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Archipel des Kerguelen

Archipel des Kerguelen

Page d'aide sur l'homonymie Pour les articles homonymes, voir Kerguelen et Île de la Désolation.
Archipel des Kerguelen
Îles de la Désolation
Image satellite de l'archipel des Kerguelen.
Image satellite de l'archipel des Kerguelen.
Géographie
Pays  France
Localisation Océan Indien
Coordonnées 49° 20′ 00″ S 69° 20′ 00″ E/-49.3334, 69.333449° 20′ 00″ S 69° 20′ 00″ E/-49.3334, 69.3334
Superficie 7 215 km2
Côtes 2 800 km
Nombre d'îles 300
Île(s) principale(s) Grande Terre
Point culminant Mont Ross (1 850 m sur Grande Terre)
Géologie Îles volcaniques
Administration
Statut District des Terres australes et antarctiques françaises

Territoire d'outre-mer Terres australes et antarctiques françaises
Démographie
Population 45 hab. (2012)
Densité 0,01 hab./km2
Plus grande ville Port-aux-Français
Autres informations
Découverte 12 février 1772 par Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec
Fuseau horaire UTC+05:00
Site officiel http://www.taaf.fr

Géolocalisation sur la carte : océan Indien

Archipel des Kerguelen
Archipels de France

L'archipel des Kerguelen[1], également connu sous les noms d'îles Kerguelen ou d'îles de la Désolation, est un archipel français au sud de l'océan Indien. Il constitue l'un des cinq districts du territoire des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). L'île principale de l'archipel, la Grande Terre, est la troisième plus grande île française, presque aussi grande que la Corse ; c'est également la plus grande de toutes les îles sub-antarctiques devant la Malouine Orientale. La région occidentale est surmontée par la calotte glaciaire Cook qui s'étend sur 400 km2. Les paysages sont en partie comparables à ceux de l'Islande. Le littoral très découpé, entaillé de fjords profonds, développe environ 2 800 km de côtes[2]. L'intérieur des terres présente de fortes variations de relief et est parsemé de nombreux lacs et étangs.

Ces îles, d'origine volcanique, ont pour point culminant le Mont Ross, un volcan haut de 1 850 m. Elles sont éloignées de plus de 3 400 km de la terre habitée la plus proche et sont balayées en permanence par des vents forts[3]. Elles connaissent un climat océanique froid mais non glacial.

Elles furent découvertes le , par le navigateur breton Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec qui les baptisa alors « France australe »[4]. Ces terres qui portent désormais son nom sont restées, malgré quelques tentatives de colonisation, dépourvues d'habitants permanents. Jusqu'au début du XXe siècle les chasseurs de phoques et de baleines ont fréquenté l'archipel et en ont massacré la faune. Les populations animales se sont aujourd'hui reconstituées et les côtes accueillent à nouveau de nombreuses colonies de reproduction d'oiseaux (albatros, manchots, pétrels, etc.) et de mammifères marins (éléphants de mer et otaries). Les eaux côtières sont fréquentées par des baleines à bosse et abritent une population résidente de dauphins de Commerson. Les écosystèmes de l'archipel doivent toutefois s'adapter à la présence d'espèces introduites par l'homme, notamment des rennes, des mouflons, des lapins, des chats, des rats et des souris, des truites et des saumons, divers invertébrés et quelques plantes comme les pissenlits. Les îles, y compris une portion importante des eaux territoriales, sont classées en réserve naturelle. La zone économique exclusive est quant à elle l'une des zones de pêche de la légine.

Depuis 1950, la France assure le fonctionnement continu de la station de Port-aux-Français, base logistique, technique et scientifique où se relayent régulièrement 45 à 100 personnes. Actuellement il s'agit de la 66e mission.

Géographie

Situation

L'archipel des Kerguelen se situe sur le plateau sous-marin de Kerguelen, dont il constitue un des sommets émergés, avec les îles Heard-et-MacDonald. Il se trouve à une distance d'environ :

Les terres les plus proches sont :

  • les îles Heard-et-MacDonald (Australie, inhabitées) à 500 km au sud-est ;
  • les îles Saint-Paul et Amsterdam (France, 20 hivernants) à 1 400 km au nord-est ;
  • les îles Crozet (France, 24 hivernants) à 1 400 km à l'ouest et plus à l'ouest encore les îles Marion et du Prince-Édouard (Afrique du Sud).

