Marc Bloch
Marc Bloch.
Naissance |
à Lyon |
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Décès |
(à 57 ans) à Saint-Didier-de-Formans (Ain) |
Nationalité(s) | Français |
Père | Gustave Bloch + |
Formation | École normale supérieure |
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Titres | professeur des universités |
Profession(s) | historiographe (d), médiéviste et historien + |
Travaux |
Annales d'histoire économique et sociale Les Rois thaumaturges L'Étrange Défaite |
Approche | histoire économique et sociale (méthode comparatiste) |
Distinction-s | chevalier de la Légion d'honneur (d), croix de guerre 1914-1918 et Mort pour la France + |
Partisans (A influencé) |
Lucien Febvre |
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Détracteurs (Critiques) |
historiens de l'École positiviste |
Marc Léopold Benjamin Bloch, né le à Lyon (Rhône) et mort fusillé par les Allemands le à Saint-Didier-de-Formans (Ain), est un historien français, fondateur avec Lucien Febvre des Annales d'histoire économiques et sociales en 1929. Marc Bloch a donné à l'école historique française une renommée bien au-delà de l'Europe. C'était un combattant de la Première Guerre mondiale décoré de la Croix de guerre, de la médaille militaire et de la Légion d'honneur ainsi qu'un membre de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale.
Biographie
Famille et formation
Issu d'une famille juive d'optants, Marc Bloch est le fils de Gustave Bloch, professeur d'histoire ancienne à l'université de Lyon, puis à l'ENS de la rue d'Ulm et à la Sorbonne, lui-même fils d'un directeur d'école. Marc Bloch fait des études secondaires brillantes à Paris, au lycée Louis-le-Grand puis entre à l'École normale supérieure en 1904[1].
Il est reçu à l'agrégation d'histoire et géographie en 1908. Marc Bloch suit de 1908 à 1909 les cours des facultés de Berlin et de Leipzig avant d'être pensionnaire à la Fondation Thiers (1909-1912).
En 1919, il épouse Simone Vidal (1894-1944), fille d'un polytechnicien dont la famille, depuis le XVIIIe siècle, était enracinée dans le Comtat Venaissin et en Alsace ; six enfants naissent de ce mariage, dont Étienne qui écrira en 1997 sa « biographie impossible »[2].
La Première Guerre mondiale
Professeur de lycée (Montpellier puis Amiens) quand éclate la Première Guerre mondiale, il est mobilisé comme sergent d'infanterie. Chef de section, il termine le conflit avec le grade de capitaine dans les services de renseignement. Marc Bloch est cité quatre fois à l'ordre de l'armée, est décoré de la Légion d'honneur pour faits militaires et reçoit la croix de guerre[3]
Carrière universitaire
Marc Bloch est nommé professeur à la faculté de Strasbourg, redevenue française en 1919 ; ses qualités professorales et sa rigueur méthodologique représentent alors une vitrine prestigieuse pour l'Université française[4]. Il y rejoint des enseignants de premier ordre comme Lucien Febvre, André Piganiol, avec qui il noue des liens fructueux.
Alors qu'il venait de succéder à Henri Hauser à la Sorbonne en 1936 (chaire d'histoire économique)[5], la Seconde Guerre mondiale le surprend dans la plénitude de sa carrière et de ses recherches.
Premiers pas d'historien
Il soutient une thèse de doctorat allégée, au propos déjà neuf, sur l'affranchissement des populations rurales de l'Île-de-France au Moyen Âge : Rois et Serfs (1920).
Marc Bloch publie en 1924 son œuvre magistrale, Les Rois thaumaturges. Il y expérimente avec audace une méthode comparatiste empruntée aux maîtres de linguistique (il parle lui-même une dizaine de langues).
En 1931, son ouvrage le plus maîtrisé, Les Caractères originaux de l'histoire rurale française, innove une fois encore, car il exploite une interdisciplinarité peu courante à cette époque (botanique, démographie, etc.) pour mieux comprendre l'évolution des structures agraires de l'Occident médiéval et moderne. En 1928, Marc Bloch introduit sa candidature au Collège de France et propose d'enseigner une « histoire comparée des sociétés européennes ». Ce projet échoue. Il tente à nouveau sa chance en 1934-1935, mais avec le même résultat.
