Régime parlementaire
Le régime parlementaire est le système constitutionnel caractérisé par l'équilibre entre les pouvoirs du cabinet ministériel et du Parlement. Le cabinet est politiquement et collectivement responsable devant le Parlement ; en contrepartie, le cabinet peut recourir au droit de dissolution. Le régime présidentiel se caractérise au contraire par l'absence de responsabilité et de dissolution
L'origine du système parlementaire
Le régime suédois de l'ère de la liberté
L'origine du régime parlementaire peut être recherchée en Suède avant tout autre pays[1]. En 1718, alors que le souverain était élu par les États, la prétendante au trône a été contrainte à renoncer à plusieurs de ses pouvoirs. En 1720, son successeur n'a été couronné qu'après avoir accepté la constitution, premier texte constitutionnel moderne. Il marque le début de L'Ère de la Liberté, qui perdurera jusqu'en 1772. La constitution établissait la soumission du Roi à ses prérogatives et à la volonté du Parlement, devant lequel les membres du gouvernement (appelés sénateurs) étaient responsables, et devant lui seul. La constitution contraignait par ailleurs le Roi à respecter le choix de la majorité parlementaire en ce qui concernait la nomination et la révocation des sénateurs, et à partir de 1738 le Parlement exerce même directement ce pouvoir. Les Assemblées d'États siégeaient à intervalles réguliers, conformément à un véritable règlement. Le système politique était marqué par un bipartisme opposant « parti des bonnets » et « parti des chapeaux », avec une alternance régulière de l'un ou de l'autre au gouvernement. La figure du Premier ministre se dessina petit à petit au travers de la fonction de Président de la chancellerie, et les pouvoirs du monarque furent progressivement réduits au même niveau que ceux du monarque britannique à l'heure actuelle. Ce régime particulièrement moderne et novateur fut aboli en 1772 par un coup d'État orchestré par le nouveau roi, dans le cadre de la Révolution de Suède, marquant un retour à la monarchie absolue.
Parlementarisme britannique, fondement théorique
Le système parlementaire s'est progressivement établi en Grande-Bretagne, et ce de manière définitive : ce modèle est vite devenu une référence, un modèle du régime parlementaire[2]. Ce processus ne doit rien aux théories politiques, bien que Montesquieu ait élaboré sa théorie de la séparation des pouvoirs par l'observation du système britannique, tel qu'il l'avait vu fonctionner au XVIIIe siècle, mais de façon erronée, puisqu'il accordait encore de l'importance à la signature du roi, qui était déjà devenue une formalité. Ce qu'il faut bien comprendre avant tout rappel historique, c'est que le système britannique, tel qu'il est encore aujourd'hui, est une sorte de chimère politique. En effet, dans les formes, rien n'a changé depuis trois cents ans. Le royaume est, formellement, une monarchie absolue dans laquelle rien ne se fait sans le "consentement" du souverain, qui, en théorie, est toujours titulaire des mêmes prérogatives qu'au XVIIIe siècle : les ministres, sur le papier, sont des commis de la Reine, elle "dissout" le parlement et "choisit" le premier ministre, tirant apparemment les conséquences des élections. Or chacun sait qu'elle n'a plus qu'un rôle de symbole, de personnification de l'État, dont elle n'assure plus que la représentation, la continuité et le prestige. Cette fonction est importante, mais la pratique est que, bien évidemment, c'est le Premier ministre qui est chargé de la réalité du pouvoir exécutif. Ce système, tout en finesse et en subtilité, repose presque essentiellement sur des conventions, autrement dit des usages, dont nul texte ne dispose. Par exemple, le titre de Premier ministre n'est ni défini ni prévu;
Il est important de comprendre cela parce que le système britannique a été copié dans la plupart des pays (sauf les États-Unis), mais sous des formes constitutionnelles codifiées. On parle alors de "Parlementarisme rationalisé". On peut faire remonter l'origine du système parlementaire britannique à 1215, voire au paléolithique. En 1215, le roi d'Angleterre Jean sans Terre est totalement démuni politiquement. Excommunié, il doit supplier d'être pardonné par le pape. Il perd la bataille de Bouvines et risque une invasion française. Il n'a pas d'autre choix, s'il veut lever des fonds, que de les demander aux barons du royaume. Ceux-ci exigeront de pouvoir consentir (ou non) à contribuer à ces dépenses. Ce droit de regard est l'ancêtre, certes très primitif mais réel, du consentement démocratique à la dépense publique et donc à l'impôt. Pour mettre noir sur blanc ces conditions, le roi acceptera de concéder aux Barons la fameuse "Grande Charte" (Magna Carta) qui reconnaît les privilèges de l'Église et des villes, et donnera au Grand Conseil le pouvoir de consentir à l'impôt, mais plus important encore, le droit de pétition. Cette grande charte est aussi une ébauche de constitution garantissant certains droits, tel que le droit de ne pas être arrêté ou condamné arbitrairement.
