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Polémiques autour de l'altermondialisation

Polémiques autour de l'altermondialisation

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Cet article résume les polémiques concernant l'altermondialisation.

Critique de l'altermondialisme

L'altermondialisme fait face à diverses critiques tant sur les principes qu'il affiche que sur son bilan.

Le doute sur l'aspect démocratique

L'altermondialisme se présente comme un mouvement visant la démocratie au niveau mondial, mais cette valeur passe après de nombreux préalables, tels qu'un certain égalitarisme social et une orientation économique prédéterminée. Bien que se disant favorable à la mondialisation démocratique, la vision alter est plutôt celle d'une démocratie sous condition d'acceptation d'un programme. D'ailleurs aucun processus précis pour une démocratisation du monde n'est présenté, à part de vagues intentions concernant par exemple l'OMC. Des doutes existent sur la légitimité civique des organisations altermondialistes pour intervenir dans les négociations internationales, ainsi que sur le côté démocratique de leur fonctionnement interne, notamment concernant ATTAC. Enfin, certains régimes assez généralement considérés comme soumis à un pouvoir personnel sans partage, par exemple ceux de Cuba et du Venezuela, adoptent une attitude bienveillante envers ces organisations.

Les incohérences concernant la vision économique et des échanges

Selon certains, le mouvement altermondialiste manquerait de cohérence dans ses objectifs, et les vues des différents membres seraient fondamentalement contradictoires. En effet, d'un côté les altermondialistes tiendraient un discours alarmiste sur l'impact dans les pays développés (le chômage, la perte d'industries, etc.) des délocalisations, alors que de l'autre, ils prétendraient défendre les pays les plus pauvres. Or, en matière de lutte contre la misère dans le tiers monde, l'OMC chercherait à abolir les barrières commerciales protectionnistes mises en place par les nations développées.

Les contre exemples

D'autres critiques mettent en avant les exemples significatifs de l'Inde et de la Chine, et plus généralement de tous les pays qui auraient décollé : loin d'être consécutifs à une forte ingérence politique dans l'économie (avec protectionnisme, investissements publics, caisse de « stabilisation », etc.), tous ces décollages auraient été observés avec la mise en place de politiques de libéralisation économique, moindre interventionnisme, désarmement douanier, etc. Comme pour la pauvreté, la thèse qu'une part importante de la population resterait exclue de ces progrès ne résisterait pas à la confrontation avec la réalité, et au demeurant une telle exclusion partielle ne serait pas un motif justifiant un statu quo pour tous.

Le contre-exemple le plus frappant est la ville indienne de Bangalore, qui, tout en ayant abrité une grande manifestation contre l'OMC en 1993, a acquis une fulgurante prospérité en se reconvertissant vers l'accueil des investissements étrangers, notamment des multinationales, dans les secteurs technologiques, et l'intégration dans la mondialisation des échanges commerciaux, au point d'être désormais surnommée la Silicon Valley de l'Asie.

L'ambivalence concernant le développement culturel

Sur le plan culturel, deux critiques des thèses altermondialistes existent. Selon la première, l'ouverture des frontières serait féconde, propice à l'émergence de cultures nouvelles, et le protectionnisme culturel ne conduirait qu'à une fossilisation de la culture au détriment de la culture vivante ; selon la seconde, si la libéralisation unifiait la culture mondiale ce serait plutôt une bonne chose, car des disparitions culturelles (langues, coutumes, etc.) seraient finalement plus à souhaiter qu'à regretter.

Le côté négatif et essentiellement abstrait

La Chronologie de l'altermondialisme montre que le mouvement, qui revendique une antériorité de 15 ans, s'est centré sur des actions de protestation. Il reste ainsi toujours empreint d'antimondialisation plus que tourné vers des actions concrètes d'amélioration de la vie des populations. Dans ce domaine, son bilan est quasi nul, d'autant que certaines initiatives privées sur le terrain (commerce équitable, microcrédit, logiciels libres, dont l'altermondialisme se présente parfois comme l'inspirateur et le promoteur, n'émanent nullement de ce mouvement.

