Mythe de la création du monde en Égypte antique
Alors que la culture de l'Égypte antique peut paraître très homogène de prime abord, il existait, au moins sur les questions religieuses, de grandes variations géographiques. Ainsi, ce n'est pas une, mais plusieurs cosmogonies (mythes de la création du Monde) qui coexistaient dans les différentes parties du royaume. Les plus connues sont celles d'Héliopolis, d'Hermopolis, de Thèbes et de Syène (Éléphantine-Assouan).
Les cosmogonies se fondent toutes sur la même croyance d'un principe créateur, mais chaque nome voit dans son dieu tutélaire, le démiurge à l'origine de cette création. Ainsi les Héliopolitains voient en Rê le fondateur du monde, et les Hermopolitains Thot, etc.
Ainsi, Hérodote, qui ne croyait qu'à ce qu'on pouvait lui confirmer en plusieurs endroits, conclut de la disparité des mythes qu'il entendit lors de son voyage en Égypte, qu'au sujet des dieux, les Égyptiens n'en savaient pas plus les uns que les autres[1].
La cohérence de ce système s'explique par le fait que pour les Égyptiens, chaque démiurge local n'est qu'une manifestation d'une même puissance divine sous une multitude de formes. C'est ainsi qu'on définit parfois la religion égyptienne comme « un monothéisme dans un polythéisme » ou un monothéisme polymorphique. À l'époque amarnienne, le pharaon Akhénaton voulut concrétiser la fusion de ce syncrétisme dans un dieu universel, Aton. Cette philosophie fut cependant aussi éphémère que son précepteur.
La cosmogonie la plus répandue est celle d'Héliopolis qui a pour créateur un démiurge solaire (Rê sous l'une de ses formes) et donne une généalogie divine descendant jusqu'au dieu pharaonique Horus.
Cosmogonie memphite
Cette version de la création du monde se présente comme la plus simple, puisqu'un unique dieu, Ptah, en est l'acteur. Créant le monde par sa pensée (êtres, animaux, végétaux, etc.) puis leur donnant la vie par sa parole créatrice, en énumérant un par un le nom des éléments imaginés.
Cette version propre à la ville de Memphis est présente sur une stèle du roi Chabaka de la XXVe dynastie actuellement conservée au British Museum.
Cosmogonie héliopolitaine
Dans ce courant théologique, il existait au départ une étendue d'eau infinie et intemporelle : le Noun (métaphore probable du Nil, fleuve à l'importance prépondérante dans la société égyptienne). Puis du Néant, Atoum, le démiurge, se donna lui-même naissance et prit place sur la butte primordiale émergeant de l'eau. À partir de là, il donna naissance à un couple : Shou, mâle anthropomorphe orné d'une plume d'autruche, est le dieu de l'air et Tefnout, femelle zoomorphe (avec une tête de lionne), est la déesse de l'humidité. Cependant, la manière dont ces deux êtres furent mis au monde est contradictoire au sein même des « textes sacrés ». En effet, dans une première version, Atoum pratiqua l'onanisme et les fit naître simultanément mais dans la seconde, Shou fut craché et Tefnout éternué par Atoum. Ces deux derniers protagonistes engendreront Geb, dieu de la Terre et Nout, déesse du Ciel, s'aimant d'un amour si fort, qu'Atoum dut les séparer. Malgré cela, naquirent tout de même de leurs unions, cinq enfants : Osiris, Horus l'Ancien, Seth, Isis et Nephtys composante même de l'Ennéade d'Héliopolis (les neuf dieux descendants du démiurge Atoum : Shou, Tefnout, Geb, Nout, Osiris, Horus l'Ancien, Seth, Isis, Nephtys).
Cosmogonie hermopolitaine
Dans cette cosmogonie, Thot, le démiurge, déposa sur la butte primordiale récemment jaillie du Noun (probable métaphore du Nil en crue d'où n'émergent que les buttes) un étrange œuf. Il fut couvé par les huit entités élémentaires, quatre dieux mâles aux têtes de grenouille et leur contrepartie féminine aux têtes de serpent. Appelée l'ogdoade d'Hermopolis, elle est composée de Noun et Nounet, l'élément liquide, Heh et Hehet, l'infini, Kekou et Keket, les ténèbres et Amon et Amonet, l'élément mystérieux (ou « caché »). L'œuf finit par éclore et naquit le soleil, s'élevant alors vers les cieux. Cette cosmogonie fut apportée par la ville d'Hermopolis, Khemnou en égyptien (signifiant d'ailleurs la cité des huit, tel l'Ogdoade) mais sans pour autant apparaître homogène au sein même de ce courant théologique puisque différentes versions existent, celle-ci n'étant que la principale.
Notes
- ↑ Hérodote, II-3
Bibliographie
- Hérodote, L'Enquête [détail des éditions]
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