En 1332, on décide de faire siéger les chevaliers et les bourgeois dans une deuxième chambre, la Chambre des communes. Il y a donc désormais deux chambres, celles de la noblesse (Chambre des Lords), et celle des communes. Le droit de pétition établit, en somme, un moyen de faire pression sur le roi, acceptant de lui donner les budgets qu'il demande en échange de son approbation aux pétitions présentées par les chambres. C'est l'ancêtre du pouvoir législatif. Néanmoins le roi reste titulaire du droit de prendre des ordonnances, de ne pas exécuter la loi ou de la suspendre. Plus problématique, lorsqu'il n'a pas besoin d'argent, on n'a plus de moyen de pression. Ainsi Charles Ier régnera onze ans sans convoquer son parlement. Lorsque cela arrivera enfin, le parlement demandera qu'il soit mis fin au pouvoir du roi de convoquer et de dissoudre le parlement. En effet, en ce temps là, le parlement est une sorte d'assemblée générale, il n'est pas permanent.
Après l'intermède de la dictature de Cromwell (1650-1658) puis la restauration (1680) et la "Glorieuse Révolution" (1688), est rédigée en 1689 la "Déclaration des droits", qui entérine les acquis de la "République" de Cromwell et de la révolution. Cette déclaration des droits contient les principes essentiels de la démocratie moderne : la loi est au-dessus du roi ; le roi doit être soumis à la loi. Elle ne peut donc être suspendue, ni abolie sans le consentement du Parlement (Article 4). Le Parlement est souverain en matière de levée d'argent, de levée d'entretien des armées et ses membres jouissent d'une totale liberté d'expression (article 8). Il doit être fréquemment réuni (article 13). À partir de cette époque, le processus sera inéluctable. Dès 1707, les lois votées par le Parlement seront encore soumises à la signature du roi mais, dans les faits, celle-ci est quasi automatique. Le roi s'entoure de conseillers. Cette équipe est l'ancêtre du gouvernement moderne. À l'origine, il les embauche et les révoque à sa guise.
Ils sont responsables pénalement devant le Parlement. Pénalement, mais non politiquement, nuance importante. En effet, lorsqu'un ministre commet une infraction, il est destitué par une procédure pénale appelée impeachment, diligentée par le Parlement. Mais il ne s'agit que d'une mesure pénale : le ministre doit démissionner parce qu'il a commis une infraction.
Vint alors l'évolution décisive due à l'avènement de la dynastie des Hanovre. Ces rois d'origine allemande, tout bonnement, ne parlaient pas l'anglais. Le roi prit donc l'habitude de se reposer sur son premier ministre, afin d'assurer l'influence des Hanovre à travers lui. Robert Walpole (1676 - 1745) sera ainsi le "premier" premier ministre d'Angleterre (même si le mot n'est pas encore utilisé, on parle de Premier Lord du trésor, Chancelier de l'échiquier et chef de la Chambre des Communes). Le glissement vers le parlementarisme moniste commence. Il fallait passer, pour cela, de la responsabilité pénale à la responsabilité politique.
Le dixième premier ministre, Lord North (1732 – 1792), sera chargé de la difficile gestion de la guerre d'indépendance américaine. La défaite de Yorktown le mettra en difficulté. On menacera le gouvernement d'engager l'impeachment contre lui par un vote au parlement. Pour éviter les poursuites pénales, North démissionnera avec son gouvernement (1782). Il sera le premier à le faire. Le premier ministre est "démissionné" par le Parlement, sans que le Roi n'intervienne réellement.
