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Le Cid (Corneille)

Le Cid (Corneille)

Page d'aide sur l'homonymie Pour les articles homonymes, voir Le Cid.
Le Cid
Frontispice de l'édition de 1637 du Cid.
Frontispice de l'édition de 1637 du Cid.

Auteur Pierre Corneille
Genre Tragi-comédie
Nb. d'actes 5 actes en vers rimés deux à deux et en alexandrins
Lieu de parution Paris
Date de parution 1648
Date de la 1re représentation en français
Lieu de la 1re représentation en français Théâtre du Marais, Paris

Le Cid est une pièce de théâtre tragi-comique[1] en vers (alexandrins essentiellement) de Pierre Corneille dont la première représentation eut lieu le au théâtre du Marais[2].

Selon une tradition peu convaincante[3] rapportée par l'historien du théâtre Pierre-François Godard de Beauchamps, un conseiller à la Cour des Comtes de Rouen, Rodrigue de Chalon, issu d'une famille espagnole, aurait initié Corneille à la langue et la littérature espagnoles et lui aurait suggéré la lecture d'une pièce de théâtre de Guillèn de Castro Las Mocedades del Cid (Les Enfances du Cid) parue en 1631 et qui aurait inspiré le dramaturge français. L'influence de Rodrigue de Chalon est incertaine mais il est attesté que Le Cid s'inspire fortement de la pièce de Guillèn de Castro, au point que Jean Mairet, dans une épître en vers anonyme l’« Auteur du vrai Cid espagnol » écrit à son traducteur français, accuse Corneille de plagiat en mars 1637[4].

Les personnages

  • Don Rodrigue (Rodrigue) : fils de Don Diègue et amant[5] de Chimène. Cid est un surnom de guerre qui ne sera rappelé qu’aux actes IV et V et uniquement par le roi et l’Infante. Le personnage s'inspire de Rodrigo Díaz de Vivar.
  • Chimène : fille de Don Gomès et maîtresse[6] de Don Sanche et de Don Rodrigue dont elle est aussi l’amante.
  • Don Gomès (le comte) : comte de Gormas et père de Chimène.
  • Don Diègue [de Bivar]  : père de Don Rodrigue.
  • Doña Urraque (l’Infante) : Infante de Castille[7], secrètement amoureuse de Don Rodrigue.
  • Don Fernand : premier roi de Castille.
  • Don Sanche : amoureux de Chimène.
  • Elvire : gouvernante de Chimène[8].
  • Léonor : gouvernante de l'Infante.
  • Don Arias et Don Alonse : gentilhommes castillans.

Lors de la création, le rôle de Rodrigue était tenu par Montdory qui dirigeait la troupe du Marais[9] et, à quarante-six ans, était considéré comme le plus grand acteur de son temps ; Chimène était jouée par la Villiers, l’Infante par la Beauchasteau, celui de Sanche par le Montrouge. Le reste de la distribution est inconnu.

Arbre représentant les différentes relations entre les personnages du Cid

Résumé

Don Diègue et le comte de Gomès projettent d’unir leurs enfants Rodrigue et Chimène, qui s'aiment. Mais le comte, jaloux de se voir préférer le vieux don Diègue pour le poste de précepteur du prince, offense ce dernier en lui donnant une gifle (un « soufflet » dans le langage de l'époque). Don Diègue, trop vieux pour se venger par lui-même, remet sa vengeance entre les mains de son fils Rodrigue qui, déchiré entre son amour et son devoir, finit par écouter la voix du sang et tue le père de Chimène en duel. Chimène essaie de renier son amour et le cache au roi, à qui elle demande la tête de Rodrigue. Mais l’attaque du royaume par les Maures donne à Rodrigue l’occasion de prouver sa valeur et d’obtenir le pardon du roi. Plus que jamais amoureuse de Rodrigue devenu un héros national, Chimène reste sur sa position et obtient du roi un duel entre don Sanche, qui l'aime aussi, et Rodrigue. Elle promet d’épouser le vainqueur. Rodrigue victorieux reçoit du roi la main de Chimène  : le mariage sera célébré l'année suivante.

Résumé par acte

Ce résumé est celui de l'édition définitive de 1660 qui est la version la plus couramment lue.

