Cryptozoologie
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La cryptozoologie (du grec κρυπτός / kryptós, « caché », ζῷον / zó̱on, « animal », et λόγος / lógos, « étude », soit « étude des animaux cachés ») désigne la recherche des animaux dont l'existence ne peut pas être prouvée de manière irréfutable. Ces formes animales sont appelées cryptides.
Le terme a été inventé par le biologiste écossais Ivan T. Sanderson[1]. Ce néologisme est selon le GDT une « science qui tente d'étudier objectivement le cas des animaux seulement connus par des témoignages, des pièces anatomiques ou des photographies de valeur contestable ».
Il n'existe aucune formation universitaire, ni aucun institut scientifique officiel de cryptozoologie. Malgré la critique de la grande majorité de la communauté scientifique, le travail d'un zoologue intéressé par la cryptozoologie consiste essentiellement à écarter les canulars, entre mythes et légendes urbaines. Le cryptozoologue le plus connu est Bernard Heuvelmans, docteur en sciences d'origine belge, qui a consacré une grande partie de sa vie à chasser des formes animales encore inconnues. Les quatre tomes de Sur la piste des bêtes ignorées (publiés entre 1955 et 1970) constituent une œuvre de référence pour les cryptozoologues. En 1999, Bernard Heuvelmanns a déposé l'entier de sa documentation et de ses archives au Musée de zoologie de Lausanne[2].
Méthodes de la cryptozoologie
On peut définir la cryptozoologie comme l'étude et la recherche d'animaux de moyenne et de grande taille non encore officiellement répertoriés et dont l'existence controversée pourrait néanmoins être établie sur base de preuves testimoniales (témoignages oculaires), circonstancielles (films, photos, enregistrements de cris), ou même autoscopiques (que chacun peut voir : empreinte de pied, poils, plumes, etc.), mais considérées comme insuffisantes par la communauté scientifique des zoologues. Dans sa méthodologie, elle peut faire appel à diverses disciplines, telles la zoologie, la paléontologie, la paléoanthropologie, etc., mais aussi la psychologie, l'ethnologie, la mythologie, voire la police scientifique.
On peut classer son sujet d'étude en 5 catégories, qui parfois se complètent l'une l'autre :
- Des animaux connus uniquement par tradition ou traces dans la mémoire collective des autochtones sous forme de légendes ou de contes, voire à travers certaines représentations graphiques. Il est à noter que dans beaucoup de régions d'Europe, le loup et l'ours, animaux parfaitement répertoriés dans la zoologie contemporaine, ont disparu et n'existent donc plus qu'au travers de leurs représentations culturelles (ethnozoologie).
- Des animaux connus uniquement par témoignages visuels, auditifs, voire tactiles ou olfactifs.
- Des animaux connus par une empreinte matérielle (comme une trace de pied).
- Des animaux connus par un ou plusieurs éléments anatomiques (fragments de squelette, poils, écailles, traces de sang, etc.).
- Des animaux connus au travers d'un spécimen complet vivant ou mort.
Le champ d'étude de la cryptozoologie ne se limite pas au Bigfoot, Yéti et autres monstres du Loch Ness, mais s'étend à toute créature vivante non identifiée, pour autant que la taille soit égale ou supérieure à celle d'une grenouille et qu'elle ait laissé une trace dans l'esprit humain. Ainsi les insectes, à quelques exceptions près, n'en font pas partie, car trop petits pour avoir frappé les esprits. Les découvertes fortuites d'animaux ne font pas partie de la cryptozoologie.
Étude des mythes
Guillaume Lecointre souligne que beaucoup de mythes ont pu apparaître à la suite d'observations sans explication scientifique :[réf. nécessaire]
- des tentacules flottants d’Architeuthis (décrit scientifiquement en 1857 par Japetus Steenstrup), pouvaient être interprétés comme des serpents de mer géants ou des restes de kraken ;
- des tourbillons associés à des céphalopodes géants ont pu donner le mythe de Charybde avalant l'eau et la recrachant sur les navires et de et Scylla aux nombreux bras qui saisissent les marins[3] :
- des fossiles marins en montagne ont pu donner lieu aux récits de déluges ;
- des ammonites Ceratitida à enroulement incomplet ont été comprises comme des cornes de béliers géants ;
- des ossements de grande dimension ont accrédité l’existence de dragons, de trolls, de titans... ;
- des crânes d’Elephas falconeri ont pu être interprétés comme des têtes de cyclopes (la fosse nasale étant prise pour une orbite unique)[4] ;
- des crânes de gigantopithèques (perdus pour la science, qui ne dispose que de dents) ont pu initier du mythe du yéti ;
- les éclairs et la foudre ont pu être interprétés comme des colères divines ;
- les volcans et les laves, comme bouches des enfers.
