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Gestalt-thérapie

Gestalt-thérapie

La Gestalt-thérapie, souvent appelée Gestalt, est une approche thérapeutique ouverte à chacun, qui mobilise la dynamique relationnelle. Appelée Thérapie du contact, elle s’intéresse à la forme que prend ce contact et tente de mettre du mouvement lorsque la forme est figée ou répétitive. En effet, le terme allemand Gestalt se traduit par forme, au sens de prendre forme, s’organiser, se construire.

Le Gestalt-thérapeute se centre sur la manière dont chacun gère le contact avec son environnement et plus particulièrement le contact avec autrui. L’accent mis sur l’expérience subjective du patient prend en compte ce qui se vit dans la séance. Dans la rencontre avec le thérapeute, cette expérience fait place à de la nouveauté et mobilise des ressources dans un ajustement continuel. Restaurer cette possibilité d’échange est transformateur.

Histoire

La Gestalt-thérapie fut créée par Fritz Perls, psychiatre et psychanalyste et son épouse Laura Perls, docteur en psychologie, qui émigrent depuis l’Allemagne vers l’Afrique du Sud où ils écrivent leur premier ouvrage Le moi, la faim, l’agressivité[1] en 1942. Cette approche prend véritablement forme à leur arrivée aux États-Unis, dans la rencontre avec l’écrivain Paul Goodman et un cercle de penseurs (Groupe des sept) attirés par l’enthousiasme et la créativité du trio. L'ouvrage fondateur, intitulé Gestalt-thérapie, nouveauté, excitation et développement[2], paraît en 1951, coécrit par Perls, Hefferline et Goodman. Le premier institut de Gestalt-thérapie est fondé en 1952 à New York. Depuis, la Gestalt-thérapie s’est développée aux États-Unis au sein du courant de psychologie humaniste-existentielle. Elle trouve bon accueil en Europe dans les années soixante-dix, grâce à ses affinités avec les thérapies psycho-corporelles et émotionnelles qui remettent en cause le divan analytique.

Sources

La Gestalt-thérapie puise à différentes sources :

  • La psychanalyse, dont sont issus les fondateurs. Notamment, l’influence de Wilhem Reich (1897-1957) valorisant le corps, Sandor Ferenczi (1873-1933) par sa technique active, Karen Horney (1885-1952) sensible à la dimension culturelle et surtout Otto Rank (1884-1939) centré sur le présent plutôt que sur le passé, marquent cette approche intégrative.
  • La Gestalt-psychologie ou Psychologie de la forme, est une théorie très prégnante en Allemagne au début du 20e. Le philosophe Franz Brentano (1938-1917) en est le précurseur, ouvrant la voie à la phénoménologie de la perception. S’appuyant sur des expériences concrètes, son élève Christian Von Ehrenfels (1859-1932) énonce une loi fondamentale : « Le tout est supérieur à la somme des parties ». Ce principe est à l’origine de la démarche holistique de la Gestalt-thérapie. Dans le prolongement de ce courant, Kurt Lewin (1890-1947) émigré aux États Unis, élargit ce principe à la dynamique de groupe et conceptualise la perspective de champ qui influence fortement la Gestalt-thérapie.
  • La psychologie humaniste, mouvement influent aux États-Unis à partir des années cinquante propose une troisième voie entre le risque déterministe du comportementalisme et la tendance dogmatique de la psychanalyse. Ce courant porté par Gordon Allport (1897-1957), Carl Rogers (1902-1987), Abraham Maslow (1908-1970), Jacob Moreno (1889-1974), etc., prône des valeurs humanistes telles la liberté, la créativité, la responsabilité et le choix.
  • Parmi les grands courants philosophiques, la phénoménologie, l’existentialisme, le pragmatisme et les sagesses orientales marquent l’anthropologie gestaltiste en mettant l’accent sur l’expérience subjective. Du côté de la phénoménologie nous pouvons citer Husserl et Heidegger ; du côté de l’existentialisme, Sartre, Buber et Binswanger ; du côté du pragmatisme, James et Dewey ; du côté de la pensée orientale, le zen et le tao.