Acte I

  • Acte 1 Scène 1 - Elvire et Chimène  : Elvire retranscrit son entretien avec le père de Chimène. Elle lui annonce qu'il accepte son choix d'épouser Rodrigue. Chimène est agréablement surprise, mais elle a de mauvais pressentiments concernant cette union.
  • Acte 1 Scène 2 - Doña Urraque amoureuse de Rodrigue  : L'infante demande à son page d'aller chercher Chimène. Léonor, sa gouvernante lui demande pourquoi elle se soucie autant des amours de Chimène et Rodrigue. Doña Urraque lui explique qu'elle est amoureuse de Rodrigue et qu'en faisant en sorte qu'il soit marié à Chimène ses sentiments interdits s'effaceront. Le page annonce l'arrivée de Chimène et les deux femmes la rejoignent.
  • Acte 1 Scène 3 - Don Diègue au poste de gouverneur : Le comte regrette que le roi ait choisi Don Diègue au poste de gouverneur du prince de Castille. Ce dernier le calme en lui demandant d'unir son fils à sa fille. Mais Don Gomès refuse et lui indique qu'il méritait ce poste. Les esprits s'échauffent et Don Gomes soufflète Don Diègue qui s'offusque de cet affront. Don Gomès déshonore Don Diègue en faisant tomber son épée.
  • Acte 1 Scène 4 - Monologue de Don Diègue : Don Diègue, dans un monologue, est anéanti d'avoir subi cet affront, malgré son âge avancé. Il regrette de n'avoir pu garder, en main, son épée qui lui a tant servi. Il ne la mérite plus.
  • Acte 1 Scène 5 - Volonté de tuer Don Gomès : Don Diègue demande à son fils d'aller tuer Don Gomès, qui l'a déshonoré. Il lui demande de le venger malgré son amour pour Chimène.
  • Acte 1 Scène 6 - Monologue de Rodrigue  : Rodrigue, dans un monologue, fait part de son dilemme  : venger son père et perdre son amante ou laisser son père déshonoré pour ménager celle qu'il aime. Il se résigne à tuer Don Gomès parce qu'il se fait la réflexion qu'il deviendrait indigne de Chimène en ne vengeant pas son offense.

Acte II

  • Acte 2 Scène 1 - Don Arias et Don Gomès  : Don Arias tente de convaincre Don Gomès de s'excuser auprès de Don Diègue, comme le demande le roi (de manière à régler le conflit sans duel). Don Gomès refuse quitte à braver le roi, car ce serait pour lui un déshonneur que de devoir présenter ses excuses.
  • Acte 2 Scène 2 - Duel entre Don Gomès et Don Rodrigue  : Rodrigue vient provoquer Don Gomès en duel. Don Gomès essaie de le dissuader, car il ne veut pas avoir à le tuer. Rodrigue ne se laisse pas ébranler : "Ton bras est invaincu, mais non pas invincible". Ils sortent pour se battre.
  • Acte 2 Scène 3 - Discussion entre l'Infante et Chimène  : L'infante tente de consoler Chimène en lui disant que la discorde des pères sera effacée par son mariage avec Rodrigue. Chimène redoute un duel entre son père et Rodrigue, mais reconnaît que Rodrigue ne saurait laisser son affront impuni. L’infante se propose de garder Rodrigue prisonnier le temps que Don Gomès accepte de présenter ses excuses, de manière à éviter un duel.
  • Acte 2 Scène 4 - Annonce du duel en cours : un page annonce que Rodrigue et Don Gomès sont allés se battre. Chimène, bouleversée, se retire précipitamment.
  • Acte 2 Scène 5 - Discussion entre l'infante et Léonor : L'Infante informe Léonor que, malgré la peine de Chimène, elle se réjouit de voir Rodrigue et elle désunis. S'il gagne le combat, Rodrigue se retrouvera libre et l'Infante pourra de nouveau espérer. Elle regrette toutefois de se laisser aller à ses sentiments et craint qu'il n'arrive quelque chose à Rodrigue.
  • Acte 2 Scène 6 - Le refus de Don Gomès : Don Arias a informé Don Fernand du refus de Don Gomès. Don Sanche tente de prendre sa défense face au roi. Don Fernand craint que cette affaire ne déstabilise son pouvoir et annonce que les Maures sont peut-être sur le point d'attaquer le royaume.
  • Acte 2 Scène 7 - La mort de Don Gomès : Don Alonse annonce au roi la mort de Don Gomès et la venue de Chimène. Don Fernand est attristé, même s'il pense qu'il s'agit d'un juste retour des choses.
  • Acte 2 Scène 8 - Chimène demande vengeance : Chimène vient demander à Don Sanche de venger son père, fidèle serviteur du roi, tandis que Don Diègue plaide en faveur de son fils. Il demande à mourir à la place de Rodrigue. Le roi dit à Chimène qu'il lui tiendra lieu de père.

