Grand échange interaméricain
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Le grand échange interaméricain désigne un évènement paléozoogéographique majeur durant lequel la faune terrestre et d'eau douce migra d'Amérique du Nord via l'Amérique centrale vers l'Amérique du Sud et inversement, lors de la fermeture de l'isthme volcanique de Panama, qui faisait alors office de passerelle entre les deux continents. Le flux d'espèces atteint son maximum il y a environ 3 millions d'années, durant le Piacenzien (la première moitié du Pliocène supérieur).
La formation de l'isthme panaméen a permis la constitution d'un corridor biologique, dit corridor biologique méso-américain raccordant de l'écozone néotropicale et l'écozone néarctique. Ce corridor a eu un impact très important sur la répartition géographique des mammifères, des oiseaux coureurs, des arthropodes, des reptiles, des amphibiens et même des poissons d'eau douce, qui purent migrer entre les deux Amériques.
Il a été récemment transversalement et physiquement tranché par les 77 kilomètres du Canal de Panama (ouvert à la circulation des navires 1914); Seuls les oiseaux et quelques espèces d'insectes peuvent encore facilement passer d'une Amérique à l'autre, même si quelques propagules et animaux circulent via les bateaux, colis ou véhicules.
La faune endémique d'Amérique du Sud
Suite au morcellement du Gondwana (un supercontinent qui réunissait à la fois l'Amérique du Sud, l'Antarctique, l'Afrique, Madagascar, l'Inde et l'Australie) à la fin du crétacé, l'Amérique du Sud se retrouva séparée des autres terres continentales. Elle demeura une île-continent pendant la majeure partie du Cénozoïque. Son isolement permit à une faune très diverse et originale, en grande partie éteinte aujourd'hui, de s'y développer. Les mammifères endémiques étaient représentés à l'origine par des marsupiaux, des xénarthres ou édentés, et par divers groupes d'ongulés: notongulés (les « ongulés du Sud »), litopternes, astrapothères et pyrotheres. Les marsupiaux ont probablement pu migrer d'Amérique du Sud vers l'Australie et inversement via le continent Antarctique à la fin du Crétacé et au tout début du Tertiaire.
Les marsupiaux présents en Amérique du Sud comprenaient les didelphimorphes (opossums et apparentés) ainsi que d'autres petits groupes.
Les grands prédateurs étaient représentés par des métathériens non marsupiaux. Le Borhyaena ressemblait à une hyène, tandis que le Thylacosmilus avait l'apparence d'un félin à dents en lame de sabre. Mais ces grands prédateurs ne semblent pas avoir joué un rôle si prépondérant, puisque les phorusrhacidés ou "oiseaux-terreurs", de redoutables oiseaux carnivores inaptes au vol de deux à trois mètres de hauteur, purent cohabiter et prospérer à leurs côtés. Par ailleurs, au miocène vivait dans le nord de l'Argentine le second plus grand oiseau volant ayant jamais existé, Argentavis magnificens ; son envergure atteignait 6 mètres lorsqu'il déployait entièrement ses ailes. C'était probablement un charognard qui se nourrissait des carcasses abandonnées au sol par, notamment, le Thylacosmilus.
Les xénarthres sont un groupe singulier de mammifères qui ont su développer très tôt dans leur histoire des morphologies adaptées à leurs régimes alimentaires très spécialisés. En plus des formes de tatous, fourmiliers et paresseux existants aujourd'hui, il existait des tatous géants dont le fameux Glyptodon ainsi que des Paresseux terrestres (certains atteignaient la taille d'un éléphant comme le Mégathérium), ou encore aquatiques.
Les notongulés et litopternes comportaient de nombreuses formes étranges telles que Macrauchenia, un litopterne ressemblant à un dromadaire doté d'une trompe. Ils produisirent aussi un nombre important de formes familières qui peuvent être considérées comme des exemples d'évolutions parallèles ou convergentes: Thoatherium, dont le pied se terminait par un seul doigt, avait des membres comparables à ceux des chevaux ; Pachyrukhos ressemblait à un lapin, et Trigodon possédait une corne sur son museau comme le rhinocéros. Ces deux groupes descendaient probablement des condylarthres vivant au Paléocène. Ils se diversifièrent, puis déclinèrent avant le grand échange, pour s'éteindre au Pléistocène. Les pyrothères et astrapothères étaient non moins étranges mais ils étaient moins diversifiés et disparurent bien avant le grand échange.
Les premières vagues migratoires
L'invasion du continent sud-américain a débuté il y a 31,5 millions d'années avec une première vague migratoire, celle des rongeurs caviomorphes. Ils y connurent un succès fulgurant et donnèrent naissance, au détriment des petits marsupiaux présents sur ce continent, à une multitude d'espèces dont les capybaras, les chinchillas, les viscaches et les porcs-épics sud-américains sont les représentants actuels.
