Traite des fourrures
|
Cet article est une ébauche concernant la Nouvelle-France, l’histoire des États-Unis et l’économie. Vous pouvez partager vos connaissances en l’améliorant (comment ?) selon les recommandations des projets correspondants.
Consultez la liste des tâches à accomplir en page de discussion. |
La traite des fourrures était l'échange de biens de nécessité contre des fourrures, en particulier entre les colons européens d'Amérique du Nord, français et britanniques et les autochtones des Premières Nations en Nouvelle-France. Elle était l'une des principales activités économiques du XVIIe siècle au XIXe siècle entre Amérindiens et nouveaux arrivants. Les fourrures transigées par les colons étaient destinées en presque totalité aux marchés européens, en particulier aux marchés des deux mères-patries, la France et la Grande-Bretagne. On retrouve également un tel commerce entre les Pays-Bas et ses colonies américaines, ainsi qu'en Russie.
Les explorateurs français, (Radisson et Groseilliers, La Salle, Le Sueur) qui cherchaient à l'origine des voies de pénétration à travers le continent, établirent des contacts avec les Amérindiens et s'aperçurent qu'ils désiraient échanger des fourrures contre des objets que les Européens jugeaient courants (bouilloires, hachettes, couteaux ...). La fourrure (particulièrement celle de castor) était alors particulièrement prisée sur les marchés européens.
Amérique française
En Nouvelle-France, la fourrure destinée au marché européen était surtout celle du castor, lequel était très demandé en Europe, notamment, en raison de la demande de fourrure pour les chapeaux, alors que le piégeage en Europe avait déjà fortement fait régresser le Castor européen. Les voyageurs et les coureurs des bois faisaient directement affaire avec les Amérindiens. La monnaie d'échange était le troc de divers biens manufacturés en Europe, tels des armes à feu, des outils en métal, de l'alcool et des vêtements.
Le commerce a été marqué de grandes guerres, telles celles ayant précédé la Grande paix de Montréal.
La route des fourrures
La route des fourrures est une voie navigable en canot qui reliait Tadoussac à la baie d'Hudson. Les voyageurs et les coureurs des bois l'empruntaient pour se rendre dans les régions où les animaux à fourrures abondaient. Ils pouvaient se déplacer d'un poste de traite à l'autre, à la rencontre des Amérindiens avec qui ils effectuaient le troc.
Plusieurs postes de traite ont été construits le long de la route des fourrures au fil des années. C'est la compagnie des Postes du Roi qui a ouvert la principale voie vers le nord[1]. À partir de Tadoussac, les canotiers remontaient la rivière Saguenay jusqu'à l'embouchure de la rivière Chicoutimi, où ils pouvaient s'arrêter au poste du même nom. De là, ils devaient ensuite effectuer une série de six[2] portages qui les menaient au lac Kénogami, puis à la Belle Rivière d'où ils pouvaient accéder au lac Saint-Jean. Sur ce lac, à la sortie de la rivière Métabetchouane était établi un autre poste de traite et de cette station s'amorçait une longue remontée vers le nord, longeant le lac Saint-Jean pour emprunter la rivière Ashuapmushuan jusqu'au poste de traite du lac Ashuapmushuan[3]. Profondément avancés dans les terres de l'arrière-pays, ils pouvaient de cet endroit atteindre Nicabau, la rivière du Chef et le lac Mistassini puis enfin, 360 kilomètres plus à l'ouest, la baie James en passant par la rivière Rupert et Némiscau.
Le père Gabriel Druillettes disait que le trajet de Tadoussac au lac Mistassini, qui faisait à lui seul 400 kilomètres, pouvait prendre « une vingtaine de jours en canot »[4].
La contrebande
Le problème
La contrebande des fourrures est un commerce d’échanges illégaux entre les marchands français et les marchands anglais des Treize colonies dans la première moitié du XVIIIe siècle. Les principaux gouverneurs de la Nouvelle-France, Philippe de Rigaud, Marquis de Vaudreuil et Charles de La Boische, Marquis de Beauharnois, suivant la doctrine du mercantilisme, avaient instauré une loi qui empêchait les échanges commerciaux entre la Nouvelle-France et les colonies anglaises de l’Amérique du Nord[5]. Les Français ne voulaient pas que des échanges soient effectués avec les Anglais, car ils voyaient ces actes comme de la trahison. De leur côté, les Anglais ne voulaient pas que ce type d’échanges soient pratiqué, puisqu’ils refusaient de financer les Français par leurs marchandises. À l’origine, la contrebande fut initiée au XVIIe siècle par les marchands français établis en Nouvelle-France. Ils s’allièrent aux Autochtones pour réaliser les échanges, puisque ces derniers avaient une meilleure connaissance du territoire et possédaient les aptitudes nécessaires leur permettant de parcourir les chemins de la contrebande[6]. Le transport des fourrures se faisait par canot. Les Autochtones impliqués dans la contrebande, les Domiciliés, partaient de Montréal et se dirigeaient vers le sud par la rivière Richelieu et le lac Champlain. Ensuite, par le fleuve Hudson, ils arrivaient à Albany, dans la colonie britannique, pour échanger avec les Anglais[7]. Les Autochtones offraient les fourrures de castor, de rat musqué et d’ours. En échange, les marchands anglais leur donnaient de l’argenterie, différents textiles, du sucre blanc, du chocolat et même des esclaves noirs[8]. Les autochtones revenaient ensuite à Montréal pour livrer les biens obtenus aux marchands français.
