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Économie de l'environnement

Économie de l'environnement

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L’économie de l'environnement est une branche de l'économie qui traite d'un point de vue théorique des relations économiques entre les sociétés humaines et l'environnement.

Elle constitue un champ voisin, mais distinct, de l'économie écologique.

Contexte et approche économique

La Bille bleue, 1972.

L'émergence du concept

Augmentation de l'intensité des cyclones tropicaux (ici, Katrina) : une crise climatique ?

De l'effet de serre au recul de la biodiversité en passant par la pollution sous ses formes multiples, la question environnementale a aujourd'hui totalement investi le champ de la discipline économique. Cette révolution culturelle débute dans les années 1970 avec la prise de conscience écologique qui suit la médiatisation des premières grandes pollutions.

Les économies mondiales prennent progressivement la mesure du coût environnemental de l'exploitation des ressources et de la croissance associée au PIB : il s'agit d'une mutation profonde de la perception de l'environnement jusqu'alors peu concernée par les impacts environnementaux. L'environnement biophysique par le biais des sciences de l'écologie et de l'activité terrestre est associé à des systèmes et des cycles dans l'habitat. Ceux-ci indiquent des seuils et des limites tant en approvisionnement (sur-exploitation des ressources naturelles comme le pétrole ou les réserves halieutiques) qu'en débouchés (pollution des nappes phréatiques, par exemple). Des modèles de croissance économique, en tant que conséquence de l'activité humaine, ont manifestement un impact négatif démontré sur l'environnement.

Cette prise de conscience est récente dans les cultures modernes. L'étymologie du terme économie (de oikos, la maison et de nomos, la règle) témoigne d'une volonté de gestion efficace de la maison, c'est-à-dire l'habitat dans la biosphère, et renvoie à celle de l'écologie (de oikos, la maison et de logos, l'étude). Si la pensée des Physiocrates ou des classiques[réf. nécessaire] liait sans ambiguïté l'économie à la rareté des ressources naturelles, la théorie néo-classique n'a retenu de la rareté que sa dimension financière et a occulté son possible épuisement. Ainsi la première véritable rencontre de l'économie et de l'écologie (constituée en science) intervient probablement en 1968 au sein du rapport du Cercle de Rome, intitulé « Les limites de la croissance ». Ce texte alarmiste sur les limites des réserves énergétiques marque la redécouverte du concept environnement par la théorie néo-classique.

L'homme, la nature et la technique

Avec le réchauffement climatique, une élévation attendue du niveau de la mer.

Sans entrer dans une étude approfondie et certainement philosophique des rapports entre l'Homme et la nature, on peut noter une évolution culturelle qui passe d'une totale dépendance de l'Homme à la nature, par les fruits et la crainte des aléas climatiques pour les tribus de chasseurs-cueilleurs, à l'apparente indépendance de l'homme moderne par l'exploitation des ressources naturelles. Ce dernier a longtemps cru pouvoir totalement s'affranchir de son milieu en le transformant, en le domestiquant, voire en l'asservissant, grâce au developpement d'idéologies, grâce aux progrès techniques. Descartes affirmait ainsi que les hommes pouvaient se rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature »[1].

De ce point de vue, l'environnement devient ce qui est autour et nécessaire à l'humain, ce qui lui est étranger et par un glissement de sens ce sur quoi l'homme ne peut agir. Comme nous l'avons vu, il est faux de croire que l'activité humaine n'interagit pas avec l'environnement : source et débouché de l'activité économique, la nature existe avec l'espèce humaine et non pas malgré l'homme. En s'excluant de la nature, l'humain fausse sa perception, sa pensée, ses valeurs, son rôle, son analyse de la situation et perturbe profondément l'habitat.

L'objectif de l'économie de l'environnement

C'est dans cette perspective particulière de l'évolution de la culture de l'espèce que s'est élaborée cette expression que certains qualifient d'oxymore voire d'absurdité : l'économie de l'environnement. Son objectif est d'intégrer les valeurs écologiques de l'environnement dans le cadre particulier de l'économie et plus précisément des sciences économiques et sociales. Ce que les économistes néo-classiques avaient rejetés hors de leur champ de vision, probablement inconsciemment, l'économie de l'environnement cherche à l'inclure.