Malgré ce que pourrait laisser penser son climat froid, l'archipel est relativement éloigné des régions polaires. En fait, l'archipel des Kerguelen se situe dans une bande de latitude (australe) comparable à la Haute-Normandie dans l'Hémisphère nord : ainsi Port-aux-Français est aussi éloigné du pôle Sud que Rouen du pôle Nord.

Topographie

Carte de l'archipel des Kerguelen.
Paysage de la péninsule Rallier du Baty.
Port-aux-français dans la Baie du Morbihan.

L'archipel, d'une superficie d'environ 7 215 km2, est constitué d'une île principale, la Grande Terre entourée de plus de 300 îles et îlots satellites. La plupart sont très proches de l'île principale (souvent quelques centaines de mètres, parfois moins), si l'on excepte les groupes plus éloignés des îles Nuageuses et des îles Leygues au nord et quelques îlots au sud. Les côtes sont dans leur ensemble extrêmement découpées avec quelques grands golfes (Morbihan, des Baleiniers, Choiseul, baie d'Audierne) et de nombreuses baies secondaires ainsi que de longs fjords (Bossière, Karl Luyken etc.). Le point culminant de l'archipel est le volcan du mont Ross qui atteint 1 850 m d'altitude.

La Grande Terre avec ses 6 675 km2 (les 3/4 de la superficie de la Corse) représente 92 % de la superficie totale de l'archipel et s'étend sur environ 150 km d'ouest en est et sur 120 km nord au sud.

Elle est couverte, au centre-ouest, par la calotte glaciaire Cook d'une superficie d'environ 400 km2 qui culmine au Dôme à près de 1 050 m d'altitude. Plus d'une vingtaine de glaciers, plus ou moins bien individualisés s'en écoulent dont les principaux sont, dans le sens des aiguilles d'une montre : les glaciers Agassiz, de Chamonix, Dumont d'Urville, Vallot, Naumann, de l'Explorateur, Ampère, Lavoisier, Descartes, Curie, Pasteur-Mariette.

La Grande Terre présente de nombreux diverticules dont les principaux sont :

  • au sud, le massif Gallieni, dominé par le mont Ross et au nord le massif de la Société de géographie ;
  • à l'est, la péninsule Courbet reliée à la Grande Terre par le plateau Armengaud ;
  • au sud-est, la presqu'île Jeanne d'Arc reliée à la Grande Terre par le halage des Swains et elle-même reliée à la presqu'île Ronarc'h par le halage des Naufragés ;
  • au sud-ouest, la péninsule Rallier du Baty dont l'arête sommitale atteint 1 200 m ;
  • au nord-ouest, la péninsule Loranchet reliée à la Grande Terre par la vallée Ring et qui s'étend vers le nord jusqu'au cap d'Estaing ;
  • dans le centre-nord, la presqu'île Joffre reliée à la Grande Terre par le Halage de la baie de la Baleine.

Parmi les autres îles, la plus grande est l'île Foch (centre-nord) qui couvre plus de 200 km2 et qui est séparée de la Grande Terre par le détroit de Tucker.

D'autres îles peuvent être signalées :

  • l'île Saint-Lanne Gramont, les îles Howe et Mac Murdo séparées de l'île Foch par le canal Aldrich ;
  • l'île du Roland et l'île de Croÿ dans le groupe des îles Nuageuses au nord-ouest, séparées de l'archipel par le chenal du J-B Charcot ;
  • l'île de Castries dans le groupe des îles Leygues séparées de l'île Howe par la passe de la Résolution ;
  • l'île du Port et la presqu'île Bouquet de la Grye dans le golfe des Baleiniers ;
  • l'île Longue, l'île Australia, l'île Haute ainsi qu'un très grand nombre de petites îles et ilots dans le golfe du Morbihan ;
  • au sud, l'île Gaby, l'île Altazin dans la baie des Swains et les îles du Prince-de-Monaco en prolongement de la presqu'île La Bourdonnais ;
  • l'île de l'Ouest sur la côte occidentale séparée de la Grande Terre par le détroit de la Marianne ;
  • l'îlot Solitaire, à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de la Grande Terre, au-dessus du 50e parallèle. C'est le rocher le plus occidental de l'archipel et le second le plus austral ;
  • les îles de Boynes, au sud, sous le 50e parallèle, îles les plus méridionales de l'archipel et hors Terre Adélie, la terre française la plus méridionale.

Géologie

Le plateau de Kerguelen : un petit « continent » immergé.
Carte géologique simplifiée de l'archipel des Kerguelen.
Article détaillé : Géologie de l'archipel des Kerguelen.

