Fab lab
Un fab lab (contraction de l'anglais fabrication laboratory, « laboratoire de fabrication ») est un lieu ouvert au public où il est mis à sa disposition toutes sortes d'outils, notamment des machines-outils pilotées par ordinateur, pour la conception et la réalisation d'objets.
La caractéristique principale des fab lab est leur « ouverture ». Ils s'adressent aux entrepreneurs, aux designers, aux artistes, aux bricoleurs, aux étudiants ou aux hackers en tout genre, qui veulent passer plus rapidement de la phase de concept à la phase de prototypage, de la phase de prototypage à la phase de mise au point, de la phase de mise au point à celle de déploiement, etc. Ils regroupent différentes populations, tranches d'âge et métiers différents. Ils constituent aussi un espace de rencontre et de création collaborative qui permet, entre autres, de fabriquer des objets uniques: objets décoratifs, objets de remplacement, prothèses, orthèses, outils…
Pour être appelé fab lab, un atelier de fabrication doit respecter la charte des fab labs[1], mise en place par le Massachusetts Institute of Technology (MIT). Pour être identifié en tant que « fab lab MIT », il faut passer une certification et des formations, mais un fab lab n'est pas nécessairement affilié au MIT. Les fab labs sont réunis en un réseau mondial très actif, d'après son initiateur Neil Gershenfeld[2].
En France, l'État désigne ce type d'installation « atelier de fabrication numérique ».
Historique
Le concept de fab lab a été créé par Neil Gershenfeld, professeur au MIT, à la fin des années 1990 et lancé au Media Lab de cette université, en collaboration avec le « Grassroots Invention Group » et le « Center for Bits and Atoms » (CBA), également du MIT[3].
Il a commencé en explorant comment le contenu de l'information renvoie à sa représentation physique, et comment une communauté peut être rendue plus créative et productive si elle a - au niveau local - accès à une technologie.
Alors que le Grassroots Invention Group n'est plus dans le Media Lab, le Center for Bits and Atoms consortium est toujours activement impliqué dans la poursuite des recherches dans des domaines liés à la description et à la fabrication, mais il n'exploite ni n'entretient aucun des laboratoires fab lab à travers le monde, sauf le mobile fab lab.
Le concept de laboratoire fab lab découle aussi de cours très populaires au MIT : le cours (MAS.863) dont l'intitulé est « How To Make (Almost) Anything » (« Comment fabriquer (presque) n'importe quoi »), et le cours (MAS.S62) dont l'intitulé est « How To Make Something That Makes (Almost) Anything » (« Comment fabriquer quelque-chose qui fabriquera (presque) n'importe quoi »). Ces cours, très demandés, sont encore ouverts aux étudiants lors des cours semestriels d'automne.
En France, les premières initiatives sont lancées à partir de 2009[4] : Artilect FabLab Toulouse en 2009, puis Ping, Nybi.cc et Net-iki en 2011, le FacLab de l’université de Cergy-Pontoise, les LabFab de Rennes[5], de Lannion et de Montpellier en 2012…
Principes des fab labs
Les fab labs sont basés sur les principes d'ouverture et de collaboration. Ils s'appuient sur des machines de fabrication numérique et des réseaux qui permettent de s'échanger des fichiers dans le monde entier. Un objet peut donc être conçu dans un fab lab, fabriqué dans un autre et amélioré dans un troisième.
Grâce à des interfaces informatiques simplifiées, ergonomiques et de plus en plus interopérables, il devient plus facile pour des usagers non-spécialistes de prendre le contrôle d’outils techniques (écrire, illustrer, maquetter et imprimer son propre livre en ligne par exemple, avec un logiciel commercial ou libre tel que wikibook).
L'appropriation que le logiciel libre a facilitée, s'étend maintenant aux matériels libres (ou Open Hardware), et par exemple aux modalités de prototypage numérique permis par des plateformes de type Arduino ou aux prototypages physiques permis par des fab labs.
Afin d'utiliser le logo des fab labs du MIT, il est nécessaire de suivre la charte des fab labs.
