Serre
Une serre est une structure qui peut être parfaitement close destinée en général à la production agricole. Elle vise à soustraire aux éléments climatiques les cultures vivrières ou de loisir pour une meilleure gestion des besoins des plantes et pour en accélérer la croissance ou les produire indépendamment des saisons.
La culture sous serre s'appelle la serriculture.
La serre peut être aussi un édifice architectural d'agrément qui satisfait l'esthétique par sa forme et par les plantes qu'elle contient, ou qui satisfait la curiosité.
Histoire
Une définition ancienne dit que les serres sont un lieu couvert où pendant l'hiver on serre les orangers, les jasmins, et autres arbres ou plantes qui ont le plus besoin d'être à couvert de la gelée (Dictionnaire de l'Académie française, Première Édition (1694)), et où l'on serre aussi quelquefois des fruits. Un ouvrage de maçonnerie vitré sur le dessus suffisait à cet usage.
Les serres telles qu'on les envisage aujourd'hui (dans leurs prolongement, la véranda, la marquise, le bow-window, l'oriel) sont des produits de la révolution industrielle.
À l'aube de la révolution industrielle, les progrès réalisés dans la métallurgie permettent de réaliser des bâtiments techniquement audacieux constitués de métal (Dans un premier temps la fonte, ensuite un fer forgé obtenu par puddlage, plus tard l'acier) et de verre.
Le fer est alors l'occasion de prouesses techniques que les nations affichent dans les expositions universelles. Le Crystal Palace par exemple, à l'Exposition universelle de 1851 à Hyde Park, démontre la supériorité industrielle et technique du Royaume-Uni. Il est l’œuvre de Joseph Paxton, paysagiste et jardinier. Il est le point de départ d'une architecture de verre, que l'on retrouvera aussi dans les gares, et dans certaines halles notamment.
La fabrication des serres reste alors le domaine de la serrurerie (terme avec lequel il partage, c'est un hasard, la racine serre, de serare, « fermer »), bien que la fabrication des profilés métallique se soit déplacée de l'atelier et du travail du forgeron vers les ateliers et le travail à la chaîne des usines sidérurgiques.
de serre : un vieux malentendu
L'effet de serre est connu depuis longtemps et bien démontré par l'hélio thermomètre de Horace-Bénédict de Saussure, mais son explication ne l'était pas. C'est Arrhenius qui en donne l'explication encore aujourd'hui la plus populaire : les rayons solaires entrent, le sol les convertit en infra-rouge, le verre (opaque à ces rayons) les bloque et ainsi la température augmente. Pourtant Robert Williams Wood a réfuté cette théorie en 1909, simplement en remplaçant le verre par du halite transparent aux infra-rouges : on observe alors que la température atteinte par la serre reste quasiment la même[1].
Ainsi, paradoxalement, une serre ne fonctionne pas selon l'effet de serre tel qu'il est entendu de nos jours, c'est-à-dire suivant la théorie d'Arrhenius. C'est le blocage de la convection qui maintient la température.
Une serre est destinée à protéger les plantes non rustiques et à favoriser la croissance des cultures (légumes, fleurs, etc.) en créant des conditions climatiques plus favorables que le climat local ou pour permettre les cultures dites « hors saison ».
L'unité de base s'appelle une chapelle, plusieurs peuvent être construites côte à côte.
Les parois et/ou couverture sont transparentes ou translucides, permettant de cultiver des plantes dans un environnement plus chaud ou mieux contrôlé qu'à l'extérieur. La culture peut être faite dans le sol d'origine, ou en hors sol, en hydroponique, en pots ou dans des sacs de laine de roche.