L'archipel des Kerguelen constitue la partie émergée du plateau sous-marin de Kerguelen-Heard qui couvre près de 2,2 millions de km2[5] et qui possède un homologue, Broken Ridge, situé symétriquement par rapport à l'axe de la dorsale est-indienne[6].

La majeure partie des formes géologiques visibles sur l'archipel des Kerguelen sont caractéristiques d'un volcanisme effusif de type trappéen dont la mise en place au-dessus du niveau de l'océan a débuté il y a 35 millions d'années. L'accumulation est considérable : les coulées basaltiques épaisses chacune de 3 à 10 mètres se superposent parfois sur plus de 1 200 mètres. Ce type de volcanisme donne un relief monumental en forme d'escaliers ou de pyramides.

Localement d'autres formes volcaniques sont présentes, notamment le volcan strombolien que constitue le mont Ross ou le complexe volcano-plutonique de la péninsule Rallier du Baty. Les injections et extrusions de laves différenciées (trachytes, trachy-phonolites, phonolites) sont également fréquentes un peu partout. Aucune activité éruptive n'a été observée historiquement mais des fumerolles sont toujours actives dans le sud ouest de la Grande Terre.

Quelques niveaux à lignites se trouvent interstratifiés dans les coulées de basaltes et recèlent des fossiles d'araucariacées datés d'environ 14 millions d'années.

Enfin les glaciations ont provoqué des phénomènes d'enfoncement et de basculement à l'origine des golfes marins du nord et de l'est de l'archipel. L'érosion fluvio-glaciaire très active a modelé les vallées et les fjords et permis également la formation de complexes détritiques à conglomérats et la constitution de la plaine de la péninsule Courbet.

Climat

La dénomination du climat de l'archipel varie selon les classifications:

  • la classification de Köppen considère que l'archipel des Kerguelen est soumis à un climat polaire de type « ET » (climat de toundra) car l'été est peu marqué et la température du mois plus chaud est comprise entre 0 °C et 10 °C.
  • la classification de Troll et Paffen, considère elle que l'archipel est soumis à un type subpolaire océanique[7], froid et extrêmement venteux.

Des conditions sensiblement comparables peuvent se rencontrer en Patagonie chilienne ou en Islande, et bien sûr sur d'autres îles sub-antarctiques (îles Crozet, îles Malouines, etc.).

Toutes les données météorologiques chiffrées concernent la station de Port-aux-Français dont la position d'un point de vue climatique est l'une des plus favorables de l'île, car située sur la côte sous le vent au bord d'un golfe abrité.

La température moyenne annuelle y est de 4,9 °C avec une amplitude faible d'environ 6 °C[8], les mois les plus chauds étant ceux de janvier et février avec une moyenne de 7,8 à 8,2 °C et le mois le plus froid celui d'août avec 2,1 °C. Les maxima absolus relevés dépassent rarement les 20 °C, tandis qu'à l'autre extrême aucune température inférieure à −10 °C au niveau de la mer n'a été constatée.

Le record de chaleur est de 23,1 °C en avril et le record de froid est de −9,5 °C atteint le 11/08/2014[9].

Les précipitations sont fréquentes, et peuvent se produire sous forme de pluie comme de neige, tout au long de l'année. La hauteur annuelle moyenne à Port-aux-Français est cependant modeste et n'atteint que 708 mm, mais sur la côte ouest à l'opposé, on estime qu'il tomberait trois fois plus d'eau.

Mois jan. fév. mars avril mai juin jui. août sep. oct. nov. déc. année
Température minimale moyenne (°C) 4,4 4,7 4,1 3,2 1,5 0,4 −0,3 −0,4 −0,2 0,7 2 3,4 1,9
Température moyenne (°C) 7,8 8,2 7,3 6,1 4,2 2,8 2,2 2,1 2,5 3,9 5,3 6,8 4,9
Température maximale moyenne (°C) 11,1 11,5 10,5 9 6,7 5,2 4,7 4,6 5,3 7 8,6 10,1 7,8
Record de froid (°C) −1,5 −1 −0,9 −2,7 −5,9 −8,3 −8 −9,5 −7,7 −5 −3,7 −1,2 −9,5
Record de chaleur (°C) 22,3 22,3 20,6 23 16,8 14,5 13,4 14,4 15,8 19,1 21,3 21,6 23
Précipitations (mm) 72,2 49,5 57,5 59,6 59,9 75,9 62,9 63,4 62,3 59,3 51,9 55,1 727
Source : MeteoStats[10]

Les montagnes sont donc fréquemment couvertes de neige mais peuvent s'en dégarnir rapidement et fortement avec la pluie. Il existe plusieurs glaciers permanents marqués depuis plusieurs décennies par un net recul et pour les plus petits d'entre eux par une disparition complète[11].