L'aventure des Annales
Bloch participe en 1929, avec le « groupe strasbourgeois » dont Lucien Febvre, à la fondation des Annales d'histoire économique et sociale dont le titre est déjà en lui-même une rupture avec « l’histoire historisante », triomphante en France depuis l'école positiviste. Bloch y publie jusqu'à la guerre d'importants articles et surtout de brillantes notes de lecture dont l'impact méthodologique s'est fait encore sentir après sa mort et jusqu'à aujourd'hui.
Un historien dans la guerre
Malgré son âge (53 ans), une polyarthrite invalidante et une famille nombreuse, il a demandé à combattre. Il se déclarait « le plus vieux capitaine de l’armée française », grade auquel il était resté depuis 1918, n'ayant pas souhaité se porter candidat au concours d'admission de l’École de guerre. Sa conduite durant la guerre, affecté au Service des essences, lui vaudra d'être cité à l'ordre du corps d'armée.
Il voit de très près le naufrage de la Troisième République. Marc Bloch a tiré de cet événement majeur, qui a bouleversé sa vie, L'Étrange Défaite, un livre posthume écrit dans la maison qu'il possédait au hameau de Fougères, commune du Bourg-d'Hem (Creuse), de juillet à septembre 1940. Ce livre, qu'il présente comme le témoignage d'un historien, est publié en 1946 et accrédite l'idée que l'échec de l'armée française face aux troupes d'Hitler est imputable aux plus hauts niveaux de commandement, autant à l'égard de la préparation qu'à celui des combats. Il ouvre ainsi la question de savoir dans quelle mesure les élites ont préféré une victoire du nazisme en France et en Europe face aux montées du communisme. En particulier, il exprime son écœurement devant l'attitude d'une partie de la bourgeoisie française, qui, à son avis, avait contribué de manière décisive à la défaite et ensuite s'était alliée au fascisme en collaborant activement avec les Allemands.
Après la Campagne de France de 1940, il est — en tant que juif — exclu de la fonction publique par le gouvernement de Vichy en octobre 1940. Son appartement parisien est réquisitionné par l'occupant, sa bibliothèque expédiée en Allemagne. Il est rétabli dans ses fonctions pour services exceptionnels par le secrétaire d'État à l'Éducation nationale Jérôme Carcopino, ancien élève de son père, et nommé à la faculté de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand. Il y continue ses recherches dans des conditions de vie très difficiles et en proie aux pires inquiétudes. Du fait de la santé de sa femme, il demande et obtient une mutation à Montpellier en 1941.
Il rédige par la suite, sans documents et dans des conditions difficiles, Apologie pour l'histoire, ou Métier d'historien, publié en 1949 par les soins de Lucien Febvre, livre dans lequel il résume les exigences singulières du métier d'historien.
Il entre dans la clandestinité fin 1942, quand les Allemands envahissent la zone libre. En 1943, après l'invasion de la zone sud qui ne le laisse en sécurité nulle part, il s'engage dans la Résistance, dont il devient un des chefs pour la région lyonnaise au sein de Franc-Tireur, puis dans les Mouvements unis de la Résistance (MUR). Il est arrêté à Lyon le par la Gestapo, torturé, et meurt le 16 juin, fusillé par la Milice aux côtés de vingt-neuf autres résistants « qu'il animait de son courage. Car on sait comment il est mort ; un gosse de seize ans tremblait près de lui : « Ça va faire mal. » Marc Bloch lui prit affectueusement le bras et dit seulement : « Mais non, petit, cela ne fait pas mal », et tomba en criant, le premier : « Vive la France ! », tel que le rapporte Georges Altman[6]. Ses cendres ont été rapportées dans le cimetière du Bourg-d'Hem.
