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Forêt de kelp

Forêt de kelp

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Paysage sous-marin de forêt de kelp (Californie)

Une forêt de kelp est une zone sous-marine densément peuplée de kelp, des macroalgues brunes poussant dans des eaux de climats tempérés et arctiques, sur des substrats solides, tels que des substrats rocheux. Le kelp, notamment par sa taille imposante, procure un habitat unique à bon nombre d'espèces marines. Certaines de ces zones figurent parmi les écosystèmes les plus productifs et diversifiés de la planète[1],[2].

Forêt californienne de kelp
Forêt de kelp
Évocation en aquarium public d'une forêt de kelp (Aquarium de Monterey, Californie)

On trouve des forêts de kelp près des côtes des océans tempérés et polaires[1]. Toutefois, en 2007, on en a découvert dans les eaux tropicales de l'Équateur[3].

Au cours du dernier siècle, ces habitats uniques ont fait l'objet de recherches approfondies, particulièrement en écologie trophique, et continuent de générer des idées pertinentes à la compréhension générale des écosystèmes. Par exemple, les forêts de kelp peuvent influencer les courants marins côtiers[4] et rendent de nombreux services écologiques[5].

Cependant, l'activité anthropique a souvent contribué à la dégradation des forêts sous-marines. Parmi les principales menaces se trouve la surpêche des écosystèmes côtiers, qui peut supprimer la régulation naturelle des populations d'herbivores et entraîner en un broutement intensif des kelp et autres algues[6]. Il peut rapidement en résulter des zones presque totalement dénudées de végétation[2] (voir p. ex. urchin barren (en)).

Architecture et composition

L'architecture d'une forêt marine dépend de la ou les espèces qui la dominent et influence les espèces associées qui définissent la communauté. Traditionnellement, cet écosystème comprend trois guildes occupées par du kelp et deux autres occupées par d'autres algues[2]:

La canopée d'une forêt marine, ici formée par Macrocystis
  • le kelp de la canopée, qui comprend les plus grandes espèces d'algues (p. ex. Macrocystis et Alaria et qui atteignent fréquemment la surface ;
  • le kelp stipité, qui comprend les espèces s'élevant à quelques mètres au-dessus du fond et qui peuvent former de denses bosquets (p. ex. Eisenia et Ecklonia) ;
  • le kelp prostré, qui comprend les espèces demeurant près du fond ;
  • l'assemblage benthique, formé d'autres espèces d'algues (filamenteuses, « foliées », corallines articulées) et d'organismes sessiles ;
  • les algues encroûtantes (corallines).

Les espèces composant les forêts de kelp varient et peuvent cohabiter. Les algues du genre Laminaria dominent les forêts sous-marines des deux côtés de l'océan Atlantique, de même que celles des côtes chinoise et japonaise. Macrocystis pyrifera, aussi connu sous le nom de kelp géant (giant kelp), est une espèce qui forme ce type d'écosystème dans plusieurs régions du monde, dont le nord-est du Pacifique, le sud de l'Amérique du Sud, l'Afrique du Sud, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et plusieurs îles de l'Océan Austral. Des espèces du genre Ecklonia dominent aussi quelques forêts en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et autour de quelques îles subantarctiques[2].

La stratification verticale forme un système de micro-environnements similaires à ceux retrouvés en forêt terrestre, avec une canopée ensoleillée, un milieu partiellement abrité, et un plancher ombragé[2]. Chaque guilde possède ses organismes associés dont l'assemblage peut varier en fonction de la morphologie du kelp[7],[8],[9]. Par exemple, dans les forêts californiennes de Macrocystis pyrifera, le nudibranche Melibe leonina et l'amphipode Caprella californica sont étroitement associés à la canopée en surface; les poissons Brachyistius frenatus et Sebastes spp. se retrouvent au sein de l'étage stipité; des ophiures et des gastéropodes Tegula spp. sont associés aux crampons des algues tandis que divers herbivores tels des oursins et des ormeaux vivent sous la canopée prostrée; plusieurs étoiles de mer, hydroïdes et poissons benthiques vivent au sein de l'assemblage benthique; des coraux solitaires, des gastéropodes variés et des échinodermes vivent sur les corallines encroûtantes[7]. De plus, des poissons pélagiques et des mammifères marins sont vaguement associés aux forêts de kelp, se tenant la plupart du temps aux bords de l'écosystème lorsqu'ils viennent se nourrir d'organismes résidents.

