Royal Enfield
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Création | 1892 |
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Disparition | 1971 |
Fondateurs | Albert Eadie et Robert Walker Smith |
Slogan | Made like a gun, goes like a bullet (fabriquée comme une arme, rapide comme une balle) |
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Siège social | Redditch, Worcestershire (Angleterre) |
Activité | Constructeur de bicyclettes et motocyclettes |
Royal Enfield, détenue par la compagnie indienne Eicher Motors, fabriquant des bus et véhicules utilitaires, est l’une des plus ancienne marque de motos.
Lancée en Angleterre en 1901, sa production au Royaume Uni a pris fin en 1970, mais a repris en Inde, où la marque s’est développée. En 2014 Royal Enfield a dépassé Harley-Davidson[1][2] avec un record de 302 592 unités vendues[3], soit une augmentation de 70 % par rapport aux 178 000 de 2013[4][5]. Royal Enfield a enregistré un chiffre d’affaires annuel record de 482 millions de dollars en 2014 et prévoit de produire 450.000 motos en 2015[6]. La marque a annoncé son retour en Grande-Bretagne en 2014[7] avec l’ouverture d’un magasin à Londres en mai 2014[8] ainsi que l’annonce de l’implantation d’un nouveau site de Recherche et Développement dans le comté du Leicestershire en 2015[9].
Royal Enfield est réputée pour ces motos de poids moyens, avec des moteurs allant de 350cc à 535cc[10]. Le 350cc Classique reste le modèle le plus vendu de la société[11].
Historique
Introduction
Les deux grandes usines de Hunt End et d'Hewel road ont aujourd'hui presque complètement disparu. Seul le nom d'Enfield demeure. Le premier site de Hunt End est maintenant un lotissement commercial en bordure d'Enfield Road. Les installations au cœur de Redditch, Hewel Road, qui couvraient près de 10 ha, sont devenues la zone industrielle de la ville qui rassemble de nombreuses PME et PMI.
Origine et reconversion
Les origines de Royal Enfield remonte à la moitié du XIXe siècle quand George Townsend, né en 1815, fils d'un fabricant d'aiguilles à coudre d'Alcester, s'installe à Hunt End, un hameau à moins de cinq kilomètres de Redditch, Worcestershire. La présence dans la rivière Arrow de galets d'émeri et l'énergie hydraulique qu'elle fournissait gratuitement avaient attiré cette industrie dans la région dès le début du XVIIIe siècle.
En 1871 Givry Works (ateliers de la Townsend) était la seule fabrique importante aux alentours, employant 170 ouvriers. George Townsend décéda en 1879 et ses deux fils prirent sa succession. Rapidement son fils aîné George Jr. resta seul aux commandes.
En 1888 la Townsend, employait près de 600 personnes, produisait ses bicyclettes et fournissait une gamme étendues de pièces aux autres fabricants. C'était une des rares entreprises qui fabriquait tout dans ses ateliers, y compris ses outils de production. Les bicyclettes Townsend étaient réputées pour la robustesse de leur cadre losange, réputation que les motos conserveront.
En 1890, l'entreprise fut transformée en société à responsabilité limitée mais George Jr. connut quelques difficultés financières. En novembre 1891, il vendit à Robert Walker Smith, ingénieur en mécanique chez Rudge à Coventry, et à Albert Eadie, chef des ventes de Perry & Co à Birmingham, associés à un groupe de financiers.
Au printemps 1892, Eadie prit le poste de directeur général et Robert Smith celui de directeur de la production et la société fut rebaptisée The Eadie Manufactoring Company Ltd.
La nouvelle société frôla la banqueroute en raison de la conjoncture, malgré la vente de la fabrication d'aiguilles. La situation s'assainit avec la signature d'un contrat avec la Royal Small Arms Factory, sise à Enfield, banlieue nord de Londres, qui fabriquait le fusil Lee-Enfield, pour lui fournir des pièces usinées. Afin de célébrer ce contrat salvateur, la nouvelle bicyclette à pneus fut baptisée Enfield et une société créée pour commercialiser les vélos : l'Enfield Manufacturing Company Ltd.
En 1893, Eadie et Smith ajoutèrent Royal devant Enfield, et la marque commerciale des bicyclettes devint Royal Enfield. Le fameux slogan « Made like a gun » fut créé la même année. Le logo comprenait outre ce slogan une couronne royale surmontant une mitrailleuse Maxim.
Le , le Conseil d'administration décida de créer la New Enfield Cycle Company pour regrouper tout ce qui touchait aux bicyclettes, puis, en 1897, le groupe Eadie se renomma The New Eadie Manufactoring Ltd. Ces changements semèrent la confusion dans les esprits et tous les New furent supprimés. La société de cycles devint simplement The Enfield Cycle Co Ltd, nom qu'elle gardera pendant les 70 ans à venir.
En 1899 la production de véhicules motorisés commença avec des tricycles et des quadricycles propulsés par des monocylindres français De Dion qui furent suivis par des automobiles.
En 1901 le premier deux roues motorisé fut présenté, une bicyclette munie d'un moteur Minerva refroidi par air placé devant le guidon au-dessus de la roue avant. La transmission à la roue arrière était assurée par une longue courroie croisée au niveau de la potence afin de garder sa tension en toute position.
En 1903 les deux monocylindres maison avaient le moteur à la place du pédalier, des 4 temps latéraux dont l'un était à refroidissement liquide et transmission intégrale par chaîne, une première chez la marque. Royal avait breveté cette transmission alors inhabituelle le 26 mars 1902, brevet britannique n°7330/1902.
Parallèlement, les bicyclettes Royal Enfield connaissaient un tel succès qu'il fallut agrandir l'outil de production. Pendant l'hiver 1905/1906 la société installa son siège et ses ateliers dans une nouvelle usine très moderne construite Hewel Road, près du centre de Redditch, qui finira par occuper près de 10 ha.
En raison de la mauvaise conjoncture, Royal décida en 1906 de garantir ses recettes en arrêtant provisoirement la moto pour se consacrer aux bicyclettes dont les ventes ne faiblissaient pas, et de miser pour l'avenir sur l'automobile. Le 1er mars 1906 les deux activités furent séparées et la construction d'automobiles confiée à une nouvelle société, l'Enfield Autocar Co Ltd, capital 150 000 £, PDG Albert Eadie, installée dans les anciens ateliers de Hunt End. Mais rien n'alla jamais bien pour elle.
