Responsabilité
La responsabilité est le devoir de répondre de ses actes, toutes circonstances et conséquences comprises, c’est-à-dire d'en assumer l'énonciation, l'effectuation, et par suite la réparation voire la sanction lorsque l'attendu n'est pas obtenu.
Définitions
Cette notion s’applique à différents domaines incluant notamment :
- responsabilité sociétale, en particulier la responsabilité sociale des entreprises ;
- responsabilité environnementale ;
- responsabilité civile (conventionnelle ou quasi-délictuelle) ;
- responsabilité pénale (ou délictuelle) ;
- responsabilité administrative ;
- responsabilité morale (en) qui consiste en une capacité pour un sujet volontaire et conscient de prendre une décision sans en référer au préalable à une autorité supérieure, à pouvoir donner les motifs de ses actes, et à être jugé sur eux ;
- responsabilité politique, en particulier du gouvernement devant le parlement (motion de censure ou vote de confiance) ou des élus devant leurs électeurs (maires, Président de la République) ;
- responsabilité ministérielle, désigne la redevabilité du gouvernement envers les élus dans plusieurs pays de monarchie constitutionnelle ;
- responsabilité élargie du producteur ;
- responsabilité numérique ou e-responsabilité.
Responsabilité et conscience
Public/privé, va-et-vient
La responsabilité n’est pas seulement un fait, mais aussi une valeur. En tant que valeur sociale, suivant la perspective adoptée, elle peut prendre des significations diverses : elle renvoie donc inévitablement à des valeurs éthiques (ou morales), et est, pour une part, dépendante des idéaux d’une époque, de leur vivacité et de leur configuration sociale, – en un mot : de la volonté de croire de cette époque, et d’être obéie. Aussi, l'injonction sociale à être responsable, à être l’auteur d’une vie bien réglée, s’applique notamment à la question de la manière dont nous nous rapportons chacun à nous-mêmes, entre risque et transgression. Supports de la responsabilité, un individu serait « naturellement » tenu à un ensemble de devoirs ou d'obligations, y compris la toute première, l'obligation virtuellement coupable d'être «autonome », par quoi la société entend notre responsabilisation dans un système de compétition sociale[1].
Pour autant, l’individu anti-conformisme ne dissocie pas forcément l'exigence sociale d'autonomie et la responsabilité morale envers lui-même. Cette inflexion individualiste de l'exigence de responsabilité, au sens fort, de la problématisation du rapport du privé et du public hante notamment la littérature américaine sur la désobéissance civile, comme chez Ralph Waldo Emerson :
« Affrontons, réprimandons la lisse médiocrité et le misérable contentement du temps, clamons plutôt, à la face des coutumes, du commerce, des affaires publiques, ce fait qui se déduit de l’histoire elle-même : il y a un grand Penseur et Acteur responsable qui agit chaque fois qu’un homme agit ; un homme vrai n’appartient ni à une époque ni à un lieu donnés, mais il est le centre des choses. Là où il est, la nature est aussi.[...] il faut avoir en soi quelque chose de divin quand on s’est défait des normes communes de l’humanité pour s’aventurer à compter sur soi-même comme maître. Le cœur doit être haut, la volonté fidèle et la vue claire, pour pouvoir sérieusement se tenir à soi-même lieu de doctrine, de société et de loi, pour qu’un simple but soit aussi pressant qu’une nécessité implacable chez les autres ! »
— « Confiance et autonomie », Essais, Michel Houdiard Éditeur, 1997, p.37,45
Passage à l'acte
Être l’auteur de ses actes ne signifie pas maîtriser la détermination de son destin personnel : être homme, c'est être parmi les hommes, et, selon Hannah Arendt, les affaires humaines sont marquées du sceau de la fragilité, du fait de l'imprévu logé au cœur de toute action comme sa condition de possibilité[2]. C'est la capacité d'inaugurer du neuf qui marque le singulier d'une vie humaine. Pour Theodor Adorno, cette condition d’incertitude et de fragilité, de « faillabilité[3] » apparaît comme le fondement de la capacité d’agir et de la responsabilité morale, dès lors que le sujet y est engagé dans une enquête sur la genèse et les significations sociales des normes morales auxquelles son existence est d’emblée confrontée.