Enjeux en matière de développement
Au sein de ces lieux de fabrication, la créativité individuelle est encouragée autour du terme Do It Yourself. Cette philosophie représente un modèle d'innovation centré sur l'utilisateur, décrit par Eric Von Hippel (en) : les consommateurs sont à l'origine d'une innovation ascendante, à hauteur de 77% pour les instruments scientifiques [6]
La majorité de ces innovations issues d'un utilisateur ou bricolo-créateur (maker), intéressent dans un premier temps uniquement leur propre créateur, puis son entourage ou son milieu professionnel. Par les outils numériques grandissant, la distribution de ces innovations deviendrait un enjeu économique.
Selon une hypothèse, ce serait la fin de l'obsolescence programmée, puisque la fabrication d'objets libres permettrait de remplacer les pièces usées. Donc un progrès écologique et économique majeur. Selon l'autre, au contraire, il ne serait ni rentable, ni écologiquement soutenable que chacun puisse disposer de son fab labs, mais certains des auteurs du concept espèrent un jour en faire un périphérique distant, mais courant des ordinateurs individuels, permettant la création (éventuellement collaborative et libre) de nouveaux objets, ou la réalisation d'objets directement à partir de plans disponibles librement sur le web. Des logiciels libres pouvant également être utilisés.
Son utilisation dans certains pays du tiers-monde a permis à quelques villages isolés de générer eux-mêmes des produits introuvables et/ou d'un prix inaccessible pour eux. En Afghanistan, FabFi un réseau sans fil à bas coût [7].
Enjeux sociaux, éthiques, économiques et prospectifs
Le développement de fab labs, qui dépend aussi du maintien de la « bricolabilité » et donc de l'interopérabilité des dispositifs technologies informatiques, pourrait modifier voire bouleverser une partie des logiques d'offre et demande mises en place par l'économie industrielle et de marché des XIXe et XXe siècles[8].
Selon ses usages et localisations, un outil de type fab labs pourrait en effet contribuer à appauvrir ou exploiter des sociétés ou populations déjà appauvries ou vulnérables en délocalisant et dématérialisant l'emploi et la production là où l'offre serait la moins chère (avec probablement une protection sociale, sanitaire et environnementale moindre), ou au contraire libérer certaines populations de leur dépendance à des producteurs éloignés (en diminuant les coûts de transports, frais de licence, droit de propriété intellectuelle, etc.).
De même selon la manière dont ils seront utilisés, ils pourront exacerber le gaspillage d'énergie et de ressource, ou au contraire s'inscrire dans une logique d'écodéveloppement.
La diffusion des fab labs permettrait aussi théoriquement de faciliter la production et diffusion de faux ou de copies illégales d'objets matériels.
Le fab labs peut aussi être un outil d'aide à l'insertion et à la formation de publics en difficulté. Un moyen d'amener le numérique vers des publics peu enclin à l'usage de l'informatique et ainsi contribuer à l'e-insertion, à la réduction de la fracture numérique.
Les fablabs se situent plus généralement dans une mouvance de tiers-lieu, et permettent parfois la mise en œuvre d'activités connexes comme le coworking[9]
Définition technologique
Le fab lab désigne la somme des outils nécessaires à l'utilisation combinée d'outils et l'ensemble de ces outils, qui sont par exemple :
- fraiseuse de précision ;
- découpeuse laser ;
- découpe vinyle ;
- l'imprimante 3D ne figure pas dans la liste de machines recommandées par le MIT, mais on en retrouve pourtant dans un grand nombre de fab labs.
Dans certains fab labs, on peut aussi retrouver des machines à commande numériques encore réservées à l'industrie :
- découpeuse plasma ;
- découpeuse à jet d'eau.
On y retrouve aussi des outils « standard » :
- scie sauteuse ;
- scie à ruban ;
- ponceuse ;
- perceuse à colonne ;
Selon les spécificités du fab lab, on peut y retrouver des machines particulières, par exemple :
- machine à coudre ;
- machine à broder ;
- machine à produire des circuits imprimés.
Projets iconiques des fab lab
- Fab house
- FabFi
Lieux similaires
Autour des fab labs, on trouve aussi des Techshops, makerspaces ou hackerspaces. Les fab labs sont des makerspaces spécifiques dans le sens où ils sont labellisés par la Fab Foundation et respectent la charte éditée par le MIT[10].