Dès 1906, l'Enfield Cycle se consacra quant à elle à la production de bicyclettes et de pièces telles que freins et moyeux qu'ils continueront à fournir pendant plus de 50 ans, de fabriquer les cadres Scott, avant de se remettre à la construction de motos en 1908.
La famille Smith aux commandes : 1908-1962.
- 1908-1945
En juin 1907 la Birmingham Small Arms (BSA) racheta tous les actifs de la Eadie Manufactoring Ltd sauf l'Enfield Cycle et l'Enfield Autocars Ltd. Albert Eadie démissionna de ces deux sociétés et rejoignit le Conseil d'administration de BSA dont il devint deux ans après le directeur général.
En février 1908 l'Enfield Autocars déposa le bilan. Les actionnaires acceptèrent en avril l'offre de 7 500 £ présentée par Alldays & Onions qui relança l'activité sous le même nom. La suite de son histoire est sans lien avec l'Enfield Cycle qui conservait le nom de marque Royal Enfield et le slogan. Robert W Smith prit la direction de l'Enfield Cycle et démissionna en 1909 de BSA dont il était jusqu'alors un des directeurs pour éviter tout conflit d'intérêt.
Début 1909, Franck Smith, fils aîné de Robert, âgé de 21 ans, rejoignit la firme. Après des études au Quinton's College de l'université de Birmingham, il avait fait son apprentissage chez BSA. Ses deux frères le rejoindront tour à tour.
De 1908 à 1913 la gamme Enfield comporta des modèles motorisés par un monocylindre et des bicylindres en V Motosacoche (MAG) fabriqués en Suisse par les frères Dufaux. Ces motos avaient une boîte à 2 vitesses (BV2) Royal, un embrayage, des repose-pied wagon suspendus, une transmission secondaire par chaîne, une fourche à parallélogramme de type Druid et une nouveauté, l'amortisseur de transmission (cush-drive) brevet Royal qui équipera la plupart des moyeux arrière de la marque et, pour certains modèles, la noix d'embrayage.
En 1912 s'ajouta le fameux modèle 180. Spécialement conçu pour être attelé, son cadre était pourvu de tous les points d'attache nécessaires au panier en osier. Son moteur était un bicylindre en V latéral JAP de 771 cm3 (76 x 85 mm). La lubrification goutte à goutte était assurée par une pompe « coup de poing ».
En 1913, un nouveau bicylindre en V maison remplaça le 2 75 CV MAG. Ce 3CV 424 cm3 ioe (semi culbuté) fut le premier moteur anglais à carter sec avec lubrification sous pression par pompe mécanique. Après avoir lubrifié les têtes de bielles en passant par le vilebrequin percé, l'huile retournait dans un tube en verre épais fixé derrière le tube de selle. Le bon fonctionnement de la pompe était ainsi vérifiable.
En 1915 la gamme ajouta un monocylindre deux temps de 225 cm3, le premier d'une longue lignée. Pendant la guerre, Royal Enfield fournit des bicyclettes et des sidecars 180 transformé en ambulance ou avec une mitrailleuse. Pendant la Première Guerre mondiale, les ateliers de Hunt End furent vendus au fabricant de batteries Nife. Les trois fils Smith firent la guerre sans dommage. Franck servit comme pilote dans le Royal Flying Corps en France et finit avec le grade de Major.
La Première Guerre mondiale terminée, Royal Enfield ne produisait plus que le modèle 180 et la 225 cm3 2 temps.
En 1921 le modèle 180 remplaça son moteur JAP par un bicylindre en V latéral de 976 cm3 (85,5 x 85 mm), de conception Enfield et fabriqué par Vickers. La gamme ne changea pas pendant trois ans et vieillissait. Enfield avait engagé à la fin de la guerre un jeune ingénieur, Ted Pardoe, qui dessina en 1924 un nouveau monocylindre latéral maison de 350 cm3 (70 x 90 mm). En 1927 apparut son grand frère qui, reprenant les cotes du bicylindre en V, cubait 488 cm3. C'était le début d'une production modulaire et mutualisée dont l'entreprise conservera le principe.
Le deuxième recrutement essentiel fut celui en 1925 d'un jeune et brillant ingénieur, Tony Wilson-Jones auquel fut confié l'équipe de conception et la formation des apprentis, une quarantaine chaque année.
En 1926 l'usine Enfield occupait environ 9 ha et abritait le siège et de nombreux ateliers donnant sur la campagne : usinage, chromage, fonderie, peinture, rayonnage, montage, métrologie, fabrication des outils de production. Desservie par une ligne de chemin de fer, dotée d'une piste d'essai, utilisant des chariots électriques Raildocks pour transporter les pièces, c'était une usine ultra-moderne. Son département usinage, qui comportait aussi d'autres petits ateliers disséminés aux alentours, lui assurait indépendance et stabilité.
Chaque motocyclette sortant du montage allait faire sept tours de la piste située derrière les ateliers, soit environ 10 km, puis revenait pour une vérification approfondie. Si tout allait bien, elle partait à la section d'expédition.
En 1928, Enfield standardisa sa production : tous les modèles eurent droit à un réservoir en selle et une fourche de type Web.
Entre 1929 et 1939, Royal fit de nombreux modèles qui répondaient à la demande des utilisateurs et qui s'adaptaient aux variations fiscales. Il y eut toujours un monocylindre deux temps, le modèle A, graissage séparé par pompe, 225 cm3 (64 x 70 mm). Les reste de la gamme était composé de monocylindres latéraux et culbutés, de 250 à 570 cm3, BV3, et d'un gros bicylindre en V, attelé ou non, le modèle K de 976 cm3 (85,5 x 85 mm) puis 1 140 cm3 (85,5 x 99,5 mm).