C'est l'invention capitale de la motion de censure, l'un des piliers de la démocratie moderne. En effet, à partir de ce moment, l'aspect pénal sera peu à peu oublié au profit de la défiance (ou confiance) politique. On entre désormais dans le véritable système parlementaire. Petit à petit, le gouvernement, certes nommé par le roi, ne l'est que parce qu'il a la confiance du Parlement. Il est donc responsable devant lui et en est l'émanation. Le roi cesse d'exister politiquement : il nomme le chef du parti dominant, car il est évidemment exclu qu'il fasse autrement. Il peut le faire en théorie, mais ne le fait évidemment pas, de crainte de déclencher une crise politique inextricable. C'est ce que l'on appelle le système parlementaire moniste (le Premier ministre est seulement responsable devant le Parlement) et non plus dualiste (le Roi a encore un pouvoir et peut révoquer son ministre, qui est responsable devant lui et le Parlement).
Monocamérisme et bicamérisme
Le monocamérisme est un système parlementaire à une seule Chambre. Il fut longtemps considéré comme la marque d'un régime authentiquement républicain, bien qu'il y ait aussi plusieurs pays monarchiques comme la Nouvelle-Zélande, le Danemark et la Suède, qui ont aboli la chambre haute de leur parlement pour créer une législature monocamérale. Cette unique chambre, élue au suffrage universel direct dans les régimes démocratiques (des régimes autoritaires, comme la Chine, se sont également dotés d’un système monocaméral), est généralement au centre du fonctionnement constitutionnel d’un régime parlementaire. Des pays caractéristiques du recours à ce système, comme la Suède, le Danemark et le Portugal, sont des États unitaires ayant opté pour une faible décentralisation.
Le bicamérisme est, lui au contraire, un système d'organisation politique qui divise le Parlement en deux chambres distinctes: une chambre haute et une chambre basse. Ce système a pour objectif de modérer l'action de la chambre basse, élue au suffrage direct donc représentant directement le peuple, en soumettant toutes ses décisions à l'examen de la chambre haute. Généralement élue au suffrage indirect, elle a tendance, comme en France ou au Royaume-Uni, à avoir une composition politique nettement plus stable et conservatrice.
Les États ayant opté pour le bicamérisme l’ont généralement fait en fonction des caractéristiques de l’organisation de leur territoire. Ainsi l’Espagne et l’Italie disposent-t-elles d’une chambre haute destinée à représenter au niveau national les intérêts de leurs puissantes régions, tandis que la France dispose d'un Sénat dont les membres sont élus par des représentants de ses nombreuses collectivités territoriales. Dans le cas d’États fédéraux, le bicamérisme revêt un caractère essentiel : en Allemagne, le Bundesrat est composé de représentants des différents gouvernements locaux des länder (de 3 à 6 représentants en fonction du poids démographique du land), tandis que les sujets fédéraux de la Fédération de Russie sont représentés au Conseil de la Fédération, à raison de deux conseillers par sujet. Des exceptions existent cependant : ainsi l’Ukraine, État fortement décentralisé qui fonctionne, en principe, comme une confédération d’États distincts, a-t-elle opté pour un système monocaméral.
Les rapports entre les deux chambres divergent d’un pays à un autre : ainsi en France et en Allemagne, la chambre basse l’emporte systématiquement en matière décisionnelle sur la chambre haute, tandis qu’en Italie, les deux chambres ont des pouvoirs strictement équivalents. Chaque État a ainsi son propre régime parlementaire, dont le fonctionnement dépend en partie de son organisation territoriale et des choix de ses dirigeants en matière de représentation des citoyens. La question même des contre-pouvoirs au Parlement lui-même se pose lorsqu’on est en présence d’un régime monocaméral ou bicaméral, et après analyse des pouvoirs des deux chambres et des relations qu’elles entretiennent entre elles. Il n’y a donc pas un modèle de régime parlementaire monocaméral, pas plus qu’il n’y en a un de régime bicaméral.
Le parlementarisme
Le Parlement peut être monocaméral ou bicaméral (une Chambre haute et une Chambre basse). Le Gouvernement et le Parlement travaillent ensemble et ont des moyens d'interaction réciproques : l'exécutif peut dissoudre l'Assemblée, et le législatif peut renverser le Gouvernement en votant une motion de censure. On dit que le Gouvernement est politiquement responsable devant le Parlement dont il est issu[3]. Le régime parlementaire se différencie du régime présidentiel représenté par les institutions des États-Unis et surtout répandu sur le continent américain, qui se caractérise par une stricte séparation des pouvoirs.