En ce sens la cryptozoologie s’apparente davantage à l’étude de la mythologie en relation avec la nature, qu’à une recherche d’espèces disparues ou encore inconnues.
Résultats des études des témoignages et indices
L'étude des témoignages a été le point de départ de recherches ayant mené à la découverte d'animaux à la fin du XIXe siècle :
- le gorille des montagnes, était considéré comme une légende en Afrique, jusqu'à ce que des spécimens soient découverts par un officier Allemand lors d'expéditions dans la région des montagnes des Virunga en 1902[5].
- le panda géant fut décrit en 1869 par Armand David grâce au don d'une peau que lui fit un chasseur. En effet, l'animal était alors chassé depuis longtemps en Chine et faisait l'objet de troc, par exemple entre la dynastie Tang (VIe siècle) et l'empereur du Japon, mais aucun spécimen n'avait été rapporté en Occident.
- l'okapi : découvert en 1901 par Harry Johnston, cet animal était bien connu des Pygmées Mbuti ; l'okapi a fait l'objet d'une campagne de recherche systématique financée par le gouvernement britannique au début du XXe siècle et menée par Johnston qui avait pris connaissance des témoignages des Pygmées rapportés par Henry Morton Stanley.
Partant de ces exemples, la cryptozoologie étudie témoignages et objets désignés comme preuves. À l'heure actuelle, les résultats de la cryptozoologie ont quelquefois été probants, mais de nombreux éléments présentés comme preuves ont été invalidés par un examen rigoureux : Bernard Heuvelmans a ainsi rejeté des « mains de singes pétrifiées » présentées comme des mains du Yéti et conservées dans un monastère, en montrant qu'elles n'étaient en fait que des molaires fossilisées d'éléphants (les racines étant considérées comme des doigts)[6].
De même, des prétendus poils de Yéti trouvés dans l'Himalaya ont été analysés et proviennent du goral, chèvre de l'Himalaya. Cette analyse a également permis de découvrir que l'aire de répartition du goral était plus étendue vers l'est[7].
D'autres poils (suite à une longue recherche aussi exhaustive que possible) ont montré, par leur analyse ADN qu'une espèce d'ursidé inconnu existait[8][9][10].
Collateral Humanoid Project : décrypter le génome du yéti
Le Collateral Humanoid Project a été lancé en 2012 par une équipe de chercheurs des universités d’Oxford et de Lausanne sous l'impulsion du généticien anglais Bryan Sykes et du zoologue suisse Michel Sartori. Pour la première fois, des scientifiques ont décidé de procéder à l'analyse génétique de l'ADN mitochondrial attribués au Yéti, Bigfoot et autres créatures anthropoïdes inconnues. Ils ont donc lancé un appel à toutes les personnes détenant des échantillons de ce type.
Les conclusions de leur étude ont été publiées en juillet 2014[11] dans la revue scientifique internationalement connue Proceedings of The Royal Society[12]. Le résultat des analyses de 36 échantillons, essentiellement des touffes de poils détenues par des particuliers, ne révèle aucun animal inconnu : coyote, chèvre, grizzli, tapir, raton laveur, humain, chien, etc. A l’exception de deux fragments provenant, l’un d’un animal tué dans les années 1970 à Ladakh en Inde et l’autre, d’un prétendu nid de yétis dans une forêt de bambous au Bhoutan. Le premier est d’une teinte brun doré, le second a des reflets rougeâtres. Ils appartiennent toutefois à la même espèce : un ours préhistorique que l’on croyait disparu depuis 40 000 ans. L’ADN de ces poils est très proche de celui du fossile d’un ancêtre de l’ours polaire du Pléistocène découvert au Svalbard, un archipel situé à l’est du Groenland, à la limite de l’océan arctique et de l’Atlantique.
Controverse : la cryptozoologie est-elle une science ?
Selon Bernard Heuvelmans, pour être une science, la cryptozoologie doit répondre à deux impératifs quant à ses acteurs et quant à son objet.
- ses acteurs : quand elle est menée par des scientifiques uniquement,
- son objet : quand elle étudie scientifiquement ce qui est présenté comme « indices », reste circonspecte devant un témoignage qu'elle ne peut considérer que comme subjectif et à recouper par des indications objectives avant de mener une éventuelle campagne de recherche selon une convention scientifique.