En 1930 sortirent quatre nouveaux monocylindres : F latéral de 346 cm3 (70 x 90 mm) ; G 346 cm3 culbuté (70 x 90) ; H latéral 488 cm3 (85,5 x 85) et J culbuté 488 cm3 (85,5 x 85). Ils ouvraient une nouvelle ère avec leurs nouveaux moteurs à cylindre incliné, carter sec, réservoir séparé dans la partie avant du carter moteur, huile mise en pression par 2 pompes oscillantes à piston entraînés par une vis sans fin et le vilebrequin, filtre en feutre. Ce système deviendra une caractéristique de la marque. Les culbutés, sage ou sportifs, avaient des culasses à 2, 3 ou 4 soupapes, à simple ou double échappement.
En 1932 l'appellation Bullet fut donnée à trois modèles sportifs dotés de moteurs culbutés poussés et de culasses à double échappement, en 248, 346 et 488 cm3.
L'année 1933 commença très mal avec le décès de Robert W Smith le 6 février. Son fils Franck prit sa succession, entouré de ses deux frères : la continuité était assurée.
En 1936, les modèles G et J eurent de nouveaux carters moteurs à cylindre vertical, disposition qui s'étendra dès 1937 à presque tous les modèles. À part la culasse dont la culbuterie inspirée du petit monocylindre 4 temps culbuté modèle T de 148 cm3 sorti en 1935 était à l'abri sous un couvercle étanche, rien ne changeait fondamentalement. On y retrouvait les caractéristiques Enfield décrites plus haut ainsi qu'une tête de bielle tournant sur bague régule développée par Tony Wilson-Jones et la Glacier Metal Company. Cette bague équipera en 1940 tous les modèles, sauf les 250 et les 2 temps.
En 1938 sortit une intéressante 350 Bullet à moteur tout aluminium avec une nouvelle culasse à deux cache-culbuteur séparés (un seul pour la G). Cette disposition qui préfigurait la Bullet d'après-guerre, permettait d'avoir de plus grosses soupapes et un meilleur rendement.
Pendant le Seconde Guerre mondiale, Royal Enfield fournit du matériel militaire aux alliés, à proportion de leur capacité, dont environ 55 000 motos, à rapprocher des 425 000 BSA. Parmi elles, une machine à l'histoire originale allait devenir célèbre, un monocylindre deux-temps de 125 cm3 très légère, la Flying Flea (puce volante), qui pouvait être parachutée enfermée dans un berceau en tubes d'acier.
Malgré l'armistice signé le 8 mai 1945, il fallut attendre de long mois avant que les constructeurs ne sortent des modèles civils, en raison principalement de certaines pénuries en matière première et en essence. Il fallait pourtant fournir des machines en quantité, malgré ces pénuries et les règlements tatillons du temps de guerre encore en vigueur. Enfield racheta des lots de ses motos à l'administration militaire, les révisa et les civilisa avec une peinture noire. Un des cinq ateliers utilisés par une société du groupe, l'Enfield Precision Engineers, pour la production de matériel militaire pendant la guerre fut consacré à leur rénovation. Il était installé à vingt-sept mètres sous terre, à Westwood, hameau de Bradford-upon-Avon.
Début novembre Enfield annonça une gamme sans nouveaux modèles, comprenant la Flying Flea rebaptisée RE, disponible immédiatement, le modèle G disponible fin novembre et le modèle J début 1946. Les modèles G et J2 (J à double échappement) resteront en vente jusqu'en 1954.
- 1946-1962
- La RE
Début 1938 la société de Rotterdam Stockvis et Zonen qui importait aux Pays-Bas la DKW RT98, un monocylindre deux-temps léger très demandé, vit sa licence supprimée par les nazis car leurs dirigeants étaient juifs. Ils demandèrent à Royal Enfield d'en construire une réplique dont la cylindrée serait portée à 125 cm3. Cette moto, la Royal Baby (RB) 125 était prête à leur être livrée mi-1939 mais la guerre éclata. Le travail n'était pourtant pas perdu puisque ce modèle fourni à l'armée deviendra la fameuse Flying Flea parachutée.
Après l'armistice Royal Enfield la lança sur le marché civil sous l'appellation RE. Elle évoluera jusqu'en 1962, s'appelant Ensign puis Prince, avec une cylindrée portée à 148 cm3.
- Bullet
Le porte-drapeau de la marque pendant la première décennie après guerre allait être un monocylindre culbuté de 346 cm3, la Bullet G2 mise sur le marché en 1948. Cette moto remportera de nombreuses victoires en enduro, tant en individuel (Scottish, British Expert) qu'en équipe dans les ISDT (en) (enduros internationaux de 6 jours confrontant des équipes nationales). Son pilote vedette fut Johnny Brittain.
Le moteur de la nouvelle Bullet partageait ses cotes avec le modèle G (70 x 90 mm) comme l'indiquait son préfixe G2. Sa boîte à 4 vitesses était désormais boulonnée sur la face arrière des carters moteurs, formant un bloc participant à la rigidité du nouveau cadre simple berceau interrompu. Les carters moteur étaient plus haut, le réservoir d'huile incorporé dans leurs fonderies passait derrière le vilebrequin pour accroître la compacité. Cette conception sera aussi celle des bicylindres à venir. La culasse en alliage léger était celle de la Bullet 1938 tout alu. Le cylindre s'enfonçait plus profondément dans les carters et la trappe de réglage des culbuteurs n'était plus réalisée au bas du cylindre mais en haut du 1/2 carter droit. Culasse et cylindre étaient fixés par de longs goujons traversants fixés dans le bas-moteur. Cette solution sera aussi adoptée pour les bicylindres. Le vilebrequin était assemblé, la bielle en alliage léger RR56 avait sa tête tournant sur une bague flottante en métal blanc. La légèreté de la bielle et du piston était une composante majeure de la souplesse remarquable de ce moteur.
La transmission primaire était assurée par une chaîne duplex (1 simple pour la G) qui tournait en bain d'huile dans un très beau carter en alu fermé par un unique boulon central. Sa tension était réglée par un patin puisque la boite de vitesse était fixe.
Les deux arbres à came étaient entraînés par une cascade de pignons. Le carter de distribution ressemblait à celui de la dernière G, avec le filtre à huile amovible en feutre placé sous les deux pompes à huile à piston et double oscillation entraînée par un axe longitudinal s'engrenant sur une vis sans fin en bout de soie droite du vilebrequin. Ce dispositif sera aussi celui des futurs bicylindres, comme le sera aussi la partie cycle. Car cette nouvelle Bullet se distinguait surtout de la concurrence par son nouveau cadre entièrement suspendu par fourche télescopique hydraulique à double effet à l'avant et par son bras oscillant à l'arrière, une première pour une moto britannique de série de cette cylindrée.