Le vent d'ouest, qu'aucune végétation ne coupe, souffle quasi continuellement à une moyenne de 35 km/h, l'archipel se trouvant dans les « quarantièmes rugissants ». Les vents de 150 km/h sont courants et atteignent parfois 200 km/h.

Des hauteurs de houle de douze à quinze mètres sont courantes, mais l'archipel offre aux bateaux de nombreux abris protégés (dont l'historique Port-Christmas à la pointe nord-ouest).

Hydrologie

Cours d'eau

Les principaux cours d'eau de l'archipel des Kerguelen sont :

  • l'Arve
  • la rivière du Château
  • la rivière de l'Est
  • la rivière des Galets

Lacs

Article détaillé : Liste des lacs de l'archipel des Kerguelen.

Les principaux lacs de l'archipel des Kerguelen sont :

  • Lac Bontemps
  • Lac de Chamonix
  • Lac d'Entr'Aigues
  • Lac Marville

Histoire

Yves de Kerguelen vers 1780 (g.) et James Cook (d.) en 1776.

L'archipel est découvert le par le navigateur français Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec qui l'aborde par le nord-ouest et ne peut accoster, en raison du mauvais temps, que 40 lieues plus au sud dans l'anse du Lion-Marin. Il en prend possession au nom du roi de France, puis de retour vante à ce dernier la possibilité d'un nouveau continent austral afin d'organiser une seconde expédition. De retour dans l'archipel en décembre 1773, il entre dans la baie de l'Oiseau et envoie le 6 janvier 1774 son lieutenant Henri Pascal de Rochegude à terre laisser un message dans une bouteille mise en évidence sur un rocher au fond de l'anse sur le site notifiant la double prise de possession au nom de la couronne française[12] :

« Ludovico XV. galliarum rege, et d.* [omino] de Boynes regi a Secretis ad res maritimas annis 1772 et 1773. »

Quatre ans plus tard, James Cook aborde l'archipel le au nord-ouest également, jetant l'ancre dans la baie de l'Oiseau, et nomme le havre naturel Christmas Harbour avant de s'apercevoir du double passage d'Yves de Kerguelen au même lieu en découvrant le message dans la bouteille laissée sur le site, auquel il ajoute la mention de son propre accostage[12]. De fait, James Cook valide l'antériorité de la découverte et de la possession françaises en accordant d'appeler cette île du nom de Kerguelen, alors qu'il avait aussi pensé au terme, approprié à ses yeux, d'« île de la Désolation »[12].

Hope Cottage de John Nunn - Pointe Charlotte

Le marin britannique John Nunn fit naufrage sur l'archipel en août 1825. Nunn et ses trois équipiers restèrent bloqués sur l'île jusqu'à leur sauvetage en février 1827. L'archipel des Kerguelen est tout au long du XIXe siècle une halte pour de nombreux navires baleiniers et phoquiers, principalement américains et britanniques, lors de leurs campagnes dans les mers du Sud.

 
Port-Christmas le 2 janvier 1893 (haut) et Port-Gazelle le 8 janvier 1893 (bas) lors du renouvellement de la prise de possession de l'archipel par l'équipage de l'Eure.

L'archipel n'est cependant pas habité à cette époque de manière permanente par des Français, laissant la possibilité d'une potentielle dépossession par un autre pays. Le président Sadi Carnot prend alors la décision de renouveler la souveraineté de la France sur ses terres australes et envoie l'aviso Eure sous le commandement du capitaine de frégate Louis Lieutard[13] réaliser une série de prises de possessions solennelles dans les terres australes françaises. Il mouille en premier à Port-Christmas le , réitère la prise de possession française par vingt et un coups de canon, une levée des couleurs au mat et l'apposition d'une plaque indicative en cuivre portant l'inscription « EURE - 1893 » sur le site, avant de renouveler durant quinze jours ces opérations en différents lieux de l'archipel dont Port-Gazelle[14],[15]. La même année, le gouvernement concède aux frères Henry et René-Émile Bossière l'exploitation de l'archipel des Kerguelen pour cinquante ans. Ils tentent d'établir un élevage de moutons, sur le principe qui suivit aux îles Malouines, et l'exploitation des ressources en huile animale ; ces deux entreprises périclitent à l'orée du premier conflit mondial.