Cependant, la question de fond demeure : si elle approuve l'étude scientifique des « indices » (pour les accepter ou les rejeter), la majeure partie de la communauté scientifique s'interroge sur le statut épistémique d'une discipline étudiant des animaux dont on disposerait de traces non pas formelles, mais culturelles (représentations) ou testimoniales.
S'il est légitime pour une discipline telle que la sociologie d'étudier les folklores liés aux visions de créatures folkloriques, une discipline ayant pour objet d'étudier non plus les témoignages en tant que témoignages, non pas les représentations, mais bien la probabilité de l'existence d'une créature du fait même qu'elle est représentée, a-t-elle sa place au sein de la zoologie ?
La principale raison pour laquelle une grande partie de la communauté scientifique considère que l'existence du Bigfoot, du monstre du Loch Ness ou du Mokèlé-mbèmbé est plus qu'improbable et qu'aucune preuve de leur existence n'a jamais été fournie à ce jour, ni aucun spécimen vivant ou mort qui puisse être examiné par la communauté scientifique.
Or, concernant ces animaux, seuls ont été produits des empreintes de pied ou de main, des photos ou des films qui peuvent être potentiellement des contrefaçons. De fait, même des sciences établies, comme la zoologie et la paléontologie, sont confrontées à ce problème (par exemple la contrefaçon de l'Homme de Piltdown présenté comme un fossile d'une espèce inconnue alors qu'il s'agissait de l'assemblage d'un crâne d'Homo sapiens et d'une mandibule d'orang-outan).
L'action de la cryptozoologie se borne donc ici à étudier des objets et est purement zoologique. On peut parler d'un autre domaine lors de l'appel à d'autres sciences (psychologie, sociologie par exemple dans le cas de l'analyse de la véracité des témoignages) ne relevant pas de la zoologie.
En paléontologie, l'identification de espèces fossiles inconnues se fonde à la fois sur des collections de fossiles dont l'analyse critique par les pairs mais aussi sur le contexte phylogénétique des espèces que l'on cherche à identifier. Or si la cryptozoologie s'intéresse le plus souvent à des cas proches d'animaux connus, elle se penche aussi (et est surtout connue pour cela) sur certains animaux (Yéti, Grand Serpent de mer) qui présentent le plus des caractéristiques anatomiques qui sont difficiles à intégrer à l'histoire évolutive des espèces connues. Il n'y a donc pas dans ce dernier cas d'éléments de comparaison.
Liste non-exhaustive de cryptides
- Yéti
- Basajaun
- Bigfoot
- Almasty
- Orang pendek
- Kraken
- Monstre du Loch Ness
- Ogopogo
- Champ
- Mokele-Mbembe
- Chupacabra
- Mapinguari
- Olgoï-Khorkhoï
- Ghoul
- Megalodon
- Emela-ntouka
- Reptilien
- Megaconda
- Dobhar-chú (en)
- Jersey Devil (en)
- Minhocão
- Dahu
- Ahool (en)
- Wendigo
- Velue
- Black Shuck
- Waitoreke (en)
- Tadzelwurm
Liste non-exhaustive de canulars sur les cryptides
- Homo orcus
- Rhinogrades
Cryptozoologie dans la fiction
Littérature et bande dessinée
- Le Monde perdu d'Arthur Conan Doyle.
- Les Cryptides d'Alexandre Moix est une série de romans d'aventure proches du thriller scientifique, où quatre jeunes parcourent le monde à la recherche d'animaux mythiques et légendaires, les cryptides (Kraken, Olgoï-Khorkhoï, Chupacabra, Mothman, etc.)
- L'Appel des légendes est une bande dessinée de Frédéric Vignaux et Éric Pailharey mettant en scène un Groupe d'Intervention Cryptozoologique affilié à la DGSE.
- Crypto, d'Olivier Martin et Philippe Menvielle
- Dragons et Chimères : Carnet d'expédition, de Camille Renversade et Pierre Dubois
Quelques bandes dessinées, comme Kenya, de Léo, Adèle et la Bête, de Tardi, Tintin au Tibet de Hergé, reprennent des thèmes cryptozoologiques, faisant apparaître dans leurs récits des animaux inconnus (yéti) ou disparus (ptérodactyle, mastodonte, etc.).
