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Sunnisme

Sunnisme

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Pourcentage de musulmans par pays
vert : sunnisme, rouge : chiisme, bleu : ibadisme

Le sunnisme[1] est le courant religieux majoritaire de l'islam. 90% des musulmans sont sunnites[2]. Il est parfois apparenté à une vision orthodoxe de l'islam[3].

Ce qui distingue les courants de l'islam est principalement l'interprétation de la religion tandis qu'ils peuvent se référer aux mêmes sources utilisées pour écrire le droit musulman. Les sunnites s'accordent sur trois sources de référence principales : le Coran, livre révélé au prophète de l'islam Mahomet, la sunna, qui sont les cas non directement évoqués dans le Coran, puis le consensus des jurisconsultes musulmans et la déduction juridique (qiyâs)[4]. Le sunnisme possède plusieurs écoles juridiques (madhhab), ayant toutes les mêmes croyances. Les quatre principales écoles étant le hanafisme, le malékisme, le chaféisme et le hanbalisme. Chaque courant se réclame plus ou moins d'une école.

Le mot sunnite est basé sur le mot « sunna » qui représente la ligne de conduite de Mahomet[5], dernier prophète de l'Islam. Ses actes ont donc valeur de loi et sont tous compilés en différents récits appelés « hadith » dont les principaux recueils sont le Sahih al-Bukhari et le Sahih Muslim, considérés comme quasiment authentiques ou totalement par l'ensemble des musulmans sunnites[5].

Constituant une des trois grandes divisions de l'islam, les sunnites sont désignés en arabe comme les hommes de la « sunna » et de la communauté (ahl al-sunna wa'l-djama‘a). On les nomme aussi simplement ahl al-Kitab : hommes du Livre (le « Coran »), ou ahl al-djama‘a, ou ahl al-idjtima‘ (= idjma‘) : hommes du consensus (cf. Henri Laoust, Les Schismes dans l'Islam). Par opposition aux chiites et aux kharidjites, on les appelle parfois « musulmans orthodoxes » bien que l'islam ne comprenne aucun magistère censé définir légitimement une telle norme. Le critère de l'ijmâ', auquel les penseurs sunnites ont parfois recours pour définir leur système, se présente comme une règle idéale que chacun invoque et applique à sa manière. Il y a, en fait, divergence sur l'idée qu'on se forme et sur la réalité qu'on lui confère : s'agit-il du consensus de la communauté tout entière, des docteurs des grandes métropoles (amsar), ou simplement des Compagnons du Prophète ? En outre, ce consensus, quel qu'il soit, ne dispose d'aucun organe défini pour s'exprimer et s'imposer : l'islam n'a ni pape, ni synode, ni concile. Tout ce qu'on peut dire, c'est que le sunnisme, pris dans son ensemble, correspond à un islam majoritaire, bien qu'il admette dans la réalité une grande variété d'opinions qui s'opposent sur des questions, parfois importantes, de théologie ou de droit, sans qu'il en résulte des divisions irréductibles dans la communauté. Ces divergences donnent lieu, entre savants, à des querelles d'écoles qui se condamnent les unes les autres sans s'excommunier, car dénoncer un homme comme infidèle (takfîr) est un acte si grave qu'il peut se retourner contre son auteur s'il s'est trompé[6].

Géographiquement, les sunnites sont répandus en Afrique du Nord, en Libye et en Égypte, en Arabie saoudite, en Syrie et en Irak, au Pakistan, en Indonésie, en Afrique noire ; on les trouve tantôt seuls, tantôt mêlés à des minorités kharidjites (Afrique du Nord) ou chiites (Liban, Syrie, Irak, Inde) ; tantôt attachés à un islam qui se veut « arabe » (Coran arabe, Prophète arabe), tantôt à un islam plus ou moins altéré par l'intégration de croyances et de coutumes anciennes chez les peuples islamisés.

Histoire

Article principal : Califat.