Croissance

Ces algues géantes peuvent vivre dans la zone infra-littorale jusqu’à 30 mètres de profondeur et peuvent atteindre une taille record de 60 mètres. Elles poussent d’environ 20 centimètres par jour[10]. Elles peuvent donc avoir une taille comparable à celle des arbres terrestres et dominent la côte californienne [11].

Le kelp a besoin de substrats solides, par exemple un fond rocheux, afin de se cramponner et résister au fort courant. Il est primordial qu’il y ait assez de lumière pour que même les jeunes plants puissent y avoir accès afin d’assurer leur croissance et le renouvellement des individus. La croissance sera limitée, entre autres, par l’apport de nutriments, particulièrement l’azote [12]. Une eau chaude tropicale n’est pas propice à la dispersion du kelp car elle a une quantité insuffisante de minéraux. Cependant, dans certains endroits où l’eau est généralement plus chaude, une remontée d’eau profonde et froide riche en nutriments vient compenser cette carence en azote[10].

Production primaire nette

Dans un habitat dominé par le kelp, les lames érodées forment de 30 à 40% de la production primaire nette et plusieurs facteurs peuvent influencer cette production[11]. Premièrement, le mouvement de l’eau doit être suffisamment puissant afin d’entraîner avec lui les débris et amener les nutriments essentiels à ces algues géantes. Par la suite, la lumière est aussi très importante afin de permettre la photosynthèse. Fait intéressant, les algues peuvent moduler leur quantité totale de pigments et la proportion de ceux-ci dans la lame selon les différents pigments nécessaires à la photosynthèse. Ces ajustements permettent qu’une photosynthèse faite à 11 mètres de profondeur n’ait pas un rendement si différent de celle à 5 mètres[11]. Des phénomènes météorologiques tels qu'El Nino peuvent également influencer annuellement l’état des forêts de kelp en modifiant la dynamique des courants marins. Le manque de nutriments et la destruction par des forces mécaniques, comme les vagues engendrées par des ouragans, vont avoir une incidence sur la croissance des algues, car dans une tempête, une algue détachée de son substrat avec ses 60 mètres de long, peut en arracher d’autres sur son passage et ainsi détruire une grande partie de la forêt.

Écologie

Ces forêts marines sont réputées être l'un des habitats et écosystème les plus productif et dynamique de la planète[1] car elles offrent une multitude d’habitats, dû à leur grande variance tridimensionnelle[8]. Elles constituent un habitat particulièrement apprécié de la loutre de mer.

L'état de santé d'une forêt de kelp dépend de l'équilibre du réseau trophique complexe qu'elle abrite.

Pression d'herbivorie

L’herbivore le plus redoutable des forêts de kelp est l’oursin (Strongylocentrotus sp.). Lorsque leur nombre est faible, les oursins vivent dans des crevasses, cachés des prédateurs, et se nourrissent des débris produits par le kelp. Cependant, lorsque leur nombre augmente, ils sortent des crevasses et s’agglomèrent autour des stipes. En peu de temps, ils les mangent et le kelp sont détachés du substrat par leur base. Aussi, si les algues sont petites, les oursins vont manger l’algue au complet. La destruction est alors entamée. À Point Loma, en Californie, la forêt sous-marine est passée de 15,5 km2 à 0,22 km2 de 1911 à 1960 à cause de la pression d'herbivorie des oursins[11].

Origine anthropique de la détérioration des forêts de kelp

La surabondance des oursins a dans certains cas une cause anthropique. En effet, la surpêche a mené à une diminution considérable des stocks de poissons, en particulier, dans certains endroits, des populations de pinnipèdes. Les pinnipèdes sont ordinairement les proies principales des orques (Orcinus orca), mais en réponse à leur rareté, certaines orques ont trouvé une autre proie, la loutre (Enhydra lutris). Les populations de loutres ont ainsi fortement diminué à leur tour[13]. Ceci a causé la prolifération des oursins qui ont commencé à détruire cet habitat riche et important pour plusieurs espèces qu’est le kelp.