Dans le monde fictif et parallèle des Cités obscures, inventé par Benoît Peeters et François Schuiten, cette discipline serait (si l'on en croit leur ouvrage Le Guide des Cités) la plus importante dans le domaine de la zoologie. Les Cités obscures semblent, d'après les auteurs, pauvres en créatures animales, ce qui explique l'importance de cette science.
Audiovisuel
- Les Saturdays, série d'animation centrée sur une équipe de cryptozoologues
- Sanctuary, série télévisée dans laquelle le personnage principal dirige un « sanctuaire » pour créatures.
Jeux vidéo
Nombreux sont les jeux qui font apparaître des créatures fantastiques originales :
- Dans Far Cry Instincts : on entend à deux reprises, à la radio, une émission parlant de cryptozoologie. Cela se produit juste après que le héros a été confronté à des créatures faisant penser à des dinosaures.
Notes et références
- ↑ 1965, Le Grand Serpent de mer. Le problème zoologique et sa solution. Histoire des bêtes ignorées de la mer, Librairie Plon
- ↑ « cryptozoologie », sur www.zoologie.vd.ch, (consulté le 31 juillet 2014)
- ↑ Bernard Heuvelmans, Sur la piste des bêtes ignorées, Paris, Plon, 1955
- ↑ Linda Gamlin, L'évolution, 1994, Gallimard, collection "La passion des sciences", Des éléphants de 90 cm au garrot par Stéphane Deligeorges (La Recherche) et Réponse à Tout, no 227, mai 2009, p. 44.
- ↑ http://www.gorilla.fr/decouverte.htm
- ↑ Alberto Fortis, Mémoires pour servir à l’histoire naturelle, Fuchs, Paris, 1802
- ↑ Les poils supposés du yéti appartenaient à une chèvre… in Futura Science
- ↑ http://www.sciencesetavenir.fr/insolite/20131017.OBS1639/pas-de-yeti-dans-l-himalaya-mais-un-cousin-de-l-ours-brun.html
- ↑ http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/07/02/97001-20140702FILWWW00025-le-mythe-du-yeti-a-l-epreuve-de-l-adn.php
- ↑ http://fr.ubergizmo.com/2013/10/18/yeti.html
- ↑ David Ramasseul, « Yeti, la piste de l'abominable ours des neiges », Paris Match, (lire en ligne)
- ↑ (en) « Genetic analysis of hair samples attributed to yeti, bigfoot and other anomalous primates », sur Proceedings of the royal society B, (consulté le 31 juillet 2014)
Annexes
Bibliographie
- Bernard Heuvelmans, Sur la piste des bêtes ignorées, Plon, Paris, 1955. (ASIN B00181JSJ4)
- Richard Carrington, Sirènes et mastodontes, Robert Laffont Paris 1957. (ASIN B0018GMYVS)
- Herbert Wendt, Ils n'étaient pas dans l'arche, Denoël, Paris, 1959. (ASIN B0000DVKP0)
- Angus Hall, Monstres et créatures légendaires, Hachette-Le Livre de Paris, Paris, 1980 (ISBN 2245012526)
- Jean-Jacques Barloy, Les survivants de l'ombre, Arthaud, 1985. (ISBN 9782700305050)
- Collectif, Monstres de légende, Time-Life, Amsterdam, 1989. (ISBN 2734404567)
- Éric Joly et Pierre Affre, Les monstres sont vivants, Grasset, Paris, 1995. (ISBN 9782246495918)
- Jean-Paul Ronecker, Animaux mystérieux, Collection B.A.-BA, Pardès, 2000. (ISBN 9782867142192)
- Édouard Brasey, Alain-Marc Friez, Sandrine Gestin, L'encyclopédie du merveilleux - Du bestiaire fantastique, Pré aux Clercs, Paris, 2006 (ISBN 284228254X)
- Rory Storm, Les monstres : Guide de la cryptozoologie, Gremese, 2008, (ISBN 978-8873016625)
- Philippe Coudray, Guide des animaux cachés : Traité de cryptozoologie, Éditions Du Mont, 2009. (ISBN 978-2915652383)
- (en) Chad Arment, Cryptozoology: Science & Speculation, Coachwhip Publications, 2004. (ISBN 1930585152)
- (en) Ronan Coghlan, Dictionary of Cryptozoology, Xiphos Books, 2004. (ISBN 0954493613)
Articles connexes
Liens externes
- Un dossier complet sur les monstres marins sur le site de la Médiathèque de La Cité de la Mer de Cherbourg
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