Couronne de France
La couronne de France est le symbole, physique ou non, de la souveraineté politique du roi sur le Royaume de France.
Comme dans tous les cas d'héritage et de succession[1], l'héritier du roi défunt est roi de France à l'instant même de la mort de son prédécesseur[2], mais il n'est investi de la puissance royale qu'après avoir été coiffé de la couronne de France au cours d'une cérémonie codifiée appelée le sacre.
Le terme Couronne (avec une majuscule) était équivalent de celui d'État lorsqu'on parlait sous l'Ancien Régime de domaine de la Couronne: il désigne la personnalité juridique du royaume, distincte de celle des rois. Les biens de la Couronne sont indisponibles, inaliénables et imprescriptibles. Ils ne sont propriété ni des souverains, ni de leur entourage.
Actuellement, sous la Ve République, la couronne de France est considérée comme « dormante », le président de la République occupant les fonctions d'un « régent », d'après les fonctions définies par la Chambre des députés au début de la IIIe République[3].
Dévolution de la Couronne
Le mode de désignation des rois était à l'origine l'élection, comme en général pour tous les héritiers dans les sociétés traditionnelles. Mais il s'agissait d'une élection entre un très petit nombre de candidats dynastes, choisis dans la ou les familles princières selon des règles coutumières, et d'un nombre d'électeurs réduit aux chefs des clans ou des familles qui dépendent de sa couronne.
Ce système a d'abord laissé la place en France à des règles de succession qui ont d'abord admis le partage de la royauté entre plusieurs héritiers. Ce fût le cas chez les Carolingiens, en particulier après le Traité de Verdun par Charlemagne, ce qui pour lui était concevable puisqu'il était empereur. Ensuite, à la désignation du successeur par le roi parmi ses fils, puis la dévolution légale au seul fils aîné, avec une élection qui s'est progressivement réduite à la participation au sacre des douze pairs de France (représentants des 12 grands fiefs de la couronne) et à une acclamation populaire lors du couronnement.
Philippe Auguste est le dernier roi de France ayant été sacré du vivant de son père. À partir de lui, la succession directe par primogéniture est établie.
L'avantage de cette réduction de l'élection à un mécanisme légal étant d'éviter les infanticides, complots et autres guerres de succession entre les différents partis des candidats, guerres d'autant plus féroces que les femmes et les concubines royales y étaient parfois parties prenantes[4].
Afin de s'assurer avec certitude de la filiation, les reines de France sont tenues d'accoucher en public. L'acte de conception est également fait devant témoins, assurant sur leur honneur de la légitimité de l'enfant à naître.
Quel que soit le mode d'accession au trône, la royauté tire son autorité dans une certaine forme de continuité, résumée en France par l'expression : « Le roi est mort, vive le roi ». Il n'y a pas d'idée de rupture, la légitimité venant de la sacralité de la fonction et la continuité étant le signe de la permanence du lien. La fonction royale en tant que telle est immortelle, puisque sacrale ; le roi d'une certaine manière se retrouve dans ses descendants, ou ses successeurs.
En cas de vacance du pouvoir (exil, minorité, incapacité, captivité), la royauté est exercée par un régent -généralement la reine, en tant que tutrice du Dauphin, fils héritier du roi- et, à défaut, à un prince de sang élu par un conseil de régence.
Principes de dévolution
La dévolution de la Couronne est l'objet principal de ces coutumes : elles ont toutes pour finalité d'empêcher que le royaume passe en des mains étrangères (notamment aux rois d'Angleterre, ennemis héréditaires des Français).
- L’hérédité : le fils du roi succède à son père. Les premiers Capétiens font sacrer leur fils de leur vivant. Philippe Auguste (1180-1223) n'estime plus cette précaution nécessaire, le principe étant bien ancré et admis.
- La primogéniture : le plus âgé des fils du roi devient roi. À la mort de Hugues (1026), fils aîné de Robert II, ce dernier fait sacrer son fils cadet Henri, le futur Henri Ier, alors devenu ainé.
- La masculinité : les filles sont écartées de la succession. La raison première de cette règle est la volonté d'éviter que le royaume ne passe entre des mains étrangères en tant que dot. La loi salique est une réinterprétation a posteriori d’une loi civile très ancienne des Francs saliens, rafraîchie au VIIIe siècle par les Carolingiens sous le nom de lex salica carolina. Deux adages en sont tirés : "le royaume de France ne saurait tomber de lance en quenouille" (la lance étant un attribut masculin et la quenouille, un attribut féminin) et "Nemo ad alium transfere potest quam ipse habet" (on ne peut transmettre plus de droits que l'on en possède), donc une femme ne peut transmettre des droits de succession qu'elle-même n'a pas.
