Fermentation
La fermentation est une réaction biochimique de conversion de l'énergie chimique contenue dans une source de carbone (souvent du glucose) en une autre forme d'énergie directement utilisable par la cellule en l'absence de dioxygène (milieu anaérobie). Comme le disait Louis Pasteur, « la fermentation, c'est la vie sans l'air. » C'est une simple réaction d'oxydoréduction où l'accepteur final d'électron est souvent le produit final. Elle se caractérise par une oxydation partielle du produit fermentescible, et donne lieu à une faible production d'énergie car la différence de potentiel d'oxydoréduction entre le donneur et l'accepteur d'électron est assez faible.
La formule de Louis Pasteur a été nuancée ces dernières décennies. On définit aujourd'hui la fermentation comme un système de transfert d'électrons (à visée énergétique) ne mettant pas en jeu des complexes membranaires mais uniquement des partenaires solubles (en général des acides organiques ou leurs dérivés).
La fermentation se distingue de la respiration cellulaire par son faible rendement énergétique.
- Lors de la respiration aérobie, l'accepteur final des électrons arrachés à la molécule (réduction) et transférés aux cofacteurs H2O + H+ (ou plus rarement aux cofacteurs NADPH + H+) est en dernier lieu le dioxygène de l'air. Cette respiration aérobie met en jeu des complexes membranaires.
- Dans le cas de la fermentation, les électrons sont transférés à des composés des voies métaboliques, tels que l'acide pyruvique (dans le cas de la fermentation lactique) ou l'acétaldéhyde (pour la fermentation alcoolique) entraînant respectivement la formation d'acide lactique et d'éthanol suivant les organismes et les conditions de cultures.
Histoire
La fermentation précède la maîtrise par l'homme de ce procédé ; en effet, les fruits fermentent sans aucune intervention humaine.
La fermentation est un phénomène naturel qui se produit lors de la décomposition de la matière organique. L'utilisation de la fermentation par les humains, remonterait au Paléolithique pour la conservation des aliments et au Néolithique pour la production de certaines boissons[1].
Réactions chimiques
On distingue plusieurs types de réactions de fermentation par la nature des produits de la réaction.
Fermentation éthanolique
Dans le cas de la fermentation éthanolique (ou fermentation alcoolique), la réaction dégage de l'éthanol :
Le glucose, l'adénosine diphosphate (ADP) et le phosphate inorganique produisent de l'éthanol, du dioxyde de carbone et de l'adénosine triphosphate (ATP).
Fermentation lactique
La fermentation lactique ou fermentation homolactique produit de l'acide lactique. Cette réaction se déroule dans le muscle au cours d'un effort intense pendant lequel l'apport en dioxygène est trop lent par rapport à la demande en énergie. Ce type de fermentation concerne aussi la transformation du lait en yaourt
Le glucose, l'adénosine diphosphate (ADP) et le phosphate inorganique (Pi) produisent de l'acide lactique et de l'adénosine triphosphate (ATP).
À titre de comparaison, en présence de dioxygène, la respiration produit jusqu'à 36-38 moles d'ATP à partir d'une mole de glucose, soit environ 18-19 fois plus que la fermentation. Elle mobilise un appareil enzymatique plus complexe (voir le Cycle de Krebs et chaîne respiratoire). En termes évolutifs, la fermentation est privilégiée tant qu'il existe de grandes quantités de sucre et peu d'oxygène, ce qui correspond aux conditions de vie avant l'apparition de l'atmosphère. Dès que le sucre se raréfie et/ou que l'oxygène devient abondant, comme cela a commencé il y a environ deux milliards d'années et s'est achevé il y environ 250 millions d'années, intervient la respiration ainsi que les organismes spécialisés capables de la mettre en œuvre. Notons que les mitochondries, lieu de la respiration cellulaire, sont des organites qui descendent des α-protéobactéries.
