Anamorphose
Une "anamorphose" est une déformation réversible d'une "image" à l'aide d'un système [optique] — tel un "miroir courbe" — ou un procédé "Mathématiques". On appelle également anamorphose la déformation de l'image d'un film ou d'une émission de télévision à l'aide d'un système optique ou électronique afin de l'adapter à un écran informatique ou de télévision (Format large anamorphosé],[Format 4/3|4/3] ou (Format 16/09|16/09). Le mot est composé du grec anamorphoein (ἀναμορφόω) « transformer » et du suffixe -ose.
Certains "artiste(s)" ont produit des œuvres par ce procédé et ainsi créé des images déformées qui se recomposent à un point de vue préétabli et privilégié. Historiquement, l'anamorphose est l'une des applications des travaux de "Piero della Francesca" sur la "perspective" (représentation). En effet, c'est la rationalisation de la vision qui a conduit à systématiser les techniques de projection, dont les anamorphoses sont l'un des résultats. Cet « art de la perspective secrète » dont parle "Albrecht Dürer|Dürer" connaît des applications multiples, aussi bien dans le domaine de l'architecture et du "trompe-l'œil" que dans des utilisations utilitaires. Son premier théoricien fut "Jean-Louis Vaulezard". La dernière anamorphose murale en France (8 mètres de long) est dans la chapelle des Jésuites du lycée du Sacré-Cœur à "Aix-en-Provence".
(Fichier:Anamorphic art toy by OOZ & OZ.jpg|thumb|Dessin en anamorphose).
Application artistique
Anamorphose classique
L'anamorphose est une particularité étonnante de la perspective.
{début citation}La perspective est généralement considérée, dans l’histoire de l’art, comme quelque chose de réaliste restituant la 3{ème} dimension. C’est avant tout un artifice qui peut servir à toutes les fins. Nous en traitons ici le côté fantastique et aberrant : une perspective dépravée par une démonstration logique de ses lois. »
Introduction du livre Anamorphoses, ou Thaumaturgis opticus de Jurgis Baltrušaitis, Flammarion. »
La peinture Les Ambassadeurs de Hans Holbein le Jeune contient près de la base de la toile l'anamorphose d'un crâne, qui est en fait une vanité. On ne peut voir le crâne qu'en regardant le tableau avec une vue rasante. Le peintre a caché discrètement un crucifix en haut à gauche du tableau derrière le rideau.
Parfois, ce n'est pas le centre de la représentation qui est déformé, mais ses extrémités afin de donner l'impression que la surface du tableau n'est pas strictement plane. L'exemple le plus connu de ce type d'anamorphose en quelque sorte "inversée" est l'Autoportrait au miroir convexe du Parmesan (1524).
Il s'agit dans ces trois cas d’anamorphoses directes. Il existe aussi d’autres types d’anamorphoses, où l’on interpose un miroir conique ou cylindrique entre le regard et la peinture qui, déformée, s’y reconstitue. C'est notamment le cas des anamorphoses chinoises datant de l’époque Ming (1368 à 1644).
Les anamorphoses à miroir permettent grâce à l'interposition d'un miroir cylindrique ou conique de faire apparaître une image qui est la réflexion d'une image déformée conçue à cet effet. L'image déformée est peinte sur une surface plane autour d'un emplacement prévu du miroir ; ce n'est qu'en y installant le miroir que l'image apparaît non déformée sur la surface de celui-ci. Répandu au XVIIe siècle et XVIIIe siècle, ce procédé d'anamorphose a permis de diffuser caricatures, scènes érotiques et scatologiques, scènes de sorcellerie et grotesques qui se révélaient pour un public confidentiel lorsque le miroir était positionné sur la peinture.
Parmi les peintres qui ont utilisé l'anamorphose, on peut par ailleurs citer Félix Labisse ou Salvador Dalí. De nos jours, cette technique classique a été remise au goût du jour par le marqueteur et sculpteur sur bois franc-comtois Pierre Beuchey.
Anamorphose contemporaine
Trompe-l'œil architectural
Les principales utilisations modernes de l'anamorphose interviennent dans le domaine du trompe-l'œil. Elles consistent à peindre d'une façon déformée et calculée une image qui se reconstituera, vue d'un point de vue préétabli, et donnera à la peinture murale une impression de relief et donc de réalité spatiale.