Acte III

  • Acte 3 Scène 1 - Rodrigue vient chez Chimène  : Rodrigue s’introduit chez Chimène, où Elvire le reçoit. Elle lui fait remarquer qu'il n'a rien à faire en ces lieux et il lui répond qu'il vient voir Chimène, qui est la seule juge de son acte. Elvire lui demande de se cacher car Chimène va revenir accompagnée de chez le roi.
  • Acte 3 Scène 2 - Chimène arrive accompagnée de Don Sanche, un prétendant, qui lui propose de tuer Rodrigue pour la venger. Chimène répond que s'il faut en venir là, elle acceptera.
  • Acte 3 Scène 3 - Les sentiments de Chimène : Chimène avoue à Elvire que le meurtre de son père n’a pas diminué son amour pour Rodrigue, mais elle affirme sa volonté d’obtenir la tête de Rodrigue même si elle doit en mourir de douleur.
  • Acte 3 Scène 4 - Rodrigue vient offrir sa vie à Chimène : Rodrigue se montre, il offre à Chimène l’épée teintée du sang de son père pour qu’elle le frappe avec. Il lui explique qu’il aurait été indigne d’elle en ne se vengeant pas, et lui dit qu’il préfère mourir de sa main que vivre avec sa haine. Chimène lui répond « Va, je ne te hais point » et refuse de le tuer. Ils se lamentent sur le malheur qui les a séparés. Elle lui promet de ne pas lui survivre si elle obtient que le roi le mette à mort.
  • Acte 3 Scène 5 - Monologue de Don Diègue : Don Diègue inquiet cherche partout son fils,et craint que les amis de Don Gomès ne le tuent. Rodrigue paraît.
  • Acte 3 Scène 6 - L'honneur plus important que l'amour  : Don Diègue félicite Rodrigue pour son geste. Ce dernier lui explique qu'en le vengeant il a causé la perte de son amour et n'a plus qu'à souhaiter la mort. Don Diègue lui rétorque que l'honneur est plus important que l'amour. Il lui dit d'aller repousser l'attaque des Maures, pour trouver du moins une mort glorieuse, ou par une victoire éclatante obtenir le pardon du roi et reconquérir Chimène.

Acte IV

  • Acte 4 Scène 1 - Rodrigue victorieux : Elvire informe Chimène que Rodrigue a repoussé l'ennemi et qu'il est fêté en héros. Chimène se reproche de s'en réjouir au lieu de songer à sa vengeance.
  • Acte 4 Scène 2 - L’Infante vient prendre part aux douleurs de Chimène, et lui dit qu’elle ne doit plus demander la mort de Rodrigue, qui est l’unique soutien de l’Etat face aux Maures. Il suffit, dit-elle, que Chimène lui retire son amour.
  • Acte 4 Scène 3 - Les félicitations de Rodrigue : Le roi félicite Rodrigue en le nommant« Cid » et lui demande de lui raconter la bataille. Les Maures ont pensé surprendre leurs ennemis et sont tombés dans leur piège. La bataille a été sanglante mais la victoire éclatante : deux rois ont été capturés.
  • Acte 4 Scène 4 - Arrivée de Chimène  : Don Alonse interrompt le récit et prévient de la venue de Chimène. Rodrigue se retire. Le roi veut éprouver l'amour de Chimène pour Rodrigue ; il demande à Don Sanche de prendre un air affligé.
  • Acte 4 Scène 5 - Chimène encore amoureuse de Rodrigue demande un combat qui tranche le différend  : Don Fernand fait croire à Chimène que Rodrigue est mort et la regarde défaillir avant de la détromper. Mais elle nie être amoureuse : elle prétend que son malaise était dû à l’excès de joie que lui a causé l’annonce de la mort de son ennemi, puis elle prétend que c’était à cause du déplaisir de voir Rodrigue échapper à sa vengeance. Elle dit regretter que Rodrigue devienne, par cette victoire, intouchable. Elle demande ensuite solennellement au roi la permission de régler la querelle par un duel juridique qui opposera Rodrigue à tout chevalier acceptant de se battre pour elle ; elle s’engage à épouser le chevalier s’il lui obtient la tête de Rodrigue. Don Sanche se propose. Le roi, d’abord réticent, accepte la procédure, à condition que le combat ne se déroule pas en public et que Chimène épouse le vainqueur même s’il s’agit de Rodrigue.

