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Classification scientifique des espèces

Classification scientifique des espèces

Dans les sciences du vivant, la classification scientifique des espèces (que l'on peut donc aussi appeler « classification biologique ») correspond autant à la systématique, qui est la méthode ou ensemble de méthodes pour classer le vivant, qu'à la taxinomie, qui est la classification elle-même, résultante de l'application de la méthode. Les méthodes de la classification dite classique ou traditionnelle ont été dominantes jusqu'à la seconde moitié du XXe siècle, marquée par l'apparition, en 1950[1], de la systématique phylogénétique ou cladistique.

Les termes concernés par les différentes classifications ne bénéficient pourtant pas d'une définition unanimement admise, chaque ouvrage scientifique, chaque dictionnaire et, pour ainsi dire, chaque auteur ayant la sienne. Comme écrivait Small (1989)[2] : « L'ironie est de constater que les spécialistes en classification biologique n'ont pas réussi à se doter d'une claire systématique et d'une claire nomenclature à l'intérieur de leur propre champ d'activité et de ses composants […]. »

La science du concret

Le besoin de classer semble être lui-même un caractère inhérent à l'espèce humaine. Des psychologues ont observé que le nourrisson classe le monde en « bons suçables » et « mauvais suçables ».[réf. souhaitée]

C'est par l'observation des organismes vivants et par leur comparaison que Homo sapiens a défini des taxons élémentaires correspondant souvent au genre et à l'espèce, eux-mêmes classés dans un système.

De la diversité des classifications

Liée à une culture, à un état d'avancement des connaissances, toute classification évolue avec les sociétés elles-mêmes. En outre le découpage conceptuel varie avec chaque langue (y compris les langues de métier), chaque civilisation ou spécialité ayant tendance à surestimer l'objectivité de sa pensée classificatrice.

Alors que la société traditionnelle se modifie peu, ou ne le fait que très lentement, c'est l'inverse pour les sociétés dites scientifiques, beaucoup plus changeantes et, par ailleurs, indépendantes les unes des autres, ce qui explique la multiplicité de classifications.

Classification populaire

Première en date, c'est elle qui « primitivement » (et vernaculairement) a permis de distinguer les genres et les espèces. Elle conserve encore, de nos jours, son importance. Fondée sur des critères simples : l'apparence, les mœurs supposées, les cris, etc., elle ne s'embarrasse guère de données scientifiques. Devant l'inconnu, elle procède par extension et/ou assimilation : par exemple, la souris → la chauve-souris → le kiwi (couvert de poils, le kiwi était pour les Chinois assimilable à une souris végétale…). Toutefois, le mécanisme universel de l'assimilation et fondé sur une étape de l'observation se retrouve aussi dans la formation des noms scientifiques. La science des hommes n'étant, après tout, « qu'une suite d'erreurs... rectifiées » (Georges Becker).

Elle distingue de même les hiboux des chouettes, les crapauds des grenouilles, les rats des souris, etc., toutes espèces apparentées qui, dans l'esprit de certains, sont censées être maris et femmes. Ainsi le hibou serait le mâle de la chouette, le crapaud celui de la grenouille, le corbeau celui de la corneille, etc. Bien sûr, cela varie selon les langues et n’a, par exemple, aucun sens en anglais (dans Tom et Jerry, bien que ce soit une souris, Jerry est un mâle, comme le confirment de nombreux épisodes).

Classification « primitive »

La vision ethnocentrique qui préjuge d'une supériorité de l'homme moderne sur le primitif est invalidée par de très nombreux travaux comparatifs en anthropologie moderne.

Ces études montrent en effet que, dans tous les cas où l'homme prétendu « primitif » ou sauvage (pour son économie de subsistance) est resté intégré à son milieu, son sens aigu d'observation et sa pleine conscience des rapports entre la vie animale et végétale, qui ne laissent pas d'étonner les scientifiques, constitue une science considérable.

Ainsi, d'après Claude Lévi-Strauss, les indiens Navajos distinguent plus de 500 plantes, les Hanunóo des îles Philippines classent les oiseaux en 75 catégories et divisent leur flore locale, au plus bas niveau, en plus de 1 800 taxons, alors que les botanistes distinguent pour la même flore moins de 1 300 espèces, d'un point de vue scientifique moderne.

Par exemple, dans une population « arriérée » des îles Ryūkyū, le botaniste A.H. Smith rapporte que « même un enfant peut souvent identifier l'espèce d'un arbre d'après un menu fragment de bois et, qui plus est, le sexe de cet arbre selon les idées qu'entretiennent les indigènes sur le sexe des végétaux; et cela en observant l'apparence du bois et de l'écorce, l'odeur, la dureté et d'autres caractères du même ordre ». Les observations de ce type abondent.

L'enseignement qu'on en retire est un rappel de l'évidence : quand on a la prétention de classer scientifiquement l'univers, il importe de recueillir de la façon la plus large possible, l'héritage de tous les classificateurs, qu'ils soient passés ou présents ou quel que soit leur niveau d'éducation.

