Herbivore
Un herbivore est, dans le domaine de la zoologie, un animal (mammifère, insecte, poisson, etc. ) qui se nourrit exclusivement ou presque de plantes vivantes et non de chair, d'excréments, de champignons ou nécromasse. On peut donc dire que ces animaux sont des hétérotrophes ayant pour source principale de leur alimentation des organismes autotrophes[1].
Le plus grand herbivore terrestre est la girafe, le plus lourd est l'éléphant. Dans le passé, et notamment au Jurassique, de très grands dinosaures herbivores ont existé.
Herbivorie
L’herbivorie étant la condition d’un animal se nourrissant de plantes ; elle correspond aussi à la consommation plus ou moins saisonnière d'une certaines biomasse végétale[2].
Des interactions durables et complexes sont entretenues par herbivores d'une part avec les végétaux dont ils dépendent et d'autre part avec les carnivores qui les chassent. L'herbivorie peut aussi être influencée par des facteurs climatiques et abiotiques (disponibilité en oligoéléments pour les plantes, ou présence naturelle ou anthropique de toxiques inhibant la croissance des plantes. Des variations de température et d’humidité défavorables peuvent fixer une capacité limite de sorte que les herbivores n’atteindront pas le nombre d’individus pouvant épuiser la végétation. La compétition intraspécifique et les relations interspécifiques peuvent limiter la densité d’herbivores[1]. Plusieurs biomes sont plus concernés par l'herbivorie, qui se développe principalement là où l’écosystème est dominé par des herbacées ayant une faible hauteur comme dans les grandes prairies et savanes d'Afrique. Dans des biomes comme la toundra, des changements cycliques influent sur la pression d'herbivorie. Elle peut également prendre place de façon irrégulière dans les forêts et forêts arbustives. Ces irrégularités sont dues à des incendies de forêt, à des modifications de la pression des carnivores et/ou de la chaîne alimentaire venant de l’introduction, du retrait ou de l’état d’inertie des espèces végétales dominantes.
La plaine du Serengeti d’Afrique contient la plus grande diversité et biomasse de grands herbivores. Cet endroit est régi par le cycle des saisons (succession de saisons sèches et humides) qui modulent la croissance des plantes. Les herbivores étant dépendants des végétaux pour se nourrir, ils migrent cycliquement en lien avec ces fluctuations[3].
Certaines plantes se protègent d'une pression excessive d'herbivorie en produisant des d'épines et/ou des tanins amers. Une équipe internationale de biologistes a récemment montré que les grands carnivores, là et quand ils sont abondants « rendent les communautés d'arbres de la savane moins épineuse »[4].
Définition à nuancer
Dans le milieu naturel, presque tous les herbivores mangent en fait aussi - volontairement ou non - de la matière animale, sous forme d'œufs et de petits animaux (limaces, escargots et, entre autres insectes, pucerons), ainsi que des champignons, voire des quantités significatives de terre.
De plus, de nombreux animaux ne sont herbivores qu'à certaines saisons (la mésange) ou à un seul stade de leur vie, généralement celui de larve ;
Par exemple, les chenilles défoliatrices donnent naissance à des papillons pollinisateurs se nourrissant de pollen et de nectar ; chez les amphibiens, la larve est souvent herbivore (bien que susceptible de manger des bactéries et des cadavres animaux quand le végétal manque)
Remarque : certaines fourmis sont "défoliatrices", mais ne consomment que les champignons qu'elles cultivent sur les feuilles coupées ramenées dans la fourmilière. Elles ne sont pas herbivores.
Coévolution
La relation herbivore-plante résulte bien souvent en une série d’adaptation que l’on peut décrire comme une coévolution. Les herbivores exerçant une forte pression sélective sur les plantes, celles-ci se sont adaptées de façon à pouvoir lutter et survivre. Les herbivores ont donc aussi acquis des adaptations afin d’être en mesure de se nourrir plus efficacement. Une nouvelle adaptation venant d’un des deux parties devient donc une nouvelle force sélective qui mène à une contre adaptation de l’autre partie[5].
