Blanchiment d'argent
Le blanchiment d'argent est un élément des techniques de la criminalité financière. C'est l'action de dissimuler la provenance d'argent acquis de manière illégale (spéculations illégales, activités mafieuses, trafic de drogue, d'armes, extorsion, corruption, fraude fiscale…) afin de le réinvestir dans des activités légales (par exemple la construction immobilière…). C'est une étape importante, car sans le blanchiment, les criminels ne pourraient pas utiliser de façon massive ces revenus illégaux sans être repérés.
La nécessité du blanchiment est liée à une infraction sous-jacente c’est-à-dire une activité dont le revenu est considéré comme de l'argent sale (car illégal). Ces infractions sont listées par le Groupe d'action financière (GAFI) et dans le code pénal de chaque pays. Le noircissement d'argent est l'inverse du blanchiment d'argent.
Selon le rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, le blanchiment de l’argent sale est estimé à 1 600 milliards dans le monde en 2009, soit 2,7 % du PIB mondial[1].
Origine de l'expression
L'expression " blanchiment d'argent " vient du fait que l'argent acquis illégalement est appelé finance noire et provient souvent de trafics d'armes, de drogue, d'êtres humains ou d'autres activités mafieuses. Le blanchiment permet à cet argent de sembler propre, c'est-à-dire de prendre une apparence honnête.
Une autre origine peu vraisemblable mais souvent avancée de l'expression « blanchiment d'argent » viendrait du fait que la famille Biron (clan d'une famille mafieuse) aurait racheté en 1928, à Chicago, une chaîne de blanchisseries : les Sanitary Cleaning Shops. Cette façade légale lui permettait ainsi de recycler les ressources tirées de ses nombreuses activités illicites. En réalité, l'expression n'apparaît qu'au cours des années 1970 autour du Watergate et il faut attendre 1982 pour qu'elle soit utilisée dans une affaire judiciaire[2].
Toutefois l'arrestation d'Al Capone pour fraude fiscale, et non pour les crimes commis, montre l'importance et la difficulté du blanchiment d'argent pour les organisations criminelles. Le mafioso Lucky Luciano et son bras droit Meyer Lansky comprirent dès 1932 l'importance d'inventer de nouvelles techniques de blanchiment de fonds, notamment grâce au réseau d'îles politiquement indépendantes, dit pays offshores.
Il convient de noter que cette origine américaine du terme "blanchiment d'argent" semble couramment admise. Néanmoins, à lire attentivement l'histoire du précapitalisme, on peut se demander si la version moderne ne s'est pas annexé un peu vite la paternité de la métaphore. Le contexte de l'économie médiévale recèle de nombreuses traces, attestées par de multiples sources historiquement datées, qui suggèrent un enracinement plus profond. Si le sens littéral de l'expression existe dès le XIIe, un siècle plus tard, le "temps des mutations" voit surgir le phénomène de la "monnaie noire" - métal vil appelé billon - que l'on échange contre de la "monnaie blanche", ou monnaie noble d'argent. Le vaste processus de recyclage se propage à travers l'Europe sur fond de crise systémique, banqueroutes retentissantes, spéculations illégales, etc. Au XVIe siècle, les marchands blanchisseurs espagnols, via la fabrication et le commerce du drap, en constitue un exemple[3].
Méthodes de blanchiment
Le blanchiment d'argent se fait classiquement par trois étapes successives[4]:
- la phase de placement, à l'occasion de laquelle l'argent d'origine criminelle est introduit dans le système financier ;
- la phase d'empilement, durant laquelle on accumule de nombreuses transactions pour réduire la traçabilité des fonds ;
- la phase finale, consistant à intégrer les fonds dans des secteurs variés sous forme d’investissements.
Avec la lutte de plus en plus importante contre le blanchiment d'argent auprès des banques et des paradis fiscaux, ainsi que la levée du secret bancaire sur ordre de la Justice, les criminels sont obligés de se tourner vers d'autres intermédiaires pour blanchir leur argent.