Vue de la petite place Saint-Georges à Paris, un peu plus haut, le spectateur découvre une façade d'immeuble avec fenêtres en arcades et à fronton, volets. Mais toute cette architecture apparente (moulurations, corniches, ombres portées, vitrages et reflets) est fictive, uniquement picturale, sans réalité volumétrique; elle n'est que la résultante visuelle de l'opération que produit l'anamorphose. L'image « anamorphosée » du théâtre vous paraîtra évidente de ce point de vue privilégié, mais en vous déplaçant vous verrez alors l'image se déformer et s'étirer étrangement.
L'occasion de créer une anamorphose nécessite une étude attentive et appropriée des circonstances scénographiques et topographiques satisfaisantes et un choix judicieux de points de vue obligés et privilégiés.
Une autre variante de cette technique a été réalisée par l’artiste Cinzia Pasquali, qui avait dirigé la restauration de la Galerie des Glaces du château de Versailles, pour décorer le tunnel autoroutier du Duplex A86[1]. Sa fresque évoque le Roi-Soleil, dont la tête d’Apollon aux cheveux flamboyants a été déformée à 400% pour permettre aux automobilistes de la section Vélizy-Villacoublay – A13 du tunnel d’avoir une perception globale de l’œuvre à une vitesse maximale de 70 km/h.
Ci-dessus, la façade en trompe-l'œil du théâtre Saint-Georges, réalisée par Dominique Antony.
Anamorphose ludique
La technique peut également servir un objectif plus ludique, rappelant les utilisations classiques, et cacher dans une image des éléments à découvrir.
Selon Dominique Antony, auteur de l'anamorphose ci-dessous :
« L'image inattendue jaillit vers le regard ébahi du spectateur. C’est un secret et celui qui l'a découvert, le garde ou le divulgue...
Cette scénographie de l'anamorphose utilise les ressources et les contraintes de l’architecture pour créer un rapport magique avec celui que, soudain, l'anamorphose rencontre. »
L'anamorphose est aussi le phénomène des miroirs déformants que l'on trouve dans les animations de foire. Les enfants s'amusent souvent avec leur reflet dans une cuiller.
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Cette forme étrange flottant dans le ciel, cachée par les ramures de cet arbre a été peinte pour un autre point de vue. Ici, l'anamorphose telle qu'elle est peinte…
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… là, telle qu'elle apparaît de l'autre côté du petit bâtiment sur la droite, révélant de ce point d'observation un échafaudage planté dans le mur, deux planches, un pot de peinture oublié là-haut…
Anamorphose 3D
Un procédé informatique développé en 2010[2] par Rodrigue Pellaud permet de projeter des animations 3D en dissociant le point de vue du spectateur du point de vue de projection[3].
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anamorphose 3D (projection vidéo)
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l'image est projetée à partir d'un mur latéral sous le porche et elle est en suite réfléchie sur le plafond à l'aide d'un miroir.
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Anamorphose stéréoscopique créée par Dimitri Parant
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Anamorphose conique en art contemporain
Applications utilitaires
Application militaire
L'anamorphose a été utilisée pour les périscopes des chars d'assaut dès la Première Guerre mondiale, afin d'augmenter l'angle de vue : l'image était « comprimée » par l'objectif du périscope, puis décompressée par l'oculaire[4], sans doute afin de réduire la taille du conduit — traversant le blindage — reliant l'objectif à l'oculaire.
Application à la projection cinématographique et vidéo
La projection cinématographique utilise en standard une pellicule de 35 mm de large. En raison des contraintes techniques — présence de perforations pour l'avance du film, d'une bande son optique, défilement normalisé à quatre perforations par image —, la taille du photogramme est limitée à 22 × 18 mm, ce qui représente une image ayant un rapport largeur sur hauteur de 1,22.
Or, une salle est toujours plus large que haute ; si l'on veut avoir une image plus grande, pour avoir un « grand spectacle », il faut donc projeter une image plus large. Les formats de projection larges peuvent être obtenus en réduisant la hauteur de l'image sur la pellicule, et en l'agrandissant plus à l'écran. On peut ainsi avoir une image ayant un rapport de 1,85, le photogramme faisant 22 × 11,90 mm, mais on est limité par le grain de la pellicule : si l'on grossit trop l'image, on obtient une image de qualité médiocre.