La serre peut parfois être chauffée à la demande pour des productions toute l'année dans des pays froids ou tempérés. Des systèmes de régulation de la température et de l'humidité sont nécessaires, car l'atmosphère chaude, humide et confinée de la serre peut favoriser des attaques parasitaires ou de pathogènes des plantes (champignons notamment), contre lesquels l'agriculture moderne (dite conventionnelle) lutte avec des pesticides, et l'agriculture bio avec des produits naturels, des auxiliaires (insectes prédateurs des parasites) et une rotation étudiée des cultures.
Les ouvriers agricoles peuvent être plus exposés aux pesticides dans les serres qu'à l'extérieur, alors qu'en raison de la température élevée qui y règne le port des combinaisons, masques et gants de protection y est difficile à supporter.
Le tunnel, ou serre-tunnel est une autre forme de serre. Il s'agit d'une structure plus légère car recouverte de bâches plastiques résistantes aux ultraviolets et tendues sur des tubes métalliques arrondis. De dimensions variables, les tunnels sont intéressants pour leur plus faible coût de construction. Ils sont constitués également de chapelles pour couvrir de plus grande surfaces. Ils sont construits pour protéger des cultures précoces ou tardives des conditions climatiques extérieures défavorables.
Un concept proche est celui de véranda ou de jardin d'hiver sous verrières, qui sont des éléments de construction publique ou de maisons individuelles. Des serres ont aussi été utilisées au-dessus de lagunages pour l'épuration d'eaux usées en hiver ou pour traiter par évaporation/déshydratation des lixiviats de décharges de classe 1 (décharge d'Angers en France par exemple).
Charpente
Le plus souvent, la charpente d'une serre est faite d'acier et d'aluminium. Elle est étudiée de manière à offrir le minimum d'ombre portée. En toiture, des ouvrants dispensent l'aération nécessaire.
Toiture
La couverture est translucide et généralement en verre, minéral ou synthétique, mais aussi en matière plastique (par exemple : film en polyéthylène, plaques semi-rigides PVC) rigide ou souple, généralement traité pour résister aux ultraviolets. Ce film peut être armé pour augmenter sa résistance aux déchirements.
Le verre est un matériau de meilleure qualité car il laisse mieux passer la lumière tandis que les matières synthétiques deviennent de moins en moins translucides si elles ne le sont pas déjà (sauf dans le cas du polyester thermoplastique transparent (PETG) qui offre une transmission lumineuse supérieure au verre). Le poids du matériel a aussi une certaine importance : il est plus facile d'installer une matière plastique que du verre sur une toiture de serre. Il y a des toitures de toutes formes. Les toits en « V » renversés sont les plus courants ; il existe aussi des toits courbés, surtout utilisés pour les revêtements souples. Il arrive que les serres rondes soient faites en verre mais le coût de telles serres est exorbitant.
Gestion du climat
La maitrise du climat est la raison d'être des serres ; on peut créer un environnement idéal pour la croissance des plantes. Sa gestion est souvent confiée à un ordinateur surtout si les unités de production sont grandes. On peut donc, théoriquement, faire pousser des tomates en Antarctique, mais le coût de la gestion du climat (chaleur et lumière) dans les serres limite les extrêmes.
Gestion de la température
La gestion de la température des serres est contrôlée par la ventilation en cas d'excès. Si les températures baissent à un niveau inférieur à celui accepté par les cultures, on utilise de puissantes chaudières au gaz naturel ou à fioul ou autre moyen de chauffage pour élever la température. La distribution des calories à l'intérieur de la serre se fait par convection grâce à des tuyaux aériens, ou des aérothermes. La chaleur peut être distribuée en basse température (branché sur le retour du chauffage) par des tapis sous les tablettes de culture pour apporter une chaleur de fond.
Il est important que les serres soient chauffées non seulement pour la température mais aussi pour que fonde la couche de neige et de glace empêchant la lumière d'entrer dans les serres. D'autres systèmes existent.
La température peut également être gérée automatiquement par l'utilisation de toile d'ombrage. Quand les rayons du soleil sont trop ardents, ces écrans atténuent une partie du rayonnement solaire durant les périodes chaudes de la journée. À l'inverse, ils sont fermés la nuit pour piéger au niveau des cultures la chaleur venant du sol.