Interactions durables entre loutres et forêts de kelp

Ces algues permettent aux loutres de ne pas dériver quand elles s'endorment ou se reposent. Elles y jouent avec leurs petits, et s'enveloppent volontiers dans les feuilles flottantes de surface, ce qui semble les protéger des tempêtes et des courants. Elles trouvent dans cet écosystème une abondante nourriture. La loutre de mer n'est cependant pas strictement inféodée aux forêts de kelp. Des groupes de loutres vivent dans des zones dépourvues de kelp.

Des biologistes marins ont montré que la loutre de mer avait un impact très favorable sur l’extension de certaines forêts de kelp ; les loutres mangent en effet énormément d’oursins, qui sont des brouteurs du kelp. Là où les loutres sont encore présentes ou là où elles reviennent, le kelp se porte mieux et ses forêts se développent, permettant à toutes sortes d’animaux de s’y développer. Là où les loutres sont absentes, les forêts de kelp sont dégradées et plus restreintes[14].

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Ronald McPeak, Dale A. Glantz, Carole Shaw: Amber Forest the Beauty and Biology of California's Submarine Forest. Watersport, San Diego CA 1988. ISBN 0-922769-00-1
  • Jeannie Baker: The Hidden Forest. Greenwillow Books, New York 2000. ISBN 0688157602 (Roman)

Liens externes

  • (en) Kelp Forests - Forêst de Kelp de Californie (NOAA)
  • (en) À propos des forêts de kelp
  • (en) Photos de Macrocystis pyrifera

Notes et références

  1. 1 2 3 K.H. Mann (1973) Seaweeds: their productivity and strategy for growth. Science 182: 975-981.
  2. 1 2 3 4 5 P.K. Dayton (1985) Ecology of kelp communities. Annual Review of Ecology and Systematics 16: 215-245.
  3. M.H. Graham, B. Phi. Kinlan, L.D. Druehl, L.E. Garske, and S. Banks (2007) Deep-water kelp refugia as potential hotspots of tropical marine diversity and productivity. Proceedings of the National Academy of Sciences 104 (42): 16576-16580.
  4. Jackson, G.A. and C.D. Winant (1983) Effect of a kelp forest on coastal currents. Continental Shelf Report 2: 75-80.
  5. Steneck, R.S., M.H. Graham, B.J. Bourque, D. Corbett, J.M. Erlandson, J.A. Estes and M.J. Tegner (2002) Kelp forest ecosystems: biodiversity, stability, resilience and future. Environmental Conservation 29(4): 436-459.
  6. Sala, E., C.F. Bourdouresque and M. Harmelin-Vivien (1998). Fishing, trophic cascades, and the structure of algal assemblages: evaluation of an old but untested paradigm. Oikos 82: 425-439.
  7. 1 2 Foster, M.S. and D.R. Schiel. 1985. The ecology of giant kelp forests in California: a community profile. US Fish and Wildlife Service Report 85: 1-152.
  8. 1 2 Graham, M.H. 2004. Effects of local deforestation on the diversity and structure of Southern California giant kelp forest food webs. Ecosystems 7: 341-357.
  9. Fowler-Walker, M.J., B. M. Gillanders, S.D. Connell and A.D. Irving. 2005. Patterns of association between canopy-morphology and understory assemblages across temperate Australia. Estuarine, Coastal and Shelf Science 63: 133-141.
  10. 1 2 J. W. Nybakken et M. D. Bertness, 2005, Marine Biology: an ecological approach, sixth edition, San Francisco, Benjamin Cummings, 579 p.
  11. 1 2 3 4 K. H. Mann, 2000, Ecology of Coastal Waters with implications for management, Second edition, Nova Scotia, Blackwell Science, 406 p.
  12. R. C. Zimmerman et J. N. Kremer, 1984, Episodic nutrient supply to a kelp forest ecosystem in Southern California, Journal of Marine Research, 42,591-604
  13. J. A. Estes, M. T. Tinker, T. M. Williams et D. F. Doak, 1998, Killer Whale Predation on Sea Otters Linking Oceanic and Nearshore Ecosystems, Sciences, New Series, 5388, 473-476
  14. « Sea otters and kelp forests in Alaska: generality and variation in a community ecological paradigm », par J.A. Estes et D. Duggins, publié dans Ecological Monographs (65: 75-100), 1995.
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