Pour avoir une image plus large avec une bonne résolution, avec une pellicule 35 mm, on utilise une anamorphose : l'image est comprimée dans le sens de la largeur sur la pellicule (soit à la prise de vue, soit lors du tirage) puis est décompressée à la projection. Le système le plus célèbre est le CinemaScope mis au point par Henri Chrétien ; le procédé Super Héraclorama mis au point par Jules Hourdiaux utilise aussi une anamorphose.
Anamorphose en télévision
Le format 16/9 ou 1,78, apparu en télévision, met en œuvre le principe de l'anamorphose. Il s'agit d'une anamorphose électronique consistant à modifier le balayage pour comprimer horizontalement l'image au rapport 16/9. En effet, pour ce format, tous les travaux de production, postproduction et de diffusion se font à partir d'équipements initialement destinés au format de télévision 4/3 traditionnel. Mais cette technique tend à disparaître avec la standardisation de la télévision à haute définition qui n'est pas un format anamorphosé.
Application en cartographie
Les anamorphoses sont utilisées en cartographie statistique pour montrer l'importance d'un phénomène donné : ce type de carte est couramment appelé un cartogramme. La carte ne représente alors plus la réalité géographique, mais la réalité du phénomène. Par exemple, une commune sera agrandie par rapport aux autres si elle contient plus de chômeurs que la moyenne des autres.
On réalise également des cartes en anamorphose pour percevoir les effets des réseaux de transport, par exemple le réseau de transport ferroviaire en France. Car les moyens de transport déforment l'espace : géographiquement, Marseille est plus loin de Paris que Périgueux, mais puisqu'on peut se rendre plus rapidement à Marseille par la ligne rapide de TGV, cette dernière ville sera placée sur la carte plus proche de Paris. Ainsi, l'espace peut être différemment perçu si l'on considère la mobilité humaine.
Enfin, l'anamorphose peut servir à faire ressortir certains détails importants. Par exemple, pour les plans de ville ou les cartes routières, les voies (rues, routes, autoroutes) sont représentées plus larges qu'elles ne le seraient à l'échelle, alors que leur longueur est à l'échelle.
Lisibilité selon l'angle de vue
L'anamorphose permet d'améliorer la lisibilité de messages ou symboles vus d'une certaine distance. Dans ce cas, la déformation optique subie par le motif représenté à cause de l'angle aigu sous lequel il est vu par le spectateur nuit à sa compréhension. Cet inconvénient peut être contourné grâce à l'anamorphose qui permet de rétablir des proportions optiques satisfaisantes pour la bonne perception du message.
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Anamorphose peinte dans le couloir d'un hôpital
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Effet visuel correspondant
Publicité
Depuis les années 1990, les annonceurs exploitent l'aire de jeu de certains sports comme espace publicitaire. Le procédé est apparu aux États-Unis dans le cadre de sports utilisant des surfaces synthétiques (ex. : football américain) ou du parquet (ex. : basket-ball). Cette pratique a été transposée en Europe sur des sports utilisant des terrains gazonnés, en particulier au rugby, mais l'angle de prise de vue rasant des caméras retransmettant les matchs à la télévision déformait les logotypes et les faisait apparaître très allongés. Des anamorphoses ont donc été appliquées aux visuels des annonceurs de façon à s'afficher à l'écran de manière conforme à l'apparence d'origine du logotype.
Signalisation routière
La signalisation routière peinte directement sur le sol fait également appel à ce procédé afin que les usagers de la route aient une vue non-déformée d'une image ou d'un texte lorsqu'ils se situent à une certaine distance. Dans de nombreux pays, une anamorphose sert à indiquer une piste cyclable, par un vélo peint sur le sol et qui semble étiré en hauteur quand on le regarde du dessus.
Emballages
Certains emballages sont imprimés par flexographie (sorte de tampon encreur, qui permet des impressions en plusieurs couleurs et de grandes dimensions, jusqu'à 1,3 m × 2 m, y compris sur des films minces comme des sacs plastiques[5]). Le dessin sur la matrice doit être étiré dans le sens de défilement, donc anamorphosé.
De même, l'impression sur un support cylindrique, de type canette, ou de forme plus complexe, nécessite d'avoir un dessin anamorphosé sur la matrice[6].
