 1835, les Britanniques cessent de financer l'ayurvéda et adoptent une nouvelle politique de formation des jeunes indiens à la médecine moderne, quelles que soient leur caste et leur religion. La renaissance de l'ayurveda, sera favorisée au XIXe puis XXe siècles par un certain nombre d'initiatives privées qui aboutirent à la création d'institutions et d'associations, comme la All India Ayurveda en 1907. En 1924-1925, le gouvernement de Madras fonde la Government School of Indian Medicine.

En 1970, l' Indian Medical Central Council Act a visé à standardiser la qualification des pratiquants de l'ayurveda et a accrédité des établissements d'enseignement. Il y aurait en Inde en 2002, plus de 12 000 établissements d'enseignement et d'hôpitaux ayurvédiques et environ 80 % de la population qui utiliserait l'ayurveda et d'autres médecines traditionnelles[65]. La médecine moderne onéreuse, reste encore peu accessible.

Il n'a pas encore été possible de définir des normes d'évaluation et de normalisation des drogues ayurvédiques[66]. L'approche moderne d'isolement des principes actifs des plantes est en contradiction directe avec le concept traditionnel d'utilisation de drogues brutes combinées. La pratique médicale ayurvédique oscille entre ces deux extrêmes que sont l'ayurvéda pur et l'utilisation, sans formation, de médicaments modernes.

Bibliographie

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  • Stavros Lazaris, "L’image paradigmatique: des Schémas anatomiques d’Aristote au De materia medica de Dioscoride", Pallas, 93 (2013), p. 131-164

Traductions modernes

  • John Scarborough, « Introduction », dans Pedanius Dioscorides of Anazarbus, translated by Lily Y. Beck, De materia medica, Olms - Weidmann, (ISBN 978-3-487-14719-2)
  • R.T. Gunther, ed. The Greek Herbal of Dioscorides (Oxford University Press, 1933).
  • Duane Isely, One hundred and one botanists (Iowa State University Press, 1994), p. 10-13.
  • Bonne traduction espagnole en 1998 (due à Manuela Garcia Valdes).
  • Dioscorides. De materia medica. Five books in one volume, trad. T.A. Osbaldeston, introd. R.P. Wood, Johannesbourg (Afrique du Sud), Ibidis Press, 2000.
  • Pedanius Dioscorides of Anarzarbus, De materia medica, trad. Lily Y. Beck (Altertumswissenschaftlichen Texte und Studien, 38), Hildesheim, Olms, 2005. -- Traduction de référence.
  • Les Six Livres de Pedacion Dioscoride d'Anazarbe de La Matiere Medicinale: Translatez de Latin en Francois, Lyon, 1553

Études sur Dioscoride

  • Marie Cronier, Recherches sur l’histoire du texte du De materia medica de Dioscoride, Thèse, 2007.
  • Alain Touwaide, « La botanique entre science et culture au Ier siècle de notre ère », G. Wöhrle (éd.), Geschichte der Mathematik und der Naturwissenschaften in der Antike, t. 1 : Biologie, Stuttgart : Steiner, 1999, p. 219-252.

Articles connexes

Liens externes en français

  • Dioscoride textes numérisés par la BIUM (Bibliothèque interuniversitaire de médecine et d'odontologie, Paris) collection Medic@.
  • Texte grec et latin, édition de Leipzig 1829, sur le site de la BIUM (Bibliothèque interuniversitaire de médecine, Paris).
  • Texte grec complet (édition Wellmann) avec traductions, index et identification des plantes sur Pl@ntUse.
  • Commentaire de Pierre-André Matthiole (Pierandrea Mattioli)

Liens externes en anglais

Notes

  1. notamment en Europe, où « les médecins continuent d'utiliser, sans aucun sens critique, les anciennes versions erronées des herbiers classiques...On ne recourt à l'observation méthodique des plantes dans aucun ouvrage de l'époque » (Magnin-Gonze, Histoire de la botanique, 2004, p. 31-32)
  2. Pour la médecine chinoise : théorie du souffle vital qi 気, yin et yang 阴阳, les cinq phases wuxing 五行, théorie des zangfu 脏腑 organes et entrailles etc. Pour la médecine ayurvédique : les cinq éléments bhuta भूत, les trois guna, le souffle vital prana etc.
  3. Caton, dans son Traité d'agriculture prône les vertus préventives et curatives du chou, « le roi des légumes »
  4. entre la naissance de Théophraste en -371 et celle de Dioscoride vers +30, s'est écoulé environ 400 ans
  5. depuis la Renaissance, l'usage en philologie veut de désigner Peri hulês iatrikês Περὶ ὕλης ἰατρικῆς « Traité de matière médicale » l'œuvre de Dioscoride, écrite en grec, par ce nom latin, que l'on se réfère à la version grecque originelle ou à une traduction dans n'importe quelle autre langue. Pour éviter trop de contorsions verbales, les auteurs contemporains disent « Dioscoride » pour désigner par éponymie le « Peri hulês iatrikês de Dioscoride ».
  6. c'est-à-dire les substances végétales, animales et minérales, non mélangées à d'autres substances, utilisées comme remèdes (par opposition aux remèdes composés)
  7. les identifications des espèces sont celles données par Lyli Beck, la traductrice de l'ouvrage de référence
  8. « σιλφη cafard : l'intérieur des cafards de boulangerie, écrasé avec de l'huile ou bouilli et mis dans l'oreille, arrête le mal d'oreilles ».
  9. à ne pas confondre avec Olybrius un gouverneur des Gaules du IIIe siècle, à l'origine du juron du capitaine Haddock
  10. et plus éloignées de l'original grec que ne l'est la traduction de Stéphane que l'on verra dans la section suivante
  11. Cronier a établi qu'il est parti d'un manuscrit grec proche du Parisinus gr. 2179 ainsi que du Laurantianus 71, 23.
  12. la version de Stéphane est conservée dans une forme pure dans Matritensis 5006 fin du XIe siècle, conservé à Madrid, Scorialensis ar. 845 au monastère de l'Escurial, et Parisinus ar. 2850 à Paris
  13. À l'origine de cette première édition, on trouve les manuscrits Vondobonensis med. gr. 14, Palatinus Vaticanus gr. 48 et de manière secondaire Parisinus graecus 2183, de la BnF, datant du second quart du XIVe siècle (Cronier, 2007)
  14. le principe d'inertie, une des plus grande découverte de Galilée, est en contradiction flagrante avec la physique d'Aristote qui conformément à un bon sens trompeur, veut que pour garder un objet en mouvement, il faut lui appliquer une force

Références

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