Les Domiciliés
Les Domiciliés sont les Autochtones avec qui les marchands français faisaient affaire pour leur commerce illégal. D’abord, les domiciliés sont catholiques et vivent dans des missions le long de la vallée du Saint-Laurent. Dans ces missions, ils cohabitaient avec des missionnaires venus de France dans le but d’évangéliser les Autochtones. Les domiciliés sont constitués en majorité d’Iroquois, mais aussi d’Algonquins, de Nipissinges, de Hurons et d’Abénaquis[9]. Les principaux domiciliés impliqués dans la contrebande de fourrures sont ceux vivant au Sault Saint-Louis et au lac des Deux Montagnes. Ces derniers avaient commencé dès la dernière décennie du XVIIe siècle à faire du commerce de toute sorte avec les marchands des colonies anglaises. Ils avaient un très bon sens des affaires, car certains d’entre eux avaient même des commerces leur appartenant au début du XVIIIe siècle[10]. En plus de bien connaitre le territoire, un autre avantage que possédaient les domiciliés est que les lois françaises concernant le commerce illégal ne les touchaient pas. Les marchands français et les domiciliés étaient avantagés à faire de la contrebande, puisqu’ils avaient mis au point un système qui était difficile à contrer par les autorités françaises. En plus d’avoir un pouvoir très limité sur les Autochtones, le Royaume de France leur était redevable. En effet, les peuples des Premières Nations avaient été d’une grande aide lors des Guerres intercoloniales[11]. Pour ces raisons, les Français étaient réticents à porter des accusations contre les Domiciliés par peur de briser le climat de confiance qui régnait en Nouvelle-France et de déclencher un conflit dans la colonie.
Les mesures prises
Au début du XVIIIe siècle, le commerce illégal des fourrures évoluait en Nouvelle-France et les autorités françaises ont dû trouver des moyens pour tenter de ralentir ce phénomène. D’abord, les gouverneurs ont donné droit aux soldats d’arrêter chaque individu qu’ils soupçonnaient faire du commerce illégal ou avoir en sa possession des fourrures obtenues illégalement. Les personnes prises en défaut se voyaient alors décerner des amendes afin de les dissuader de vouloir poursuivre leurs activités. Quant aux objets interdits, ils étaient brûlés sur le champ. De plus, chaque canot devait être enregistré. Les Français se disaient qu’ils pourraient ainsi avoir plus de contrôle sur la contrebande, puisque le canot était le moyen privilégié pour le transport des marchandises et des fourrures[12]. La marine fut chargée de contrôler les routes de traite et des compagnies s’installèrent au Fort Frontenac et au Fort Chambly pour contrôler les embarcations. En 1719, les Domiciliés promirent de ne plus s’approvisionner en fourrures qu'avec les commerçants français[13]. Malgré toutes ces mesures, les résultats furent presque nuls et les Français durent donc changer leurs méthodes. Toutefois, n’ayant pas de pouvoir législatif sur les Domiciliés, les autorités françaises prirent des ententes à l’amiable avec eux. Les Domiciliés s’engagèrent à aller dans les colonies britanniques uniquement pour transporter des fourrures qu’ils avaient eux-mêmes chassées. Ils devaient de plus demander aux autorités coloniales la permission d’aller dans les colonies anglaises en disant quel type de fourrure ils transportaient et en quelle quantité[13]. En 1728, les dirigeants français adoptent même une loi interdisant aux étrangers de faire toute forme de commerce en Nouvelle-France. De nombreuses saisies furent effectuées chez des marchands à Trois-Rivières et à Québec [14]. Cependant, ces nombreuses initiatives de la part des Français ne firent que ralentir la contrebande, sans toutefois faire complètement disparaitre le phénomène. Le commerce illégal ne cessa donc que lorsque les Anglais prirent contrôle de la Nouvelle-France en 1763[15].