Acte V

  • Acte 5 Scène 1 - Rodrigue offre une nouvelle fois sa vie à Chimène : Rodrigue vient chez Chimène en secret pour lui dire qu’il a l’intention de ne pas se défendre durant le duel ; il ne saurait vivre si elle veut sa mort. Elle l’exhorte à combattre du moins pour son honneur ; mais face à la persévérance de Rodrigue, elle finit par le supplier ouvertement de remporter le combat pour qu’elle puisse l’épouser au lieu de Don Sanche.
  • Acte 5 Scène 2 - Monologue de l'infante : L'infante, dans un monologue sous forme de stances, exprime sa douleur d’aimer sans espoir. Elle regrette que la mort du comte n’ait pas séparé Rodrigue et Chimène.
  • Acte 5 Scène 3 - Léonor vient réconforter l'Infante en lui expliquant qu’elle ne pourra plus espérer après le combat quelle qu'en soit l'issue (c'est-à-dire que Rodrigue victorieux épouse Chimène ou qu’il meure).Mais les sentiments de l'Infante sont trop forts. Elle décide néanmoins de faire taire son amour et de continuer à favoriser le mariage de Rodrigue et Chimène.
  • Acte 5 Scène 4 - Désarroi de Chimène : Chimène dit qu’elle se lamentera quelle que soit l’issue du duel, soit sur la mort de son amant, soit sur son affront impuni ; elle devra épouser le meurtrier de son père ou celui de Rodrigue. Elle en vient à espérer que le combat n’aura ni vaincu ni vainqueur. Elvire lui dit que le Ciel, pour la punir de son obstination à crier vengeance, finira par lui donner Don Sanche pour époux.
  • Acte 5 Scène 5 - La méprise de Chimène  : Don Sanche vient remettre son épée à Chimène, qui aussitôt croit Rodrigue mort ; elle se répand en imprécations contre Don Sanche sans lui laisser le temps de s’expliquer, dit qu’elle mourra pour venger son amant, et n’épousera jamais Don Sanche.
  • Acte 5 Scène 6 - Le roi détrompe Chimène : Chimène demande au roi la permission de ne pas épouser Don Sanche et de se retirer au couvent pour pleurer son père et son amant. Le roi lui annonce alors que Rodrigue est en vie, a vaincu Don Sanche et épargné sa vie. Le roi lui dit qu’elle a assez satisfait aux exigences de l’honneur et lui ordonne d'épouser Rodrigue, puisqu'elle l'aime.
  • Acte 5 Scène 7 - Le mariage est résolu : Rodrigue paraît, non pas pour demander à épouser Chimène en récompense, mais pour offrir de nouveau sa vie à la vengeance de sa bien-aimée. Chimène se rend à l'ordre du roi, mais elle lui demande un délai : le mariage avec Rodrigue ne saurait suivre de si près la mort de son père. Le roi lui accorde une année, pendant laquelle Rodrigue combattra les Maures jusque sur leur territoire.

L’unité d’action

C’est bien l’amour menacé de Rodrigue et Chimène qui constitue presque tout le sujet de la pièce. Cependant, la « tragédie de l’infante » est une intrigue secondaire venant se greffer, sans nécessité absolue, sur l’intrigue principale.

Corneille d’ailleurs le reconnaîtra dans un passage du Discours : « Aristote blâme fort les épisodes détachés et dit que les mauvais poètes en font par ignorance et les bons en faveur des comédiens pour leur donner de l’emploi.» La « tragédie de l’infante » est de ce nombre.

L’unité de temps

L’action occupe sensiblement vingt-quatre heures ainsi réparties :

  • Premier jour, dans l’après-midi : querelle de don Diègue et du comte, duel de Rodrigue et du comte.
  • Nuit : bataille contre les Maures.
  • Deuxième jour : assemblée chez le roi.