En 1908–1909 (à bord du J.-B.-Charcot) puis en 1913–1914 (avec la Curieuse), le navigateur-écrivain Raymond Rallier du Baty et son frère Henri explorent les rivages, les baies et les terres de l'archipel pour établir la première toponymie officielle de ces terres. Le géologue Edgar Aubert de la Rüe, assisté par son épouse Andrée, entreprend l'étude géologique et géographique de l'archipel lors de quatre campagnes (1928–1929, 1931, 1949–1950, 1952) et poursuit les travaux de dénomination.

En 1924, les îles Crozet, Saint-Paul, Amsterdam et l'archipel des Kerguelen sont rattachées à l'administration du gouvernement général de Madagascar, comme district des « îles Éparses » dépendant de la province de Tamatave. La station permanente de Port-aux-Français créée en 1950 a permis une étude détaillée de l'environnement géophysique, géologique et des biologies animales marines, terrestres et végétales (voir ci-dessous). Depuis 1955, l'archipel des Kerguelen constitue l'un des quatre puis cinq districts des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et est administré depuis la ville de Saint-Pierre, à la Réunion, mais il ne fait pas pour autant partie de ce département d'outre-mer.

Au début des années 1960, les Kerguelen fûrent envisagées comme site d'essais nucléaires[16].

Toponymie

Article détaillé : Toponymie de l'archipel des Kerguelen.

L'archipel, inhabité lors de sa découverte en 1772, resta sans population permanente depuis, exception faite d'une tentative d'installation d'une ferme, quelques occupations ponctuelles pour des activités baleinières, et depuis les années 1950, une présence scientifique française. La toponymie de l'archipel lui a donc été donné ex nihilo, par les différents explorateurs, des baleiniers ou phoquiers ayant fréquenté ses eaux et ses mouillages puis au XXe siècle, puis une fois la possession française de l'archipel réaffirmée, par quelques institutions françaises.

Selon l'historienne Gracie Delépine, les toponymes de l'archipel des Kerguelen sont « les témoins, à la fois de la découverte faite progressivement par les Européens, en même temps que de la civilisation intellectuelle de ces mêmes Européens. Les toponymes ont été laissés sur l'archipel des Kerguelen, depuis la découverte en 1772 jusqu'à aujourd'hui, par les explorateurs, chasseurs, pêcheurs, savants, marines nationales de tous pays : il y en a plus de mille. De plus, ils donnent un portrait géographique des îles, de même qu'une description zoologique et botanique : ils en font l'histoire naturelle[17]. »

Les noms que l'on trouve sur l'archipel ont principalement été donnés lors des[17]:

  • Deux expéditions d'Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec (1772 et 1773)
  • Le passage de James Cook (1776)
  • Les baleiniers et les phoquiers à la fin du XVIIIe siècle et au cours du XIXe siècle principalement au travers de la carte de Rhodes (1799) et la carte de Nunn (1850)
  • Les deux séjours de Raymond Rallier du Baty (1908–1909 puis 1913–1914), première toponymie officielle
  • la Commission de Toponymie (de 1966 à 1971)

Activités

Ferme abandonnée de Port Couvreux

L'activité principale de l'archipel des Kerguelen est la recherche scientifique :

  • géologie, volcanologie, sismologie, géomagnétisme et pétrologie ;
  • météorologie ;
  • océanographie;
  • biologie, zoologie, botanique et écologie ;
  • hydrographie
  • médecine et biologie humaine ;
  • ichtyologie.

Pour ce faire, la France a créé en 1950 la station permanente de Port-aux-Français.

Les Kerguelen n'ont pas d'habitants permanents et n'abritent que le personnel de la base établie à Port-aux-Français (de 45 en saison d'hiver à 120 personnes en campagne d'été). En hiver, la population est composée de :

  • Un chef de district ;
  • Une douzaine de volontaires civils à l'aide technique chargés de missions scientifiques dont un coordinateur (Géner), deux ornithologues, quatre écologues, trois instrumentistes et trois agents de la Réserve naturelle ;
  • Une quinzaine de militaires détachés des trois armées ;
  • L'équipe cuisine, composée d'un cuisinier, un second de cuisine, un boucher, un boulanger-pâtissier et un serveur ;
  • Du personnel contractuel assurant la rénovation et l'entretien technique des bâtiments et des routes ;
  • Du personnel assurant le fonctionnement de la station CNES (deux personnes) ;
  • Du personnel de Météo-France (trois personnes).