Si le Gouvernement est également responsable devant le Chef de l'État, on est dans un système de régime parlementaire dualiste. Le système dualiste est différent dans le sens où le cabinet se trouve être responsable également devant le chef d'État, qu'il soit monarque ou président. C'est le cas de la Lituanie, où le gouvernement est tenu de démissionner dès l'élection du Parlement ou du Président de la République.
Si le Chef de l'État s'efface et que le Gouvernement n'est responsable que devant le Parlement que ce soit les deux chambres (comme en Italie ou sous la IIIe République), ou la chambre basse seule, telles l'Espagne ou la Pologne, alors c'est un régime parlementaire moniste. C'est le régime politique dominant en Europe d'où il est issu, s'étant d'abord développé en Angleterre. On le trouve aussi entre autres au Japon, en Inde, en Haïti et au Canada. La plupart des régimes parlementaires sont aujourd'hui monistes, que ce soit dans le texte constitutionnel ou dans les faits. Ainsi au Royaume-Uni, le gouvernement est théoriquement celui du souverain (Her Majesty's Government) mais, dans les faits, il ne répond de sa gestion que devant la Chambre des communes.
Le Portugal a opté pour un système mixte. La règle est que le gouvernement est responsable uniquement devant le Parlement, mais la Constitution prévoit qu'il peut être révoqué par le Président si cela s'avère nécessaire pour le bon fonctionnement des institutions démocratiques.
Il existe des régimes parlementaires, une famille parlementaire plus qu’un régime parlementaire type.
Relations entre le parlement et le gouvernement
Les relations qu’entretiennent les deux pouvoirs entre eux varient fortement d’un régime parlementaire à un autre. Si dans un régime présidentiel, comme celui des États-Unis, Parlement et chef de l’État sont totalement indépendants l’un de l’autre, il en va différemment dans les régimes parlementaires. Le gouvernement, responsable devant le Parlement, peut être renversé par ce dernier, ou par l’une de ses chambres dans le cas d’un régime bicaméral, dans des conditions différentes en fonction du pays[4]. Le Parlement peut ainsi destituer le gouvernement au moyen d’une motion de censure déposée à l’initiative de parlementaires et approuvée par une majorité, absolue ou qualifiée, de ceux-ci. Les conditions relatives au recours à la motion de censure varient fortement d’un pays à un autre. Ainsi, en Italie, par exemple, les deux chambres peuvent renverser indépendamment le gouvernement, alors qu’en France seule l’Assemblée nationale, à savoir la chambre basse, a les moyens de le faire (du moins sous la Cinquième République, le Sénat ayant recouru à ce droit pour renverser le gouvernement Blum sous la Troisième République). En Allemagne les conditions sont plus restrictives : le Bundestag ne peut censurer le gouvernement que si la majorité approuvant la censure est prête à gouverner et s’est mise d’accord sur l’investiture d’un nouveau chef de gouvernement. Le gouvernement lui-même peut engager sa responsabilité devant les membres du parlement en recourant à la question de confiance, qui permettra à la, ou aux chambres de renouveler leur confiance envers le gouvernement en place ou de le renverser. Pareil phénomène a pu être récemment observé lorsque le Sénat italien a refusé sa confiance au gouvernement de Romano Prodi, qui a dû être remanié[5].
Concernant la dissolution, les choses sont également très différentes d’un État à un autre. En France, le président de la République, qui bénéficie de pouvoirs étendus, peut dissoudre l’Assemblée nationale sans restrictions. Le droit de dissolution est en principe conçu pour résoudre des crises politiques nationales. Il a été utilisé sous la Cinquième République par François Mitterrand, qui a dissous à deux reprises la chambre basse après ses deux élections en tant que chef de l’État pour disposer d’une majorité politique qui lui serait favorable ce qui semble logique, par contre Jacques Chirac a utilisé à tort ce droit de dissolution en 1997, qui plus est en engageant sa responsabilité : malgré la défaite de sa majorité parlementaire, il est resté en poste, la constitution ne prévoyant rien par rapport à ce genre de pratique, et a ainsi entraîné l’avènement de la troisième cohabitation. À noter que le chef de l’État reste malgré tout totalement irresponsable : aucune institution ne peut le destituer, bien que la constitution prévoit tout de même qu’il puisse être renvoyé « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. »[6]. Ces ambiguïtés constitutionnelles, ainsi que la mise en place de l’élection du président au suffrage direct en 1962, ont peu à peu permis la dérive du régime parlementaire de la Cinquième République vers un système présidentialiste très instable au niveau de l’exercice du pouvoir.