Décisions
Sortir du cercle reviendrait à apprécier le milieu relationnel dans lequel s'enracine l'existence humaine, du microcosme au macrocosme. Ainsi l'« éthique de l'intégrité » défendue par l'américaine Starhawk répond au souci pragmatique d'évaluer les effets que l'acte provoque, ses conséquences inhérentes, mais encore les raisons qui le déterminent, sa cohérence interne. Dans cette perspective, les choix « ne sont pas fondés sur des absolus imposés à une nature chaotique, mais sur les principes d’ordonnancement inhérents à la nature. Ils ne sont pas fondés non plus sur des règles qui peuvent être définies hors du contexte. Ils reconnaissent qu’il n’y a pas de choses séparées de leur contexte. [...] L’immanence est un contexte, de telle sorte que le soi individuel ne peut jamais être vu comme un objet séparé et isolé. C’est un nœud de relations enchevêtrées, constamment transformé par les relations qu’il forme. L’intégrité signifie aussi l’intégration – être une part intégrale et inséparable de la communauté humaine et biologique[4]. »
Aussi Toni Negri met-il l'accent sur une certaine qualité de l'exister de l'individu et de la communauté : « La conception matérialiste de l’éternité, c’est celle qui consiste à ne renvoyer les actions qu’à la responsabilité de ceux qui les accomplissent. Chaque action est singulière, elle n’influe donc que sur elle-même, et ne renvoie à rien d’autre qu’aux relations qu’elle détermine et à la continuité des rapports qu’elle entretient avec les autres. Chaque fois que l’on fait quelque chose, on en accepte la responsabilité : cette action vit pour toujours, dans l’éternité. Il ne s’agit pas d’immortalité de l’âme mais d’éternité des actions accomplies. C’est l’éternité du présent vécu à chaque instant qui passe : une plénitude complète, sans transcendance possible, fût-elle logique ou morale. [...] Il n’y a pas de renvoi de la responsabilité : chacun de nous est responsable de sa singularité, de son présent, de l’intensité de la vie, de la jeunesse et de la vieillesse qu’il y investit. Et c’est l’unique moyen d’éviter la mort : il faut saisir le temps, le tenir, le remplir de responsabilité[5]. »
Écologie politique
La responsabilité est l’une des trois valeurs centrales de l’écologie politique, avec la solidarité et l’autonomie. Elle consiste dans la prise de conscience des conséquences de nos actes présents, que ce soit pour le futur (dimension temporelle) ou pour l’ensemble des territoires affectés (dimension spatiale). Elle suppose un système économique, juridique et politique capable de mettre en relation nos décisions avec les effets qui s’ensuivent, qu’ils soient positifs ou négatifs. Cette responsabilité s’exerce pour certains par des stratégies de développement durable, au niveau des gouvernements, des régions, ou des collectivités territoriales. Mais pour d'autres, tel le philosophe Hans Jonas, la responsabilité doit faire l'objet d'une nouvelle définition, non plus comme réponse de ses actes, mais comme réponse à un donné[6].
Gestion d’entreprise
En gestion, la responsabilité du fait des produits défectueux est un risque que les entreprises doivent intégrer de plus en plus dans leur mode de gestion, sous peine de s’exposer à des risques juridiques (voir sécurité juridique) ou au versement d’intérêts compensatoires. Cet enjeu devient de plus en plus important pour les dirigeants, dans la mesure où il devient difficile, aujourd’hui, de cacher un vice dans un produit, ou un service rendu à un client. En effet, les facilités de communication offertes par l’internet, les messageries électroniques, et autres mobiles, permettent de se rendre compte assez vite des vices des produits.
Le responsabilité du fait des produits défectueux doit être intégrée dans la stratégie des entreprises, par l’analyse approfondie des relations avec ses parties prenantes. Ce type d’analyse correspond au développement durable et à la responsabilité sociale des entreprises.
Notes et références
- ↑ Numa Murard, La morale de la question sociale, La Dispute, 2003, 2e partie : « État-providence et subjectivités », chap.1 : « Les métamorphoses de la responsabilité »
- ↑ Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy, 1961
- ↑ Probleme der Moralphilosophie, Suhrkamp Verlag, 1997
- ↑ Femmes, magie et politique, Les Empêcheurs de penser en rond, 2003, p.68, 70.
- ↑ Exil, Mille et une nuits, 1998, p.50-51
- ↑ Cf. Jean-Christophe MATHIAS, "Politique de Cassandre", Sang de la Terre, 2009
Bibliographie
- Hannah Arendt, Responsabilité et jugement, Payot, 2005.
- Zygmunt Bauman, La vie en miettes, moralité et postmodernité, Rouergue, 2004.
- Antoine Garapon, Denis Salas (éd.), La justice et le mal, Odile Jacob, 1997.
- Hans Jonas, Le Principe responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique, Cerf, 1995.
- Paul Ricœur, Éthique et responsabilité, La Baconnière, 1995.
Articles connexes
Aspects philosophiques
- Éthique
- Morale
- Perception
- Conscience
- Devoir
- Volonté (philosophie)
- Autonomie
- Culpabilité
- Responsabilité environnementale
- Responsabilité élargie du producteur
Développement durable
- Développement durable
- Responsabilité sociale des entreprises
Aspects juridiques
- Responsabilité civile
- Théorie de la garantie
- Responsabilité pénale
- Responsabilité des dirigeants
- Sécurité juridique
- Loi
- Responsabilité sociale
- Responsabilité environnementale
- Principe pollueur-payeur
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