Dans certaines régions chaudes, on va abaisser la température des serres au moyen d'un rideau d'eau circulant dans des paillassons. À l'opposé, de puissants ventilateurs extraient l'air de la serre pour créer une légère dépression permettant d'aspirer l'air extérieur qui pénètre dans la serre au travers des paillassons humides. Cette technique rafraichit l'air. Elle serait utilisable toute l'année en Israël par exemple et durant de courtes durées dans les régions plus froides connaissant des étés chauds comme le sud du Canada ; l'été est trop court pour que le système de refroidissement soit rentable ; les ventilateurs sont des outils clés pour rendre la température des serres uniforme.
Gestion de l'eau et apport de l'alimentation minérale
Dans les exploitations industrielles, la gestion de l'eau et des nutriments est de plus en plus automatisée. Il y a aussi les cultures hydroponiques en serres (technique où les racines des plantes sont immergées en permanence). Les fertilisants sont incorporés dans l'eau par des pompes doseuses de précision. Si la solution nutritive est trop riche en sels, elle peut occasionner de gros dégâts dans les cultures. C'est pourquoi la salinité de l'eau est fréquemment contrôlée ; on mesure la conductivité électrique et de nombreuses analyses de la solution nutritive sont pratiquées pour adapter et équilibrer la richesse en éléments fertilisants en fonction des plantes produites. Typiquement, une concentration de 200 ppm donne une conductivité de 0,25 S/m.
Gestion de l'air
La gestion de l'air en serre et celle de la température qui y règne sont liées : plus l'air circule, plus la température de la serre va être proche de celle de l'extérieur.
Les plantes convertissent le dioxyde de carbone en dioxygène durant la période diurne de la journée grâce à la photosynthèse. Pour augmenter la productivité de certaines cultures, il arrive que l'on fasse brûler du gaz propane dans les serres pour y augmenter le taux de dioxyde de carbone (CO2).
Qualité de l'air intérieur de la serre
Dans une serre agricole bien aérée, l'air peut être très chargé en pesticides, notamment dans les heures qui suivent l'épandage (s'il y a eu épandage de tels produits sur les plantes ou le sol ou fumigation). La concentration de l'air en pesticide ou molécules de dégradation varie selon le taux d'application et la volatilité (constante de Henry) du produit. On a ainsi montré[2] en serre de culture hydroponique que les épandeurs respirent plus de chlorothalonil que de méthamidophos. La durée de présence dans l'air varie selon ce même paramètre, mais aussi selon la vitesse de dégradabilité des molécules (notamment à la lumière). Pour le méthamidophos (très volatil), le pic de concentration dans l'air apparait environ deux heures après l'application (27,5 μg/m3), en raison de sa forte volatilité, et jusqu'à douze heures après l'application, une diminution rapide est enregistrée dans l'air (pour arriver à 0,45 μg/m3 six jours après l'application)[2]. Le chlorothalonil bien que moins volatil atteint 4,9 Ng/m3 après application, pour arriver à 0,15 μg/m3 à six jours après l'application[2]. Ces deux pesticides ont été mesurés dans l'eau de vidange du système hydroponique où les taux, élevés après l'application, diminuent régulièrement en trois jours environ. Dans un système hydroponique fermé, ces deux pesticides sont accumulés dans le milieu nutritif durant 24 heures puis « disparaissent » lentement en trois jours environ[2].
Par contre, dans une serre en fonctionnement normal, l'air ne semble pas plus chargé en spores de champignon que l'air extérieur ; dans trois types de serre de culture de tomates (dont l'une en mode hydroponique), des échantillons d'air ont été prélevés de 10 h à 14 h, tous les jours d'août 2000 à juillet 2001 en collectant les particules de plus de 0,5 μm de diamètre[3] le taux de 200 CFU/m3 était comparable dans les trois cas à ce qu'on trouvait à l'extérieur de la serre.