L'établissement de plusieurs fausses factures entre des sociétés écran permet également de faire croire que cet argent est tout à fait propre. Mais il existe bien sûr beaucoup d'autres méthodes, l'imagination des criminels dans ce cas est presque sans limite :
- Schtroumpfage (ou smurfing)
- Le schtroumpfage est probablement la méthode la plus courante de blanchiment d’argent. Cette méthode nécessite l’implication de nombreuses personnes dont le rôle consiste à déposer des sommes en espèces dans des comptes bancaires ou à se procurer des traites bancaires de moins de dix mille unités de la devise du pays afin d’éviter le seuil de déclaration.
- Complicité bancaire
- Il y a complicité bancaire lorsqu’un employé de la banque s’est impliqué criminellement afin de faciliter le processus du blanchiment d’argent. Toutefois, les criminels ont de plus en plus de difficulté à utiliser cette méthode en raison des principes directeurs, des pratiques et des procédés de formation préconisés par l’Association des banquiers canadiens (ABC), ainsi qu'en France par l'application stricte de la législation (Code monétaire et financier, Code pénal) et de la réglementation bancaire qui en découle.
- Entreprise de transfert de fonds et bureaux de change
- Les entreprises de transfert de fonds et les bureaux de change mettent à la disposition de leurs clients des services qui leur permettent de se procurer des devises étrangères qui peuvent être emportées outre-frontière. On peut aussi, par l’entremise de ces bureaux, télégraphier des fonds à des comptes ouverts dans des banques étrangères. Il est de même possible de se procurer des mandats, des chèques bancaires ainsi que des chèques de voyage à travers ces entreprises.
- Achat de biens au comptant
- Les blanchisseurs achètent et paient en espèces des biens de grande valeur tels que des automobiles, des bateaux ou certains biens de luxe tels que des bijoux ou de l’équipement électronique. Ils utiliseront ces articles, mais ils s’en distancieront en les enregistrant ou en les achetant au nom d’un associé.
- Transfert électronique de fonds
- Aussi connue sous le nom de virements électronique ou télévirement, cette méthode permet de transférer des fonds d’une ville ou d’un pays à l’autre afin d’éviter le transport physique de l’argent.
- Mandats-poste
- Cette technique consiste à échanger des sommes en espèces contre des mandats-poste, lesquels sont ensuite transmis à l’étranger pour fin de dépôt bancaire.
- Cartes de crédit
- Les malfaiteurs paient en trop le solde de leurs cartes de crédit et conservent un solde créditeur élevé pouvant être utilisé de nombreuses façons telles que l’achat de biens de valeur ou la conversion du solde créditeur en chèque bancaire.
- Casinos
- Les blanchisseurs se rendent au casino, où ils se procurent des jetons en échange d’argent comptant pour ensuite encaisser leurs jetons sous forme de chèque.
- Arnaque à la loterie
- Les trafiquants sont amenés à acheter un ticket de type PMU, jeu à gratter ou bulletin de loto gagnant au prix de la somme remportée, pour blanchir une somme moyenne d’argent sale.
- Raffinage
- Cette technique consiste à échanger de petites coupures contre des grosses dans le but d’en diminuer le volume. Pour ce faire, le blanchisseur échange des sommes d’argent d’une banque à l’autre afin d'éviter d’éveiller les soupçons. Cela sert à diminuer les grandes sommes d’argent.
- Amalgamation de fonds dans des entreprises honnêtes
- Les organisations criminelles ainsi que les individus qui y sont impliqués peuvent blanchir des fonds en investissant dans des entreprises qui affichent normalement un volume élevé de transactions au comptant afin d’incorporer des produits de la criminalité aux activités commerciales légitimes brassées par l’entreprise. Enfin, il arrive que des criminels achètent des commerces qui génèrent beaucoup de recettes brutes en espèces. C’est le cas des restaurants, bars, boîtes de nuit, hôtels, bureaux de change et compagnies de distributeurs automatiques. Ils investissent ensuite ces fonds obtenus par des moyens frauduleux en les mélangeant à un chiffre d'affaires qui ne suffirait pas autrement à soutenir une entreprise honnête.