Comportement des herbivores
Les herbivores ont adaptés leurs comportements afin de s'adapter aux différentes contraintes imposés par l'alimentation de végétaux. Selon la théorie de stratégie optimale de recherche de la nourriture (optimal foraging theory), ils sont capables d'ajuster leur quête de nourriture afin d'en maximiser les bénéfices et l'apport nutritif.[6] Par exemple, si l'on offre à des insectes phytophages leurs différents nutriments essentiels, mais purifiés et séparés, ceux-ci s'en alimentaront avec des ratios qui mimique ceux de leur diète habituelle, et même améliorée[7]. Ils doivent également s'ajuster à la forte variabilité temporelle et spatiale en terme d'apports nutritifs des végétaux. Ainsi, lorsqu'ils font face à une diète diluée, ils pourront soit manger plus, augmenter la grosseur du l'apport, manger plus régulièrement ou altérer la diète[8]. En cas de forte lacune dans la nourriture disponible, il n'est pas si rare de voir les herbivores se tourner vers le cannibalisme, en réalité plus fréquent chez les herbivores que les carnivores, puisque cela rapporte de grand apports nutritifs[9],[10]. D'autres comportements plus agressifs sont toutefois adaptés pour contrecarrer les défenses des plantes. Un exemple est celui où des insectes folivores se découpent des tranchées jusqu'au fluide végétal (latex, résine, phloème) afin de limiter son exposition aux exsudats toxiques de la plante[11]. Certains vont couper les trichomes avant de s'alimenter afin de réduire leurs effets néfastes[12].
Morphologie et physiologie des herbivores
Plusieurs adaptations physiques ont vu le jour chez les herbivores suite à des pressions sélectives et à la sélection naturelle[5] pour leur permettre d'exploiter les végétaux efficacement.
Chez les insectes
Pour ce qui est des insectes, la plupart se nourrissent du nectar, des fruits des plantes ou encore des différents tissus végétaux. Ils ont donc développé des adaptations physiques telles que différentes pièces buccales.
Ces pièces sont soit :
1. Suceuse : possédant un tube capable de percer facilement les tissus des végétaux
2. Spongieuse : utiles pour la nourriture liquide
3. De mastication : adaptées pour saisir et écraser les plantes
Certains insectes dits cécidogènes ont opté pour une alimentation depuis l'intérieur même de la plante par la formation de galles dont la structure est fait du tissu végétal, mais contrôlé par l'insecte phytophage[13]. Des observations utilisant du marquage au carbone 14 ont démontré que des galles d'insectes rapatrient les nutriments des tissus végétaux à proximité[14]. Cette technique d'approvisionnement semble efficace considérant que les pucerons se nourrissant sous forme de galles sont plus efficients que les pucerons libres[15].
Plus agressif comme méthode encore, certains insectes sont vecteurs de pathogènes pour la plante. Ainsi ils peuvent l’inoculer de microbes l'affaiblissant et mobilisant les nutriments. Chez les pucerons, on remarque que ceux qui sont vecteurs de phytovirus ont un temps de développement plus court, une meilleure fécondité et un taux de croissance intrinsèque supérieur chez les hôtes infectés du virus comparés aux hôtes sains[16].
Au même titre que les mammifères, il est impossible aux insectes herbivores de digérer eux-mêmes la cellulose des végétaux et requiert donc une symbiose avec des bactéries, champignons ou protozoaires capables de faire cette digestion[17].
Chez les poissons
Les poissons mangeant des macrophytes, bien que moins communs, ont pour leur part un intestin plus long leur permettant de bien digérer les carbohydrates des végétaux. Ce genre de poissons se retrouve majoritairement dans les récifs coralliens et dans les eaux des tropiques.
Chez les mammifères
Chez les mammifères, deux groupes peuvent être identifiés : les brouteurs et les rongeurs. Ces mammifères ont des canines absentes ou de petites tailles alors que leurs molaires sont très développées. Pour arriver à métaboliser la cellulose, ces animaux possèdent des bactéries ou des protozoaires dans des chambres situées dans leur intestin[2].
Le système digestif des herbivores, ainsi que leur flore intestinale et digestive diffèrent souvent fortement de ceux des carnivores. Par exemple, on distingue chez les mammifères, deux grands groupes d'herbivores :
- les herbivores monogastriques, c'est-à-dire dont l'estomac n'est constitué que d'une seule poche, dans laquelle a lieu une digestion (chimique et enzymatique). C'est le cas notamment des équidés, des rongeurs et des porcins (omnivores).