Par ailleurs le fond doctrinal reste vague et semble tenir du slogan, voire de la langue de bois ("un autre monde est possible"). Il se décline en un catalogue de principes abstraits et très généraux, qui reflète le côté très disparate des mouvements se réclamant de - ou considérés appartenant à - la mouvance altermondialiste.

Les dangers pour la vie politique

Plus généralement, les libéraux estiment que toute ingérence politique serait moralement injuste, culturellement nuisible, et économiquement contre-productive, car les bonnes intentions politiques ne feraient qu'engendrer certains maux (corruption, prévarication, déplacement de la lutte du terrain économique vers le terrain électoral puis militaire, etc.), et que la question des relations internationales ne ferait pas exception. Ils estiment en général que les altermondialistes n'auraient en fait rien à proposer d'autre qu'un nouvel avatar du communisme, à l'échelle mondiale cette fois, qui serait aussi désastreux que ses manifestations locales déjà expérimentées.

Critique des critiques

Selon certains d'entre eux, jusqu'à présent, l'OMC a très bien réussi à supprimer les barrières douanières et les « obstacles » à la libéralisation des services dans les pays les plus pauvres. Par contre l'organisation aboutit chaque fois à un échec lorsqu'il s'agit de supprimer les réglementations des pays les plus riches, concernant notamment l'agriculture et les textiles. Surtout, les pays les plus riches pratiquent des subventions aux exportations agricoles, qui aboutissent à un dumping de fait sur les cours agricoles mondiaux.

La croissance de l'Inde et de la Chine sont certes incontestables, mais elles s'accompagnent, surtout en Chine, d'un encadrement étatique fort. Il n'est pas prouvé, bien au contraire, que les plus pauvres en tirent profit. D'autres pays, autrefois développés, se retrouvent dans une situation économique catastrophique, selon eux pour avoir voulu suivre à la lettre les recommandations de l'OMC et des institutions financières internationales apportant des aides financières telles que le FMI. Ils y attribuent par exemple la crise économique de l'Argentine, dont le déclin a démarré en fait après la première guerre mondiale et qui fut accentué par des politiques nationalistes et interventionnistes (avec en particulier l'influence toujours réelle du péronisme. Les altermondialistes ne pensent pas à restaurer un système qui n'a pas marché (le socialisme à la soviétique). Ils pensent d'abord à mettre un frein à ce qu'ils considèrent comme un libéralisme sauvage, et à permettre aux États de conserver leurs prérogatives. Selon eux, le monde ne peut pas être régi par les seules lois du marché.

Il ne faut pas oublier que l'OMC ne s'intéresse pas qu'aux barrières douanières, mais aussi à tout ce qui est susceptible de faire l'objet d'une transaction commerciale, notamment les services. L'Accord général sur le commerce des services (AGCS), l'un des divers accords de Marrakech, doit aboutir à la libéralisation de tous les services publics dits marchands, la santé, la fourniture d'énergie, la poste, les transports ou l'éducation par exemple. Cette libéralisation (ouverture à la concurrence) entraînera à terme la privatisation des services publics, lorsque ce n'est pas déjà fait.

Le mode 4, dans l'AGCS, serait encore pire en autorisant un fournisseur de services venu d'un pays A à faire travailler dans un pays B du personnel venu du pays A, en lui conservant le statut qui est le sien dans le pays A. Autrement dit, et pour rester dans le seul cadre de l'Union européenne, une entreprise polonaise pourrait, selon l'interprétation des altermondialistes, faire venir travailler en Allemagne des employés polonais payés avec le salaire qui est le leur en Pologne, et selon le code du travail et les avantages sociaux polonais.(ce paragraphe est dépassé)

La question du bilan

La chronologie des actions altermondialistes montre que l'histoire de l'altermondialisme a été riche en protestations et de contestations de toutes sortes de la mondialisation, accompagnées souvent de perturbations de l'ordre public, et parfois de violences. Cependant, son insistance à se démarquer sémantiquement de l'antimondialisation montre que cette doctrine entendait également apporter des idées positives et surtout des réalisations concrètes. De plus, les idées altermondialistes mettent en avant les plus gros défauts de la mondialisation. Les actions de ce mouvement ne sont pas à la hauteur des idées. L'altermondialisme ne serait donc, pour le moment, qu'une utopie.