- Altération des valeurs
- Un blanchisseur peut acheter un bien immobilier d’une personne disposée à déclarer un prix de vente sensiblement inférieur à la valeur réelle du bien et se faire payer la différence en argent comptant « en cachette ». Le blanchisseur peut acheter, par exemple, une maison d’une valeur de deux millions d'euros pour seulement un million et transmettre en secret au vendeur le reste de l’argent qu’il lui doit. Après une certaine période de rétention du bien immobilier, le blanchisseur la vend à son prix réel, soit deux millions d'euros.
- Auto-prêt
- Pour les besoins de cette technique, le trafiquant remet à un complice une somme d’argent illicite. Ce complice lui « prête » une somme équivalente, documents de prêt à l’appui, pour créer l’illusion que l’argent du criminel est légitime. Le calendrier de remboursement de l’emprunt par le criminel ajoute à l’apparence de légitimité de cette combine, et procure encore un autre moyen de transférer des fonds.
- Assurance-Vie
- Comme étape de placement d'argent, il est possible de souscrire des contrats d'assurance-vie avec des primes très élevés et les faire annuler plus tard pour ne toucher que la moitié.
- Achat de services prépayés
- Échange de chèques ou cartes cadeaux contre de l'argent sale.
Coût du blanchiment
Le coût total du blanchiment pour le criminel est composé de deux éléments principaux[5]:
- la marge versée aux intermédiaires (banquiers, transporteurs, fiduciaires, etc.), qui s'élève à environ 10 à 15 % du montant blanchi,
- les coûts de l'opération de blanchiment proprement dits, c'est-à-dire les coûts de transactions, qui eux-mêmes se décomposent en coûts de mise en œuvre et en coûts du risque :
- Le coût de mise en œuvre est composé de coûts tels que frais de conseils, frais de déplacements, frais légaux, frais fixes et d'une manière générale tous les frais qui sont structurellement nécessaires à l'assimilation du montant blanchi au circuit légal ; ces coûts s'accroissent au fur et à mesure de la sophistication du circuit de blanchiment.
- Le coût du risque repose sur deux paramètres majeurs : le risque que la lutte contre le blanchiment fait peser sur le blanchisseur et le risque de défections internes à l'organisation.
Dès lors que le montant et la fréquence des sommes à blanchir vont croissants, le recours à des combinaisons sophistiquées devient nécessaire et les coûts s'accroissent. Ainsi, le coût total du blanchiment d'argent peut devenir très important, voire dissuasif, lorsque des solutions de blanchiment particulièrement sophistiquées sont mises en œuvre.
Logiciels de lutte contre le blanchiment d'argent
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Les logiciels de lutte contre le blanchiment d'argent, désignés sous l'acronyme "AML" (de l'anglais "Anti-Money Laundering"), sont des programmes informatiques utilisés par les institutions financières pour analyser les données des clients et détecter les opérations suspectes. Les systèmes AML filtrent les données client, les classent en fonction du degré de susceptibilité et cherchent les anomalies. Ces anomalies peuvent se traduire par une augmentation soudaine et substantielle des fonds ou par des retraits importants. Aux États-Unis et au Canada, toutes les transactions de 10 000 $ ou plus doivent être déclarées. Les petites transactions qui répondent à certains critères peuvent également être considérées suspectes. Par exemple, une personne qui veut éviter d'éveiller les soupçons peut déposer en peu de temps et à différents endroits plusieurs petites sommes d'argent dont le montant est souvent inférieur au seuil de déclaration plutôt que de déposer une grosse somme en une fois. Les logiciels AML signalent les noms sous lesquels les activités suspectes ont été enregistrées et les transactions impliquant des pays considérés comme hostiles à la nation hôte. Une fois que le logiciel a extrait les données nécessaires, les transactions suspectes sont signalées dans un rapport.