Il existe d'autres types de fermentation (fermentation butyrique, acétique, sulfurique…).
La fermentation acide mixte est un autre type de fermentation qui concerne essentiellement les entérobactéries, c'est-à-dire les bactéries du tube digestif.
Fermentation malolactique
Elle est réalisée par des bactéries. Elle permet de stabiliser les vins de garde.
L'équation chimique correspondante est la suivante (transformation de l'acide malique en acide lactique) :
Rôles physiologiques
Fermentation alcoolique
La fermentation alcoolique ou fermentation éthylique est réalisée par de nombreux organismes vivants (bactéries, levures) de manière permanente ou occasionnelle dans des milieux dépourvus d'oxygène. La propriété de certaines levures à transformer le sucre en éthanol est utilisée par l'homme dans la production de boissons alcooliques (et non boissons alcoolisées, comme on peut le lire improprement dans la presse ou l'entendre, car l'alcoolisation se fait de manière spontanée et non par adjonction d'éthanol/alcool), et pour la fabrication du pain. La température idéale de fermentation est de 35 °C à 40 °C.
Les boissons alcooliques sont obtenues par fermentation naturelles des solutions sucrées (moûts). Il s’agit d’une réaction chimique naturelle (biochimique) obtenue grâce aux micro-organismes (bactéries, moisissures, champignons) et aux levures qui grâce à leur enzyme, la zymase, décomposent les jus de fruits naturels en éthanol et en bulles de dioxyde de carbone.
Les levures sont présentes naturellement à la surface des fruits ou ajoutées aux moûts (jus de fruit) que l’on fait fermenter. Concrètement, pour provoquer le processus de fermentation, il suffit de laisser le fruit au contact de l'air en prenant soin de broyer les membranes de protection biologiques (peau…), ce qui se fait en écrasant ou en broyant le fruit. Les levures en suspension dans l'air sont amplement suffisantes pour produire la fermentation de la bouillie en quelques jours.
On peut aussi ajouter des levures afin d'accélérer ce processus naturel, comme la levure de bière (ou celle du pain) aussi, en maintenant la température aux alentours de 37 °C, la fermentation se produit en une heure environ.
Ce phénomène est scientifiquement connu depuis les travaux des chimistes Jean-Antoine Chaptal (à la suite des travaux de François Rozier et d'Antoine Lavoisier), de Gay-Lussac (1817), de Pasteur (1866) et de Buchner (1897) qui mettra en évidence le caractère enzymatique de la transformation du sucre en éthanol. Sa connaissance relève de la chimie, de l'enzymologie et de la microbiologie.
Fermentation lactique
Fermentation du lactose
La fermentation lactique est très utilisée en fromagerie. Les yaourts sont obtenus à partir de lait bouilli puis refroidi et ensemencé avec une souche définie de bactérie, par exemple L. Bulgaricus (Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus), et incubé selon le procédé de fermentation et le produit à fermenter.
Fermentation du chou en choucroute
La fabrication de la choucroute est réalisée par fermentation lactique en présence de 2 à 3 % de chlorure de sodium. Le processus est arrêté lorsque la teneur en acide lactique atteint environ 1,5 %.
Ensilage (agriculture)
La fermentation lactique est favorisée lors de l’ensilage des produits agricoles, car l’acidité produite empêche le développement d’autres micro-organismes pouvant provoquer la putréfaction des produits ensilés.
Fermentation par la flore intestinale
La présence de ferments lactiques dans la flore intestinale est très favorable à un bon fonctionnement de l’intestin[réf. nécessaire].