Comme on le voit, la règle des vingt-quatre heures a été respectée mais Corneille dira dans son Examen du Cid combien cette contrainte a porté préjudice à la vraisemblance de l’intrigue : « La mort du comte et l’arrivée des Maures s’y pouvaient entre-suivre d’aussi près qu’elles font, parce que cette arrivée est une surprise qui n’a point de communication, ni de mesure à prendre avec le reste; mais il n’en va pas ainsi du combat de don Sanche, dont le roi était le maître, et pouvait lui choisir un autre temps que deux heures après la fuite des Maures. Leur défaite avait assez fatigué Rodrigue toute la nuit pour mériter deux ou trois jours de repos.[…] Ces mêmes règles pressent aussi trop Chimène de demander justice au roi la seconde fois. Elle l’avait fait le soir d’auparavant, et n’avait aucun sujet d’y retourner le lendemain matin pour en importuner le roi, dont elle n’avait encore aucun lieu de se plaindre, puisqu’elle ne pouvait encore dire qu’il lui eût manqué de promesse. Le roman lui aurait donné sept ou huit jours de patience avant de l’en presser de nouveau; mais les vingt quatre heures ne l’ont pas permis : c’est l’incommodité de la règle. »

L’unité de lieu

Rachel dans le rôle de Chimène

La pièce se déroule en Espagne dans le royaume de Castille à Séville (Corneille a déplacé l’action qui, dans la logique, se trouverait à Burgos). Elle se déroule dans trois endroits différents : la place publique, le palais du roi et la maison de Chimène. Corneille a donc dévié la règle qui préconise le choix d’un lieu unique. Voici les explications qu’il donnera dans son Examen du Cid : « Tout s’y passe donc dans Séville, et garde ainsi quelque espèce d’unité de lieu en général ; mais le lieu particulier change de scène en scène, et tantôt, c’est le palais du roi, tantôt l’appartement de l’infante, tantôt la maison de Chimène, et tantôt une rue ou une place publique. On le détermine aisément pour les scènes détachées ; mais pour celles qui ont leur liaison ensemble, comme les quatre dernières du premier acte, il est malaisé d’en choisir un qui convienne à toutes. Le comte et don Diègue se querellent au sortir du palais ; cela se peut passer dans une rue ; mais, après le soufflet reçu, don Diègue ne peut pas demeurer en cette rue à faire ses plaintes, attendant que son fils survienne, qu’il ne soit tout aussitôt environné de peuple, et ne reçoive l’offre de quelques amis. Ainsi il serait plus à propos qu’il se plaignît dans sa maison, où le met l’espagnol, pour laisser aller ses sentiments en liberté ; mais en ce cas, il faudrait délier les scènes comme il a fait. En l’état où elles sont ici, on peut dire qu’il faut quelquefois aider au théâtre et suppléer favorablement ce qui ne s’y peut représenter. Deux personnes s’y arrêtent pour parler, et quelquefois il faut présumer qu’ils marchent, ce qu’on ne peut exposer sensiblement à la vue, parce qu’ils échapperaient aux yeux avant que d’avoir pu dire ce qu’il est nécessaire qu’ils fassent savoir à l’auditeur. Ainsi par une fiction de théâtre, on peut s’imaginer que don Diègue et le comte, sortant du palais du roi, avancent toujours en se querellant, et sont arrivés devant la maison de ce premier lorsqu’il reçoit le soufflet qui l’oblige à y entrer pour y chercher du secours. »

  • La maison de Chimène

Acte I, scène 1 ; Acte III, scène 1,2,3,4 ; Acte IV, scène 1,2 ; Acte V, scène 1,4,5 C’est un lieu d’attente et de rencontre. La pièce commence d’ailleurs sur ce décor mêlant l'assurance et le danger permanent.

  • La place publique devant le palais royal

Acte I, scène 3,4,5,6 ; Acte II, scène 2 ; Acte III, scène 5,6.

  • Le palais royal (surtout la Salle du trône)

Acte II, scène 1,6,7,8 ; Acte IV, scène 3,4,5 ; Acte V, scène 6,7.

C’est le lieu oratoire par excellence. Les personnages y font des plaidoiries célèbres, essayent de s’y réconcilier, y vivent des épopées et enfin, c’est le lieu de l’épilogue.

La « querelle du Cid »