Apport à l'histoire du Moyen Âge : un legs considérable
Marc Bloch, moins polémique que son aîné Lucien Febvre, le rejoint cependant par la rigueur de ses analyses et sa volonté d'ouvrir le champ de l'histoire aux autres disciplines scientifiques. De plus, sa contribution à l‘histoire médiévale, par la variété de ses sources et la rigueur de son analyse, reste encore aujourd'hui largement utilisée par les chercheurs.
À l'instar de ses collègues de l’École des Annales, Marc Bloch suggère de ne pas utiliser exclusivement les documents écrits et de recourir à d’autres matériaux, artistiques, archéologiques, numismatiques… Plus qu’aucun autre responsable des Annales, il s’oriente vers l’analyse des faits économiques. Également partisan d’une unicité des sciences de l'homme, il cherchera un recours permanent à la méthode comparative, favorisera la pluridisciplinarité et le travail collectif chez les historiens.
Hommages et distinctions
Décorations
- Chevalier de la Légion d'honneur
- Croix de guerre 1914-1918
Hommages
- Dans les années 1950, son nom est donné à une rue de Saint-Étienne à l’initiative d’Henri Falque[7], un de ses adjoints à Franc-Tireur.
- En 1995, une promotion du quatrième bataillon de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr porte son nom.
- En 1997, la place Marc-Bloch dans le 20e arrondissement de Paris prend son nom en hommage.
- En juin 2006, plusieurs historiens demandent, dans le Figaro littéraire, son transfert au Panthéon[8].
- De nombreux établissements scolaires français (collèges et lycées) portent son nom.
Publications
- Rois et Serfs, thèse soutenue en 1920.
- Les Rois thaumaturges, 1924 ; dernière réédition, Gallimard en 1998.
- Les Caractères originaux de l'histoire rurale française, 1931 ; dernière réédition, Pocket, 2006, avec une préface de Pierre Toubert[9],[10].
- La Société féodale, 2 vol., 1939-1940 ; dernière réédition, Albin Michel, en un seul volume, 1998[11].
- L'Étrange Défaite, 1940 ; première publication en 1946 ; Folio, 1990 (ISBN 2070325695)[12].
- Apologie pour l'histoire ou métier d'historien, 1941 ; première publication en 1949[13].
- La France sous les derniers Capétiens (1223-1328)[14].
- La Terre et le Paysan. Agriculture et vie rurale aux XVIIe et XVIIIe siècles, Armand Colin, 1999, recueil d'articles avec une préface d'Emmanuel Le Roy Ladurie.
- Mélanges historiques, CNRS éd., 2011.
- Correspondance
- Marc Bloch, « Lettres de la drôle de guerre », Les Cahiers de l'IHTP, cahier no 19, décembre 1991 (lettres à son fils Étienne).
- Bryce et Mary Lyon, The birth of Annales history - the letters of Lucien Febvre and Marc Bloch to Henri Pirenne (1921-1935), Commission royale d'histoire, Bruxelles, 1991.
- Marc Bloch, Écrire la société féodale. Lettres à Henri Berr, 1924-1943, Paris, Éditions de l'IMEC, 1992.
- Marc Bloch et Fritz Rörig, Correspondance (1928-1932), établie et présentée par Peter Schöttler, Cahiers Marc Bloch, no 1, 1994, p. 17-52.
- Marc Bloch, Lettres à Robert Boutruche, établies par Étienne Bloch, présentées et annotées par Bertrand Müller, Cahiers Marc Bloch, no 4, 1996, p. 25-98.
- Marc Bloch et Lucien Febvre, Correspondance, édition établie et présentée et annotée par Bertrand Müller, 3 vol., Fayard, 2004.
Pour approfondir
Bibliographie
- André Burguière, dans André Burguière (dir.), Dictionnaire des sciences historiques, Paris, PUF, 1986, p. 88-91.
- Hartmut Atsma, André Burguière (dir.), Marc Bloch aujourd'hui. Histoire comparée & Sciences sociales, Paris, EHESS, 1990.
- Carole Fink, Marc Bloch. Une vie au service de l'histoire, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1997 (version angl. 1989).
- Ulrich Raulff, Marc Bloch. Un historien au XXe siècle, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, 2006 (version all. 1995).