- La collatéralité masculine : en cas d’absence de fils héritier, la Couronne revient au plus proche parent mâle du roi. En 1589, Henri III et Henri de Bourbon (le futur Henri IV), étaient cousins issus de germains, respectivement, par leur grand-père paternel et leur grand-mère maternelle mais seulement parents au 21e degré selon la collatéralité masculine.
- L’indisponibilité de la Couronne : la Couronne n'appartient pas au roi. Il ne peut ainsi ni désigner son successeur, ni renoncer à la Couronne, ni abdiquer, ni modifier la succession d'une quelconque manière. Elle fut notamment rappelée pour casser le testament de Louis XIV, qui incorporait ses deux fils légitimés, titrés respectivement Duc du Maine et Comte de Toulouse, à la succession au trône au cas où il n'y aurait plus d'autre descendant. Elle est également utilisée dans l'argumentaire des légitimistes d'aujourd'hui, dans le cadre des querelles dynastiques actuelles les opposant aux orléanistes.
- La continuité de la Couronne (ou instantanéité de la Couronne) : lorsque le roi meurt, sa personnalité de roi ne s'éteint pas, même si son successeur n'est pas encore effectivement sacré roi. Deux adages en sont la conséquence : « Le Roi est mort ; vive le Roi ! », prononcé pour la première fois en 1498 à la mort de Charles VIII par le héraut d'armes. S'ajoutait le principe selon lequel « le Roi ne meurt jamais » : ainsi, le Chancelier ne portait jamais le deuil, puisque la justice ne pouvait être suspendue à aucun moment. Pratiquement, lorsque le roi était sacré (ce qui pouvait prendre plusieurs années en cas de crise dynastique) , on en faisait remonter les pouvoirs au moment du décès de son prédécesseur comme si son règne avait commencé à ce moment-là. On trouve la même fiction d'une saisie de l'héritier au moment exact du décès en droit civil français avec l'adage selon lequel la mort saisit le vif.
- La catholicité : le roi doit être catholique. Si cette règle sembla longtemps évidente, c’est le problème de la succession de Henri III qui la fit formuler clairement (édit d'Union). Henri de Navarre était le nouveau roi par les règles précédentes mais était protestant. C’est l’arrêt du président du Parlement de Paris Lemaistre en 1593 qui mettait toutes ces lois fondamentales sur le même plan qui trancha. Henri IV abjura le protestantisme (25 juillet 1593), fut sacré à Chartres (27 février 1594), ce qui lui permit d’être roi aux yeux du peuple.
- L'inaliénabilité du domaine : les biens de la Couronne ne peuvent être ni engagés, ni aliénés, ni prescrits. Cette règle ne concerne que le domaine souverain, et pas le petit domaine du roi.
Indisponibilité de la couronne
La couronne est indisponible. Cela veut dire :
- qu'il n'appartient pas plus au roi ou à un conseil de désigner le successeur au trône, mais qu'elle se transmet au décès du roi de par le simple effet de la loi.
- qu'elle est dévolue à la naissance et ne change de tête qu'à la mort du prédécesseur. Il n'y a pas d'abdication ou de refus possible de la couronne de France.
- que le roi (ou celui qui en tient lieu) n'en est pas le propriétaire. Il n'a à ce titre pas le pouvoir de la céder ou de l'engager à une personne étrangère.
Héritiers présomptifs
Selon la logique de succession des lois fondamentales, la Couronne de France est aujourd'hui revendiquée par les deux princes suivants :
- Louis de Bourbon (né en 1974), « duc d'Anjou », chef de la Maison de Bourbon et prétendant légitimiste au Trône de France en sa qualité d'ainé des ainés des descendants de Philippe V d'Espagne, le petit-fils de Louis XIV;
- Henri d'Orléans (né en 1933), « comte de Paris », chef de la Maison d'Orléans et prétendant orléaniste au Trône de France en sa qualité d'ainé des ainés des descendants de Louis-Philippe, dernier roi ayant régné en France.
Domaine de la Couronne
Domaine royal
Les rois de France ont considéré leur domaine d'Ile-de-France comme le domaine propre de la Couronne, bien transmissible avec elle. Lors de la succession royale de 1316 (effective en 1328 seulement à l'avènement de Philippe de Valois), seules la Navarre et la Champagne, qui n'étaient pas des biens de la Couronne, ont fait l'objet d'une transaction. La Navarre -en tant que royaume indépendant- est retournée dans la descendance de la reine Jeanne (1271-1305), et la Champagne a été intégrée au domaine royal, en échange de compensations territoriales.
Au cours des XIIIe-XVIIIe siècle, ce domaine royal a été régulièrement augmenté, ne laissant à la veille de 1789, que quelques petits domaines féodaux possédés de manière suzeraine.