L'économie de l'environnement est la recherche d'une efficacité nouvelle et réelle qui intègre les interactions entre les intervenants mais aussi entre les interventions humaines et l'environnement (au sens large). Cette nouvelle orientation n'est pas exclusive de l'ancienne vision économique : il s'agit au contraire de bâtir avec l'économie traditionnelle un édifice qui tienne compte de la valeur écologique et des variables environnementales.

Cette évolution n'est pas neutre : elle suppose un certain nombre d'hypothèses de base et surtout elle nécessite de redéfinir des notions centrales de l'économie : le bien-être des individus, la production et l'utilisation des ressources. Dans l'économie néo-classique, le bien-être tient compte de la consommation de biens marchands. En économie de l'environnement, il faut y ajouter la valeur que les individus confèrent à leur environnement dans un cadre de vie, et finalement sa valeur réelle et symbolique, souvent impossible à monétiser. La production et l'utilisation globale des ressources biotiques et abiotiques est aussi une corrélation à inclure dans l'évolution de l'architecture économique bâtie.

Théorie économique et environnement

L'économie, du moins sa version néo-classique, s'intéresse aux optima (ou optimums), c'est-à-dire la meilleure allocation des ressources rares à usages alternatifs, compte tenu des préférences des agents économiques, résumées dans une fonction d'utilité. Par exemple, l'optimum de Pareto est certainement l'un des outils les plus utilisés de la science économique : une situation optimale au sens de Pareto est telle que toute amélioration du bien-être d'un individu (ou d'une catégorie d'individus) ne peut être obtenue qu'au détriment d'un autre individu (ou d'une autre catégorie d'individus). C'est une situation de référence de la théorie économique, dans la mesure où, selon le premier théorème de l'économie du bien-être, tout équilibre concurrentiel est un optimum de Pareto : il n'y a pas de justification à l'intervention des pouvoirs publics dans l'économie, à condition de respecter le caractère concurrentiel des marchés et de laisser le système de prix opérer les ajustements. Ceci n'est cependant vrai qu'en l'absence de toute défaillance de marché.

Pourtant l'équilibre marchand n'est pas nécessairement optimal d'un point de vue social ou environnemental. La recherche de l'optimum se déroulant dans le cadre strict des échanges marchands, certains effets qui ne sont pas affectés d'une valeur, sont complètement écartés de la recherche d'efficacité alors même qu'ils sont susceptibles d'affecter l'utilité des agents économiques. C'est précisément le cas lorsque l'on occulte la dimension particulière que constitue l'environnement : ce sont des effets externes, sous-entendus à l'échange marchand, aussi appelés externalités. Ces externalités peuvent être positives et améliorer le bien-être des agents. Mais elles peuvent aussi avoir une valeur négative si elles réduisent le bien-être sans compensation financière (cas des riverains d'un aéroport : ils souffrent de la pollution sonore et de la baisse de la valeur marchande de leurs biens immobiliers si l'aéroport enregistre une croissance du trafic qui génère des revenus d'exploitation supplémentaires). Les externalités constituent des défaillances du marché (sous-entendu défaillances du marché concurrentiel).

Prenons un exemple : une entreprise produit de l'électricité à partir de charbon. Elle fournit son électricité à un certain prix à ses consommateurs. Si elle peut se fournir en charbon à un prix inférieur, elle pourra répercuter cette baisse sur son prix de vente. Or ce charbon est moins cher car il est de moins bonne qualité : il contient en proportion non négligeable du soufre. La combustion de ce charbon de mauvaise qualité, s'il permet une amélioration du bien-être des consommateurs par la réduction du prix, se traduit néanmoins également par une détérioration de la qualité de l'environnement (pluies acides, en l'occurrence) : cette détérioration n'est pas naturellement intégrée à l'échange marchand. Il faut la réintégrer c'est-à-dire internaliser les effets externes, ces derniers créant des inefficacités. En simplifiant la formulation, il est nécessaire d'inclure dans les prix les dégradations environnementales (pollution, sur-exploitation) qui, sinon, seraient ignorées.