Dans d’autres cas le Parlement ne peut être dissout par le chef de l’État, mais peut s’autocontrôler. Ainsi l’actuelle constitution suédoise prévoit-elle la dissolution automatique du Riksdag, chambre unique du Parlement, si celui-ci rejette quatre fois de suite l’investiture d’un gouvernement. En contrepartie l’investiture du chef du gouvernement relève de la responsabilité du Riksdag, tandis qu’en France, au Royaume-Uni ou en Italie, il est nommé par le chef de l’État avant de recevoir la confiance du Parlement. À ce titre, le droit de dissolution, lorsqu’il est accordé au chef de l’État, dépend grandement des limites dans lesquelles il peut être utilisé.
Rôle des partis et formations politiques dans le fonctionnement d’un régime parlementaire
Les régimes parlementaires sont souvent fortement influencés par les forces politiques en présence dans l’enceinte de leur Parlement. En France, la Troisième République a longtemps été aux mains des opportunistes, frange modérée du républicanisme opposé au royalisme et au bonapartisme, avant qu’ils ne soient supplantés par les radicaux, qui ont dominé la vie politique française jusqu’à ce que les socialistes ne les devancent en 1936. Le même phénomène s’est reproduit de 1958 à 1973 lorsque les gaullistes ont accédé au pouvoir. Les chambres basses françaises ont toujours été fortement hétéroclites jusqu’en 1976, ou pour la première fois seuls quatre groupes politiques avaient pu être formés. Cet émiettement des forces politiques a en partie été responsable de la dérive des Troisième et – surtout – Quatrième Républiques vers des régimes d’assemblée, où la chambre basse détenait l’essentiel du pouvoir, renversant les gouvernements à un rythme effréné, au gré des revirements d'alliances des différents groupes parlementaires. L’instauration de la Cinquième République n’a dans un premier temps pas réduit cet émiettement, mais a peu à peu dérivé vers un régime présidentialiste favorable, sinon au bipartisme, au moins à la bipolarisation du paysage politique. Le clivage gauche/droite est ainsi devenu incontournable dès 1962, socialistes et communistes s’opposant continuellement aux gaullistes alliés aux centristes et à la droite libérale (qui se rassembleront plus tard au sein de l’UDF). Le déclin du Parti communiste et la formation d’un seul grand parti de droite, l’UMP, amenèrent finalement petit à petit le système politique français à évoluer vers le bipartisme, grandement influencé par l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.
Le bipartisme, en opposition au multipartisme, peut être un élément capital dans le fonctionnement d’autres régimes parlementaires, comme le Royaume-Uni où, depuis plus de 160 ans, la vie partisane repose sur les affrontements opposant Whigs et Tories au XIXe siècle, libéraux contre conservateurs par la suite, puis depuis l'après-guerre, travaillistes contre conservateurs. Le mode de scrutin a généralement un rôle important à jouer dans le nombre de formations politiques représentées au parlement. Ainsi le scrutin uninominal majoritaire à un tour utilisé par les britanniques a presque toujours permis une hégémonie du parti vainqueur en voix au détriment des autres, et en particulier des Démocrates libéraux, arrivant régulièrement en troisième position et se retrouvant toujours fortement sous-représentés à la Chambre des communes. Mais le mode de scrutin n’explique pas tout, comme en témoigne le très fort émiettement politique qui a persisté tout au long de la Troisième République française, qui utilisait presque systématiquement des modes de scrutin majoritaire uninominal à deux tours pour l’élection des députés.