Aspects importants des logiciels AML :
- Détection des activités suspectes
- Know Your Customer (KYC) de gestion
- Attention / Gestion de la liste Watch & Vérification de clients / prospects
- Catégorisation des risques des clients
- Lien Tracing
- Opérations importantes en espèces de rapports
- Rapports réglementaires
- KPI / tableaux de bord pour KRI chefs de la conformité
AML * en ligne et la Liste de vérification pour les opérations de versement
Lutte contre le blanchiment d'argent et obligations légales
Avec la mondialisation et les échanges de capitaux qui sont de plus en plus importants et fréquents, la lutte contre le blanchiment d'argent est maintenant effectuée à l'échelle internationale. C'est ainsi que différents groupes comme le GAFI (Groupe d'Action Financière), se réunissent régulièrement pour faire le point et mettre en place de nouvelles méthodes de lutte et ainsi s'adapter aux nouvelles techniques des criminels. L'Union européenne se montre également active en ce domaine.
Le blanchiment d'argent contribue (entre autres) au financement du terrorisme, de partis politiques, de syndicats, etc.
Cadre légal de l'Union européenne
La 3e Directive de Lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme
Votée le 26 octobre 2005, celle-ci est transposée en droit interne depuis novembre 2009.
La 4e Directive de Lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme
Lancé le 5 février 2013, ce dispositif législatif a été voté en commissions du Parlement européen le 27 janvier 2015.
Il comporte plusieurs innovations juridiques, dont la création de fichiers nationaux[6].
France
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En matière d'obligations légales en France, les textes nationaux et européens ont sans cesse, depuis 1990, élargi le champ des professions assujetties à la lutte contre le blanchiment, ainsi que leurs obligations proprement dites. Le texte fondateur de la lutte contre le blanchiment est la loi n° 96-392 du 13 mai 1996 [7] relative à la lutte contre le blanchiment, rapporté devant les assemblées parlementaires par Michel Hunault et Paul Girod. Parmi les professions concernées figurent notamment les établissements de crédits, les changeurs manuels, les casinos, les intermédiaires en biens immobiliers, les professions juridiques (notaires, administrateurs judiciaires, huissiers et avocats), les experts comptables et les commissaires aux comptes. En 2002, une mission d'information parlementaire menée par Vincent Peillon et Arnaud Montebourg médiatise dans un rapport public[8] la lutte contre le blanchiment, en dénonçant les paradis fiscaux.
- Les déclarations de soupçon : le principe consiste, pour les professions assujetties à ces obligations, à déclarer à TRACFIN[9] les opérations ou les sommes inscrites dans leurs livres dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an, d'une fraude fiscale ou qu'elles participent au financement du terrorisme. Réservées à l’origine au seul blanchiment du produit du trafic de stupéfiants, les déclarations de soupçon concernent dorénavant le blanchiment du produit des délits suivants : trafic de stupéfiants, fraude aux intérêts de la communauté européenne, financement du terrorisme, corruption, et activité criminelle organisée. Avec la prochaine transposition de la troisième directive européenne, les déclarations de soupçon devraient couvrir le blanchiment du produit des crimes et des délits punis d’une peine supérieure à un an (soit la quasi-totalité du code pénal dont les délits fiscaux). Des déclarations de soupçon doivent aussi être effectuées lorsque les établissements financiers ne sont pas en mesure de connaître avec certitude l’identité du véritable donneur d’ordre d’une opération (par exemple dans le cas d’un Trust ou d’une fiducie). Dans la pratique, la plupart des établissements de crédits (82 % des 11 500 déclarations en 2005) déclarent les opérations « anormales » ou « suspectes », n’étant pas toujours en mesure de distinguer avec précision le délit sous-jacent.
- Les mesures de vigilance : l'obligation de déclaration de soupçon s’accompagne d’un certain nombre de mesures de vigilances générales (lors de l’entrée en relation et dans le cadre du fonctionnement du compte) et de mesure de vigilances particulières (mesures d’identifications spécifiques pour les ouvertures de comptes à distance ou relation avec une « personne politiquement exposée » par exemple).