Un navire, la Curieuse N.O., affrété par l'Institut polaire français Paul-Émile Victor est attaché à l'archipel et sert de support logistique aux programmes scientifiques.

Par ailleurs, en 1992, le Centre national d'études spatiales (CNES) a installé une station de poursuite de satellites, sur un plateau situé à 4 km à l'est de la base de Port-aux-Français.

L'agriculture était limitée à l'élevage extensif de quelque 3 500 moutons sur l'île Longue pour l'alimentation des résidents[18] et à la production de quelques légumes frais sous serre à Port-aux-Français. En 1911, Valérien Culet, berger et « guide à touristes » de Bonneval-sur-Arc, accompagne le baron Pierre Decouz à l'archipel des Kerguelen, pour y mettre en place, à la demande des frères Bossière, personnalités havraises concessionnaires des îles australes françaises, l'élevage de moutons en liberté. Actuellement, il n'y a plus que des béliers sur l'île Longue, la population devrait donc disparaître dans les 3-4 ans à venir (note de 2012).

Dans la zone économique exclusive (ZEE) des 200 milles, une pêche à la légine est opérée par quelques navires d'armateurs français ou étrangers ayant acquitté un droit de pêche. Un patrouilleur, l’Albatros, ainsi que les frégates Nivose et Floréal de la Marine nationale française et un bateau de surveillance des TAAF, l'Osiris, assurent la surveillance de la zone économique pour l'ensemble des TAAF et faire respecter les quotas de pêche et éviter les bateaux de pêche pirates[19].

Pavillon de l'archipel des Kerguelen

Article détaillé : Pavillon de l'archipel des Kerguelen.

Pavillon créé par la France en 1986, moins contraignant que le pavillon français, pour éviter l'immatriculation des navires des compagnies françaises sous pavillon de complaisance.

Faune et flore

Manchots royaux.
Articles détaillés : Faune de l'archipel des Kerguelen et Flore de l'archipel des Kerguelen.

Situées à la convergence antarctique où le mélange des eaux froides de l'Antarctique et des eaux plus chaudes de l'océan Indien stimule la production des chaînes alimentaires, l'archipel des Kerguelen constitue un lieu privilégié de rassemblement de nombreux animaux océaniques, en particulier de ceux qui ont besoin de la terre ferme pour se reproduire.

Le littoral accueille d'impressionnantes colonies de reproduction d'éléphants de mer, de manchots royaux, de diverses espèces d'albatros ou de gorfous.

Les eaux environnantes sont caractérisées par la dominance de poissons de la famille des Nototheniidae, comprenant notamment la très convoitée légine dont la pêche, souvent réalisée dans des conditions illégales, est particulièrement importante pour la consommation de cette espèce en Asie.

Les écosystèmes originaux ont cependant été profondément modifiés d'une part par la surexploitation des ressources (chasse baleinière et phoquière tout au long du XIXe siècle, pêche industrielle à la fin du XXe siècle) et d'autre part par l'introduction volontaire ou involontaire d'animaux exogènes qui se sont acclimatés : lapins, chats, rats, rennes, truites, etc.

La végétation terrestre, également très altérée par l'impact des lapins, est assez maigre, formant près du littoral des paysages de toundra, mais se réduisant le plus souvent, dès que la pauvreté du sol s'accentue ou que la rudesse du climat augmente avec l'altitude, à des touffes éparses au milieu d'étendues minérales ou à de discrètes colonies de lichens. On trouve une espèce caractéristique : le chou de Kerguelen (Pringlea antiscorbutica). Début 2008, l'UICN alertait sur le fait que 32 plantes « natives » devaient déjà faire face à 70 plantes récemment introduites par l'Homme dans l'archipel[20].

La végétation marine est en revanche très luxuriante, marquée par la présence de vastes forêts sous-marines de Macrocystis ou par une frange côtière de durvilléas.