Réalisations

Les réalisations concrètes que l'on peut citer depuis les manifestations de Seattle en 1999 :

  • Le thème de l'annulation de la dette des pays pauvres a été repris par les chefs d'États et partiellement mis en œuvre (dans le cadre du Club de Paris des pays créanciers qui accorde des allègements de dette depuis 1956)
  • En revanche, la revendication historique d'une taxation des capitaux patine ; la plus grande avancée a consisté en une initiative législative du Parlement européen, repoussée dès avant la première lecture grâce aux pressions de Tony Blair sur les députés travaillistes anglais, mais aussi et paradoxalement aux abstentions ou votes contre des députés de LO/LCR.
  • L'échec du référendum sur la Constitution Européenne en France est en partie dû aux critiques altermondialistes. Ce succès lui vaut en revanche l'hostilité d'une partie des partis de gauche social-démocrates français (PS) et européens (SPD en Allemagne, Parti Travailliste au Royaume-Uni notamment), ainsi que de la droite européenne modérée, ce que les altermondialistes interprètent comme une pensée unique pro-Union Européenne, nonobstant que leur courant de pensée soit loin d'être le seul à s'y opposer (conservateurs britanniques, souverainistes en France et ailleurs, droite religieuse en Espagne, en Bavière ou en Pologne, libéraux notamment anglais, parti populiste et xénophobe de Geert Wilders aux Pays-Bas, l'autre pays du NON, ...)

Le mouvement altermondialiste a essayé de s'approprier, pour se donner une image plus positive, la paternité de certaines initiatives de terrain dans lesquelles elle n'est objectivement pour rien : commerce équitable, microcrédit, logiciels libres... Le mouvement des logiciels libres (et ses applications dans d'autres domaines telles que Creative Commons ou Wikipédia) remonte par exemple à 1984 (voire ressuscite l'état d'esprit qui régnait aux origines de l'informatique) et peut être considéré comme un pur produit tant de la mondialisation que du libéralisme : produit de façon décentralisée par delà les nations et les frontières, il est la conjonction du libéralisme politique d'un Richard Stallman et du libéralisme économique (et de l'intérêt bien compris) de ses sponsors tels que IBM, Sun Microsystems, Novell... et ne fait que rétablir une concurrence non faussée par le monopole de Microsoft.

La question du logiciel libre, ici n'est pas tout à fait juste. Dans le sens où il y a effectivement une sorte de libéralisme politique (tant qu'on l'appeler ainsi ) mais cela s'accompagne d'une égalité des droits, attribués par l'auteur à ses autres utilisateurs (et auteurs potentiels) . Or le libéralisme politique (et encore plus le néo libéralisme) ne promeut pas cette égalité de droit en tant que telle. Il y a toujours eu une tension entre la liberté et l'égalité. Or le logiciel libre offre les deux et la protège (en tout cas la GPL ). En outre la question d'avoir rétabli une concurrence non faussée par rapport à Microsoft, cela est faux. Le levier principal de la domination de Microsoft sur le marché se situe dans la vente-liée. Celui-ci est toujours présent et le logiciel libre n'a pas permis de le faire sauter (étant donné que ce n'est pas une question de licence libre ). Ensuite la question de la concurrence du point de vue du logiciel libre, est accessoire, car la promotion du logiciel libre se fait par la question politico-philosophique du rapport de droit (et de liberté) de l'auteur par rapport à son destinataire du point de vue de la conception de Stallman. Et non de connaitre la place du logiciel libre sur un marché donné, bien que la place sur un marché donné est une variable à prendre en compte. Mais elle est instrumentale et non principale.