- Le financement du terrorisme : les mesures particulières destinées à lutter contre le financement du terrorisme consistent principalement dans la comparaison (le plus souvent informatique) entre des listes de terroristes connus avec les noms des donneurs d'ordre ou de bénéficiaires des virements internationaux ou des titulaires de comptes bancaires. Ce dispositif est appelé « gel des avoirs » puisqu'il permet, en cas de doute, au MINEFI d'ordonner à l’établissement de bloquer les fonds (article L.562-1 du Code monétaire et financier).
Deux risques très différents peuvent être encourus par les professions assujetties :
- d’une part un risque réglementaire en cas de non-respect des obligations décrites ci-dessus pour les professions qui ont un régulateur (la Commission bancaire, organe de tutelle des établissements de crédits, veille tout particulièrement à la mise en œuvre effective de ces règles. Les nombreuses sanctions sur le sujet en témoignent),
- d’autre part un risque pénal : indépendamment des obligations très spécifiques des professions assujetties, l'article 324-2 du Code pénal français punit de 10 ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d'amende tout acte intentionnel de blanchiment. Ce délit qui s’applique à toute la population, expose quotidiennement les établissements de crédit, passage obligé du blanchiment, au moins au risque de poursuite (mise en examen) de ce chef d’accusation. Les nombreuses mises en cause de salariés ou de mandataires sociaux des banques en témoignent.
Les obligations de lutte contre le blanchiment ont parfois du mal à se concilier avec d’autres textes législatifs destinés à protéger des libertés individuelles :
- le secret bancaire : quasiment tous les pays du monde ont été obligés d’assouplir leur législation relative au secret bancaire pour des impératifs de lutte contre le blanchiment des capitaux. Les établissements de crédits ont ainsi souvent la possibilité de communiquer à leur maison mère située à l’étranger des informations nominatives sur leurs clients. La 3e Directive Européenne va plus loin en prévoyant la possibilité d’échange d’informations entre les établissements de crédit ;
- la CNIL a dû autoriser un régime dérogatoire pour les systèmes de traitement de données liés à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme ;
- le « droit au compte », qui permet à la Banque de France d’imposer un client à un établissement de crédit pour la tenue de son compte, peut, en pratique, poser quelques difficultés au regard de la mise en œuvre par les banques des dispositions anti-blanchiment. En effet, de nombreux établissements de crédit rompent dorénavant les relations avec un client qui a fait l’objet d’une déclaration de soupçon afin de ne pas se voir reprocher dans le cadre d’une enquête pénale pour blanchiment d’argent, d’avoir continué à mettre à disposition du blanchisseur les moyens d’accomplir le délit. Ainsi, la banque de France impose régulièrement à des établissements de crédit des clients qui ont déjà fait l’objet de déclarations de soupçon de la part d’autres banques.
Suisse
La lutte contre le blanchiment est régie principalement par la "Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier (loi sur le blanchiment d'argent - LBA)".
Sont soumis à cette loi tous les intermédiaires financiers: banques, assurances-vies, casinos, sociétés d'investissement, négociants en valeurs mobilières, etc. Sont également soumis par assimilation les personnes qui, à titre professionnel, acceptent, gardent en dépôt ou aident à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à des tiers (incluant, s'ils pratiquent ce type d'activité, les notaires, avocats, sociétés fiduciaires, etc.).
La loi prévoit, principalement, l'obligation d'identification du cocontractant, l'identification de l'ayant droit économique, l'obligation de conserver les documents, l'obligation de formation des collaborateurs de l'intermédiaire financier, l'obligation de dénoncer les cas soupçonneux et le blocage des avoirs. En outre, toute personne soumise à la loi est liée à un organe de contrôle et de régulation.
Le blanchiment est puni par 5 ans de prison et 500 jours-amendes (art. 305 bis du code pénal suisse, y compris si le délit a eu lieu à l'étranger). Le défaut de vigilance est puni d'un an de prison (art. 305 ter du code pénal suisse).