Notons dès à présent que l'économie de l'environnement fait la part belle à un équilibre particulier : l'optimum de pollution. En effet, que signifie « internaliser les effets environnementaux », si ce n'est trouver un équilibre tel, qu'en tenant compte de la variable environnementale, on obtient un équilibre de Pareto. Dit autrement, en grossissant le trait, je ne peux plus améliorer le bien-être des individus sensibles à la variable environnementale sans léser un autre groupe d'individus. Mais la même situation peut être interprétée à l'inverse comme celle où je ne peux plus améliorer le bien-être des individus insensibles à l'environnement sans léser le groupe de ceux qui sont sensibles à l'environnement. Ce concept de de pollution optimale (qui débouchera, on le verra plus loin, sur les marchés de droits à polluer) est souvent la critique la plus importante formulée par les écologistes contre l'économie de l'environnement, critique reposant sur la première interprétation et jugeant peu admissible le souci de limiter l'amélioration de la qualité de l'environnement sans détériorer le bien-être des pollueurs. Une interprétation plus équilibrée du concept, celle des économistes de l'environnement, serait celle d'un compromis entre des intérêts divergents, ceux des pollués et ceux des pollueurs.

Principes fondateurs

La notion même d'optimum dépend de la possibilité d'un choix : qui dois-je intégrer dans ma recherche d'optimum ? qui dois-je défendre et contre quoi ? Comme nous l'avons souligné en introduction, l'économie de l'environnement est intimement liée aux politiques économiques et aux choix qui en découlent. Ces choix doivent se formuler de la façon la plus objective possible et doivent, à ce titre, se fonder sur des principes indéniables. Les choix débouchent sur des résultats. Les résultats sont mesurés par des concepts forgés par l’économie orthodoxe. Par exemple, l’utilisation du concept de valeur ajoutée dans le paradigme classique n’a jamais pris en compte l’empreinte écologique que Mokhtar Lakehal définit, dans Le Grand Livre de l’Économie contemporaine, comme « l’indicateur censé alerter les États et nations sur un danger : l’appauvrissement accéléré des richesses du sol et du sous-sol. Tous les prélèvements effectués dans la nature par l’homme pour satisfaire ses besoins croissants ne sont pas renouvelés entièrement, pour diverses raisons. En raison du mode de vie occidental qui s’est universalisé, depuis les années soixante-dix, les quantités de ressources prélevées chaque année sont supérieures aux capacités de la nature à se régénérer. Par exemple, certains consommateurs ne savent peut-être pas que sous la pression de la demande mondiale de bois (donc de leurs besoins), le rythme de déboisement des forêts dépasse dangereusement celui du reboisement. Les conséquences sont nombreuses : inondations, coulées de boue, disparitions d’espèces végétales et animales, bouleversement climatique, etc. L’empreinte écologique est en quelque sorte la trace que l’homme laisse dans la nature après chacun de ses passages. Seuls les cyniques ne veulent pas savoir que toute déforestation aura des conséquences et que tout épuisement d’une ressource affectera la structure des prix sur les marchés. « Qu’est-ce qu’un cynique ? C’est un homme qui sait le prix de toute chose, mais qui ne connaît la valeur de rien », disait Oscar Wilde (L’Éventail de Lady Windermere) ».

Principe pollueur-payeur

Le principe pollueur-payeur est né en Allemagne et a été adopté par l'OCDE en 1972 comme principe fondateur de l'économie. Ce principe a été amorcé par Arthur Cecil Pigou dans le courant des années 1920. Son but est de déterminer à qui imputer le coût d'une pollution. Sa formulation, sous des couverts d'une naïve évidence, ne doit pas faire oublier qu'il est à la fois difficile à mettre en place et rarement appliqué.