La G2 avait l'avantage d'avoir été conçue comme une 350 destinée à la compétition, la plus légère possible. Malgré l'apparence massive de son moteur, la G2 pesait 13 kg de moins que la 350 AMC suspendue et près de 27 kg de moins que la BSA B31 oscillante qui ne sortira qu'en 1956.
La Bullet 500 JS sortit en 1952 aux États-Unis puis en 1953 en Europe. Elle différait par un embiellage plus gros, un vilebrequin plus lourd, une culasse élargie, avec des soupapes et des conduits plus grands. En 1959, elle reçut une grosse culasse (Big Head) inspirée par celles des bicylindres, avec une soupape d'admission un peu plus grande et un conduit qui aurait dû faire 38 mm. En réalité, seule la Big Head vendue aux États-Unis sous l'appellation de Fury bénéficia d'un gros carburateur Amal TT, la Big Head standard se contentant d'une Amal Monobloc de 30 mm.
En 1955, le T supérieur de fourche disparut, remplacé par la « casquette », une fonderie en alliage léger qui faisait office de T supérieur et de support de cuvelage de phare. Cette casquette équipera jusqu'en 1964 tous les modèles de la marque, avec ou sans veilleuses latérales, dans une version d'abord courte puis allongée à partir de 1959.
Les magdynos disparurent quand les alternateurs furent généralisés en 1956 sur tous les 4-temps, montés dans le carter primaire. L'allumage fut d'abord confié à une magnéto à aimant tournant Lucas SR1 avant de passer en septembre 1959 à une batterie-bobine. Toujours en 1956, les Bullet reçurent un nouveau cadre en tubes étirés soudés à l'arc, plus léger et plus haut, toujours un simple berceau interrompu. Les gabarits du précédent furent envoyés en Inde où allait être construite localement une G2.
La production des deux Bullet, G2 et JS, fut arrêtée fin 1962.
En 1963 sortit la New Bullet, une tentative ratée de monocylindre 350 cm3, le mariage de la carpe et du lapin qui coûta cher et ne rapporta rien : un embiellage de Bullet G2 dans un carter de Crusader. Sa production s'arrêta en 1965.
- La 500 Twin et la Meteor Minor
Ted Pardoe dessina un bicylindre vertical parallèle de 496 cm3 reprenant les cotes de la 250 d'avant-guerre (64 x 77 mm) qui fut présenté en 1948. Ses caractéristiques fondamentales étaient celles de tous les bicylindres à venir. Enfield choisit un gros vilebrequin en fonte nodulaire forgé monobloc pour assurer une grande rigidité, tournant sur deux gros roulements, bielles en alliage léger à chapeaux et paliers lisses. Concernant la lubrification, le système de la Bullet fut retenu : carter sec, réservoir d'huile dans la fonderie des carters, deux pompes et un filtre à huile (placé dans le réservoir et non sous les pompes ), une boite de vitesse boulonnée sur le bas-moteur, allumage batterie-bobine-dynamo-distributeur, un seul carburateur. Les cylindres en fonte et culasses alu étaient séparés et la distribution abandonnait la cascade de pignons pour une chaîne.
La 500 Twin était une routière particulièrement élégante, d'une puissance moyenne (25 CV), dotée du cadre entièrement suspendu mis au point pour la Bullet. Sans modèle sportif pour l'épauler, baptisée très banalement, elle ne fut jamais un best-seller bien que coupleuse, solide et fiable, reléguée dans l'ombre dès 1952 par les plus gros bicylindres Enfield. Elle reçut en 1957 le nouveau cadre. Sa production fut arrêtée en 1958.
Si la 500 Twin ressemblait à une Bullet, la Meteor Minor qui lui succéda en 1958 ressemblait en raison de sa partie cycle de Crusader à une Constellation modèle réduit. Le moteur conservait le même aspect mais devenait super carré en reprenant les cotes de la Crusader (70 x 64,4 mm), gagnant en vivacité mais perdant en caractère. La solidité originelle de son embiellage combinée à la réduction de la course en faisait une moto très vive et très fiable. Elle fut décliné en modèle De Luxe, Sports et enfin Sports Twin en 1963, dernière année de sa production.
- Bloc moteur 250
En 1954 Reg Thomas, jeune ingénieur embauché après-guerre pour succéder plus tard à Ted Pardoe, partit d'une feuille blanche pour concevoir un nouveau moteur 250 qui allait être à la base de la gamme Crusader/Continental. Le cahier des charges établi par le PDG Franck W Smith était le suivant : 250 cm3, bloc-moteur moderne aussi facile à entretenir que les semi-blocs. De fait tout, même la boite de vitesse, était démontable moteur dans le cadre, sauf l'embiellage.
Ce moteur culbuté démarra en août 1956 avec une puissance de 13 CV à 5 750 tr/min et grimpa jusqu'à un excitant 21,5 CV à 7 500 tr/min pour la Continental GT en 1964.
D'une présentation cossue, la Crusader n'était pas légère (142 kg). Son moteur super carré (70 x 64,5 mm) inversait l'implantation traditionnelle anglaise en plaçant l'alternateur et les vis platinées à droite et la distribution à gauche avec la transmission primaire. Il conservait le principe du carter sec avec filtre et deux pompes. La Crusader bénéficiait du nouveau cadre, d'une fourche télescopique non hydraulique, et de roues de 17". Suivirent en 1958 la Crusader Sports qui éleva la vitesse de pointe à 127 km/h, puis la Super 5, la Continental et la Continental GT, dotées d'une boîte 5 vitesses, encore une première en Angleterre, qui atteindront 137 km/h. La Continental GT fut lancée en 1964 avec une chevauchée médiatisée qui la mena de John O'Groats (pointe nord de l'Ecosse) à Land's End (pointe sud de la Cornouailles) en moins de 24 h (sans autoroutes à l'époque), pilotées par des journalistes spécialisés, avec deux passages sur circuit aux mains de pilotes connus. Sa vitesse en elle-même suffisait à sa crédibilité car, n'ayant pour concurrentes britanniques que la BSA C15 et l'AMC, la 250 Enfield fut un choix évident pour les jeunes avides de sensations quand la législation limita en 1961 les débutants à 250 cm3. En conséquence les ventes de Royal furent très bonnes et Enfield vendit près de 1 000 Continental GT rien qu'en 1965. La production fut arrêtée en 1967.