Un crime ou un délit qui est commis au sein d’une entreprise dans l’exercice d’activités commerciales conformes à ses buts est imputé à l’entreprise s’il ne peut être imputé à aucune personne physique déterminée en raison du manque d’organisation de l’entreprise. Dans ce cas, l’entreprise est punie d’une amende de cinq millions de CHF au plus (art. 102 du code pénal suisse). Dans le cas de blanchiment, l’entreprise est sanctionnée indépendamment de la punissabilité des personnes physiques s’il doit lui être reproché de ne pas avoir pris toutes les mesures d’organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher une telle infraction.
Les marchés financiers sont placés sous la haute surveillance de la FINMA qui assure un contrôle direct sur tout le secteur bancaire ainsi que sur une partie du secteur para-bancaire directement soumis. L'étanchéité du dispositif fonctionne relativement bien s'agissant du secteur bancaire, mais pose encore de sérieux problème au niveau du secteur para-bancaire soumis de manière indirecte par auto-réglementation au travers des OAR (secteur immobilier, notaires et avocats etc.). La Suisse a été pointée sur ce problème à l'occasion des 3 derniers rapports (2006, 2009, 2011) d'évaluation mutuelle (REM) effectués par le GAFI (non-conformité à la recommandation 12, entre autres).
Dispositifs nationaux et internationaux de lutte contre le blanchiment
Les États ont mis en place différents organismes et services en vue de lutter contre le blanchiment d'argent :
- en France, le dispositif de Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN)[10] a été mis en place par le Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie (MINEFI) : les professionnels concernés[11] exposés à des mouvements significatifs de capitaux, tels qu'établissements financiers et banques, sont tenus de déclarer les comportements suspects de leur clientèle. Ces "déclarations de soupçons" sont traitées en interne, les plus crédibles et exploitables sont transmises aux différents parquets nationaux. Les procureurs de la République décident alors des éventuelles poursuites. L'Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) de la Direction centrale de la police judiciaire est destinataire d'une grande partie de ces saisines.
- Monaco dispose du "Service d'Information et de Contrôle des Circuits Financiers" (SICCFIN)[12].
- les États-Unis disposent de l'Office of Foreign Assets Control (OFAC)[13].
- la Suisse, avec la Convention de diligence des banques (CDB) reprise par l'OBA-FINMA, dispose d'un outil permettant d'identifier chaque client d'une banque. Par ailleurs, l'obligation de remonter jusqu’à l'ayant droit économique des fonds supprime, en théorie, les risques liés aux sociétés écrans.
- l'Italie dispose de la Guardia di Finanza, est la police douanière et financière italienne, dépend directement du ministre de l'économie et des finances et possède de nombreuses compétences de police judiciaire.
- la Lettonie dispose de la Valsts ieņēmumu dienests, le Service des impôts. Il y a d'autres organismes (8 au total) qui disposent de compétences dans le domaine.
Mais cette lutte doit également se faire à un niveau international :
- Les membres du G7 (devenu depuis le G20) ont mis en place en 1989 le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI)[14] ou en anglais le Financial Action Task Force (FATF). Depuis, ce dernier s'est élargi à d'autres membres de l'OCDE et du Conseil de coopération du Golfe.
- L'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a dans une directive de 2002 réaffirmé sa volonté de lutter contre le blanchiment d'argent[15].
- Le Groupe intergouvernemental d'action contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (GIABA), actif en Afrique de l'Ouest.