Généralement les régimes parlementaires les plus stables sont ceux disposant non pas forcément d’un bipartisme, mais plutôt d’une bipolarisation de leurs forces politiques. La Suède est actuellement un parfait exemple de régime parlementaire combinant émiettement politique et bipolarisation : gauche sociale-démocrate alliée aux post-communistes et aux écologistes d’un côté, droite et centre-droit divisés entre 4 partis d’idéologies différentes de l’autre. Des phénomènes similaires peuvent être observés au Danemark et, dans une moindre mesure, en Norvège. Cette caractéristique permet une forte stabilité gouvernementale, tandis que les régimes parlementaires plus émiettés politiquement parlant, comme l’Italie, ont tendance à être nettement plus instables. Le nombre, le comportement et les alliances des différents partis joue ainsi un rôle essentiel dans la définition du caractère parlementariste d’un régime parlementaire.
Régime d'assemblée
Le régime d'assemblée est une dérive du régime parlementaire. Dans ce régime, une assemblée unique exerce seule la souveraineté au nom de la nation. Le pouvoir exécutif n'est que son commis, nommé et révoqué à volonté, auquel elle peut donner des ordres. Ce régime doit être caractérisé par une confusion des pouvoirs au profit du législatif et ne doit pas seulement être un déséquilibre des pouvoirs.
Ainsi, la Constitution jacobine du 24 juin 1793 (jamais appliquée) établit un régime d'assemblée dans lequel l'assemblée représentant les citoyens, le Corps législatif, se voit attribuer la totalité des pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. Un Conseil exécutif de 24 membres est chargé de faire exécuter les décisions du Corps mais dépend entièrement de ce dernier.
Au contraire, les IIIe et IVe Républiques françaises sont des régimes parlementaires qui sont seulement déséquilibrés au profit du législatif. L'exécutif conservait tout de même une certaine indépendance et un certain pouvoir (en particulier en raison de la pratique des décrets-lois). La primauté du Parlement sous la IIIe se manifeste par l'absence de dissolution mise à part celle de Mac-Mahon.
Liste d'États au régime parlementaire
Liste non exhaustive :
En Europe :
- Régimes datant du XIXe siècle ou antérieurs :
- Le Royaume-Uni (monarchie constitutionnelle);
- Les Pays-Bas (monarchie constitutionnelle);
- La Belgique (monarchie constitutionnelle);
- La Bulgarie (régime parlementaire)
- La Serbie (D'abord monarchie parlementaire (1903) aujourd'hui république parlementaire) ;
- La Suède (monarchie constitutionnelle);
- La Norvège (monarchie constitutionnelle - particularité : pas de droit de dissolution pendant de la responsabilité gouvernementale) ;
- Le Danemark (monarchie constitutionnelle);
- L'Islande (république parlementaire);
- La Finlande (république parlementaire);
- Le Luxembourg (monarchie constitutionnelle).
- Régimes postérieurs à la Seconde Guerre mondiale :
- La France (république parlementaire à tendance présidentialiste)
- L'Espagne (monarchie constitutionnelle);
- L'Allemagne (république parlementaire);
- L'Autriche (république parlementaire);
- L'Italie (république parlementaire);
- Le Portugal (république parlementaire à tendance présidentialiste);
- La Grèce (république parlementaire);
- La Pologne (république parlementaire à tendance présidentialiste);
- La République tchèque (république parlementaire);
- Malte (république parlementaire).
Ailleurs :
- Anciennes colonies britanniques, qui en ont repris le modèle :
- Le Canada (monarchie constitutionnelle);
- L'Australie (monarchie constitutionnelle);
- La Nouvelle-Zélande (monarchie constitutionnelle);
- L'Inde (république fédérale parlementaire) ;
- Le Zimbabwe ;
- Israël (tendance au régime d'assemblée).
- Autres :
- Le Japon (monarchie constitutionnelle).
- Tunisie (tendance au régime d'assemblée).
- Liban (république parlementaire).