Les 250 furent également engagées en trial et cross, sans grand succès. Ces modèles spécifiques, peu nombreux, avaient leurs fourches modifiées pour être amorties hydrauliquement.
Jusqu'en 1962, aux côtés des Bullet et 250, Royal Enfield présentait des Clippers. Ce nom ne voulait pas évoquer ces superbes bateaux à voile du début du siècle qui battaient les records de traversées transatlantiques mais des motos à prix serrés (clipped), recyclant cadres, moteurs et pièces de fins de série afin d'écouler les stocks. C'est pourquoi cette appellation a désigné selon les années des motos très différentes, plutôt utilitaires, dont certaines ont pu être très intéressantes (Clipper 1959 par exemple).
- Les gros bicylindres 700 cm3
Leurs moteurs étaient une évolution du 500 Twin dont ils gardaient le principe et l'architecture très solide.
En 1952 sortit la 700 Meteor, bicylindre de 700 cm3 utilisant les côtes haut-moteur de la Bullet (70 x 90 mm). C'était un moteur peu poussé (34 CV), monocarburateur, dérivé de la 500 Twin, très coupleux car destiné initialement aux amateurs d'attelages. Comme la 500 Twin, son filtre à huile était positionné transversalement dans le réservoir d'huile et non sous les pompes.
En 1953, Royal Enfield décida d'équilibrer ses moteurs dynamiquement. Toutefois les gros bicylindres vibrèrent toujours plus à haute vitesse que les monocylindres réputés pour leurs faibles vibrations, mais toutefois beaucoup moins que leurs concurrents.
La Meteor fut remplacée en 1956 par la 700 Super Meteor, 40 CV, toujours monocarburateur, culasse plus généreusement ailetée, qui bénéficia immédiatement du nouveau cadre. Pour un gain de matière et de solidité, carters, culasses, cylindres et casquette étaient désormais coulés sous haute pression, un mode de production destiné à la grande série, chez J V Murcott & Fils. Les moules nécessaires avaient été dessinés en interne par Reg Thomas. Le carter distribution était modifié par ajout du logement pour le filtre qui revenait sous les pompes, comme les Bullet.
De 1956 à 1959, l'alternateur étant généralisé sur toute la gamme, l'allumage des Meteor et Super Meteor est confié à une magnéto Lucas à aimants tournant SR2 jusqu'en 1959. Ensuite, selon les modèles, l'allumage sera assuré soit par une magnéto Lucas K2F soit par un distributeur et une bobine.
En 1958 Royal Enfield lança un modèle sportif de la Super Meteor, la Constellation, poussée à 51,5 CV, qui porta sérieusement atteinte à la réputation de fiabilité de la marque : étanchéité douteuse, modifications non éprouvées du moteur comme le changement des vis des chapeaux de bielles qui se révéleront défaillantes, embrayage impuissant à transmettre correctement l'augmentation de puissance. Lancée avec un unique carburateur Amal TT, elle passa fin 1959 à deux carburateurs monoblocs assurant de meilleurs démarrages et freinages. En fin de carrière (fin 1962 et 1963), elle revint à une configuration à un seul carburateur avec un moteur dégonflé à 40 CV pour reprendre le rôle de tracteur de side-car jusqu'à lors dévolu à la Super Meteor dont la production fut arrêtée en 1962.
- L'épisode Indian 1955-1959
La marque américaine Indian, rivale originelle de Harley-Davidson, annonça fin 1953 qu'elle cessait provisoirement de construire des motos. Ce provisoire se révéla rapidement définitif et la société fut divisée en deux entités, ventes et fabrication. Après la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis, la commercialisation des marques britanniques telles qu'AJS, Matchless, Norton était aux mains d'Indian. En 1954, la société britannique Brockhouse qui avait injecté des fonds dans Indian en 1949 acheta le nom de la marque et le réseau commercial, ajoutant Royal Enfield à son panel. À la différence des autres marques, les motos Royal Enfield étaient rebaptisées Indian en touchant le sol américain.
La RE devint la Lance, la Crusader la Fire Arrow et la Hound Arrow, la Bullet JS (la G2 n'étant pas exportée) la Woodsman et la Westerner, la 500 Twin la Tomahawk, la 700 Meteor la Trailblazzer (= pionnier). Les badges étaient ronds représentaient une tête d'indien revêtue de la grande coiffe à plumes. Une version poussée de la Super Meteor fut baptisée Apache. En 1959 sortit une Super Meteor dotée de roues de 16" à gros pneus baptisée Chief dont une cinquantaine d'exemplaires fut achetée par le New York City Police Department.
Début 1960 AMC acheta le nom Indian et Royal reprit en main la vente de sa gamme aux États-Unis, annonçant : « La fameuse marque Royal Enfield fait ses débuts sous son propre nom, abandonnant son identité américaine de plumes et de peintures. »
1963-1970 : fin de la famille Smith, prises de contrôles par des groupes financiers
En avril 1962 le décès de Major Franck Smith à l'âge de 73 ans annonçait de futures turbulences. Dans les entreprises mécaniques britanniques, la disparition des créateurs signifiait souvent le commencement de la fin. Dans le cas d'Enfield, cela coïncida avec le début d'une décennie de vaches maigres : développement des petites voitures, apparition des premières japonaises.
Les actionnaires d'Enfield acceptèrent l'offre d'achat du groupe financier E & P Smith Ltd (non apparenté à la famille fondatrice Smith) qui possédait de nombreux intérêts variés tels que les machines-outils, les matériels électriques statiques ; du matériel électronique, des usines d'emballages, de médicaments, l'usine de roulements et de pignons Alfa Bearing aussi connue pour ses embiellages.