Théorie

« L’homme est inséparable de son environnement. Il appartient au monde qui l’inclut. Il influence autant qu’il est influencé. Organisme et environnement sont indissociables, tel est le message essentiel de la Gestalt-thérapie. »[3] En conséquence  le Self gestaltiste se différencie de la notion d’un Soi identitaire ; il se définit, non pas comme une entité pré-existante, mais comme une construction qui requiert un ajustement continuel à la nouveauté et permet la croissance. « Appelons self le système de contacts à tous les instants. En tant que tel, le self varie avec souplesse : ses variations suivent les besoins organiques dominants et la pression des stimulis de l’environnement. »[2] (p. 58)

Selon Jean-Marie Robine, le contact est l’expérience première[4]. Ainsi conçu, le contact est la condition vitale de l’unité du champ organisme/environnement ; l’un ne va pas sans l’autre, dans une interaction mouvante et permanente. Cette conception unitaire du champ fonde la posture du Gestalt-thérapeute qui prend en compte l’ensemble de la situation variable d’instant en instant.

S’intéressant aux modalités du contact, les fondateurs mettent en évidence les étapes du cycle de l’expérience : pré-contact (sensations), mise en contact (action), plein contact (accomplissement) et post-contact (assimilation). Ils repèrent les fluctuations à la frontière-contact : confluence, introjection, projection, rétroflexion, et égotisme.

Méthode

La Gestalt-thérapie propose une méthodologie qui met au centre de sa pratique l’expérience vécue dans le contact entre l’organisme et l’environnement, soit entre soi et le monde, entre soi et autrui. « Elle prend en compte l'expérience avec la prise de conscience des processus corporels, de même qu'elle s'occupe de la manière particulière de chacun de se représenter le monde et de lui donner sens. »[5] (Sylvie Schoch de Neuforn, page 51)

Processus

A la différence d’autres approches qui tentent d'expliquer le psychisme en termes statiques, la Gestalt-thérapie se situe dans une optique dynamique. Elle s'intéresse au mouvement, à l'ajustement permanent entre un individu et son environnement. Face aux modifications de l’environnement, l’ajustement créateur est à renouveler sans cesse. Ainsi, le gestalt-thérapeute se centre sur le processus, plus que sur le contenu, c’est-à-dire le « comment » plutôt que le « pourquoi »[6].

Certaines formes de thérapie sont centrées sur le pourquoi et recherchent l'origine du traumatisme. Ce sont des « thérapies de l'amont » qui, cernant la cause, se donnent pour objectif d'éliminer les conséquences futures. Les conséquences passées étant par nature non éliminables, mais seulement aménageables.

D'autres courants, tel celui de la Gestalt-thérapie, sont des « thérapies de l'aval » : en laissant de côté les origines de nos blocages, ces thérapies cherchent à libérer le comportement, à « déboucher la rivière » et « nettoyer les berges », pour lui permettre de couler plus librement.

Cette focalisation sur le processus (mot qui signifie progrès, marche en avant, en latin), se retrouve dans le vocabulaire gestaltiste : la frontière-contact[7], le rapport figure/fond, les fluctuations et interruptions du contact, l’ajustement créateur, les Gestalts fixées ou inachevées.

Co-construction

La Gestalt-thérapie met l'accent sur la conscience du processus en cours dans l'ici et maintenant de chaque situation et notamment sur la situation commune entre le patient et le thérapeute dans le suivi thérapeutique. Par sa présence, le thérapeute soutient et   éveille la sensibilité au déroulé de l’expérience. Il attire l’attention sur ce qui se passe et facilite ainsi « l’awareness » (conscience instinctive) et la prise de conscience (conscience réflexive). À cette fin, il s’implique dans la relation et dévoile éventuellement son éprouvé au service de la situation. Ainsi le patient n’est pas seul avec sa problématique mais accompagné grâce à cette co-vision et cette co-construction. La nouveauté générée par cette posture spécifique est transformatrice.

Expérience et expérimentations

Pour intensifier la conscience de l’expérience, la Gestalt-thérapie dispose d’une boîte à outils. Différentes techniques, dont la «chaise vide», marquent son image. La situation de groupe se prête à diverses expérimentations verbales et non verbales, utilisant la parole, la mise en action, l'émotion, le rêve, l'imaginaire, la créativité, le mouvement et le corps. La situation individuelle requiert plus de sobriété, respectant le pas à pas du processus. Le point commun est l’attention aux manifestations corporelles et émotionnelles dans une perspective unificatrice du corps et de l’esprit.

Finalité

Le Gestalt-thérapeute se garde d’avoir un projet sur le consultant. Il lui offre une occasion de transformation qui intègre toutes les dimensions de la personne : physique, affective, cognitive, sociale et spirituelle[8]. La Gestalt réhabilite le ressenti corporel et émotionnel, souvent censuré dans la culture occidentale.