- (de) Peter Schöttler (dir.), Marc Bloch - Historiker und Widerstandskämpfer, Francfort, Campus-Verlag, 1999.
- Olivier Dumoulin, Marc Bloch, Paris, Presses de Sciences Po, 2000.
- (it) Massimo Mastrogregori, Introduzione a Bloch, Bari, Laterza, 2001.
- Dominique Barthélémy, dans Les Historiens, Paris, Armand Colin, 2003, p. 85-103.
- François-Olivier Touati, Marc Bloch et l'Angleterre, Paris, Boutique de l'Histoire éditions, 2007.
- Peter Schöttler (dir. avec Hans-Jörg Rheinberger), Marc Bloch et les crises du savoir, Berlin, 2011 (Max Planck Institute for the History of Science, Preprint 418).
- Peter Schöttler, « Marc Bloch. Le supplicié no 14, L'Histoire, no 404, octobre 2014, p. 8–16.
- René Lévy, Les écrivains français sous l'Occupation (1940-1944), Paris, Éditions l'Harmattan, 2014, p. 124. (ISBN 978-2-343-03813-1).
Articles connexes
- Lucien Febvre
- Fernand Braudel
- Revue des Annales
- École des Annales
- Histoire comparée
- L'Étrange Défaite
Liens externes
- Notices d’autorité : Fichier d’autorité international virtuel • International Standard Name Identifier • Bibliothèque nationale de France • Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès • Gemeinsame Normdatei • Bibliothèque nationale de la Diète • Bibliothèque nationale d'Espagne • WorldCat
- « Notice no 19800035/163/20935 »
- Notice sur les archives personnelles de Marc Bloch dans la Salle des inventaires virtuelle des Archives nationales
- « Une biographie impossible » écrite par son fils Étienne Bloch en 1997 (site de l'association Marc Bloch)
- Site de l'association Marc Bloch
- Inventaire des papiers de Marc Bloch aux Archives Nationales, Association Marc Bloch, Paris, 1995
- Ouvrages de Marc Bloch disponibles en ligne dans les Classiques des Sciences Sociales
- Bronisław Geremek Marc Bloch, historien et résistant, VIIIe Conférence Marc-Bloch, EHESS, juin 1986.
Notes et références
- ↑ Dossier de normalien conservé aux Archives nationales dans le fonds de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm sous la cote 61/AJ/233 (voir la notice sur ce fonds dans la Salle des inventaires virtuelle des Archives nationales.
- ↑ Biographie impossible par Étienne Bloch.
- ↑ Sur le séjour de Marc Bloch en Argonne pendant la Première Guerre mondiale, voir Daniel Hochedez, « Un historien au front : Marc Bloch en Argonne (1914-1916) », Horizons d'Argonne, no 89, juin 2012, p. 59, publication du Centre d'études argonnais.
- ↑ Dossier d'enseignant conservé aux Archives nationales dans le fonds du ministère de l'Instruction publique sous la cote F/17/27175 (voir la notice sur ce fonds dans la Salle des inventaires virtuelle des Archives nationales
- ↑ Dossier de professeur conservé aux Archives nationales dans le fonds du rectorat de Paris sous la cote AJ/16/5876 (voir la notice sur ce fonds dans la Salle des inventaires virtuelle des Archives nationales.
- ↑ « Avant propos de Georges Altman (à l'édition originale de L’Étrange Défaite) », dans March Bloch, L’Étrange Défaite, coll. « Folio Histoire », Paris, Gallimard, 1990, p. 174.
- ↑ « Il y a 70 ans, Henri Falque entrait dans la Résistance », Le Progrès, 28 mai 2012.
- ↑ « Supplique à Monsieur le Président de la République pour le transfert au Panthéon de Marc Bloch », Le Figaro, 1er juin 2006.
- ↑ Les Caractères originaux de l'histoire rurale française, tome I.
- ↑ Les Caractères originaux de l'histoire rurale française, tome II.
- ↑ La Société féodale.
- ↑ L'Étrange Défaite.
- ↑ Apologie pour l'histoire ou métier d'historien.
- ↑ La France sous les derniers Capétiens.
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