Les deux-temps
- La Turbo Twin
La 250 Turbo Twin était en 1964 une vraie nouveauté car pour la première fois pour un deux-temps le moteur n'était pas un Royal mais un Villiers bicylindre 249 cm3 (50 x 63,5 mm) de 17 CV, à vocation plutôt utilitaire, monté dans un cadre de Crusader. Vendue jusqu'en octobre 1966, la Turbo Twin fut la dernière représentante d'une lignée de motos qui avait toujours été bénéficiaire pour la marque. La production des 250 fut arrêtée en 1967.
- La GP5
Côté compétition Royal tenta de relancer la marque en catégorie 250, à la fois en tout-terrain (Crusader 4-temps et Starmaker 2-temps) mais surtout sur piste. Ils décidèrent d'élaborer une compétition-client, la GP5. Ils recrutèrent le meilleur ingénieur de moteurs deux-temps de l'époque, le magicien de Brème Hermann Meier qui fut contraint d'utiliser un bas-moteur obsolète puisé dans le réservoir Alpha Bearing. Ses talents ne purent se concentrer que sur le haut moteur en concevant un ensemble à quatre transferts et culasse en chapeau haut de forme. La GP5 sortait 34 CV à 8 200 tr/min. Elle fut chronométrée en 1965 à 212 km/h, surpassant les Greeves Silverstone et Cotton Telstar.
Malheureusement elle sortit un an trop tard car si les Greeves, Cotton et DMW étaient moins rapides, elles étaient produites en série et commercialisées alors que la GP n'était encore qu'un prototype. Seule une vingtaine de GP5 furent construites bien qu'étant restées au catalogue jusqu'en 1967.
Les quatre-temps
- L'Interceptor 750 S1
La 750 Interceptor sortit en 1963 pour maintenir la position de Royal aux États-Unis. Sa véritable cylindrée était de 736 cm3, obtenue par un accroissement de l'alésage et de la course : 71 x 93 mm. Son moteur gardait l'aspect général et la structure des précédents. Les ailettes des cylindres redevenaient arrondies, un peu comme la Meteor, alors que celles des Super Meteor et Constellation étaient plus larges à l'avant. Le vilebrequin en fonte nodulaire tournait toujours sur deux très gros roulements, dans des carters moteurs renforcés. Les chapeaux des têtes de bielles à paliers lisses étaient maintenus par des vis en acier à haute densité vissés dans des inserts dans la bielle et percées pour recevoir un fil-frein de sécurité. Les culasses en aluminium étaient revues, avec un ailetage diminué comme les cylindres, et pourvues de pipes parallèles de fonderie recevant une paire d'Amal Monobloc de 30 mm. Les goujons de fixation passaient de 7,94 à 9,52 mm.
Le circuit d'huile était toujours le même, légèrement modifié. Les carters moteur portaient des bossages prêts pour le montage d'un radiateur d'huile extérieur maison. L'allumage était assuré par une magnéto Lucas à induit tournant K2F. La compression standard était de 8:1 mais pouvait être modifiée en fonction des pistons utilisés. De même, plusieurs arbres à cames ont été disponibles. La démultiplication était plutôt longue mais la souplesse et le couple exceptionnel du moteur le permettait.
L'Interceptor rétablit quelque peu l'image de Royal en réussissant à éliminer les défauts de la Constellation, redevenant une moto fiable.
- Le chant du cygne, les Interceptor S1A, S2 et S3
Dès 1965 Royal eut des difficultés financières : entre le début 1963 et mi-1966, non compris les gros bicylindres, seulement 6 600 motos avaient été vendues. En 1966, l'Interceptor fut retirée du marché britannique.
En mars 1967 E & HP Smith vendit Enfield pour 82 500 £ à Norton-Villiers (détenu par le groupe financier Manganese-Bronze) qui venait de racheter AMC et qui rachètera BSA en 1973.
C'est la rationalisation de la production qui fut prétextée mais la vraie raison est ailleurs : E & HP Smith avait l'intention de réaliser certains actifs et vendit très rapidement les installations de Redditch à la chambre de commerce locale, provoquant la fin de production de la dernière 250. Il a été démontré que cette vente avait rapporté à E & HP Smith plus qu'elle n'avait déboursée pour acheter Enfield en 1963. La branche pièces détachées fut vendue à Velocette.
Norton-Villiers poursuivit activement le dépeçage par la vente à la découpe de toutes les branches qui avaient fait d'Enfield une entreprise quasi autonome.
Aux termes de la vente, E & HP Smith était resté majoritaire dans l'Enfield Precision Engineers basée à Bradford-upon-Avon et avait gardé le droit de construire les Interceptor. L'outillage nécessaire à l'unique moto restant en production fut donc déménagé de Redditch pour être installé dans l'usine souterraine de Bradford. L'Enfield Precision sous-traita la fabrication des cadres à Velocette. Pour la commercialisation ils se tournèrent pour l'étranger vers P. Mitchell & Co, à Birmingham, qui distribuait de nombreuses marques, dont Velocette, et pour le marché britannique vers Elite Motors à Londres. C'est ainsi que réapparut en 1967 sur le marché national l'Interceptor S1A, une S1 modifiée pour les États-Unis : grand guidon, petit réservoir et bras oscillant allongé. La casquette avait disparu, remplacé par un T en aluminium.
Ce qui restait de l'équipe Enfield à Westwood, dont Reg Thomas qui venait de redessiner les carters moteur du gros bicylindre, ne tournait pas au ralenti. En octobre 1968 sortit la dernière Interceptor commercialisée, la Série 2, qui sera la plus fameuse. C'était une Série 1A pour le cadre mais dotée d'une fourche Norton Roadholder et d'un frein à tambour Norton 8". L'imposant semi-bloc était profondément modifié et innovait en adoptant le principe du carter humide sous le vilebrequin, toujours forgé monobloc en fonte nodulaire, et une seule pompe à deux débits différenciés. Un nouvel embrayage et un allumage à condensateurs complétaient le tableau. Toujours haute (80 cm de hauteur de selle), imposante avec son bicylindre massif qui développait 55 CV, elle atteignait 180 km/h, était remarquablement souple et coupleuse avec d'impressionnantes accélérations à mi-régime.