En France : des EPN aux fab labs
De multiples espaces publics numériques (EPN), ou cyberbases ont été ouverts en France depuis la fin des années 1990. Certains de ces lieux sont en train de se convertir en fab labs. Fin juin 2013, le gouvernement français lance un appel à projets « aide au développement des ateliers de fabrication numérique » avec pour volonté d’inciter certains des plus de 4 000 EPN qui existent dans l’Hexagone à se convertir en fab lab [11].
Le fonds devait financer une dizaine de projets à hauteur de 50 000 à 200 000 euros par projet[12]. Clos le 13 septembre 2013, l'« aide au développement des ateliers de fabrication numérique » a finalement retenu 14 projets sur 154 déposés[13]. L'annonce des lauréats a été suivie par une polémique [14] reposant sur la perception par la communauté des fablabs d'une défaillance de communication de la DGCIS vis-à-vis de l'annonce des résultats[15], sur la représentativité des projets retenus vis-à-vis des fablabs existants, voire d'une forme de conflit d'intérêt entre prescripteurs et lauréats à l'appel à projets [16],[17],[18],[19],[15]. L'État a répondu à certaines de ces critiques par l'intermédiaire d'une FAQ [20], en argumentant que « le cahier des charges n’a volontairement pas fait référence à la charte du MIT donnant des critères d’évaluation d’un fablab ». Ledit cahier des charges [21] mentionnait pourtant à deux reprises le terme "fab labs" sur la page de garde, faisant ainsi directement écho à la charte des fablabs du MIT, et indiquait au paragraphe 2 « Les projets susceptibles d’être soutenus devront être portés par un atelier de fabrication numérique (fab lab) et présenter des dépenses et investissements permettant d’aboutir à une amélioration du service rendu dans les structures existantes. ».
Certains fablabs en France pourraient trouver un soutien, dans le cadre des 215 millions d'euros dédiés à la « French Tech »[22], le cahier des charges du programme de la French Tech intégrant la nécessité pour le territoire candidat de comporter un fablab.
En guise de concrétisation du programme d'aide du Gouvernement français, on peut citer l'ouverture en octobre 2014 de l'usine IO[23], au cœur de Paris ; cofinancé par les fonds publics, Xavier Niel et Jacques-Antoine Granjon, les 1 500 m2 ont nécessité un investissement de 700 000 €. Les abonnés peuvent disposer du matériel coûteux mais en libre service — imprimante numérique, fraiseuse laser — pour réaliser le prototypage de leurs projets.
Le ministère de l'économie a en outre fait réaliser une étude sur le rôle et la place de ces ateliers de fabrication numérique, étude qui doit être rendue publique mi-octobre 2014[24].
Ces lieux d'innovation et de partage permettent de reprendre la main sur la technologie[25], par exemple organisant des séances d'initiation à l'autoconstruction d'imprimantes 3D[26], des formations à des logiciels de modélisation 3D[27] ou en apprenant à assembler un ordinateur dans un bidon : Jerry Do-It-Together.
Formation dans les fab labs
Pour pleinement prendre possession d'un fab lab et de tous ces outils, il est nécessaire de se former à l'utilisation des machines, de savoir coder et utiliser l'électronique (par exemple : outil open source Arduino).
Réseau des fab labs
Les fab labs fonctionnent selon un principe de mise en réseau afin de favoriser l'échange et le partage des connaissances.
Fab labs dans le monde
Un programme fab lab fait partie du Center for Bits and Atoms (en) (CBA, au Massachusetts Institute of Technology), qui explore les liens entre l'information et sa représentation physique.
En juin 2008, il existe trente-quatre fab labs, répartis dans dix pays.
En août 2012, l'International Fab Lab Association dénombre 149 fab labs. Il en existe probablement plus qui n'ont pas fait la démarche de s'y inscrire.
D'autres sites se définissent comme fab lab sans adhérer à la charte. Quelques-uns se déclarent toutefois « dans l'esprit de la charte ».