Reprenons l'exemple de la production d'électricité à partir du charbon. Si l'entreprise utilise du charbon de mauvaise qualité, elle va contribuer à la dégradation de la qualité de l'air : c'est à elle que reviendra de payer le coût de la pollution (nous verrons dans les prochaines parties, les formes de ce paiement). Toutefois, elle peut reporter ce coût sur les consommateurs, ce qui revient à leur faire endosser la charge de la pollution.

Revenons au principe en lui-même : le principe non-pollueur-payeur a-t-il un sens ? La réponse est malheureusement « oui ». En effet, au-delà du glissement que nous avons vu dans l'exemple précédent, le principe non-pollueur-payeur revient à dire que celui qui ne veut pas que son environnement soit pollué doit payer pour que le pollueur ne le pollue plus. Cela paraît une formulation très cynique, mais n'oublions pas que c'est précisément le rôle, en France, des Agences de l'Eau : le consommateur final paie une taxe sur l'eau pour permettre aux industries polluantes de moderniser leurs installations. Derrière ce principe apparemment anodin et allant de soi, se dessine une réalité fort complexe.

Principe de précaution

Le principe de précaution a largement fait la une des médias au travers de trois cas où il a été invoqué, parfois abusivement : l'affaire du sang contaminé (il aurait fallu faire preuve de précaution), l'affaire de la vache folle et les OGM (il faut être extrêmement prudent et faire preuve de précaution). Sans entrer dans le détail des mécanismes à l'œuvre derrière ce principe, observons ses conséquences en économie de l'environnement.

Ce principe vise avant tout à écarter tout risque de dommage irréversible à l'environnement. Si je libère des OGM dans la nature et que ceux-ci s'hybrident avec des mauvaises herbes naturelles, comment pourrais-je me débarrasser de ces mauvaises herbes résistantes ? Le modèle économique pourra prendre le problème dans tous les sens, si une telle éventualité survient, le mal sera fait.

Temps et développement durable

Voir aussi développement durable pour un aperçu plus complet sur cette question

Le développement durable est, en quelque sorte, l'aboutissement de la démarche de l'économie de l'environnement : il vise à trouver une solution à la fois économiquement et écologiquement viable. "Il désigne les formes de développement conçues pour répondre aux besoins présents sans réduire les capacités des générations futures à répondre aux leurs. Certains auteurs utilisent aussi le terme « développement soutenable », traduit de l’anglais ''sustainable development" (Mokhtar Lakehal). Sans trop approfondir cette notion, notons qu'elle donne une place importante à la notion de durée, c'est-à-dire au temps. Car l'optimum qui doit être recherché dans le cadre présenté jusqu'à présent ne doit pas être efficace à un instant donné, mais dans la durée.

On voit se dessiner ici la notion d'un principe intergénérationnel : les décisions d'aujourd'hui ne doivent pas menacer l'environnement pour les générations futures. La notion de développement durable va donc bien au-delà du simple principe de précaution. Les difficultés liées au développement durable, notamment sur le flou entourant sa définition, sont évoquées dans l'article lui étant consacré.

Évaluation monétaire : la valeur de l'environnement

La notion de valeur est centrale en économie. Affecter une valeur à l'environnement et aux services écosystémiques qu'ils rend (qu'on peut dans une certaine mesure chercher à monétariser) est supposé permettre sa meilleure prise en compte dans les équations de choix stratégiques, de mesures compensatoires et conservatoires.
Cette affectation est cependant difficile : quelle valeur (monétaire ou non) donner à une fonction écosystémique telle que la production d'air alors que l'air n'est pas acheté, à la différence de l'eau), quelle valeur donner à une espèce de coléoptère impliqué dans la décomposition du bois mort et la formation de l'humus, et par menacée de disparition et impliqué par la construction d'une autoroute ? Cette valeur pourrait être soit :

  • infinie : dans ce cas, un choix peut être de ne pas construire l'autoroute ;
  • nulle : ici, il faut poursuivre, coûte que coûte, la construction de l'autoroute ;
  • intermédiaire : le choix final sera déterminé par la confrontation entre la valeur donnée à cette autoroute et celle donnée à cette espèce particulière de scarabée ?