En 1637, Corneille fait jouer Le Cid. La pièce remporte un énorme succès : on en donne trois représentations à la cour et deux à l'hôtel Richelieu, et une traduction anglaise parut à Londres avant la fin de l'année 1637[9]. Richelieu protège Corneille, et le fait anoblir par le roi en 1637. Cependant, Jean Mairet et Georges de Scudéry, deux dramaturges, vont attaquer Corneille, en l’accusant de ne pas respecter les règles du théâtre classique, entre autres la règle des trois unités, règle préconisée en 1630 à la demande de Richelieu[10]. Ils l’accusent également de poignarder dans le dos la France engagée dans la guerre franco-espagnole, en produisant une pièce dont le sujet, le titre, les personnages et les décors sont espagnols. En juin 1637, Scudéry fait appel à l’arbitrage de la toute jeune Académie française créée en 1635. Corneille, qui sait Richelieu favorable à cette médiation, accepte. Le cardinal voit en effet l'occasion pour l'Académie, qu'il avait fondée deux ans plus tôt, de paraître comme le tribunal suprême des lettres, de se faire connaître du public et d’obtenir ainsi l’enregistrement de son acte de fondation par le parlement de Paris. En décembre 1637, l’Académie présente un texte mis au point par Jean Chapelain : Les Sentiments de l’Académie sur la tragi-comédie du Cid, dans lequel elle ne retient pas l'accusation de plagiat, mais donne raison à Scudéry sur la question des règles, même si elle reconnaît à la pièce "un agrément inexplicable"[11], et contient un certain nombre d’observations de style[12]. La plus connue fait référence à Chimène, qui n'hésite que très succinctement à défaire la promesse de mariage accordée à Rodrigue, assassin de son père. La promesse étant respectée, les moralistes se trouvèrent choqués de ce manque de bienséance et de vraisemblance. Toutefois, Corneille n’accepte pas ces critiques, puisque la majeure partie de son inspiration relevait de faits réels et de textes, notamment Las Mocedades del Cid de Guilhem de Castro. Dans le même temps, ses adversaires l'attaquent à nouveau. Après quelques semaines, Richelieu donne l’ordre d’en finir : il exige des adversaires de Corneille qu’ils mettent fin à la querelle[13].

Les reproches qu'on lui fit ont été :

  • le sujet n'était pas de l'Antiquité, mais surtout il était espagnol. Or, lors de sa période d'écriture, la France et l'Espagne s'affrontaient dans la guerre franco-espagnole.
  • il est également accusé de n'avoir pas su choisir entre la comédie et la tragédie.
  • de n'avoir pas respecté la règle des trois unités.
  • son œuvre n'était pas très vraisemblable.
  • le grand nombre de péripéties :
  1. la querelle entre les deux pères, tout d'abord verbale puis se terminant par un soufflet ;
  2. la vengeance de Don Diègue par l'intermédiaire de son fils, pour l'honneur (mort de Don Gomez) ;
  3. combat de Rodrigue contre les Maures duquel il ressort vainqueur (récit uniquement) ;
  4. procès qu'on veut lui intenter ;
  5. le duel entre Don Sanche et Rodrigue qui gracie le premier (récit seulement) ;
  6. le piège pour faire avouer à Chimène son amour pour Rodrigue ;
  7. acceptation du mariage par le roi.

Il modifiera sa pièce, notamment l'acte 1, en 1648 : il réduisit l'humour, il se concentra sur l'intrigue principale et sur le côté tragique. C'est en 1661 que la version définitive fut imprimée.

Boileau

Nicolas Boileau résume à sa façon la « querelle du Cid » en quatre vers :

« En vain contre le Cid un ministre se ligue,
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue.
L'Académie en corps a beau le censurer,
Le public révolté s'obstine à l'admirer. »

 Nicolas Boileau.

Corneille

Corneille en veut à Richelieu à propos de cette querelle mais n'oublie pas que c'est le cardinal qui est intervenu cinq ans plus tard pour qu'il puisse épouser une jeune aristocrate, d'où l'épitaphe prudente attribuée au dramaturge lors de la mort de Richelieu[14] :

« Qu'on parle mal ou bien du fameux cardinal,
Ma prose ni mes vers n'en diront jamais rien :
Il m'a fait trop de bien pour en dire du mal ;
Il m'a fait trop de mal pour en dire du bien. »

 Pierre Corneille, Poésies diverses (posthume).

Postérité

Le Cid a fait l'objet d'adaptations telles que Le Cid, téléfilm de Roger Iglésis diffusé le 24 février 1962. Il a aussi été adapté à l'opéra par Jules Massenet en 1885, sous le nom Le Cid.