Classification traditionnelle ou classique

classification classique
Règne : Animal
Règne : Plante
Règne : Champignon
Règne : Protiste
Règne : Bactérie
Règne : Archée
Article détaillé : Classification classique.

Continuellement enrichie depuis sa création princeps, la classification traditionnelle (ou classique) des espèces, actuellement obsolète mais encore défendue par quelques auteurs, est issue de celle de Linné. Elle reste importante dans la mesure où elle est présente dans de nombreux ouvrages et est utilisée dans la gestion de collections. Linné commença par diviser les êtres naturels en trois règnes, un pour le monde minéral et deux autres pour le monde vivant, les règnes végétal et animal. Le nombre de règnes eut tendance ensuite à s'accroître au fur et à mesure que les systématiciens prenaient conscience de la complexité du monde vivant. On ajouta ainsi le règne fungi (les champignons) et plus tard les règnes protiste (eucaryotes unicellulaires) et monère (procaryotes unicellulaires). Actuellement, la classification traditionnelle est telle que six règnes divisent le monde vivant :

L'espèce est l'unité de base de la hiérarchie du vivant.

La classification traditionnelle est fondée sur des caractères multiples (biologiques, phénotypiques, physiologiques). Dans de nombreux cas, le critère est la présence d'un caractère, s'opposant à son absence, considérée comme primitive (par exemple vertébrés et invertébrés). Mais les taxons définis par l'absence d'un caractère se sont révélés, à l'usage, très fragiles et les méthodes modernes de classification (phylogénétique, cladistique, phénétique ou évolutive, entre autres) ont tendance à les invalider.

La classification traditionnelle repose sur une hiérarchie fixe de catégories (les rangs de taxon), définie de la façon suivante :

(vivant) → règneembranchementclasseordrefamillegenreespèce

À titre d'exemple, pour l'espèce humaine (Homo sapiens) :

(vivant) → règne animal → embranchement des vertébrés → classe des mammifères → ordre des primates → famille des hominidés → genre Homo → espèce Homo sapiens

Un Moyen mnémotechnique connu permettant de retenir cette classification est le suivant : "Reste En Classe Où Fais Grandes Études". La première lettre de chacun des mots permet de retrouver respectivement :

La classification classique évolue en tenant compte des avancées en classification systématique phylogénétique (voir ci-dessous). Le terme embranchement est remplacé maintenant par division ou phylum, et la classification admet au-dessus de ce niveau des sous-règnes, (ainsi que des super-divisions et sous-divisions en dessous). Au-dessus du règne, on parle maintenant d'empire (bien que souvent non présenté dans les arbres phénétiques car implicite et largement documenté par ailleurs) :

(vivant) → (empire →) règne (→ sous-règne) → divisionclasseordrefamillegenreespèce

Classification phylogénétique

Article détaillé : classification phylogénétique.

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, la classification traditionnelle s'est vue de plus en plus remplacée par la classification phylogénétique, qui est uniquement fondée sur le modèle évolutif et la notion d'ascendance commune (ou phylogénie). Les taxons sont désormais obtenus par sa méthode, la méthode cladistique. Cette nouvelle classification ne valide que des groupes monophylétiques (ceux qui incluent un ancêtre et tous ses descendants) et permet de mieux visualiser les embranchements du vivant constitués par différenciations successives au cours du temps.

La hiérarchie fixe de catégories (les rangs taxinomiques : espèce, genre, famille, etc) est abandonnée au profit d'un système de taxons emboîtés les uns dans les autres, système exprimé par le biais de cladogrammes. Chaque taxon devient ainsi une ramification de taxons subordonnés entre eux, un clade.

La classification traditionnelle en cinq règnes a été ramenée à trois domaines, les premiers de la classification de l'ensemble du vivant :

  • Les eubactéries sont des organismes unicellulaires à structure procaryote (leur matériel génétique n'est pas enfermé dans un noyau). Ils possèdent une paroi cellulaire constituée de peptidoglycane.
  • Les archées sont des organismes unicellulaires à structure procaryote. Ils possèdent une paroi cellulaire constituée de lipides spécifiques. D'un point de vue écologique, ce sont souvent (mais pas toujours) des extrêmophiles.
  • Les eucaryotes peuvent être unicellulaires ou multicellulaires. Leur matériel génétique est enfermé dans un noyau délimité par une membrane ; ils possèdent des mitochondries ; la multiplication cellulaire a lieu par mitose ; l'ADN est divisé en chromosomes et ils présentent une reproduction de type sexuée.

Savoir lesquels de ces trois groupes partagent un ancêtre commun qui les distingue du troisième est un sujet de recherche, comme le sont d'ailleurs tous les taxons non divisés en deux autres taxons (les « arbres non enracinés »). Certains chercheurs ont déjà proposé leur propre cladogramme, faisant de deux de ces trois clades les deux premiers de leur classification globale du vivant.