Certaines plantes produisent des pollens allergènes (piment doux par exemple, aux pollens duquel 1/3 des travailleurs en serre finissent par devenir allergiques). On a montré qu'introduire des abeilles dans la serre diminue considérablement ce risque [4].
Gestion de la lumière
La lumière peut être artificielle. Elle sert notamment à favoriser l'induction florale de certaines espèces de plantes de jour long en rallongeant la durée du jour.
À l'inverse, l'horticulteur peut choisir d'occulter la lumière du jour pour en raccourcir la durée. L'utilisation la plus connue est celle pratiquée pour faire fleurir les chrysanthèmes toute l'année.
Les serres d'agrément
Les serres d'agrément se sont multipliées au XIXe siècle après le succès architectural remporté par le Crystal Palace lors de l'exposition universelle de 1851 à Londres en Grande-Bretagne. Certaines, comme les hauts palmariums des jardins botaniques, sont destinées à abriter des collections de plantes exotiques. D'autres aménagées en jardins d'hiver sont des annexes aux riches villas de type victorien.
En Belgique, sous l'impulsion du roi Leopold II, l'architecte Alphose Balat érigera un ensemble spectaculaire : les serres Royales de Laeken. À ce jour, on y trouve toujours des plantes originelles à leur création ainsi que des plantations rares et de grandes valeurs. Les serres sont ouvertes au public.
L'essor des vérandas vitrées à l'époque moderne coïncide avec l'apparition de matériaux plus résistants à la corrosion, du vitrage isolant et de la climatisation automatisée. Le plus souvent attenantes aux habitations, ce sont alors de véritables pièces à vivre supplémentaires.
Les serres souterraines
Une alternative beaucoup plus abordable et efficace aux serres en verre est le walipini (un mot indien Aymara, pour « lieu chaleureux »), également connu comme serre souterraine ou à ciel. D'abord développé dans les années 1980 pour les régions montagneuses froides d’Amérique du Sud, cette méthode permet aux producteurs de maintenir un potager productif toute l’année, même dans les climats les plus froids[5],[6].
Références
- ↑ http://planet-terre.ens-lyon.fr/planetterre/XML/db/planetterre/metadata/LOM-effet-de-serre-wood.xml
- 1 2 3 4 S. Hatzilazarou, M. Charizopoulos, E. Papadopoulou-Mourkidou, A.S. Economou (2004) ; Pesticide dissipation in the greenhouse environment duraing hydroponic cultivation of gerbera ; ISHS Acta Horticulturae 639: XXVI International Horticultural Congress: Expanding Roles for Horticulture in Improving Human Well-Being and Life Quality ; (Résumé (en))
- ↑ L. Okushima, M. Saito, A. Ikeguchi, M. Ishii, S., An evaluation of floating dust particles and molds in commercial greenhouses, ISHS Acta Horticulturae 639 : XXVI International Horticultural Congress: Expanding Roles for Horticulture in Improving Human Well-Being and Life Quality (Résumé (en))
- ↑ S. van der Steen, T. Blacquière, N. de Jong, H. de Groot, honey bees as an aid in improving labour conditions in sweet bell pepper greenhouses : Reduction of pollen allergy ; ISHS Acta Horticulturae 639: XXVI International Horticultural Congress: Expanding Roles for Horticulture in Improving Human Well-Being and Life Quality (Résumé (en))
- ↑ (en)Walipini Construction (The Underground Greenhouse)
- ↑ Walipini, la serre creusée.
Voir aussi
Articles connexes
- Phytotron
- Plasticulture
- Crystal Palace
- Jardin des serres d'Auteuil
- La Palm House de Kew Gardens
- Les Serres royales de Laeken
- culture sous serre
- culture hors-sol
- Serres municipales de Thonon-les-Bains
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