La pièce a également inspiré un grand nombre de parodies littéraires, théâtrales ou cinématographiques :

  • un sonnet de Georges Fourest dans La Négresse blonde (1909) se termine par l'alexandrin :
    « Qu'il est joli garçon l'assassin de papa. » ;
  • en 1942, le journaliste Edmond Brua rédige La Parodie du Cid[15], transposition en Algérie de la pièce de Corneille écrite en vers et en argot pied-noir. Elle est adaptée au cinéma en 1979 par le réalisateur Philippe Clair sous le titre Rodriguez au pays des merguez ;
  • en 1968, le dramaturge québécois Réjean Ducharme a écrit Le Cid maghané. La dédicace est « À celle qu'un soir j'ai appelée petite bête puante verte (de) Celui que le même soir elle appela : gros crocodile plein de bouette. » ;
  • Arrête de ramer, t'attaques la falaise !, comédie de Michel Caputo, est une autre adaptation cinématographique parodique ;
  • Le Cid est la pièce de théâtre tournée en dérision dans le film québécois Ding et Dong (1990) de Claude Meunier et Serge Thériault ;
  • Le Cid est aussi le nom d'un sketch interprété par Les Inconnus ;
  • dans le sketch Le metteur en scène de Pierre Péchin, l'un des premiers personnages récite l'extrait célèbre des 500 cavaliers (Acte IV, scène 3 : "Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort / Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port").

Principales productions

Comédie-Française, 1940[16]
Mise en scène de Jacques Copeau, scénographie d'André Barsacq, costumes de Marie-Hélène Dasté.
Avec Jean-Louis Barrault (Don Rodrigue), Marie Bell (Chimène), Madeleine Renaud (l'Infante), Jean Hervé (Don Diègue), Andrée de Chauveron (Elvire), Jean Debucourt (Don Gormas), Germaine Rouer (Léonor), Louis Seigner (Don Fernand), Jean Deninx (Don Sanche), André Bacqué (Don Arias), Antoine Balpêtré (Dom Alonse).
Festival d'Avignon, 1949[16]
Mise en scène de Jean Vilar, costumes de Léon Gischia.
Avec Jean-Pierre Jorris (Don Rodrigue), Françoise Spira (Chimène), Nathalie Nerval (l'Infante), Henri Rollan (Don Diègue), Madeleine Silvain (Elvire), Yves Brainville (Don Gormas), Hélène Gerber (Léonor), Jean Vilar (Don Fernand), Jean Negroni (Don Sanche), Charles Denner (Don Arias), William Sabatier (Dom Alonse).
Théâtre national populaire, 1951[16]
Mise en scène de Jean Vilar, costumes de Léon Gischia.
Avec Gérard Philipe (Don Rodrigue), Françoise Spira (Chimène), Jeanne Moreau (l'Infante), Pierre Asso (Don Diègue), Lucienne Le Marchand (Elvire), Jean Leuvrais (Don Gormas), Monique Chaumette (Léonor), Jean Vilar (Don Fernand), Jean Negroni (Don Sanche), Charles Denner (Don Arias), Jean-Paul Moulinot (Dom Alonse).
Théâtre Montansier, 1975[16]
Mise en scène de Michel Le Royer, scénographie et costumes de Christiane Coste, chorégraphie de Max André.
Avec : Michel Le Royer (Don Rodrigue), Marie-Georges Pascal (Chimène), Jean Davy, Michel Ruhl (Don Fernand), Claude Sandoz, Catherine Lecocq, Danièle Gueble, Catherine Coste.
Comédie-Française, 1977[16]
Mise en scène de Terry Hands, scénographie et costumes de Abdelkader Farrah.
Avec François Beaulieu ou Francis Huster (Don Rodrigue), Ludmila Mikael ou Béatrice Agenin (Chimène), Catherine Ferran ou Fanny Delbrice (l'Infante), Michel Etcheverry (Don Diègue), Claude Winter (Elvire), Jacques Eyser (Don Gormas), Denise Gence (Léonor), Simon Eine ou Dominique Rozan (Don Fernand), Nicolas Silberg (Don Sanche), Marcel Tristani (Don Arias), Marco-Behar (Dom Alonse).
Théâtre Renaud-Barrault, 1985[16]
Mise en scène de Francis Huster, scénographie de Pierre-Yves Leprince et costumes de Dominique Borg.
Avec Francis Huster (Don Rodrigue), Jany Gastaldi (Chimène), Martine Chevallier (l'Infante), Jean Marais (Don Diègue), Nadine Spinoza ou Martine Pascal (Elvire), Jean-Pierre Bernard (Don Gormas), Monique Melinand (Léonor), Jean-Louis Barrault (Don Fernand), Jacques Spiesser (Don Sanche), Christian Charmetant (Don Arias), Antoine Duléry (Dom Alonse).
MC93 Bobigny, 1988[16]
Mise en scène de Gérard Desarthe, scénographie et costumes de Pierre Dios.
Avec Samuel Labarthe (Don Rodrigue), Marianne Basler (Chimène), Gabrielle Forest (l'Infante), Robert Rimbaud (Don Diègue), Maryvonne Schiltz (Elvire), Jacques Alric (Don Gormas), Anne Brochet (Léonor), Victor Garrivier (Don Fernand), Pierre Gérard (Don Arias).