L'attribution d'une valeur à la construction de l'autoroute est relativement facile (combien de personnes vont-elles l'emprunter ? quel est le temps qui va être économisé ?) ; on peut même y inclure une composante environnementale (combien de CO2 va-t-il être économisé en supprimant les bouchons le long de la Route Nationale à proximité ?). On imagine aisément que la valeur économique de l'espèce de scarabée soit moins facile à déterminer. Qui serait prêt à payer pour sauver cette espèce ? Et, surtout combien ? Avec un tel raisonnement, on ne donne pas cher de la peau de ces scarabées face aux sommes mises en jeu... Il faut donc déplacer l'interrogation sur un plan symbolique : sommes-nous prêts à réduire la biodiversité pour la construction d'une autoroute ? Formulé de cette manière, les scarabées ont toutes leurs chances de menacer le projet d'autoroute.

Comme nous venons de le voir, l'attribution d'une valeur aux composantes environnementales est fondamentale mais complexe. Plusieurs méthodes sont utilisées pour le faire :

méthode des coûts de transport ou de déplacement 
quelle distance sont prêts à parcourir les individus pour profiter d'un paysage, ou d'un objet (les scarabées, par exemple) ? On mesure le coût de transport réellement dépensé par des individus pour venir à tel ou tel endroit.
méthode des prix hédonistes 
on observe les sommes que consacrent les individus pour obtenir tel ou tel avantage environnemental ; cette méthode s'applique surtout sur les biens immobiliers où elle revient à calculer le sur-coût que représente un beau paysage ou un air « pur »
méthode d'évaluation des dépenses de protection 
combien sont prêts à payer les individus pour ne plus subir une atteinte environnementale (exemple : coût d'un déménagement pour ne plus subir une pollution, un bruit par exemple) ?
méthode de valuation contingente 
à la différence, des méthodes précédentes, l'évaluation consiste à questionner plus qu'à observer. Dans les trois méthodes précédentes, on observe le coût de transport, le surcoût environnemental ou les dépenses de protection : ce sont des sommes d'argent que les individus dépensent effectivement. L'évaluation contingente consiste à questionner les individus dans le cadre d'enquête.

PIB vert

Depuis déjà quelques années, les économistes ont pensé à un PIB vert. Par ce dernier, on entend une mesure qui soustrait du PIB conventionnel la baisse du stock de ressources naturelles. Une telle méthode de comptabilisation permettrait de mieux savoir si une activité économique accroit ou fait baisser la richesse nationale lorsqu'elle utilise des ressources naturelles[2]. Cependant, les économistes estiment qu'il serait difficile, sans doute, pour mettre sur pied ce nouvel indicateur. Et pourtant, des tentatives de formulation d'un nouvel indicateur ont été faites. Mokhtar Lakehal nous propose cette définition : "Produit intérieur brut vert (PIB vert ou PIB écologique) est un agrégat tenant compte de la destruction des ressources non renouvelables. Par exemple, dans le « Système de comptes économiques et environnementaux intégrés » proposé par Peter Bertelmus Jan van Tongeren (Bureau statistique de l’ONU) et Carsten Stahmer (Bureau statistique fédéral allemand), les auteurs prennent en compte l’utilisation des ressources non renouvelables (minéraux, pétrole, gaz naturel…), les atteintes aux sources de biens renouvelables (sols, forêts, lacs…), les pollutions (air, eau) ainsi que toutes les activités de production et de remise en état de l’environnement. Cette démarche débouche sur la construction d’un Produit intérieur brut écologique. Les auteurs ont abouti à l’estimation suivante : ce PIB écologique représente 69 % du PIB, et seulement 51 % du PIB du secteur agricole et 48 % pour celui des mines. Le rapport valeur ajoutée/capital engagé passe de 25 % à 7 % seulement pour toute l’économie, de 20 à 4 % pour l’agriculture et de 73 % à 5 % pour les mines. « Integrated Environnemental and Economic Accounting Framwork for a SNA Satellite System ». Review of Income and Wealth, juin 1991" (Le Grand Livre de l'Économie contemporaine).