Ces rongeurs migrèrent probablement depuis l'Afrique ; la distance séparant alors l'Afrique de l'ouest du Brésil était moins importante qu'aujourd'hui. Par ailleurs, l'existence d'un chapelet d'îles et de courants marins orientés favorablement est-ouest a pu faciliter la traversée. On suppose que le voyage des espèces a eu lieu sur des radeaux constitués de bois flottés ou de parties de mangrove détachées du continent, qui auraient dérivé en transportant des groupes d'animaux comportant au moins une femelle fertile.
Une deuxième vague de migration se serait produite, il y a 25 millions d'années, et serait à l'origine de la présence des primates. Tout comme les rongeurs, ils étaient probablement originaires d'Afrique et seraient arrivés sur le continent sud-américain de la même manière. Les espèces capables de migrer devaient être de petite taille. Ne rencontrant pas non plus de concurrence sérieuse, ils se diversifièrent rapidement et donnèrent naissance aux singes du Nouveau Monde.
On retrouve des tortues terrestres sur le continent sud-américain depuis l'Oligocène. Pendant longtemps, on a pensé qu'elles étaient originaires d'Amérique du Nord, mais une étude de génétique comparative a démontré récemment que les membres sud-américains avaient pour plus proches parents les Kinixys, un genre de tortue terrestre africain. Les tortues ont pu franchir les océans grâce à leurs extraordinaires aptitudes à la survie : elles sont capables de flotter en maintenant la tête hors de l'eau et de rester sans manger pendant 6 mois. Les tortues sud-américaines auraient, par la suite, colonisé les îles Galápagos et les Caraïbes.
Le premier mammifère d'Amérique du Nord à être parvenu en Amérique du Sud serait un procyonidé carnivore. Il y a 7 millions d'années, il aurait rejoint l'Amérique du Sud en traversant ce qu'on pourrait appeler le détroit de Panama en passant par un chapelet d'îles. Les procyonidés sud-américains se diversifièrent alors pour donner naissance à des espèces aujourd'hui éteintes.
Par la suite, d'autres espèces auraient traversé le détroit de cette manière, notamment les pécaris, les rats et souris d'Amérique et les mouffettes.
Les paresseux terrestres ont également utilisé cette voie, mais dans le sens inverse. Ils seraient parvenus en Amérique du Nord il y a 9 millions d'années, après avoir colonisés les Antilles au début du Miocène.
Le grand échange biotique
Le grand échange biotique au sens strict a eu lieu il y a environ 3 millions d'années avec la surrection de l'isthme de Panama. Son impact fut considérable sur les faunes d'Amérique préexistantes. Il s'est traduit par la migration vers l'Amérique du Sud des ongulés nord-américain (lamas, tapirs, cervidés, chevaux), des proboscidiens, des carnivores (félins tels que le puma et le chat à dents de sabre, canidés, mustélidés, procyonidés et ours) et d'un grand nombre de rongeurs.
À sa mise en place, l'échange était équilibré, les courants migratoires étant d'égale importance dans les deux sens. Mais par la suite, il s'avéra que les espèces sud-américaines réussissaient moins bien à s'implanter que les espèces nord-américaines. Alors que les espèces sud-américaines migrant vers le continent nord-américain n'arrivaient pas à concurrencer les espèces déjà présentes, les espèces nord-américaines migrant vers le continent sud-américain s'établirent par contre en grand nombre et se diversifièrent considérablement.
Bien que les oiseaux-terreurs réussirent au début à s'implanter en Amérique du Nord (il y a environ 5 millions d'années en utilisant l'archipel d'Amérique centrale), ce succès ne fut que temporaire. Tous les plus grands oiseaux sud-américains et les prédateurs métathériens disparurent par la suite. Les petits marsupiaux réussirent mieux, tandis que les édentés à l'aspect pourtant primitif se montrèrent, chose surprenante, fort compétitifs.
La présence aujourd'hui de tatous, d'opossums et de porcs-épics en Amérique du Nord s'explique par le grand échange inter-américain. Les opossums et les porcs-épics furent les migrants sud-américains qui connurent la plus grande réussite, atteignant respectivement le Canada et l'Alaska. Les paresseux terrestres géants qui migrèrent vers le nord connurent aussi une belle réussite, puisque Megalonyx colonisa jusqu'au Yukon et en Alaska, et serait peut-être parvenu en Eurasie s'il n'avait subi la crise biologique de la fin du Quaternaire.