À la mort de Mahomet, en 632, un différend naît entre les habitants de Médine et de La Mecque concernant sa succession. Certains préfèrent une succession issue de la famille en proposant notamment Ali son gendre et cousin pour lui succéder. Les compagnons s'y opposent et nomment comme premier calife Abou Bakr. Le troisième calife Othmân est assassiné en 656 par des opposants qui portent au pouvoir Ali. Le gouverneur de Damas Muʿawiya, cousin d'Othmân, entre en conflit avec Ali devant l'incapacité de ce dernier à faire arrêter les assassins d'Othmân, ce qui provoque la première guerre civile musulmane, la fitna. Pendant le règne d'Ali, un clivage se cristallise entre ceux qui s'appuient sur la sunnah, la tradition du Prophète (les sunnites), et ceux qui sont du parti d'Ali (Shīʻatu ʻAlī, les Chiites). En 661, Ali est assassiné et Muʿawiya désigné cinquième calife. Il rompt alors avec la tradition arabe du califat électif au profit du califat héréditaire des Omeyyades avec comme capitale Damas. En 680, côté sunnite, Yazīd fils de Muʿawiya prend la succession de son père, tandis que côté chiite, Al-Ḥusayn, fils d'Ali, succède lui aussi à son père. En guerre, Al-Ḥusayn est massacré avec sa famille et ses hommes à la bataille de Kerbala par les armées omeyyades. Kerbala qui voit le califat sunnite triompher et pulvérise les ambitions dynastiques de la famille du Prophète est en même temps l'épisode fondateur du chiisme[7].

Jurisprudence

La Grande Mosquée de Kairouan (également appelée mosquée Oqba Ibn Nafi), fondée en 670, est le berceau de l'Islam sunnite dans tout l'Occident musulman et elle fut le centre de formation des premières générations de savants musulmans dans cette région[8]. La Grande Mosquée de Kairouan avait aussi, depuis le IXe siècle, la réputation d'être l'un des plus importants centres d'enseignement de la jurisprudence malékite[9] ; elle est située à Kairouan en Tunisie.

Les quatre grandes écoles ont divergé sur des questions de jurisprudence mais sont unanimes sur les fondements de la croyance (Aqida), à savoir le Coran et la sunna de Mahomet selon la compréhension de ses compagnons. Ces trois fondements sont privilégiés par rapport à la raison. Dans l'islam médiéval, on retrouva très difficilement les interprétations religieuses libérales de certains philosophes ou islamologues modernes.

Les quatre écoles se reconnaissent mutuellement comme valides et véridiques, et les différences qui les caractérisent sont relativement minimes.

  • L'école hanafite d'Abu Hanifa Al-Nu'man Ibn Thabit. C'est la plus ancienne et la plus répandue des écoles, créée au moment où les religieux de l'époque, contemporains du prophète, décidèrent de déménager à Koufa en Irak. C'est l'école la plus ouverte au niveau des déductions, car elle insiste sur la liberté d'opinion, le jugement personnel, et la recherche de la meilleure solution (au cas par cas, en fonction des convenances du moment et de l'équité). Il existe donc, du moins à l'origine, une certaine marge de manœuvre interprétative. Le rite insiste sur l'importance des textes et de la tradition. Peu à peu, cette école va perdre de sa capacité à innover et la notion d'ijtihad (interprétation) laisse place à la notion de taqlid (imitation, tradition). L'école hanafite se retrouve surtout chez les peuples turcs, indo-pakistanais, afghans et chinois.
  • L'école malikite a été fondée par Mâlik ibn Anas en basant la théorie juridique sur les coutumes médinoises au moment où Mahomet y vivait. Elle diffère essentiellement des trois autres écoles par les sources qu'elle utilise pour déterminer la jurisprudence. Si les quatre écoles utilisent le Coran, la sunna, ainsi que l'ijma (le consensus des experts) et les analogies (qiyas), le malikisme utilise également les pratiques des habitants de Médine (Amal ahl al-medina) à l'époque de Mahomet comme sources de la jurisprudence (fiqh). Cette place majeure donnée à la coutume a favorisé l'acceptation de coutumes populaires rejetées par d'autres courants. L'interprétation (ijtihad), d'abord recommandée, est (pour certains juristes) fermée au Xe siècle. L'école est principalement répandue en Afrique du Nord et en Afrique de l'Ouest, ainsi qu'en Syrie et aux Émirats arabes unis. Une minorité malikite importante est également présente dans les villes saintes de La Mecque (dont est issu le célèbre Imâm Muhammad Ibn 'Alawî Al Mâlikî Al Makkî) et de Médine. L'Espagne musulmane (al-andalus) était le bastion du sunnisme malikite. Elle reste cependant toujours présente en Occident, notamment en Europe de l'Ouest et aux États-Unis.
  • L'école chaféite de Mouhammad abū àbd allah ben idrīs aš-šāfi`ī, descendant de la tribu de Quraysh, dont est également issu Mahomet, est un compromis entre les deux écoles précédentes. Cette école valorise la sunna comme source du droit, et insiste sur le consensus de toute la communauté, mais le point de vue des savants l'emporte, écartant par là l'opinion personnelle. Elle est particulièrement répandue en Égypte, Arabie, Yémen, Koweït, Indonésie, Malaisie, Viêt Nam, Philippines et Thaïlande.
  • Le hanbalisme est l'école inspirée par l’imam Ahmed Ibn Hanbal (mort en 855). Elle est considérée comme l'école traditionaliste par excellence[10]. Majoritaire dans la péninsule arabique, notamment en Arabie saoudite, l'école hanbalite a exercé et continue d'exercer une influence intellectuelle importante.