Outils de l'économie de l'environnement

L'exemple du protocole de Kyoto

Le protocole de Kyoto est une illustration caractéristique du rôle de l'économie de l'environnement : il s'agit en effet de concilier le développement économique avec les contraintes environnementales. La rédaction du protocole a fait intervenir un ensemble de spécialistes de différents champs disciplinaires : des météorologues, des industriels, des juristes, etc. Et il a fallu concilier l'ensemble des visions. À partir des données scientifiques (l'impact d'une tonne de CO2 relâché dans l'air) et des données économiques (impact sur la croissance), dans un cadre juridique donné (un accord international), l'économie de l'environnement cherche à définir une situation optimale (optimum de pollution) à atteindre et à bâtir un certain nombre d'outils qui permettront d'atteindre cet objectif.

L'optimum de pollution ainsi défini sera, par définition, éloigné de deux autres positions : de celle des partisans d'une écologie dure (ou profonde selon la traduction littérale de deep ecology) qui viseront à annuler les émissions de carbone, et de celle des tenants de l'écologie de marché qui pensent que l'action publique est inutile car l'environnement s'inclura naturellement dans les prix. La position de l'économie de l'environnement est par nature un compromis.

Ainsi, l'objectif de revenir en 2012 à un niveau d'émission de CO2 inférieur de 5,2 % en dessous de celui de 1990, se traduira différemment selon les pays. Certains pays en développement comme le Brésil n'ont pas d'objectif de réduction des émissions, la plupart des pays développés devant les réduire. Le cas de la France est particulier puisque son objectif négocié dans le cadre du partage de l'objectif commun de l'Union Européenne est la stabilisation de ses émissions en 2012 par rapport à leur niveau de 1990.

Taxes, primes et marchés de droits à polluer

L'État peut intervenir en réglementant par la fixation d'une norme ou d'une taxe. Les deux doivent aboutir au même résultat sur le plan de la pollution si les coûts de dépollution de la firme sont connus. Dans le cas de la taxe, le pollueur paie une taxe qui visera à compenser le préjudice subit par le pollué. Apparemment, la taxe respecte le principe pollueur payeur. Notons qu'en France, une taxe ne pouvant être affectée dans un but précis, les taxes environnementales (à l'exception de la TIPP) contribuent à financer l'ensemble du budgetd e l'État[3].

Le second instrument est la prime : soit une prime à la modernisation de l'appareil de production, soit une prime au non-pollueur. Dans le premier cas, le pollué est invité à payer une prime qui doit aider le pollueur à améliorer ses installations et donc à moins polluer : c'est le fonctionnement du PMPOA en France. Dans le second cas, on félicite les entreprises qui ne polluent pas, ou moins que les autres, en leur versant une prime. Lorsque le mécanisme de la prime est couplé à celui de la taxe, le principe pollueur-payeur est globalement respecté : ceux qui polluent paient une taxe qui leur est reversée sous forme d'une prime qui va permettre au pouvoir public d'orienter la modernisation. En revanche, si c'est le contribuable qui paie, le principe pollueur-payeur n'est absolument pas respecté ; c'est pourtant ce dispositif que l'on retrouve fréquemment.