L'archipel des Kerguelen dans les arts

L'archipel des Kerguelen dans les romans de fiction

  • Edgar Allan Poe, Les Aventures d'Arthur Gordon Pym, 1838.
  • Jules Verne, Le Sphinx des glaces (chapitres I à III), Hetzel, Paris, 1897
  • Valery Larbaud, Aux couleurs de Rome (chapitre « Le Gouverneur de [sic] Kerguelen »), 1938.
  • Patrick O'Brian, L'Île de la Désolation, 1978
  • Jacques Nougier, Les Corsaires des terres australes, éditions de la Dyle, 1999, (ISBN 90-76526-08-7).
  • Patrick Robinson, Le Sous-Marin de la dernière chance, 1999, (ISBN 2-226-10712-6)
  • Françoise Sylvestre, Léone, éditions Orphie, Chevagny-sur-Guye, 2000, (ISBN 2-87763-112-5)
  • Axel Vachon, Les Seigneurs rebelles ; ill., Daniel Lordey. - Paris : P. Téqui, 2006 - (collection Défi ; 23). (ISBN 978-2-7403-1251-3)
  • Axel Vachon, Le Chemin des glaces ; ill., Marion Raynaud de Prigny. - Paris : P. Téqui, 2008 - (collection Défi ; 26). (ISBN 978-2-7403-1398-5)
  • Cordwainer Smith, War No. 81-Q (La Guerre numéro 81-Q), 2007
  • Axel Vachon, Le Piège des cinquantièmes hurlants ; ill., Daniel Lordey. - Paris : P. Téqui, 2009 - (collection Défi ; 20). (ISBN 978-2-7403-1063-2)

L'archipel des Kerguelen dans les chansons

  • Lettre à Hélène, chantée par Dave, 1978
  • Les Moutons, du groupe Matmatah, 1997

L'archipel des Kerguelen au cinéma

Dans Le Gendarme et les Gendarmettes (1982), l’adjudant Gerbert (Michel Galabru) peste contre son maréchal des logis chef Cruchot (Louis de Funès), le menaçant d’une mutation « à Maubeuge ou dans les îles Kerguelen ! Vous savez où c'est, vous, les îles Kerguelen ? ».

Notes et références

  1. (fr) « Code des collectivités d'outre-mer (COM) », Insee (consulté le 20 février 2014)
  2. - Rapport Technique no 2 de l’ONERC, février 2009 p. 12 - Présentation de Kerguelen - Géographie, géologie et climat
  3. - Le plan de relance dans les Taaf, 2009 - Focus sur… Les éoliennes - Kerguelen, le vent et les éoliennes…
  4. - Institut Polaire Français - Archipel de Kerguelen - Le 12 février 1772, dans le sud de l'océan Indien, Yves-Joseph de Kerguelen de Tremarec aperçoit une terre où il croit voir le continent Austral, et lui donne le nom de « France australe ». Il fait débarquer un marin pour prendre possession du territoire au nom du roi. Il s'agit en fait de l'archipel des Kerguelen qui sera nommé ainsi par James Cook en 1776.
  5. Roland Schlich
  6. [PDF] M. Recq, P. Charvis, La ride asismique de Kerguelen-Heard—Anomalie du geoide et compensation isostatique, Marine geology, 1987, no 76, p. 301-311. (résumé)
  7. Météo-France : Un mois d'août record aux Kerguelen
  8. Météo France : Kerguelen
  9. « Un mois d'août record aux Kerguelen », sur le site Météo-France, (consulté le 29 août 2014)
  10. Climat : station Port-aux-Français (depuis 1971).
  11. Edgar Aubert de la Rüe, Remarques sur la disparition des glaciers de la Péninsule Courbet (Archipel de Kerguelen), TAAF Revue trimestrielle, 1967, no 40.
  12. 1 2 3 (en) James Cook, The Three Voyages of Captain James Cook Round the World, vol. 5, éd. Longman, Hurst, Rees, Orme, et Brown, Londres, 1821, [lire en ligne], p. 146-151.
  13. Louis Édouard Paul Lieutard (1842-1902) mène une tournée de prise de possessions officielles de l'archipel des Kerguelen du 1er au 15 janvier 1893, puis de l'île Saint-Paul et de l'île Amsterdam pour la France à bord de l'aviso Eure. Son nom est donné au XXe siècle à un sommet situé au sud de l'archipel.
  14. Avant l'heure, c'est plus l'Eure par Yann Libessart, représentant de l'État dans l'archipel des Kerguelen, sur son blog Les manchots de la République pour Libération le 7 juillet 2008
  15. Archipel de Kerguelen sur le site de l'Institut polaire français Paul-Émile Victor.
  16. Jean-Marc Régnault, « La France à la recherche de sites nucléaires (1957-1963) », Cahier du Centre d'études d'histoire de la défense, no 12 « Science, technologie et Défense. Stratégies autour de l’atome et de l’espace (1945-1998) », , p. 24-47 (ISSN 2-9515024-0-0, lire en ligne)
  17. 1 2 Toponymie des Terres australes, Commission territoriale de toponymie avec le concours de Gracie Delépine, août 1973.
  18. « David Grangette, le berger des Kerguelen », Le Monde du 4 janvier 2007, [lire en ligne]
  19. Jacques Nougier, Pirate de légines, 201 p. L'Harmattan, 2003. (ISBN 2-7475-4459-1)
  20. Source : Télégramme de Bretagne, 17 02 2008