Notes et références
- ↑ (en) « charte des fab labs », MIT, (consulté le 15 mars 2013)
- ↑ « Le "do it yourself" prend de l'ampleur à Grenoble grâce au Fab Lab de la Casemate », sur France 3 (consulté le 16 février 2014)
- ↑ Faclab.org Les Fab Labs : un concept né au Mit consulté le 17 mars 2014
- ↑ Raphaël Moran, « Au « fab lab », fabriquez vous-même votre machine à laver », sur blogs.rue89.nouvelobs.com,
- ↑ http://www.asso-bug.org/actualites/lancement-du-labfab-de-rennes-du-20-au-24-f-vrier-2012
- ↑ (en) Eric von Hippel, Democratizing Innovation, MIT Press (lire en ligne)
- ↑ Demain, des usines dans nos salons
- ↑ (fr) Arthur Jauffret, « Des fab labs pour changer le monde ? », RSLN Microsoft, (consulté le 15 mars 2013)
- ↑ http://coworking.fablab-lannion.org
- ↑ François Bottollier-Depois, « FabLabs, makerspaces : entre nouvelles formes d'innovation et militantisme libertaire », Observatoire du Management Alternatif, (lire en ligne)
- ↑ http://www.01net.com/editorial/598555/fabrication-numerique-le-gouvernement-veut-aider-les-fablabs-a-percer/
- ↑ Gilbert Kallenborn, « Fabrication numérique le gouvernement veut aider les fablabs à percer », 01Net, (consulté le 15 septembre 2013)
- ↑ http://www.redressement-productif.gouv.fr/appel-a-projets-fablab-14-dossiers-retenus
- ↑ http://www.lagrottedubarbu.com/2013/12/17/coup-de-gueule-appel-a-projet-du-ministere-sur-les-fablab-ou-comment-nous-nous-sommes-faits-fleurettifies/
- 1 2 http://lists.imaginationforpeople.org/pipermail/fablab-fr/2013-December/001424.html
- ↑ http://lists.imaginationforpeople.org/pipermail/fablab-fr/2013-December/001420.html
- ↑ http://lists.imaginationforpeople.org/pipermail/fablab-fr/2013-December/001478.html
- ↑ http://lists.imaginationforpeople.org/pipermail/fablab-fr/2013-December/001487.html
- ↑ http://lists.imaginationforpeople.org/pipermail/fablab-fr/2013-December/001464.html
- ↑ http://www.entreprises.gouv.fr/secteurs-professionnels/faq-appel-a-projets-aide-au-developpement-des-ateliers-fabrication-numerique#criteres
- ↑ http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/secteurs-professionnels/aap/fab-labs/appel-projets-Fab-labs-2013-cahier-charges.pdf
- ↑ http://www.boursier.com/actualites/macroeconomie/resultats-de-l-appel-a-projets-fablab-aide-au-developpement-des-ateliers-de-fabrication-numerique-558910.html
- ↑ (fr) Site officiel de l'usine IO.
- ↑ [radio] Catherine Pétillon, une usine d'un nouveau genre, en plein Paris, encouragé par des fonds publics et des investisseurs privés, France Culture (reportage radiophonique) (no Journal de 8h), (présentation en ligne, écouter en ligne). Diffusé le 1er octobre 2014 sur France Culture.
- ↑ L'Express Innovation et partage la révolution des fab lab 22 février 2014
- ↑ http://academy-mon-club-elec.fr/stage-3j-impression-3d-construction-dune-imprimante-3d-opensource-la-prusa-i3-rework/
- ↑ http://fablab-lannion.org/wp-content/tutos/openscad/
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Fabien Eychenne, Fab Lab : L'avant-garde de la nouvelle révolution industrielle, FYP Éditions, coll. « "La fabrique des possibles" », , 112 p. (ISBN 978-2916571768)
- Chris Anderson, Makers : La nouvelle révolution industrielle, Pearson, coll. « Les temps changent », , 340 p. (ISBN 978-2744064685)
- (en) Neil Gershenfeld, Fab : the coming revolution on your desktop--from personal computers to personal fabrication, Basic Books, , 288 p. (ISBN 0465027458)
- (en) Neil Gershenfeld, Les Fab Labs, par Neil Gershenfeld, filmé en février 2006 (lire en ligne)
- (en) J. Walter-Herrmann & C. Büching (ed.), FabLabs: Of Machines, Makers and Inventors, Bielefeld, Transcript Publishers
- (en) Paulo Blikstein, Digital Fabrication and ’Making’ in Education: The Democratization of Invention, 2013 (lire en ligne)
Articles connexes
- Anthropologie numérique
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Liens externes
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