France
La France a eu un régime parlementaire plusieurs fois dans son histoire constitutionnelle. On note ainsi :
- le parlementarisme en France connaît une ébauche à partir de la Restauration, puis avec la Monarchie de juillet ;
- les débuts de la IIIe République étaient parlementaires, de 1875 à 1877-1879 (crise du 16 mai 1877 qui s'achève en janvier 1879 avec la Constitution Grévy), où le régime devint un régime parlementaire à tendance d'assemblée (déséquilibre des pouvoirs au profit du législatif sans pour autant qu'il y ait confusion des pouvoirs) ;
- pour la IVe République, même tendance que sous la IIIe, quoique moins prononcée ;
- la Ve République fait aussi l'objet de divergences de qualifications. De 1958 à 1962, le régime était parlementaire. À partir de 1962, il y a eu conjonction de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct (ce qui lui donne une légitimité plus importante que celle de toutes les autres institutions) avec une majorité législative favorable au Président. Dans la pratique, le Président devient alors le véritable chef de la majorité parlementaire aux dépens du Premier ministre. Cette lecture de la Constitution est de fait remise en cause sous les cohabitations (1986-1988 ; 1993-1995 ; 1997-2002), où l'on reprend une lecture de la Constitution plus proche des origines. On a donc :
- en période de cohabitation, un régime parlementaire moniste, le gouvernement ne rendant compte qu'à l'Assemblée nationale. Le Président est toujours présent mais perd une grande partie de l'influence qu'il détient, de par la pratique de la Ve République, sur la politique intérieure.
- en périodes de concordance, un régime parlementaire présidentialisé dualiste, puisque le président demande, dans la pratique, au premier ministre qu'il a nommé, de lui présenter préalablement sa démission (le gouvernement est donc responsable de fait devant le président)
- on peut, en outre, s'interroger sur la responsabilité effective du gouvernement devant l'Assemblée Nationale puisque la procédure motion de censure est très lourde à réaliser ; elle requiert en effet la majorité absolue des députés (elle n'a abouti qu'une seule fois sous la Ve République ; en 1962, à l'encontre du gouvernement Pompidou).
Maurice Duverger proposait de qualifier ce régime de régime semi-présidentiel, car il reprend à la fois les caractéristiques du régime parlementaire (responsabilité du gouvernement et dissolution) et du régime présidentiel (élection du Président au suffrage universel et Président chef du gouvernement). Cependant, cette position est beaucoup critiquée et est peu reçue par le reste de la doctrine (en réalité, selon la doctrine, tous les régimes semi-présidentiels décrits par Duverger sont des particularités du régime parlementaire : les régimes parlementaires dualistes) ; les caractéristiques les plus importantes ici sont bien celles de moyens de révocabilité mutuels entre le législatif et l'exécutif, ce qui fait bien de la Ve République un régime parlementaire. Pour prendre en compte la prise de pouvoir du Président sur le gouvernement, il faut cependant qualifier le régime de régime parlementaire présidentialisé ou à correctif présidentiel (en référence au présidentialisme à la française).
Notes et références
- ↑ Cohendet 2008, p. 328
- ↑ Cohendet 2008, p. 329
- ↑ Cohendet 2008, p. 330
- ↑ Cohendet 2008, p. 333
- ↑ Contre le mélange de vote de confiance et du processus législatif in Italie, voir (it) [https://www.academia.edu/12108137/Procedura_legislativa_dalla_Costituente_alla_sentenza_BesostriSpigolature intorno all’attuale bicameralismo e proposte per quello futuro, in Mondoperaio online, 2 aprile 2014].
- ↑ Art. 68 de la Constitution de la Ve République
Bibliographie
- Jean-Claude Colliard, Les régimes parlementaires contemporains, FNSP, 1978 (ISBN 2-7246-0401-6).
- Jean-Claude Colliard, L'élection du Premier ministre et la classification des régimes parlementaires, Montchrestien, L.G.D.J., 2001 (ISBN 2707612391).
- Alain Laquièze, Les Origines du régime parlementaire en France, PUF 2002
- Marie-Anne Cohendet, Droit constitutionnel, Montchrestien - L.G.D.J., coll. « Focus », , 4e éd., 535 p. (ISBN 9782707616111 et 2707616117).
- Stéphane Pinon, « la Ve République toujours plus parlementaire», Recueil Dalloz, 25 décembre 2008, « Point de vue ».
Voir aussi
Articles connexes
- Monisme et dualisme dans le régime parlementaire
- Régime politique
- Séparation des pouvoirs
- Parlement
- Parlementarisme rationalisé
- Régime présidentiel
- Régime d'assemblée
- Système politique allemand
- Bicéphalisme en France
Liens externes
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