Un prototype d'Interceptor S3 800 cm3 fut réalisé en 1970 mais n'entra pas en production, Norton ne voyant pas l'utilité d'opposer une concurrente à sa Commando. Au moins une machine complète fut construite et testée sur la route par l'ingénieur chargé du développement Richard Stevens qui se rendit à l'étranger, participa à des réunions au printemps et se fit chronométrer par le MIRA à 206 km/h.
Enfield Precision ne déposa pas le bilan mais cessa simplement la construction de l'Interceptor en juin 1970 pour se concentrer sur les contrats qu'elle avait signés avec le Ministère de la Défense.
- Indian Interceptor 750 et Rickman Interceptor 750
Deux aventures parallèles ont concernés les moteurs S2.
En 1968 Floyd Clymer, entrepreneur américain distributeur de Royal Enfield pour l'ouest du Mississipi, s'était rapproché de Mitchell & Co pour acheter des moteurs destinés à équiper une gamme de motos qu'il commercialiserait aux États-Unis sous le nom de sa marque préférée Indian, dont il avait racheté les droits. Clymer choisit les 500 monocylindres Velocette Venom et Thruxton et le 750 S2 Royal Enfield. Il sollicita Italjet dirigé par Leopoldo Tartarini pour fabriquer la partie-cycle. Les premières motos furent vendues en 1969 mais l'aventure tourna court, Clymer décédant en janvier 1970. Entre trente et cinquante Indian Interceptor 750 pourraient avoir été construites.
L'exportateur se retrouva avec plus d'une centaine de moteurs S2 sur les bras, pas de partie cycle et plus de constructeur. Ils finirent par se tourner vers les frères Don et Derek Rickman qui construisaient des motos en mettant dans leur propre parties-cycles des moteurs Triumph, BSA et Matchless, vendues sous l'appellation Metisse. Mitchells les chargea de construire 7 Rickman Interceptor à titre d'exemplaires de démonstration, puis conclut un accord de distribution avec Elite Motors. Environ cent trente machines sortirent des ateliers Rickman entre avril 1970 et janvier 1972.
Cette petite série resta sans suite malgré la demande car les droits de fabrications, comme l'outillage de production et le nom Royal Enfield, avait été rachetés entre temps par Matt Holder, PDG d'AERCO.
L'Inde, pays de l'immortalité
Les Royal Enfield avaient toujours été appréciées en Inde. Après la Seconde Guerre mondiale, ce nouvel état indépendant en guerre avec le Pakistan avait besoin d'une moto légère, performante, fiable et facile d'entretien pour équiper ses forces armées : il choisit la Bullet 350 G2 en raison des qualités qu'elle démontrait en trial. En 1954, les ateliers de Redditch durent faire face à une commande de 800 Bullet. Le cahier des charges ne prévoyait que très peu de modifications du modèle civil, sauf une peinture sable mat. Toutefois elles devaient être livrées rodées, prêtes à un usage immédiat.
Peu après le gouvernement indien, pour réduire les coûteuses importations, décida d'encourager l'industrialisation du pays en favorisant la création d'entreprises. C'est ainsi que fut créée en 1956 la Madras Motors, une société en participations associant l'Enfield Cycle Ltd à 49% à l'Enfield India Ltd à 51%, pour dans un premier temps monter sur place les Bullet livrées en pièces, puis fabriquer les cadres avec les gabarits changés à Redditch en 1956, puis enfin fabriquer les moteurs. La Madras Motors devenait ainsi un constructeur à part entière. La Bullet construite sur place garda les caractéristiques de la G2 1955 et ne suivit pas les évolutions anglaises.
La saga Enfield continue toujours en Inde à Chennai où la Bullet fonte a été produite à bonne cadence jusqu'en 2007, adaptée aux besoins locaux. Dans les années 1980, une version diesel à refroidissement à air forcé a été mise sur le marché par la Sooray Tractors tandis que Pradep P Dani, de Pune, sortait une version doté d'un diesel Greeves Lombardini industriel qui avait l'avantage de pouvoir être transformé en pompe d'irrigation en y boulonnant une poulie.
Dans les années 1970, le mouvement de la moto classique prit son essor. En février 1977, les frères Slater importèrent en Angleterre leur première 350 Enfield India. Elle était ainsi baptisée car le nom de Royal Enfield appartenait à Matt Holder et celui de Bullet à la British Leyland.
Après la mort d'un des frères Slater en 1981, l'importation fut reprise par Derek Chapman à Evesham. Il racheta le nom Royal Enfield en 1984 au décès de Matt Holder. Madras arrêta les exportations en 1985 puis les reprit en 1987, Bavanar Products étant le nouvel importateur pour la Grande-Bretagne.
Poussé par la demande occidentale, Madras finit par sortir en 1989 une 500 cm3 extrapolée de leur 350, après 27 ans d'interruption, puisque aucune Bullet 500 n'avait jamais été fabriquée en Inde auparavant et que sa fabrication avait été arrêtée en Angleterre fin 1962.
Le moteur fonte originel n'est plus fabriqué depuis 2007, les nouvelles normes européennes ayant imposé la conception de nouveaux moteur.
Un succès mitigé dans un premier temps
L'histoire de Royal Enfield est assez déconcertante : du potentiel mais peu de succès en Europe. Elles n'ont jamais été en tête des ventes, principalement en raison d'une production relativement peu importante par rapport à celle de ses concurrents directs. Techniquement on pouvait certainement leur reprocher quelques points faibles. Mais aucune marque, et spécialement aucune moto britannique des années 1950 et 1960 n'était exempte de défauts, et ceux des Enfield étaient rarement fondamentaux. Leurs grandes qualités (confort, tenue de route, finition et mieux encore fiabilité) ne sautaient pas aux yeux autant que leurs défauts (bruyantes, peu étanches) qui aujourd'hui peuvent facilement être corrigés. Leur robustesse pardonnait une certaine négligence.
D'autres facteurs, notamment leur absence d'engagement dans les courses sur piste, ont fait que les machines de Redditch ont souffert d'un déficit de notoriété face aux Norton, BSA et autres Triumph.