Amérique anglaise
L'Angleterre a été plus lente à entrer dans le commerce de la fourrure en Amérique que la France et la Hollande, mais aussitôt que des colonies anglaises sont établies, les sociétés de développement ont compris que la fourrure était la meilleure façon pour les colons de retourner de la valeur à la mère-patrie. Des fourrures sont expédiées de Virginie peu après 1610 et la colonie de Plymouth envoie des quantités importantes de castor à ses agents de Londres à travers les années 1620 et 1630. Les marchands de Londres tentent de prendre le commerce de la fourrure à la France dans la vallée du Saint-Laurent. Profitant d'une des brèves guerres de l'Angleterre avec la France, David Kirke capture Québec en 1629 et rapporte le produit de fourrures de l'année à Londres. D'autres marchands anglais ont également négocié la fourrure dans la région du fleuve Saint-Laurent dans les années 1630, mais cette activité était officiellement découragée. Ces efforts ont cessé quand la France a renforcé sa présence au Canada. Pendant ce temps, la traite des fourrures de la Nouvelle-Angleterre prend de l'expansion, non seulement à l'intérieur des terres, mais vers le nord le long de la côte dans la région de la baie de Fundy. L'accès de Londres à des fourrures de haute qualité a considérablement augmenté avec la prise de la Nouvelle-Amsterdam, après quoi le commerce de la fourrure de cette colonie (la présente New York) tombe entre les mains des Anglais avec le traité de Bréda de 1667.
En 1668, le commerce des fourrures anglais entre dans une nouvelle phase. Deux citoyens français, Pierre-Esprit Radisson et Médard Chouart des Groseilliers, avaient fait affaires avec succès à l'ouest du lac Supérieur en 1659-1660, mais à leur retour au Canada, la plupart de leurs fourrures ont été saisies par les autorités. Leur voyage de commerce les avait convaincus que le meilleur pays de la fourrure était loin au nord et à l'ouest et pourrait être mieux atteint par les navires naviguant dans la baie d'Hudson. Leur traitement au Canada indiquait qu'ils ne trouveraient pas le soutien de la France pour leur plans. Le duo va en Nouvelle-Angleterre, où ils trouvent un soutien financier pour au moins deux tentatives pour atteindre la baie d'Hudson, mais toutes deux sans succès. Leurs idées ont attiré l'attention des autorités anglaises, cependant, et en 1665 Radisson et des Groseilliers ont été persuadés d'aller à Londres. Après quelques revers, un certain nombre d'investisseurs anglais sont réunis pour soutenir une autre tentative pour la baie d'Hudson.
En juin 1668, ils partent finalement d'Angleterre, conduisant deux navires marchands affrétés par le prince Rupert, lEaglet et le Nonsuch (en), vers la baie d'Hudson par le nord. Cette nouvelle route plus courte éliminait la nécessité de passer par le fleuve Saint-Laurent contrôlé par les Français. Seul le Nonsuch arrive à destination, Des Groseilliers à son bord, car lEaglet, avarié dans une tempête, doit retourner en Angleterre avec Radisson. Des Groseilliers retourna l'année suivante en Angleterre avec une cargaison de fourrures et le succès de cette mission entraîne en 1670 la création de la Compagnie de la Baie d'Hudson.
Amérique néerlandaise
En 1613, Dallas Carite et Adriaen Block mènent des expéditions pour établir des liens commerciaux avec les Mohawks et les Mohicans. D'ici 1614, les Néerlandais envoient des vaisseaux pour s'assurer des bénéfices commerciaux de la traite des fourrures. La traite de la Nouvelle-Hollande, via le port de la Nouvelle-Amsterdam, dépend de son dépôt à Fort Orange (de nos jours, Albany), où on pense qu'une grande partie de la fourrure provenait du Canada, passée par des contrebandiers visant à éviter le monopole imposé par le gouvernement canadien.
Russie
Avant la colonisation des Amériques, la Russie était le plus gros producteur de fourrure. Elle exportait majoritairement vers l'Europe de l'Ouest et l'Asie. La principale ville d'exportation était Leipzig en Allemagne. Les fourrures les plus exploitées étaient celles de la marte, du castor, du loup, du renard, de l'écureuil et du lièvre. La découverte par l'Europe de l'Amérique du Nord fit de cette dernière un acteur majeur du commerce de la fourrure.
Traite de la fourrure maritime
Le commerce de la fourrure maritime était principalement axé sur la loutre de mer. Elles étaient vendues en Chine, ou échangées contre de la porcelaine, de la soie, du thé ou d'autres biens qui étaient ensuite revendus en Europe. Les fourrures britanniques et américaines arrivaient en Chine par le port de Canton, alors que les marchandises russes étaient importées via la Mongolie et plus précisément par la ville de Kiakhta (aujourd'hui ville russe). Bien que les Russes aient été les pionniers en ce qui concerne l'exploitation de la fourrure maritime, ce sont les Anglais et les Américains qui ont ensuite eu le monopole en chassant sur la côte de la Colombie-Britannique.