Pour en revenir à l'égalitarisation des droits de la licence, le logiciel libre permet cette égalisation (tant qu'on ne brise pas le cercle de protection institué par la licence ou tant qu'on continue à exécuter cette obligation naturelle lorsqu'on considère qu'il n'y a pas d'obligation juridique (cas de la licence bsd) -) En cela, cela s'approche d'une vision altermondialiste qui revendique un monde plus égalitaire et dont les ressources sont accessibles à tous (le logiciel libre avec les standards ouverts prônent aussi cette non-discrimination . En outre le logiciel libre a été reconnu patrimoine immatériel de l'humanité par L’UNESCO - ) . Finalement la question du logiciel libre rejoint la question des biens communs que posent les altermondialistes sur les autres ressources (eau, éducation etc... ) . Il est aussi à noter que les mouvements s'inscrivant dans la culture libre sont aussi ceux qui prônent la non-discrimination des droits (par exemple la neutralité du Net ). Chronologiquement on peut voir que la figure de la nébuleuse du hacking des débuts de l'informatique (où il y avait confusion entre hackers, crackers, phreackers ..) a évolué vers la figure du libriste (au moins une frange d'entre elle) et par cela est devenue politisée (la question du libre est basée sur la licence et non sur le code source en tant que tel, le code source n'est que le support pragmatique de la mise en œuvre de liberté qui a été accordée au préalable ). Et la figure du libriste semble arriver à un confluent avec celle de l'altermondialiste ( dans la défense et l'accès des biens communs).

Maigre bilan ?

Comparé à la passion et à la radicalité mise dans la contestation et l'opposition à la mondialisation, ces quelques réalisations restent selon de nombreux critiques rares et limitées ; et les améliorations apportées aux populations qu'elle prétend défendre discutables.

Ainsi, dans son ouvrage La grande perturbation analysant la mondialisation, le politologue français Zaki Laïdi consacre des pages d'analyse aux résistances à la mondialisation et sur les contradictions et les limites de la mouvance altermondialiste et arrive à la conclusion que « La capacité de la mouvance altermondialiste à proposer des solutions alternatives reste extrêmement limitée »[1]

Pascal Bruckner affirme que « Ce n’est pas être insultant que de souligner la grande faiblesse théorique de la mouvance altermondialiste qui peine à dépasser le stade de la simple invective au moment où le système a plus besoin que jamais pour se régénérer d’un adversaire à sa mesure. »[2]

Des réponses partielles à cet échec relatif peuvent être cherchés dans les manques suivants :

  • insuffisances dans les recherches de propositions cohérentes (ce qui peut être due à la forte disparité des acteurs "alter")
  • les essais de collaboration avec les entités responsables dans les domaines politique, économique et social,
  • les coopérations concrètes améliorant sur le terrain le sort des populations concernées (fossé par exemple entre les ONG humanitaires et celles préférant le militantisme).

Sur le terrain, une réaction contraire en faveur de la mondialisation des échanges économiques a pu au contraire être observé, comme le montre l'exemple de Bangalore : cette ville où s'est tenue une grande manifestation anti OMC en 1993, est maintenant surnommée la Silicon Valley de l'Asie, car elle doit sa prospérité actuelle à s'être ouverte massivement aux multinationales du secteur technologique, aux capitaux étrangers et à la mondialisation des échanges.

En ce qui concerne l'Europe, les altermondialistes ne semblent pas, vu de l'extérieur, faire des efforts crédibles pour qu'un réel plan B voit le jour, ce qui signifierait qu'après avoir diabolisé la constitution européenne ils se satisferaient du statu quo des Maastricht-Nice. Au vu des principaux changements entre le traité de Rome de 2004 et le traité de Nice, certains comme Alain Lipietz en déduisent qu'une organisation comme Attac a des conceptions souverainistes, qu'elle serait plus préoccupée d'acquérir un poids politique pour peser à l'échelle de l'État-nation que de construire à l'heure de la mondialisation un espace politique européen où la souveraineté est partagée, et qui est dans l'intérêt du prolétariat européen selon Toni Négri[3].

Notes et références

  1. La capacité de la mouvance altermondialiste à proposer des solutions alternatives reste extrêmement limitée - Interview avec Zaki Laïdi au sujet de son livre La grande perturbation
  2. Pascal Bruckner, préface de Bilan du Monde 2003, p.7
  3. Le nouveau prolétariat européen a intérêt à l’Europe unie - Toni Negri prend le contre-pied de la pensée unique altermondialiste contre l'Union européenne
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