GAFI : Groupe d'action financière contre le blanchiment d'argent
Formé en 1989 par le G7, le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) est un organisme intergouvernemental dont le but est de développer et de promouvoir une réponse internationale pour lutter contre le blanchiment d'argent. En octobre 2001, le GAFI a étendu sa mission pour y inclure la lutte contre le financement du terrorisme. Le GAFI est un organisme d'élaboration des politiques, qui rassemble des experts juridiques, financiers et policiers. Il a pour mission d'examiner les techniques et les tendances du blanchiment de capitaux, d'examiner les actions qui ont été menées au niveau national ou international et d'élaborer les mesures qui restent à prendre pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme international. Depuis 2007, ses membres se composent de 34 pays et territoires et deux organisations régionales. En outre, le GAFI travaille en collaboration avec un certain nombre d'instances et organisations internationales telles que le FMI, la Banque centrale européenne, Interpol, l'OCDE, l'ONUDC... Ces entités ont le statut d'observateur auprès du GAFI, statut qui, s'il ne donne pas le droit à de vote, permet cependant une pleine participation aux séances plénières et aux groupes de travail.
Notes et références
- ↑ Trop d’argent sale dans le monde
- ↑ Ce que cache l'« affaire Clearstream ». Ibrahime Warde, Le Monde Diplomatique no 627 de juin 2006
- ↑ MANOUK V., "Genèse du processus de blanchiment d'argent - Analyse conceptuelle : traces de l'expression en économie médiévale pré-capitaliste", Revue Internationale de Criminologie et de Police Technique et Scientifique (RICPTS), Volume LVII, no 3, juillet-septembre 2004, p. 323-338.
- ↑ Pierre Kopp, La lutte contre le blanchiment : in "Analyse économique comparée de la lutte anti- blanchiment : droit continental versus Common Law", Chaire Régulation de Science Po., (lire en ligne), p. 7
- ↑ Pierre Kopp, La lutte contre le blanchiment : in "Analyse économique comparée de la lutte anti- blanchiment : droit continental versus Common Law", Chaire Régulation de Science Po., (lire en ligne), p. 9 à 13
- ↑ LCB-FT dans Village de la Justice http://www.village-justice.com/articles/Blanchiment-lutte-contre,18812.html
- ↑ Loi n° 96-392 du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic des stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime, sur le site legifrance.gouv.fr
- ↑ Rapport sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe.
- ↑ Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, sur le site du Ministère de l'économie français
- ↑ (en) « Site officiel du TRACFIN » (consulté en )
- ↑ voir Article L.561-1 et suivants du Code monétaire et financier, sur le site legifrance.gouv.fr
- ↑ (en) « Site officiel du SICCFIN » (consulté en )
- ↑ (en) « Site officiel de l'OFAC » (consulté en )
- ↑ (en) « Site officiel du GAFI » (consulté en )
- ↑ [PDF] « Directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux dans les États membres de l'Union économique et monétaire ouest africaine », sur bceao.int, Union économique et monétaire ouest-africaine (consulté en )
Voir aussi
Articles connexes
- Affaire Clearstream 1 (chambre de compensation basée au Luxembourg, qui, selon le livre Révélation$ de Denis Robert et Ernest Backes, sert de plate-forme mondiale de blanchiment d'argent et d'évasion fiscale)
- Convention de l'ONU contre la corruption
- Convention de Palerme
- Le nouveau cadre de la lutte anti-blanchiment dans les établissements financiers : article à jour de la réglementation française actuellement en vigueur sur le sujet
- Questionnaire AML
Bibliographie
- Les Blanchisseurs, Jeffrey Robinson, Presses de la Cité, 1995
- Beau linge et argent sale - Fraude fiscale internationale et blanchiment des capitaux, Jean-Pierre Thiollet, Anagramme éditions, Paris, 2002
- L'odeur de l'argent sale, Christophe-Emmanuel Lucy, Eyrolles, Paris, 2003
- Le blanchiment, Jean-François Thony et Michel Koutouzis, Que sais-je, PUF, 2005.
- Techniques de blanchiment et moyens de lutte, Eric Vernier, Dunod, Paris, 3e édition, 2013
- Guide opérationnel de la lutte anti-blanchiment dans la banque, Odilon Audouin, Éditions AFGES, 2008
Liens externes
- Blanchiment d'argent / secteur construction au Québec Sur le site ledevoir.com
- Le dossier Blanchiment sur le site de l'Encyclopédie de l'Agora
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