Références

  1. La pièce du Cid fut publiée d'abord comme tragi-comédie et depuis elle est considérée comme telle. Cependant, lors de la publication des œuvres de l'auteur en 1648, et à partir de cette époque, cette pièce, qui avait été remaniée, portera le sous-titre de « tragédie ».
  2. « […] Depuis quinze jours, le public a été diverti du Cid et des deux Sosies à un point de satisfaction qui ne se peut exprimer » (Lettre de Jean Chapelain au comte de Belin, datée du 22 janvier 1637, ce qui donne pour date de la première représentation le 7 janvier - si le chiffre est exact et non approximatif)
  3. Pierre Corneille, Le Cid : Tragi-comédie. Édition critique, John Benjamins Publishing, 1989, p. 32
  4. Sabine Gruffat, Le théâtre français du XVIIe siècle, Ellipses, 2003, p. 20
  5. au XVIIe, un amant est un amoureux déclaré et qui n’a pas laissé insensible.
  6. au XVIIe, une maîtresse est une fille ou une femme recherchée en mariage
  7. En Espagne, une infante est une fille puînée du roi.
  8. Elvire est d’abord qualifiée de « suivante » dans les premières éditions. Mais cet emploi fut critiqué par l’Académie comme faisant trop bourgeois. Le rôle est équivalent à la « duègne ».
  9. 1 2 Léon Lejealle et J. Dubois, Le Cid, Paris, Larousse, , notice, p. 10
  10. Dominique Bertrand, Le théâtre, Éditions Bréal, 1996 (lire en ligne), p. 235
  11. Dorian Astor, Le Cid + dossier collection folioplusclassiques
  12. Alain Génetiot, Le classicisme, Presses Universitaires de France, 2005, p. 66
  13. Charles Marty-Laveaux, Œuvres complètes de Pierre Corneille (12 vol.) (1862-1868), tom 3, p. 3 et suivantes
  14. Michèle Ressi, L'histoire de France en 1000 citations, Éditions Eyrolles, 2011, p. 111
  15. ]+r%C3%A9dige+%27%27La+Parodie+du+Cid&focus=searchwithinvolume&q=Edmond+Brua google books]
  16. 1 2 3 4 5 6 7 Le Cid sur Les archives du spectacle

Voir aussi

Articles connexes

  • La figure historique : Rodrigo Diaz de Bivar
  • une chanson de geste, le Cantar de mío Cid (XIIe siècle), composé vers 1128 en vers de longueur variable, publié par Tomás Antonio Sánchez au XVIIIe siècle ;
  • Historia del muy noble ymleroso caballero el Cid Ruy Dias, Lisbonne, 1615 ;
  • une épopée dramatique de Guilhem de Castro, Las Mocedades del Cid (1618) ;
  • Robert Southey a recueilli dans sa Chronicle of the Cid, from Spanish (Londres, 1808, in-4), tout ce que les romanceros racontent du héros espagnol ;
  • Reinhart Dozy a publié dans ses Recherches sur l'histoire de l'Espagne au Moyen Âge un précieux fragment d'une Vie du Cid, en arabe, écrite en 1109 ;
  • Auguste Creuzé de Lesser a traduit en partie en 1814 le Roman du Cid ;
  • Antony Rénal en 1842, et Jean-Joseph-Stanislas-Albert Damas-Hinard en 1858, l'ont traduit en entier ;
  • la notion phare de la pièce, le Dilemme cornélien ;
  • un film, Le Cid (1961), d'Anthony Mann, avec Charlton Heston et Sophia Loren ;
  • un dessin animé, Rody le petit Cid (1981).

Liens externes

  • Toutes les représentations aux XVIIe et XVIIIe siècles sur le site CÉSAR
  • « Quelques critiques adressées au Cid de Corneille en 1637-1638 et les réponses apportées », article de Jean-Marc Civardi paru dans la revue L'information littéraire, Volume 54, 2002/1.
  • Comprendre et étudier Le Cid, toutes les informations sur la pièce de théâtre.
  • sur Généanet, registre de tutelle ANY3920A pages 294/1030 et suivantes, plainte pour falsification du livre du Cid
  • Portail de la littérature française
  • Portail du théâtre
  • Portail du XVIIe siècle
  • Portail de la France du Grand Siècle
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