La dernière solution de ce type est la mise en place d'un marché de droits à polluer. Cette solution dont on trouve une préfiguration dès les débuts de l'industrialisation[4] a été formalisée par Ronald Coase dans les années 1960 : pour Coase, les externalités ne marquent pas l'échec de la théorie économique, mais uniquement l'absence d'un droit de propriété sur l'environnement. La nature n'appartient à personne et c'est bien là le problème. La solution préconisée consiste à réintroduire un droit de propriété sur l'environnement lui-même (comme par exemple une ressource matérielle identifiable comme un cours d'eau). La propriété peut être attribuée soit au pollué, soit au pollueur. Coase montre alors que, quel que soit le détenteur initial des droits de propriété, une négociation directe entre pollueur et pollué aboutira toujours au même équilibre final, optimal au sens de Pareto. L'avantage notable de cette solution par rapport aux précédentes est que la fiscalité, et donc les contribuables n'interviennent pas. Néanmoins, le théorème de Coase a pour hypothèse fondamentale l'absence de coûts de transaction (hypothèse qui ne tient pas lorsqu'il y a un grand nombre de parties en présence). La solution opérationnelle inspirée de la nécessité de définir des droits de propriété est véritablement le marché de droits à polluer ou marché de permis négociables, mais plus explicitement "marché de quotas d'émission négociables". Les entreprises s'échangent, c'est-à-dire se vendent et s'achètent, des permis qui leur donnent droit d'émettre par exemple du soufre (cf. notre exemple de production d'électricité). Ces permis sont distribués (gratuitement ou vendus aux enchères) par les pouvoirs publics qui en fixent le nombre en fonction du rationnement qu'ils veulent imposer aux pollueurs. Ceux qui peuvent réduire leurs émissions facilement et à coût faible trouveront plus rentable d'utiliser peu de permis et de revendre le surplus sur le marché. Ceux qui, au contraire, ont des coûts plus importants de réduction de leurs émissions trouveront plus rentable d'acheter des permis d'émission supplémentaires. Le marché permet les échanges entre ces différents pollueurs et la confrontation de l'offre et de la demande de permis se traduit par la formation d'un prix d'équilibre du marché. Si les pouvoirs publics souhaitent renforcer la contrainte pesant sur les pollueurs, il leur est loisible de réduire le nombre de permis : leur rareté entraîne une hausse des prix, incitant de plus en plus d'entreprises à moderniser leur installation. L'analyse de ces situations excédant le cadre de cet article nous renvoyons le lecteur sur celui concernant le théorème de Coase et sur celui sur les marchés de permis négociable (voir aussi Bourse du carbone).

Droit et instruments réglementaires

Une deuxième grande catégorie d'instruments est la « voie réglementaire », utilisée par le législateur pour produire des lois et normes limitant ou interdisant la dégradation des ressources naturelles et certaines pollutions, par exemple en fixant des normes maximales d'émission.

Promulguer des lois peut sembler facile, mais quelques écueils existent : les lois seront-elles pertinentes (question de sécurité juridique) ? Pourra-t-on en contrôler l'application ? (Parfois l'État n'est pas en mesure de supporter ces coûts de contrôle, comme il peut ne pas être en mesure de contrôler l'évasion fiscale ; La taxe peut sembler plus facile à mettre en œuvre, mais elle doit aussi s'appuyer sur la loi). De plus, l'intervention réglementaire est généralement désapprouvée par les libéraux qui refusent la présence de la « main de l'État » au profit de celle du marché.

Définir de « bonnes lois » et en contrôler l'application réelle supposent que les États se dotent d'observatoires et d'outils de suivi adéquats. La production d'indicateurs pertinents pour les politiques publiques implique aussi un accès aux données de référence et aux données environnementales pertinentes (indicateurs d'état, pression réponse).