Les rongeurs de la sous famille Sigmodontinae (sous famille regroupant les rats et les souris du Nouveau Monde) sont les mammifères nord-américains qui ont le mieux prospéré et qui se sont le plus diversifié en Amérique du Sud. D'autres groupes de mammifères nord-américains ont également migré avec beaucoup de succès, notamment les canidés et les cervidés, avec chacun 6 genres présents en Amérique du Sud.
Les raisons des succès et des échecs de colonisation
Le triomphe des espèces nord-américaines en Amérique du Sud résulte de plusieurs facteurs. Le premier est climatique : les espèces migrant vers le nord, une fois franchi la Sierra Nevada, étaient confrontées à des conditions climatique bien plus rudes, bien plus froides que celles qui existaient dans la forêt tropicale humide sud-américaine. Le second facteur est lié à l'aire géographique dont disposaient les ancêtres des espèces nord-américaines par rapport aux ancêtres des espèces sud-américaines. Durant le Cénozoïque, l'Amérique du Nord était relié périodiquement à l'Eurasie via la Béringie, si bien que des échanges réciproques de leur faune étaient possibles, contribuant à l'uniformisation de celle-ci. L'Eurasie était elle-même relié à l'Afrique, ce qui élargissait encore plus l'espace disponible. Au contraire, l'Amérique du Sud s'est trouvée très tôt dans son histoire séparée de l'Antarctique et de l'Australie. Par ailleurs, ces continents étaient de tailles plus modestes, et peu d'animaux (uniquement des marsupiaux parmi les mammifères) semblent avoir réussi à circuler entre eux. Ceci signifie que la faune d'Amérique du Nord disposait d'un espace terrestre pratiquement six fois plus vaste que celle d'Amérique du Sud pour se développer.
Les xénarthres, qui ont réussi à résister à la vague migratoire nord-américaine, constituent néanmoins une exception. Leur succès peut s'expliquer par les moyens de défense efficaces qu'ils ont su mettre en place pour faire face aux prédateurs : griffes puissantes, armures corporelles. Ils ont probablement développé ces moyens de défense pour compenser leur métabolisme très lent. Par ailleurs, cette lenteur leur permettait de réduire leurs besoins nutritifs au strict minimum.
Les extinctions de la fin du Pléistocène
À la fin du Pléistocène, il y a environ 12 000 ans, trois évènements majeurs se produisirent : les ancêtres des Amérindiens colonisèrent le Nouveau Monde, la dernière glaciation prit fin et la mégafaune des Amériques connut une importante vague d'extinctions. Cette crise biologique fit de nombreuses victimes et n'épargna pas les espèces qui avaient su profiter avec succès du grand échange interaméricain. Tous les glyptodons et apparentés, les paresseux terrestres, les équidés, les proboscidiens, les loups et lions d'Amérique, et les smilodons des deux continents disparurent. Les derniers des notongulés d'Amérique centrale et du Sud s'éteignirent aussi, de même que les castors géants, les dholes, les guépards autochtones, les homothères qui peuplaient l'Amérique du Nord. Certains groupes disparurent d'Amérique du Nord, leur continent d'origine, mais survécurent dans leur nouvel habitat en Amérique du Sud ; c'est le cas des camélidés (vigognes et lamas), des tapiridés et des ours du genre Tremarctos (ours à lunette). D'autres espèces survécurent dans leur habitat d'origine mais s'éteignirent ailleurs, comme le capybara.
Il s'avère que toute la faune sud-américaine ayant migré en Amérique du Nord dont le poids dépassait 10 kg (le poids d'un grand tatou), ainsi que toute la faune sud-américaine vivant dans son habitat d'origine dont le poids dépassait 65 kg (le poids d'un fourmilier géant ou d'un grand capybara), a disparu. En revanche, le bison laineux, la plus grande espèce nord-américaine à n'avoir pas migré ayant survécu, dépasse les 900 kg, et le tapir de Baird, la plus grande espèce nord-américaine à avoir migré en Amérique du Sud ayant survécu, atteint 400 kg.
La quasi simultanéité de l'extinction de la mégafaune avec le peuplement par l'homme de l'Amérique et le retrait des glaciers suggère que ces évènements ne sont pas totalement indépendants. Cependant, ce sujet prête à discussion. Bien que le changement climatique ait affecté toutes les régions du globe, la mégafaune d'Afrique et d'Asie du Sud-Est n'a pas été touchée par les extinctions massives. Par ailleurs, au cours de ces derniers millions d'années, des périodes de glaciaires et interglaciaires se sont succédé sans que cela ait un impact dramatique sur la mégafaune d'alors.
Voir aussi
Articles connexes
- Biogéographie
- Isthme
- évolution
- Mégafaune
- Échange colombien
- Amérique du Nord
- Amérique du Sud
- Corridor biologique pan-américain
Liens externes
- (fr)
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Bibliographie
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Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Great American Interchange » (voir la liste des auteurs).
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