- les herbivores polygastriques, ou ruminantia, dont l'estomac (dit rumen ou panse) est précédé de trois poches ;
- le réticulum (ou réseau),
- le feuillet
- la caillette (cette dernière remplit le rôle de l'estomac unique des monogastriques).
C'est le cas notamment des bovidés, des cervidés, des antilocapridés et des camélidés (ces derniers ont un estomac à trois poches).
Dans chacun des deux groupes on trouve des ruminants ; ceux-ci valorisent mieux les aliments végétaux grâce à la rumination et à une digestion microbienne qui a lieu dans la panse.
Adaptations des végétaux
Par ailleurs, étant à la base de la chaine alimentaire, les plantes aussi se sont adaptées afin d’être en mesure de lutter contre l’herbivorie. On distingue leurs mécanismes de défenses en quatre catégories: la résistance à l'herbivorie, la tolérance à l'herbivorie, l'ajustement de sa phénologie et la sur-compensation[18].
La tolérance réduit l'impact négatif de l'herbivorie sur son aptitude phénotypique, mais la génétique à la base de ces adaptations est plus floue que celle des traits de résistances, bien qu'ils soient tous deux sujets à la sélection naturelle. De plus, le génotype de la plante et les conditions environnementales influencent la capacité de tolérance d'une plante agressée. La tolérance est généralement associée à une vitesse de croissance rapide et de fortes capacités photosynthétiques chez une plante en santé[18],[19]. Ces deux mécanismes ont un effet d'opposition, d'une part un organisme avec des traits de résistances efficaces ne nécessiteroa pas de mécanismes de tolérances et inversement, une plante très tolérante n'évolue pas avec des traits de résistances[19],[20].
N’étant pas en mesure de bouger, les végétaux ont donc développés des moyens de défense physiques et chimiques, soit de résistances, pour réduire les dommages. Parmi les moyens physiques, notons la présence d’épines [1], poils ou d’un feuillage épais et rugueux. Ces adaptations morphologiques ont pour buts de diminuer l’herbivorie en rendant les plantes moins attrayantes et moins faciles d’accès vis-à-vis des herbivores. Pour ce qui est des moyens chimiques, les plantes peuvent produire un grand nombre de composés toxiques, nocifs[5] ou tout simplement désagréables au goût afin de réduire l’herbivorie. Par exemple, certaines plantes produisent un acide aminé rare, la canavanine. Étant donné qu’il ressemble à l’arginine, les plantes l’incorporent dans leurs protéines et cela a pour effet de changer la conformation des protéines et sur leurs fonctions, menant donc l’insecte à la mort. D’autres composés tels que la strychnine, morphine, nicotine, mescaline, et les tanins[1] ont un effet toxique pour les herbivores. Ces défenses sont en fait divisées en inhibiteurs quantitatifs et en inhibiteurs qualitatifs. Les inhibiteurs quantitatifs sont efficaces à grandes doses et se retrouvent surtout dans les vieilles feuilles et les tiges ligneuses. Notons parmi ceux-ci la lignine, la cellulose et les phénols. Pour leur part, les inhibiteurs qualitatifs sont efficaces à petites doses et sont retrouvés principalement dans les tissus vulnérables tels que les nouvelles feuilles et les bourgeons[3].
Par ajustement de la phénologie, on entend par exemple une plante qui aura une période de croissance tôt en saison afin d'éviter de faire ce travail pendant la période où les herbivores sont le plus actifs[21].
La sur-compensation quant à elle décrit le fait que certaines plantes endommagées par l'herbivorie ont une aptitude phénotypique supérieure aux plantes intactes[18].