Théologie

Selon certains mouvements, certaines questions théologiques ne trouvent pas de réponses claires dans le Coran, comme la nature de Dieu, le libre arbitre ou l'éternité de l'existence. Plusieurs écoles de théologie et philosophie se sont développées pour répondre à ces questions, chacune prétendant relever de la vraie tradition musulmane sunnite.

Contrairement aux quatre écoles de jurisprudence, ces écoles théologiques se contredisent. Elles alimentent les divisions au sein du sunnisme :

  • L'asharisme (littéralisme et rationalisme), fondé par Abû Al-Hasan Al-Ach`arî (873-935) est un des principaux courants théologiques. Il fut entre autres adopté chez les malékites du Maghreb par Al-Mazri et chez les chaféites par Al-Ghazali, un mystique et juriste qui pense que la révélation dépasse la raison humaine. Cependant, cette école théologique se différencie des traditionalistes atharistes en considérant qu'il est parfois nécessaire d'ajouter le raisonnement à la révélation contenue dans le Coran et la sunna afin d'expliquer certaines ambiguïtés et de réfuter certaines pensées jugées hérétiques comme l'anthropomorphisme[11]. Cette méthodologie de raisonnement théologique est appelé kalâm, et autorise une certaine interprétation prudente et limitée des textes, non strictement littéraliste. L'asharisme a su ainsi montrer la compatibilité des textes révélés avec la raison.
  • L'atharisme (littéralisme), non proprement fondé mais défendu par l'imam Ahmad Ibn Hanbal et ceux qui l'ont suivi. Tous les noms et attributs de Dieu qui sont connus du Coran ne sont pas soumis à interprétation, tout anthropomorphisme ou métaphorisme est prohibé. En conséquence, l'école est très littéraliste et ceci de tout point de vue. L'atharisme est très répandu au sein des membres de l'école de jurisprudence hanbalite. Le courant salafiste est également basé sur cette école.
  • Le maturidisme, fondé par Abul Mansûr Al Mâturîdî (944). Assez minoritaire jusqu'à son adoption par les tribus turques d'Asie centrale, en même temps qu'ils ont adopté l'école juridique hanafite. Le maturidisme est une école théologique identique à l'Ash'arisme et surtout répandue chez les sunnites de jurisprudence hanafite. L'imam fondateur de cette école doctrinale était contemporain à l'imam Abû Al-Hasan Al-Ach`arî. À eux deux, ils restent la référence principale des sunnites en termes de croyance.

Écoles théologiques marginalisées ou disparues[12] :

  • Le motazilisme, utilisant le kalâm, a été fondé en Irak par Wasil bin 'Ata (699-749). Les motazilistes dominent en 750, sous la nouvelle dynastie des califes abbassides. Elle est même devenue doctrine officielle sous le calife Al-Mamun qui fit persécuter ses opposants. Elle tomba finalement en désuétude après sa mort. C'est la réaction au motazilisme qui a largement entraîné la formation définitive du sunnisme, même si le motazilisme a en partie influencé ce dernier dont l'acharisme. Une certaine influence motaziliste peut également être retrouvée chez les chiites, même si le motazilisme est clairement apparu dans le camp califal que combattait les chiites du VIIIe siècle. Le parti dit Hizb at-tahrîr a repris certaines idées des motazilites, notamment concernant la création des actes de l'homme.