Les premiers travaux de la classification phylogénétique ont d'abord consisté à corriger les taxons de la classification traditionnelle mais en l'état actuel des choses les chercheurs travaillent uniquement sur la construction de cladogrammes, en ayant abandonné les arbres généalogiques et les rangs taxinomiques de l'ancienne classification et en la rendant par là même obsolète. La classification traditionnelle ne survit que dans certains manuels scolaires non actualisés ou chez une minorité d'auteurs qui cherchent encore à la faire appliquer, en attribuant aux anciens rangs taxinomiques (ou même en créant de nouveaux) les nouveaux taxons obtenus par la méthode de la classification phylogénétique[3].

Présentation formelle

La langue utilisée par les scientifiques pour décrire (diagnose originale) et nommer les espèces vivantes est le latin. Une espèce est désignée par un binôme, combinant un nom de genre commençant par une majuscule suivi d'une épithète spécifique (entièrement en minuscules) et, autant que possible suivie de la citation abrégée du nom de l'auteur (en botanique) ou en entier (en zoologie) qui a le premier décrit l'espèce sous ce nom; le nom complet est en italique. Donnons un exemple pour chaque règne :

  • Homo sapiens Linnaeus, 1758 ;
  • Escherichia coli Escherich, 1885 ;
  • Amanita phalloides (Vaill., ex Fr.) Link, 1833 ;
  • Mus musculus Linnaeus, 1758 ;
  • Pulsatilla vulgaris Mill., 1754.

Traditionnellement, et jusqu'à la fin du siècle dernier, les principales langues scientifiques étaient, à égalité : l'allemand, l'anglais, l'espagnol, le français et l'italien (les codes de nomenclatures, par exemple, étant simultanément édités en 5 langues officielles). Mais de nos jours, dans les publications et communications, l'anglais se positionne de plus en plus en concurrence avec le latin et le supplante même parfois.

Suffixes indiquant le rang taxinomique

La nomenclature de la classification classique a établi une terminologie codifiée qui permet, au vu de la seule terminaison (ou suffixe) d'un taxon quelconque, de savoir quel est son rang taxinomique dans la hiérarchie systématique. L'utilisation de rangs, comme ceux illustrés sur le tableau ci-dessous, ne survit que chez les quelques systématiciens qui expriment leur volonté d'adapter les taxons obtenus par analyse cladistique à l'ancien système linnéen de la classification classique.

Domaine \ Empire Procaryote Eucaryote
Rang \ Règne Bactéries et Archées
Bacteria et Archaea
Plantes
Plantae
Algues
Algae
Champignons
Fungi
Animaux[4]
Animalia
Embranchement, Division ou Phylum ... -phyta -mycota ...
Sous-embranchement, Sous-division ou Sous-phylum ... -phytina -mycotina ...
Classe ... -opsida -phyceae -mycetes ...
Sous-classe ... -idae -phycidae -mycetidae ...
Super-ordre ... -anae[réf. nécessaire] ... ...
Ordre -ales ...
Sous-ordre -ineae ...
Infra-ordre ... -aria[réf. nécessaire] ... ...
Super-famille ... -acea ... -oidea
Famille -aceae -idae
Sous-famille -oideae -inae
Tribu -eae -eae, ae -ini
Sous-tribu -inae -ina
Genre -us, -a, -um, -is, -os, -ina, -ium, -ides, -ella, -ula, -aster, -cola, -ensis, -oides, -opsis…

Au-dessous du rang de genre, tous les noms de taxons sont appelés combinaisons. Bien qu'elles ne figurent pas dans ce tableau, la plupart reçoivent également une terminaison latine plus ou moins codifiée selon les disciplines. On distingue plusieurs catégories de combinaisons :

  • Entre genre et espèce (sous-genre, section, sous-section, série, sous-série, etc), les combinaisons sont infragénériques et binominales: nom de genre, puis après indication du rang, une épithète infragénérique, par exemple le cèpe appartient à la section « Boletus sect. Edules » ;
  • Au rang d'espèce, les combinaisons sont spécifiques et binominales ;
  • Au-dessous de l'espèce les combinaisons sont infraspécifiques et trinominales.

Les terminaisons de ces épithètes suivent les mêmes règles de syntaxe latine et d'exception que les épithètes spécifiques.

Pour les détails, chaque discipline biologique ayant des règles nomenclaturales sensiblement différentes, voir les articles suivants :

  • Rang (bactérien)
  • Rang (botanique)
  • Rang (zoologique)

Notes et références

  1. HENNIG, Grundzüge einer Theorie der phylogenetischen Systematik, Deutscher Zentralverlag, Berlin 1950
  2. in K.J. Sytsma et J.C. Pires, 2001, Taxon 50, p. 726
  3. (en) Colin Tudge, The Variety of Life, Oxford, Oxford University Press, , poche (ISBN 978-0-19-860426-6).
  4. Pour le règne animal, des suffixes par défaut sont seulement mis en place à partir du rang (zoologique) de super-famille (ICZN article 27.2).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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  • Portail de la biologie
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