Contraction musculaire et fermentation lactique
Enfin, au cours des processus anaérobies présidant à la contraction musculaire, le glycogène qui est un polymère glycosylé libère du glucose grâce à une enzyme, la glycogène phosphorylase, le glucose rejoint ensuite la glycolyse et forme deux équivalents de pyruvate. Ceux-ci sont alors transformés en acide lactique par une lactase déshydrogénase, lequel est ultérieurement oxydé au cours des processus aérobiques. La fermentation lactique est une réaction chimique pouvant se dérouler en cas de privation d'oxygène dans les cellules musculaires. Les muscles ayant besoin d'une grande quantité d'énergie en cas d'activité physique, consomment une grande quantité de sucre et surtout, d'oxygène. Le glucose et l'oxygène nécessaires à la réaction de respiration cellulaire sont stockés dans la cellule et renouvelés par la circulation sanguine. La quantité d'oxygène apportée peut ne pas être suffisante, soit en cas d'effort bref et intense (compte tenu du délai entre le débit de repos et le débit en plein effort), ou bien encore alors que le débit maximum d'oxygène est déjà atteint (pendant le sprint final), alors que du sucre reste disponible ; les cellules musculaires réalisent alors la fermentation lactique pour produire de l'énergie.
L'augmentation de la concentration en ions lactates dans les cellules musculaires est une des raisons de la fatigue après une activité intense. En effet, ces ions lactates changent le pH intracellulaire et modifient de fait les conditions de fonctionnement enzymatiques de la cellule qui ne peut plus travailler correctement.
Néanmoins, des recherches récentes suggèrent que l'augmentation d'ions K+ pourraient être à blâmer, alors que l'excès de lactate (forme ionisée de l'acide lactique) entraînerait une augmentation des performances musculaires. Le lactate excédentaire étant « recyclé » en pyruvate par les cellules hépatiques
Procédés industriels de fermentation
- Pour le viticulteur, les quatre principaux objectifs de la fermentation alcoolique d'un jus de raisin sont les suivants :
- Assurer la fermentation complète et rapide des sucres.
- Éviter la production d'acidité volatile pendant le premier tiers de la fermentation.
- Éviter la production de composés soufrés à odeurs désagréables pendant toute la fermentation.
- Aboutir à l'objectif aromatique et gustatif, notamment par le choix de la levure sélectionnée.
La conduite de la fermentation alcoolique d'un moût de raisin nécessite de maîtriser les facteurs influant directement sur la vie et la survie d'une population de levures. Ils peuvent être rassemblés autour de treize points-clés dont la maîtrise constitue les bonnes pratiques de fermentation.
Pour le vin, ce sont les levures qui se trouvent sur la pruine qui, après pressurage (vin blancs et rosés) ou pendant la cuvaison (vins rouges) vont transformer le sucre présent dans les baies de raisin en alcool.
- Voir aussi fermentation de la bière.
- Dans le domaine du traitement des déchets organiques et de la production d'énergie renouvelable, il existe la méthanisation. La méthanisation permet de transformer toute matière organique (pollution organique, fumier, déchets ménagers fermentescibles) en biogaz. Elle consiste principalement en quatre phases :
- Hydrolyse des polymères de sucres, protéines ou lipides en monomères.
- Acidogènese qui permet la transformation de ces monomères en acides gras volatils.
- Acétogènese qui produit de l'acétate.
- Méthanogènese pour la production de méthane et de CO2.
Sources
- La Méthanisation Site d'information sur la méthanisation et le biogaz
- www.icv.fr
- Biology, Eight Edition, Campbell & Reece, Pearson International Edition
Notes et références
- ↑ (en) Clarence H Patrick, Alcohol, Culture, and Society, Duke University Press, 1970, p. 26-27
Voir aussi
Bibliographie
- Marie-claire Frederic, Ni cru ni cuit. Histoire et civilisation de l'aliment fermenté, Alma Editeur, 2014, 360 p. (ISBN 978-2362791079)
- (en) Sandor Ellix Katz, The Art of Fermentation: An In-Depth Exploration of Essential Concepts and Processes from around the World, Chelsea Green Publishing, 2012, 528 p.
Articles connexes
- Métabiose
- Microbiote
- Fermentation de la bière
- Macération carbonique
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