Les sunnites, à savoir les asharites et les maturidites, ont expliqué que l'homme ne crée pas ses actes, mais qu'il les acquiert. En d'autres termes, l'homme oriente sa volonté vers l'acte et c'est Dieu qui le crée (cf. traité Tahawiyya, Sanouciyya, Nasafiyya etc).

Fêtes spécifiques

Les deux fêtes authentiquement sacrées des sunnites sont :

  • Aïd al-Ad'ha : fête du sacrifice, durant les jours du hajj (pèlerinage à La Mecque et au mont Arafat) , ainsi que la vie et le sacrifice d'Ibrahim. Elle est fêtée le 10 de dhou al Hijja ;
  • Aïd al-Fitr : fête de la rupture du jeûne, célébrant la fin du mois de ramadan. Elle a lieu le premier jour du mois lunaire chawwal suivant celui de ramadan.

On trouvera aussi d'autres fêtes comme celle de la naissance du prophète Mahomet (Mawlid) ou celle du nouvel an du calendrier islamique. Celles-ci font cependant l'objet de vives critiques au sein de la communauté car elles n'ont aucun fondement et aucun lien avec les sources primaires de l'islam ( sur le caractère fêtard ) .

Notes et références

  1. arabe : سني sunnīy
  2. http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/sunnisme/94575 Selon le Larousse « Réunissant environ 90 % de la communauté musulmane, le sunnisme se présente comme la voie moyenne de la religion musulmane entre le chiisme et le kharidjisme. »
  3. (en) « Sunni and Shia Islam », Library of Congress Country Studies (consulté le 17 décembre 2010)
  4. Si le Coran est considéré comme incréé, donc œuvre de Dieu lui-même, la similitude avec la Trinité constituant la source d'inspiration chrétienne mérite d'être signalée
  5. 1 2 (en) « Sunna », Merriam-Webster (consulté le 17 décembre 2010) : « the body of Islamic custom and practice based on Muhammad's words and deeds »
  6. Ce concept est proche du péché contre l'esprit dans le christianisme
  7. Martine Gozlan, Sunnites, Chiites. Pourquoi ils s'entretuent, Seuil, 2008, p. 50
  8. Évariste Lévi-Provençal, Études d'orientalisme dédiées à la mémoire de Lévi-Provençal, Volume 1, éd. Maisonneuve et Larose, Paris, 1962, p. 203
  9. (en) Roland Anthony Oliver et Anthony Atmore, Medieval Africa, 1250-1800, éd. Cambridge University Press, Cambridge, 2001, p. 36
  10. Charles Saint-Prot, Islam, l'avenir de la tradition entre révolution et occidentalisation
  11. (en) Bülent Þenay, « Ash'ariyyah Theology, Ashariyyah », BELIEVE Religious Information Source (consulté le 1er avril 2006)
  12. Rachida Rostane, mémoire ou thèse (version d'origine)Fêtes religieuses et profanes dans l'Occident musulman au Moyen Âge

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Messaoud Boudjenoun, Les Quatre Imâms : fondateurs des écoles sunnites. Paris : Universel, 2004. 264 p., 23 cm. (ISBN 2-911546-41-5).
  • Charles Saint-Prot.Islam, l'avenir de la Tradition entre révolution et occidentalisation.Paris: Le Rocher, 2008.
  • Madame Rachida Rostane, article "les statuts coranique" publié in revue « Convergence » année 2002 autour du discours islamo-chrétien.
  • Edgard Weber, L'Islam sunnite contemporain, éd. Brepols, Turnhout, 2001.
  • Ibrahim al-Ya'qûbî, La doctrine de l'unité selon le sunnisme, éd. Alif, Lyon, 1999.
  • Corentin Pabiot, Les quatre écoles de droit sunnites, Paris : Maison d'Ennour, 2006, 108 p. (ISBN 2-7524-0055-1).
  • Corentin Pabiot, Le Sunnisme - Des origines à la constitution des écoles, Paris : Maison d'Ennour, 2014, 254 p. (ISBN 2-7524-0067-5).
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