Situation présente
Selon l'Institut de la fourrure du Canada (en), il y a 60 000 trappeurs actifs dans ce pays, dont 25 000 membres des Premières nations[16]. L'élevage industriel pour la fourrure est aussi présent dans plusieurs parties du Canada[17]. En 2012, le plus grand producteur de vison, situé en Nouvelle-Écosse, a généré près de 150 millions de dollars, ce qui représente un quart de la production agricole de la province[18].
Notes et références
- ↑ Gagnon 1988, p. 45
- ↑ Gagnon 1988, p. 48
- ↑ Jean-Paul Simard, « Le dossier historique : dossiers de recherche », dans Robert Simard, Le poste de traite d'Ashuapmouchouan, Chicoutimi, Études amérindiennes, Université du Québec à Chicoutimi, , 226 p. (OCLC 16051924), p. 4
- ↑ Gagnon 1988, p. 46
- ↑ Proulx 1991, p. 26-27.
- ↑ Grabowski 1994, p. 45.
- ↑ Grabowski 1994, p. 45-46.
- ↑ Grabowski 1994, p. 47.
- ↑ Sawaya 2002, p. 21-24.
- ↑ Grabowski 1994, p. 48-49.
- ↑ Trudel 1971, p. 77.
- ↑ Grabowski 1994, p. 49.
- 1 2 Grabowski 1994, p. 49-50.
- ↑ Grabowski 1994, p. 50-51.
- ↑ Trudel 1971, p. 109-110.
- ↑ Facts and Figures
- ↑ Government of Canada (Statistics Canada) Fur Statistics, 2010
- ↑ Brett Bundale, « Fur farms may not all survive new N.S. rules », Herald (Halifax, Nova Scotia), (lire en ligne)
Annexes
Bibliographie
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Fur trade » (voir la liste des auteurs).
- Bernard Allaire, Pelleteries, manchons et chapeaux de castor : les fourrures nord-américaines à Paris 1500-1632, Québec, Éditions du Septentrion, , 295 p. (ISBN 978-2-84050-161-9)
- Russel Auraure Bouchard, Le Saguenay des fourrures : Histoire d'un monopole, Chicoutimi-Nord, Russel Bouchard, , 269 p. (ISBN 978-2-921101-02-8)
- Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle, Montréal, Plon, , 581 p.
- Gaston Gagnon, Un pays neuf : Le Saguenay-Lac-Saint-Jean en évolution, Alma, Les Éditions du Royaume, , 196 p. (ISBN 978-2-920164-08-6)
- Jan Grabowski, « Les Amérindiens domiciliés et la « contrebande » des fourrures en Nouvelle France », Recherches amérindiennes au Québec, vol. 24, no 3, , p. 45-52
- Gilles Proulx, « La mercantile fourrure », Cap-aux-Diamants : la revue d'histoire du Québec, no 27, , p. 26-29 (ISSN 0829-7983, lire en ligne)
- Jean-Pierre Sawaya, Alliance et dépendance : comment la Couronne britannique a obtenu la collaboration des Indiens de la vallée de Saint-Laurent entre 1760 et 1774, Québec, Éditions du Septentrion, , 203 p. (ISBN 978-2-89448-333-6, OCLC 54831752, lire en ligne)
- Marcel Trudel, Initiation à la Nouvelle-France : histoire et institutions, Montréal, Éditions HRW, , 299 p.
Articles connexes
En général :
- Histoire du commerce de la fourrure au Québec
- Grande paix de Montréal
- Révolte de Nathaniel Bacon
Compagnies :
- American Fur Company
- Compagnie de la Baie d'Hudson
- Compagnie du Nord-Ouest
- Compagnie de la Nouvelle-France
- Revillon Frères
Peuples :
- Dénés
Personnages :
|
|
Lieux :
|
Transports :
- Canot
- Le Griffon (bateau)
Liens externes
- La traite des fourrures en Nouvelle-France : les coureurs des bois
- Russel Aurore Bouchard, Le Saguenay des fourrures, en accès libre dans Les Classiques des sciences sociales
- Gaston Gagnon, Un pays neuf, en accès libre dans Les Classiques des sciences sociales
- Portail de l’économie
- Portail de la Nouvelle-France
- Portail du Canada
- Portail des États-Unis
- Portail des Nord-Amérindiens
- Portail de l’Empire britannique