Sous-catégories d'herbivores
Certains herbivores lato sensu ou phytophages peuvent être sous-classés en
- herbivores stricto sensu, qui ne mangent que de l'herbe,
- frugivores ou carpophages, qui ne mangent que des fruits,
- folivores ou phyllophages, qui ne mangent que des feuilles,
- granivores ou cléthrophages, qui ne mangent que des graines,
- pollinivores, qui ne mangent que du pollen,
- gommivores, qui mangent la gomme des plantes,
- nectarivores, qui mangent le nectar des fleurs,
- lignivores ou xylophages, qui consomment le bois,
- herbivores endogés (du sous-sol), méconnus car peu visibles, ils représentent cependant souvent la forme dominante de la consommation de la productivité primaire[22]. Ce sont des mammifères (campagnols par exemple), mais surtout des invertébrés (nématodes notamment)[22].. Il semble que faibles niveaux d'herbivorie du sous-sol puisse favoriser le flux des nutriments du sol vers la plante, via une croissance accrue des racines des plantes hôtes et des plantes compagnes. Par exemple, de faibles taux d'infection des racines de trèfle blanc (Trifolium repens L.) par le nématodes du trèfle (Heterodera trifolii Goffart) augmente la croissance racinaire, respectivement de 141% et 219% chez la plante hôte et chez l'herbe voisins non infectés (Lolium perenne L.) qui bénéficie du sol enrichi en azote par le trèfle[22].
Par contre, l'infection des racines du trèfle a augmenté la biomasse microbienne du sol dans la zone racinaire, avec dans le même temps un retour vers le sol d'une partie de l'azote capté par le trèfle (mesuré par le transfert de l'isotope Azote 15 de la plante hôte vers sol et l'herbe voisine)[22]. Dans ce dernier cas, cet azote pourrait être utilisé par des bactéries ou d'autres plantes résistantes au nématode. Ces données suggèrent que de manière générale, de faibles taux d'herbivorie du sous-sol peut accroître le transfert de carbone et d'azote du sol vers les plantes, avec augmentation de la croissance des racines et recyclage plus rapide des éléments nutritifs du sol dans les prairies[22]. Ces interactions influencent probablement fortement la compétition ou les associations entre espèce et entre espèces végétales, en modifiant la structure des communautés végétales dans les prairies. Le contrôle de la croissance des plantes par les herbivores, se fait donc aussi de manière invisible ou presque, sous le sol[22]
Adaptation des régimes
Le régime des herbivores peut fortement varier d'une saison à l'autre, particulièrement dans les zones tempérées, en fonction de la végétation disponible selon les périodes de l'année.
Les herbivores doivent passer une grande partie leur temps à brouter (et à digérer) car le rapport C:N des plantes est de 40:1 et celui des animaux de 9:1, les animaux sont composés d'environ quatre fois plus d'azote que les plantes. C'est pourquoi les herbivores doivent se nourrir abondamment afin de répondre à leurs besoins nutritionnels. Le carbone excédentaire est rejeté dans les excréments ou recyclé à la mort de l'animal via sa nécromasse exploitée par les nécrophages (des insectes nécrophages aux vautours et condors en passant par de nombreuses autre espèces).
Les prédateurs (consommateurs secondaires) ; ceux qui se nourrissent d'autres animaux par exemple, n'ont pas besoin de manger autant car leur nourriture se compose du même rapport qu'eux.
Trajets, mouvements, corridors spécifiques
Au sein de leur territoire et de leur aire vitale, les herbivores doivent se déplacer pour manger tout en échappant à leurs prédateurs[23]. avec d'autant plus de difficultés que les patchs riches en aliments sont rares et/ou que les prédateurs sont nombreux et actifs.
Pour s'adapter aux variations annuelles de ressources alimentaires, certains herbivores ont besoin de saisonnièrement migrer, sur de grandes distances parfois. Ces déplacements sont rendus difficiles ou impossibles dans les régions industrialisées en raison d'une fragmentation croissante des paysages (par les canaux, autoroute et autres voies clôturées notamment), mais sont encore observées à grande échelle dans certaines régions du monde (ex : migration des gnous ou des éléphants en Afrique, ou encore des caribous en Amérique du Nord). Ces déplacements ont probablement aussi une importance sanitaire en diminuant le risque de parasitoses et de certaines zoonoses (plus important pour un animal sédentarisé qui reste en contact avec ses microbes et les œufs ou larves de ses propres parasites).
Les patterns de déplacements très locaux (à petite échelle) ou de grande migration sont mieux compris que les déplacements échelle spatiotemporelle intermédiaires [23].
Voir aussi
Articles connexes
- Régime alimentaire, alimentation
- Ruminant
- prairie, pâture
- Végétation naturelle potentielle
- Naturalité, renaturation
- réseau trophique, prédateur-proie
Liens externes
Bibliographie
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Notes et références
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