Un certain nombre d'emballages sont des feuilles de polymère déformées (thermoformage, soufflage), par exemple pour donner des barquettes. Plutôt que coller une étiquette, qui complique le recyclage (adjonction de matériaux différents), il est possible d'imprimer un dessin anomorphosé sur la feuille plane, qui sera « remis en forme » par la déformation du matériau (par exemple, procédé Anamap de Kallisto[7] ou procédé de Quadraxis[8]).
Prise de vue à 180°
Si l'on utilise un miroir hémisphérique convexe, celui-ci reflète le demi-espace qui lui fait face. Si l'on filme ce miroir dans l'axe de son ouverture, on a alors une image déformée sur les bords.
On peut sélectionner une portion de cette image et la désanamorphoser pour obtenir une vision « plate ». En changeant la partie de l'image sur laquelle on travaille, on peut simuler un changement d'angle de vue, voire simuler un panoramique : la caméra reste en fixe que le miroir, seule change l'interprétation de l'image filmée.
On peut aussi, à partir de plusieurs photographies, recomposer une image globale à 180 ou 360° qui permettra de calculer une vue dans n'importe quelle direction (par exemple avec les logiciels PTMac et CubicConverter, le panoramique pouvant être visualisé avec QuickTime[9]).
Représentation graphique de détails d'échelles différentes
Il est parfois utile de représenter sur un même dessin des détails d'échelle différente. On utilise alors l'anamorphose, à l'instar de l'échelle logarithmique.
Par exemple, lorsque l'on veut représenter des défauts de surface, on a intérêt à utiliser une échelle « humaine » (par exemple de 1:1 à 10:1) pour le profil général de la surface, et une échelle microscopique pour les défauts (par exemple 100:1 ou 1 000:1).
Psychanalyse
Le psychanalyste Jacques Lacan, commente largement l'anamorphose dans ses séminaires à propos du regard et de « la constitution du sujet et de son rapport à la vision », en se référant au tableau de Holbein, les Ambassadeurs.
« Comment se fait-il que personne n’ait jamais songé à y évoquer quelque chose qui ressemble à l’effet d’une érection.
[...] que voyez-vous qu’est cet objet, étrange, suspendu, oblique au premier plan en avant de ces deux personnages dont la valeur comme regard, je pense, vous est apparue à tous, ces deux personnages figés, raidis dans leur ornement monstrateur entre lesquels toute une série d’objets qui ne sont rien d’autre, que ces objets-là même qui dans la peinture de l’époque figurent, les symboles de la veritas. »
— Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, 1964.
Notes et références
- ↑ L'anamorphose de Louis XIV décore un tunnel autoroutier sur le site du Figaro
- ↑ Anamorphose 3D, qu'est-ce que c'est ?
- ↑ Rodrigue Pellaud - light & sound performance @ ECAV
- ↑ (en) David W. Samuelson, Golden Years, American Cinematographer, September 2003, p. 70–77.
- ↑ Emballage : la flexographie, un procédé d'impression encore méconnu
- ↑ Emballage: Qui imprime sur du métal ?
- ↑ Site de Kallisto
- ↑ Site de Quadraxis
- ↑ http://www.fromparis.com/html/technical_fr_all.php
Voir aussi
- Glossaire du cinéma
Bibliographie
- Jurgis Baltrušaitis, Anamorphoses, Flammarion
- Anamorphoses, Catalogue, Musée des Arts Décoratifs, 1976
- Secrets des anamorphoses, Gallimard Jeunesse
- « La perspective », dans Hyper Cube, fév.-mars 2002, éd. Pentaèdre
- Jacques Lacan, Le séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Seuil
- Marie-France Tristan, Anamorphose(s), printemps 2006, Sigila no 17
- Jeanette Zwingenberger, Hans Holbein le Jeune, L'ombre de la mort, Parkstone éd., Londres 1999.
Articles connexes
- Peinture murale
- Illusion d'optique
- Trompe-l'œil
- Miroir
- Jacques Lacan
- Paréidolie
- Georges Rousse
- Felice Varini
- Bernard Pras
Liens externes
- Logiciel Anamorph Me ! permettant de créer des anamorphoses
- Site dédié à l'anamorphose et à la solution permettant la création d'anamorphoses techniques sur n'importe quelle surface
- Calcul d'anamorphose de toutes images sur toute surface complexe, par livraison d'un BAT par Aurore Arka
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