Pour cela l'Union européenne s'appuie sur le traité d'Amsterdam (dont les objectifs incluent l'efficacité environnementale) et sur la stratégie de Lisbonne revue par le Conseil européen de Göteborg en 2001 qui a appuyé ses objectifs de développement durable, poussant à une réglementation environnementale plus complète, via les livres blancs, de nombreuses directives européennes (directive cadre sur l'eau, directive sur l'énergie et les politiques sectorielles...). L'agence européenne de l'environnement, située à Copenhague, tient un registre de données environnementales en appui des décisions. La directive 2003/98/CE fournit un cadre pour que les États membres mettent à disposition les données des services publics, dans la mesure où les législations nationales le permettent. Le Danemark et le Royaume-Uni ont lancé le projet MIReG visant à fournir les données de référence sous forme électronique pour l'élaboration d'une politique globale.
Aujourd'hui, les deux tiers des nouveaux textes législatifs en Europe proviennent des règlements et des directives européennes, qui sont élaborés en fonction de critères de développement durable. Ils portent notamment sur l'accès à l'information environnementale, l'étiquetage environnementale, le droit du public et des marchés à disposer d'informations sur la politique environnementale des grandes entreprises. Un autre thème important est celui de la protection, gestion et restauration de la biodiversité et des habitats naturels qui s'appuie sur les études d'impact, les mesures de compensatoires, mais aussi sur la notion de faute, préjudice et crime environnemental et le droit pénal de l'environnement, la recherche environnementale et sur le climat, certaines exonérations, la prise en compte de l’environnement face au droit de la concurrence, la responsabilité sociale et environnementale, l'intégration de clauses environnementales dans l'achat public[5], l'écoconception, la gestion des produits chimiques (Règlement Reach, des déchets et des sites, sols et sédiments pollués, les pesticides, les OGM, les nanotechnologies, les perturbateurs endocriniens, etc. Le droit a récemment évolué en intégrant le marché du carbone et les quotas de gaz à effet de serre, et des perspectives sont ouvertes sur la valorisation économique de la nature.

Évaluation des politiques publiques

Article détaillé : Pression-État-Réponse.

Au-delà de leur simple mise en place et du choix de l'une ou l'autre de ces politiques, l'économie de l'environnement se doit aussi d'offrir des instruments d'évaluation de ces mêmes politiques. De nombreuses études ont montré que la combinaison d'instruments conduit rarement à une situation optimale.

Cette évaluation doit avoir lieu régulièrement et dans la mesure du possible, les associations de défense de l'environnement doivent y participer. Malgré les oppositions que rencontre l'antinomique économie de l'environnement, ces associations doivent pouvoir parler sur un pied d'égalité avec les entreprises, les pouvoirs publics et les experts : l'intégration d'économistes de l'environnement au sein de leur équipe devient indispensable.

L'une des méthodes employées pour le suivi environnemental est le modèle Pression-État-Réponse de l'OCDE, ou des modèles dérivés employés à l'ONU ou à l'Agence européenne de l'environnement.

Notes et références

  1. René Descartes, Discours de la méthode, sixième partie
  2. Joseph E. Stiglitz - carl E. Walsh (2004), Principes d'économie moderne, 2e édition, Éd. de boeck, Bruxelles.
  3. Pour une discussion sur la pertinence de l'intervention de l'Etat en matière de taxation environnementale (apparition d'un effet d'éviction, "crowding-out effect" et impact sur la RSE, voir Jérôme Ballet, Damien Bazin, Abraham Lioui et David Touahri, (2007),“Green Taxation and Individual Responsibility”, Ecological Economics, vol.63, n°4, pp.732-739, September.
  4. Madison vs. Ducktown Sulphur Companies (1904)
  5. Marty, Frédéric (2012) Les clauses environnementales dans les marchés publics : perspectives économiques ; Groupe de Recherche en Droit, Économie et Gestion, 2012-02-22 PDF 24 p et Résumé

Voir aussi

Bibliographie

  • Chantal et Alain Mamou Mani, La Vie en Vert, le mariage de l'économie et de l'écologie, Payot, 1992
  • Olivier Beaumais et Mireille Chiroleu-Assouline, Économie de l'environnement, Amphi Bréal, 2002
  • Annie Vallée, L'économie de l'environnement, Points Le Seuil, 2002
  • Ministère de l'Écologie et du Développement Durable, (2003), Rapport « Économie de l’environnement en 2003 »
  • Ministère de l'écologie et du développement durable, Entreprises et environnement. Rapport à la commission des comptes et de l'économie de l'environnement. La documentation française. 2004.
  • Gilles Rotillon, L'économie des ressources naturelles, Repères La Découverte, 2005
  • Philippe Jurgensen, L'économie verte, Odile Jacob, 2009
  • Naomi Klein : Tout peut changer : Capitalisme et changement climatique, Actes Sud, 2015

Articles connexes

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