Une nouvelle tentative : le retour sur la scène internationale
- Le retour en Europe
En 1990, Enfield India conclu une alliance stratégique avec le Groupe Eicher, et fusionne par la suite en 1994. Suite à cette fusion Enfield India devient Royal Enfield. Le Groupe Eicher est l'un des principaux groupes automobiles en l'Inde avec des intérêts diversifiés dans la fabrication de tracteurs, véhicules utilitaires et motos.En 2014, Royal Enfield officialise son grand retour sur le sol britannique en ouvrant un magasin à Londres.
En 2015, Royal Enfield achète Harris Performance[12], fabricant de châssis ayant développé le chassus de la Royal Enfield Continental GT, et annonce son grand retour sur le sol britannique après avoir effectué les investissements nécessaire pour se conformer aux normes européennes. Dans le même temps, Siddhartha Lal, directeur général de Royal Enfield depuis 2006, s’installe à Londres pour se concentrer sur les opérations internationales[13].
Royal Enfield a annoncé sa volonté d’investir 80 millions de dollars dans deux nouvelles usines, ainsi que des centres de technologie en Inde et au Royaume-Uni[14].
- Une expansion aux Etats-Unis
Royal Enfield a également ouvert sa première filiale de distribution directe en dehors du territoire indien aux Etats-Unis, à Milwaukee, Wisconsin[15][16].
Rappel chronologique
- 1892, rachat de la Townsend, fabricant des bicyclettes et création de la Eadie Manufacturing Company
- 1893, suite à un contrat gouvernemental, fournit des pièces à la Royal Small Arms, fabricant du fusil Lee Enfield. C'est ce contrat qui permit d'ajouter « Royal » au nom de la société et c'est donc à cette occasion que naît la « Royal Enfield » et le slogan Made like a gun (« Construite comme un fusil »). Royal Enfield n'a jamais fabriqué d'armes.
- 1897, à la suite d'un changement interne de gestion, elle devient l'Enfield Cycle Company
- 1898 a lieu la production d'un quadricycle équipé d'un moteur fourni par la firme De Dion-Bouton.
- 1901, la première motocyclette Enfield voit le jour, avec le moteur Minerva placé sur la roue avant.
- 1903 est construite la première moto à moteur central.
- 1910 apparaît la première moto avec moteur en V.
- 1933 naît le premier modèle dénommé « Bullet ».
- 1945 sont installées les premières fourches télescopiques.
- 1948 est mis au point le prototype de l'actuelle Bullet dotée d'un cadre entièrement suspendu (fourche télescopique et bras oscillant) avec échappement de type « trial ». Avec plusieurs modifications et même un modèle de course, la Bullet reste en production jusqu'en 1962 au Royaume-Uni.
- 1956, construction de la Bullet 350 en Inde par la Madras Motor Ltd.
- 1970, Royal Enfield cesse sa production. Les outils de production sont rachetés par AERCO (Matt Holder).
- 1977 Madras Motors commence l'exportation vers l'Europe et le Royaume-Uni de l'Enfield India 350.
- 1990 Madras Motors, poussé par la demande européenne, construit et exporte l'Enfield India 500.
- 1996, le groupe indien Eichert (tracteurs et autres) rachète Enfield India, après y avoir pris des participations en 1994.
Actuellement, l'usine Royal Enfield Motors Ltd. est l'une des plus importantes en « métalmécanique » indienne et développe son activité dans trois localités de l'État indien du Tamil Nadu : Madras, siège principal de l'établissement, Anakaraipatti et Ranipat.
- 2007, importation Europe : fin des Bullet fonte, mais aussi du modèle Electra.
- 2008, importation Europe : nouveau modèle EFI (à injection) pour répondre aux normes européennes.
- 2014, ouverture d’un magasin Royal Enfield à Londres
Sources
- (en) Anne Bradford, Royal Enfield : The story of the company and the people who made it great : 1851-1969, RG Publishing, , 167 p.
- (en) Roy H. Bacon, Royal Enfield : The postwar models, Niton Publishing, , 192 p. (ISBN 1-85579-019-X)
- (en) Peter Hartley, The story of Royal Enfield motorcycles, Rixon Groove, , 128 p. (ISBN 978-0-9561168-2-6)
- (en) Mick Walker, Royal Enfield : The complete story, The Crowood Press Ltd, , 192 p. (ISBN 1-86126-563-8)
- (en) Steve Wilson, Royal Enfield motorcycles since 1950, RG Publishing, , 114 p. (ISBN 0850598303)
- India World Travel
Références
- ↑ manuprod S.A.R.L., « Royal Enfield : Plus fort que Harley-Davidson en 2014 ! », sur www.moto-station.com (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ lefigaro.fr, « Royal Enfield, de formidables machines à remonter le temps » (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ Saritha Rai, « India's Vintage Royal Enfield Overtakes Harley-Davidson In Motorcycle Sales » (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ Moto-Net.Com, « Le phénoménal retour aux affaires de Royal Enfield », sur www.moto-net.com (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ Amrit Raj, « Royal Enfield takes the middle path in global ride », sur http://www.livemint.com/ (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ « AcidMoto.ch » Royal Enfield est de retour en Grande-Bretagne avec Pierre Terblanche » (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ Jean-Michel Normand, « Royal Enfield rentre au bercail », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne)
- ↑ « Royal Enfield Official London Store - Royal Enfield UK », sur royalenfield.com (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ « Retour en Angleterre pour Royal Enfield - Actualités moto sur motorevue.com », sur www.motorevue.com (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ Naazneen Karmali, « India's Vintage Motorcycle Royal Enfield Is On Full Throttle » (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ « Eicher Motors rides Royal Enfield bikes on path of high growth - Business Today », sur www.businesstoday.in (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ manuprod S.A.R.L., « Stratégie : Royal Enfield achète Harris Performance », sur www.moto-station.com (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ Manu Balachandran, « India’s legendary Royal Enfield is taking the fight to Harley-Davidson’s backyard » (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ Saritha Rai, « India's Vintage Royal Enfield Overtakes Harley-Davidson In Motorcycle Sales » (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ Royal Enfield, « Royal Enfield Re-Launches its Iconic 144 Year-Old Brand in North America », sur www.prnewswire.com (consulté le 2 octobre 2015)
- ↑ « Royal Enfield sets up direct sales subsidiary in the US - The Economic Times » (consulté le 2 octobre 2015)
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