Son originalité n'est pas seulement dans l’efficacité mais vise une recherche de réalisation globale :

  • augmenter la souplesse d'ajustement,
  • restaurer la liberté de choix,
  • permettre l'intégration des polarités en conflit,
  • développer la conscience de l'instant dans un processus d'équilibre dynamique.

Elle place le patient comme acteur du changement, et la relation comme moteur de ce changement. Si l’angoisse inhérente à la condition humaine prend des formes pathologiques qui amènent le consultant en thérapie, le processus thérapeutique permet la transformation de ces symptômes. Les données existentielles incontournables, telles la finitude, la solitude, l’incomplétude, la responsabilité et l’absurdité conditionnent le mouvement et la créativité. S’ajuster, s’orienter, découvrir et donner du sens à sa vie placent la Gestalt-thérapie dans une visée existentielle[9].

Applications

La Gestalt-thérapie se pratique le plus souvent en cabinet privé. Les gestalt-thérapeutes reçoivent une grande variété de demandes : enfants, adolescents, adultes, couples et familles. Elle se pratique également en groupe : soit en stage ponctuel avec ou sans thème, soit en groupe continu à une fréquence périodique. La Gestalt s’associe volontiers à différentes techniques de développement personnel : clown, danse, arts plastiques, musique, théâtre, voix, etc. De nos jours, la Gestalt se développe en entreprise : coaching, conseil, régulation. Enfin, les gestalt-thérapeutes sont demandés et appréciés pour l’accompagnement d’équipe et l’analyse de la pratique dans le secteur médico-social.

La Gestalt-thérapie connait un essor international. Dans la plupart des pays elle est enseignée à l’Université. En Europe, l’Association Européenne de Gestalt-Thérapie[10] (EAGT) rassemble et crédite les gestalt-thérapeutes. En France trois associations, la Société Française de Gestalt[11] (SFG), le Collège Européen de Gestalt-thérapie[12] (CEGt) et L'Ecole Parisienne de Gestalt (EPG) contribuent à dynamiser cette approche et éditent deux revues professionnelles (citées ci-après).

Bibliographie

Ambrosi J. (1984) :  La Gestalt-thérapie revisitée, 2°éd. 1997, Privat, Toulouse, 170 p.

Caldera E., Vanoye F. (2014) : Gestalt-thérapie, une esthétique de l’existence, Armand Colin, Paris, 192 p.

Clouzard Catherine (2013): 50 exercices de Gestalt, Eyrolles, Paris, 114 p.

Collège Européen de Gestalt-therapie et Société Française de Gestalt (2009) Polyphonie, éd. de la Gestalt-thérapie, Paris, 414 p.

Collège Européen de Gestalt-therapie et Société Française de Gestalt (2009) : Au cœur des groupes, éd. de la Gestalt-thérapie, Paris, 335 p.

Brissaud F. (2010) : Pour un renouveau de la psychothérapie. Mutations, L’Harmattan, Paris, 188 p.

Brissaud F. (2012) : Pour Approches du métier de Gestalt-thérapeute, La pensée vagabonde, 150 p.

Delacroix J.-M. (2006) : La Troisième Histoire - Patient-psychothérapeute : fonds et formes du processus relationnel, St Jean de Braye, Dangles, 480 p.

Delisle G. (1998) La relation d’objet en Gestalt-thérapie. Éditions du Reflet, Montréal, 390 p.

Gellman C. & Higy-Lang c. (2007) : La Gestalt-thérapie expliquée à tous, Eyrolles pratique, Paris, 210 p.

Ginger S. et A. (1987) : La Gestalt, une thérapie du contact, Hommes et groupes, Paris, 9e éd., 2000, 550 p.

Ginger S. (1995) : La Gestalt, l’art du contact, Guide de poche Marabout, Bruxelles, 10e éd., Hachette, Paris, 2009, 290 p.

Masquelier C. et G. (Collectif de 15 auteurs animé par) (2012) : Le Grand Livre de la Gestalt, Eyrolles, Paris, 384 p.

Masquelier G., (1999) : La Gestalt aujourd’hui. Choisir sa vie. Retz, Paris, 3e éd. 2008, 144 p.

Masquelier-Savatier C. (2008) : Comprendre et pratiquer la Gestalt-thérapie. InterEditions-Dunod, Paris, 288 p.

Masquelier-Savatier C. (2015) : La Gestalt-thérapie, Que sais-je ? PUF, Paris, 2015, 126 p.