Annexes

Bibliographie

  • Raymond Rallier du Baty, 15000 miles in a Ketch, Nelson, 1910 (traduit : Aventures aux Kerguelen, éditions Maritimes et d’Outre-Mer, 1991)
  • Edgar Aubert-de-la-Rüe, Deux ans aux îles de la Désolation, Julliard (collection Sciences et Voyages), 316 p., 1954
  • Edgar Aubert-de-la-Rüe, Les terres australes, Que sais-je ? no 603, Presses universitaires de France, 1953
  • Jean-Paul Kauffmann, L'Arche des Kerguelen, éditions Flammarion, 1993, (ISBN 2-08-066621-5)
  • Max Schmid et André Giret, Kerguelen, Birken-Halde Verlag, Winterthur, Suisse, 1998
  • Jacques Mouriès, Pierre Gradoz, Rencontres australes, JMO, Le Port (Réunion), 2001
  • Alexandra Marois, Les Îles Kerguelen, un monde exotique sans indigènes, L'Harmattan - Graveurs de mémoires, Paris, 2003
  • Isabelle Autissier, Kerguelen, le voyageur du pays de l'ombre, Grasset, 2006
  • Jacques Nougier Bibliographie cartographique des îles Kerguelen de 1772 à 1962. CNFRA no 22, 55 p., 1967, IGN/CNFRA.
  • Gracie Delépine, L'Amiral de Kerguelen et les mythes de son temps, L'Harmattan, 1998. (ISBN 2-7384-6680-X)
  • Gildas Flahault, Les carnets tempête, Voyage aux îles Kerguelen, Glénat
  • J.C. Duchêne, Kerguelen, recherches au bout du monde, TAAF mission de recherche
  • Natacha Hochman, Kerguelen, l'Archipel de l'Albatros, Marines
  • Christophe Houdaille, Au vent des Kerguelen, Transboréal
  • Yves de Kerguelen de Trémarec, Relation de deux voyages dans les mers australes et des Indes, faits en 1771, 1772, 1773 et 1774, Edit. Le Serpent de Mer, 2000.
  • Amiral de Brossard. Kerguelen : le découvreur et ses îles, T.1 et T.2. Paris : France Empire, 1970 et 1971. 595 et 539 p.
  • Michel Janssens. Contes du Studer : vieilles nouvelles et histoires de Kerguelen. Paris : Édition impossible, 2008. (ISBN 978-2-9532871-0-3).
  • Emmanuel Lepage, Voyage aux îles de la Désolation, Paris, Futuropolis, , 235 mm X 333 mm, 160 p. (ISBN 9782754804240, notice BnF no FRBNF42395854)
  • Pierre Couesnon, Histoire postale des Kerguelen", Editions Bertrand Sinais, 1989

Films

  • Jacques Nougier, Ker 12 : le syndrome austral, DVD-Vidéo de 67 minutes avec bonus de 22 minutes tourné par Philippe Leclercq et Pierre Simon au cours de l'hivernage 1962. Édité et diffusé par l'Harmattan-Vidéo, décembre 2006. Coul. et N&B. ISBN 2-296-02240-5 ; [réf. BNF : DLV-20051018-7259].
  • Gilbert Dassonville, Terra incognita - Terre des scientifiques Film en ligne de 27 minutes de présentation des missions scientifiques effectuées dans l'archipel des Kerguelen, 1964, produit par le SFRS-CERIMES (service du film de recherche scientifique)
  • Bruno Calle, Gérard Jumel, La caverne des phoquiers, VHS documentaire de 26', 1995, produit par Jour J. Productions
  • Rob Rombout, 2000, Le piège de Kerguelen, documentaire de 40 minutes

Articles connexes

Liens externes

Sites officiels
  • TAAF (Territoire des terres australes et antarctiques françaises)
  • IPEV (Institut polaire français Paul-Émile Victor)
Divers
  • Géologie de l'archipel des Kerguelen
  • Les Manchots de la République, chroniques du bout du monde
  • Îles Kerguelen : invitation au voyage
  • Portail des Terres australes et antarctiques françaises
  • Portail du monde insulaire
  • Portail de la France d’outre-mer
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