Résidences d'État
- Palais de la Cité (Paris) : l'une des plus anciennes résidences royales jusqu'à Charles V. Les institutions royales de la Couronne, notamment la Justice royale, s'y sont maintenues jusqu'à la Révolution française, et au-delà, jusqu'à nos jours. La Sainte-Chapelle y a été édifiée à l'époque où saint Louis y résidait (partie résidentielle détruite).
- Palais du Louvre : fut utilisé de Charles V à Louis XIV (cour carrée).
- Hôtel Saint-Pol : Après l'invasion du palais de la Cité par les bourgeois d'Etienne Marcel en 1358, Charles V, alors dauphin, aurait décidé la création d'un nouvel hôtel princier dans l'est de Paris, à l'emplacement de l'actuelle église Saint-Paul, dans le Marais. Le roi, qui ne voulait plus résider au palais de la Cité, se trouvait déjà être logé à cet endroit car il était l'hôte de l'archevêque de Sens. Sous Charles V et Charles VI (1380-1422), l'hôtel Saint-Pol fut résidence royale : les cinq enfants du premier (qui furent baptisés à l'église Saint-Paul voisine) et six des douze enfants du second y naquirent. L'hôtel était également le siège du gouvernement : Charles V y installa les réunions du Grand Conseil et des maîtres des Requêtes alors que le reste de l'administration demeurait sur l'île de la Cité. La construction de l'hôtel Saint-Pol s'inscrit dans la politique menée par Charles V d'aménagement et de multiplication des résidences royales en Île-de-France (le Louvre, Vincennes, Beauté, Saint-Ouen, Saint-Germain-en-Laye, Creil, Montargis, Melun).
- Château de Vincennes : fait partie des ouvrages militaires établis par Philippe Auguste autour de Paris. Il fut une résidence usuelle jusque sous Charles V, puis sous Louis XIV lorsqu'il ne résidait pas au Louvre, avant l'installation à Versailles.
- Château de Beauté
- Château de Saint-Ouen
- Château de Creil acheté par Louis IX, Charles le Bel y nait en juin 1294, Charles V de France rachète en 1375 la seigneurie à Wenceslas, fils de Béatrice de Bourbon et de Jean Roi de Bohême et comte de Luxembourg. Charles VI de France, atteint de folie, y est envoyé en résidence.
- Château de Montargis, depuis Philippe-Auguste
- Palais royal, construit par le Cardinal de Richelieu, a servi de résidence royale sous la Fronde, avant d'être donné à la famille d'Orléans.
- Château de Compiègne : l'une des plus anciennes résidences de la Couronne. S'y sont succédé les Mérovingiens, les Carolingiens, les premiers Capétiens, les branches de Valois à partir de Charles V, les Bourbons sous Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI (qui le réaménagea complètement), Louis XVIII, Charles X, les Orléans avec Louis-Philippe Ier. Sous le Premier et le Second Empire, il fut la résidence de Napoléon Ier et de Napoléon III.
- Château de Fontainebleau : l'une des résidences les plus importantes de la Couronne de France, depuis Louis VII jusqu'après Révolution française.
- Château de Saint-Germain-en-Laye : résidence royale depuis François Ier jusqu'à Louis XIV, puis pour recevoir les rois Stuart en exil (le château neuf a été détruit).
- Château de Chambord : édifié par François Ier. Il servit jusqu'à la Révolution de manière épisodique ou pour recevoir des hôtes de rang royal (roi Stanislas).
- Palais des Tuileries (Paris) : annexe campagnarde du Louvre, relié à ce dernier par Henri IV, puis habité par Louis XIV, Louis XVI, et enfin Louis XVIII (détruit).
- Château de Versailles : bâti par Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, avec ses Trianons.
- Château de Saint-Cloud : sous Louis XVI et Louis XVIII (détruit).
Notes et références
- ↑ En vertu du principe: "La mort saisit le vif."
- ↑ Ce qui fait dire que "le roi ne meurt pas", ou : "Le roi est mort, vive le roi".
- ↑ « Le septennat du maréchal de Mac-Mahon, constitué au lendemain de l'échec de la fusion, nous donnait un délai de quelques années pendant lesquelles la porte restait ouverte à la monarchie : le comte de Chambord pouvait réfléchir et revenir sur ses prétentions, ou la France se résigner à les accepter. Nous donnions ainsi du temps et en quelque sorte de la marge aux événements. Le trône restait vacant et j'avais réussi à y faire asseoir, sous le nom de président, un véritable lieutenant-général du Royaume, prêt à céder la place, le jour où le Roi aurait été en mesure de la prendre », de Broglie, « Mémoires, IIIe partie, l'avènement de la République (II) », in La Revue des Deux Mondes, tome LIV, 1er décembre 1929, p. 594.
- ↑ Augustin Thierry, Récits des Temps mérovingiens, adaptation romancée de l' Histoire des Francs de Grégoire de Tours.
Articles connexes
- Lois fondamentales du royaume
- Domaine
- Royauté.
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