Périou M. (2008) : Découvrir la Gestalt-thérapie, InterEditions-Dunod, Paris, 170 p.

Perls F. (1942) : Le moi, la faim et l’agressivité. Tchou, Paris, 1978, 334 p.

Perls F. (1973) : Manuel de Gestalt-thérapie, ESF, Paris, 3e éd., 2010. 128p

Perls L. (1993) : Vivre à la frontière, L’Exprimerie, Bordeaux, 2001, 196 p.

Perls F., Hefferline R., Goodman P., (1951) : Gestalt-thérapie. Stanké, Montréal, 1979, 600 p., Nouvelle traduction, L’Exprimerie, Bordeaux, 2001, 352 p.

Petit M. (1980) : La Gestalt, thérapie de l’ici et maintenant, Retz, Paris, 184 p., 5e ed. ESF, Paris, 1996.

Robine J.-M. (1994) : La Gestalt-thérapie, Essentialis, Bernet-Danilo-Morisset, Paris, 62 p.

Robine J.-M. (1998) : Gestalt-thérapie, la construction du soi. L’Harmattan, Paris, 270 p.

Robine J.-M. (2004) : S’apparaître à l’occasion d’un autre, L’Exprimerie, Bordeaux, 254 p.

Salathe N. (1992) : Psychothérapie existentielle : une perspective gestaltiste, Amers, Genève, 2° édition 1995, 174 p.

Van Damme P. (1994) : Espace et groupes thérapeutiques d’enfants, Hommes et Perspectives, Epi, Paris, 228 p.

Vanoye F., Delory-Momberger C., La Gestalt, thérapie du mouvement. Vuibert, Paris, 2005, 250 p.

Vincent B. (2001) : Présent au monde : Paul Goodman, L’Exprimerie, Bordeaux, 2003, 472 p.

Zinker J. (1977) : La Gestalt-thérapie, un processus créatif, InterEditions, Paris, 2006, 320 p.

Revues professionnelles

Cahiers de Gestalt-thérapie (Revue du Collège Européen de Gestalt-thérapie en langue française) édités par L’Exprimerie, 305, rue du chemin court 332400 – St. Romain-La-Virvée

Revue Gestalt (Revue de la Société Française de Gestalt) Secrétariat général : 123, rue Violette Leduc 26500 Bourg-les-Valence

N.B : Revues professionnelles françaises accessibles sur le site cairn

Notes et références

  1. Frederick Salomon Perls, Le Moi, la faim et l'agressivité, Tchou, , 334 p. (ISBN 978-2710700937)
  2. 1 2 Frederick S. Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline, Gestalt-thérapie, l'exprimerie, (1re éd. 1951), 352 p. (ISBN 978-2913706169[à vérifier : ISBN invalide])
  3. Chantal Masquelier-Savatier, Comprendre et pratiquer la Gestalt-thérapie, InterEditions-Dunod, (1re éd. 2008), 304 p. (ISBN 978-2729614676), p. 11
  4. Jean-Marie Robine, Gestalt-thérapie: La construction du soi, Editions L'Harmattan, (1re éd. 1998), 270 p. (ISBN 978-2738465986)
  5. Chantal Masquelier-Savatier, Gonzague Masquelier, Jean-Marie Delacroix, Daniel Descendre, Anne Sauzède, Jean-Paul Sauzède et Sylvie Schoch de Neuforn, Le grand livre de la Gestalt, Eyrolles, , 384 p. (ISBN 978-2212553154)
  6. Gonzague Masquelier, La Gestalt aujourd'hui : Choisir sa vie, Retz, (1re éd. 1999), 143 p. (ISBN 978-2725627137)
  7. Laura Perls, Vivre à la Frontière, (ISBN 2-913706-18-5)
  8. Serge Ginger, La Gestalt, une thérapie du contact, Hommes et groupes, (1re éd. 1987), 550 p. (ISBN 978-2869840102)
  9. Psychothérapie existentielle : une perspective gestaltiste, Paris, Azy, (ISBN 29745776[à vérifier : ISBN invalide])
  10. (en) « European Association for Gestalt Therapy », sur www.eagt.org
  11. « Société Française de Gestalt », sur www.sfg-gestalt.com
  12. « Collège Européen de Gestalt-thérapie de langue française », sur www.cegt.org

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • « Site cocréé par la Société Française de Gestalt et le Collège Européen de Gestalt-thérapie, les deux associations francophones représentatives des Gestalt-thérapeutes »
  • Portail de la psychologie
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