Banquiers lombards
Le terme banquiers lombards ou plus simplement Lombards fait référence aux prêteurs sur gages du Moyen Âge, un type de banque qui apparaît en Lombardie, région prospère du nord de l'Italie. Le terme est parfois utilisé dans un sens péjoratif et certains ont été accusés de pratiquer l'usure.
Histoire
Au Moyen Âge, l'interdit chrétien qui frappait le fait de prêter de l'argent contre le paiement d'intérêts rendait l'activité de banquier pécheresse. Bien que le pape Léon le Grand ait interdit les intérêts sur les prêts par le droit canonique, il n'était alors pas interdit de prendre un collatéral sur ces prêts d'argent. Les prêteurs sur gage opéraient sur la base d'un contrat qui fixait à l'avance le montant de l'amende en cas de non-respect des termes du prêt « sans intérêts », ou de manière alternative, ces contrats prévoyait une vente-rachat par l'emprunteur où le montant des intérêts est compris dans le prix de rachat. Des conventions similaires existent aujourd'hui dans la finance islamique. Différentes manières de contourner l'interdiction sont mises au point, de telle sorte que les petits prêteurs sur gage pouvaient s'associer et réduire ainsi leur risque en prêtant à plusieurs aux grandes entreprises. Le christianisme et le judaïsme interdisent généralement l'usure, mais l'autorisent envers les pratiquants d'une autre religion. Ainsi, les Chrétiens pouvaient prêter aux Juifs et vice versa. Les seuls pré-requis pour un jeune homme désireux de travailler chez un prêteur sur gage au Moyen Âge était de savoir lire et écrire ; les méthodes utilisées pour la comptabilité étaient soigneusement conservées au sein des familles avant de se répandre le long des principales routes commerciales. Les Jésuites [réf. nécessaire] jouent alors le rôle d'intermédiaires auprès des monarques catholiques alors que les Juifs, à l'autre extrémité, tiennent les boutiques de prêts sur gage. C'est ce qui explique, à l'époque, la proportion importante de Juifs dans l'orfèvrerie et le commerce des diamants à son début[1].
XIIe et XVIe siècles
En France, avec l'avènement du commerce méditerranéen à partir du milieu du XIIe siècle, certaines villes du Sud s'enrichissent considérablement en pratiquant le prêt d'usure pour le financement d'entreprises marchandes. Ils sont, en premier lieu, appelés « Cahorsins ». Les Cahorsins s'installeront jusqu'à Londres[2] et à Amsterdam au XIIIe siècle ; dans cette ville, ces derniers étaient surnommés Cahorsijnen, Cawarsini ou Coarsini[3]. puis seront remplacés par les « Lombards »[4], suite à l'émergence des cités italiennes durant la seconde moitié du XIIe siècle favorisée par le développement du commerce de l'axe rhénan. Rome étant le centre du catholicisme, ses prêteurs sur gage sont particulièrement prospères, en particulier au XVe siècle sous les papes Pie IV et Sixte V. De cette époque date l'apparition du terme « Lombard », utilisé pour désigner les prêteurs sur gage et leurs méthodes.
Aujourd'hui encore, la plupart des villes européennes ont une rue nommé Rue des Lombards ou Lombard Street d'après les magasins de prêteurs sur gage lombards qui y étaient installés[5]. En néerlandais, le terme utilisé pour désigner un prêteur sur gage est - aujourd'hui encore - lommerd, et la même étymologie persiste dans le nom de plusieurs établissements bancaires. En polonais et en russe, un prêteur sur gage est appelé simplement lombard.
XVIe et XVIIIe siècles
La position quasi-monopolistique des lombards en finance disparaît avec l'émergence de grandes familles protestantes avec la Réforme qui n'étaient pas frappés d'interdit d'usure comme c’était le cas dans la religion catholique romaine mais aussi suite aux nombreux édits royaux les chassant régulièrement du Royaume de France afin de se débarrasser des créances auprès de ces banquiers non sujets du roi et surtout par l'apparition de marchands - banquiers soutenus par la monarchie tel le précurseur de cette nouvelle "classe" d'hommes, Jacques Cœur.
Époque moderne
La pratique du crédit lombard est encore utilisé couramment par les banques centrales, lorsque ces dernières consentent des prêts aux établissements bancaires en échange de valeurs mobilières laissées en dépôt, telles que des obligations souveraines. Les repo (en français : pensions livrées) sont également une forme de crédit lombard : une banque vend des valeurs mobilières à une autre banque (moyennant une décote), avec l'engagement de racheter ces valeurs (généralement à leur valeur nominale) au bout d'une période de temps fixée à l'avance.
Notes et références
- ↑ Les diamants sont alors une alternative légère à l'or
- ↑ Mathieu de Paris : The Usury of the Cahorsins, 1235, Medieval Sourcebook. « In these days prevailed the horrible nuisance of the Caursines, to such a degree that there was hardly any one in all England, especially among the bishops, who was not caught in their net. Even the king himself was held indebted to them in an incalculable sum of money. For they circumvented the needy in their necessities, cloaking their usury under the show of trade, and pretending not to know that whatever is added to the principal is usury, under whatever name it may be called…. » Le manuscrit d'époque indique en note : « The Caursines (or Cahorsins) derived their name from the city of Cahors but the term is usually applied to money-lenders. The real Caursines were capitalist Christian bankers whose clients were the rich and powerful in society. In England their unpopularity was due to their officiating as papal brokers, and to the heavy rates of interest they charged. »
- ↑ Historical Archive De Groene Amsterdammer, 1877
- ↑ http://www.quercy.net/qmedieval/histoire/articles/cahorsins/cahorsins.html
- ↑ Y compris aux États-Unis, peuplés postérieurement par les Européens, ou l'on trouve des Lombard Street à San Francisco, Nouvelle-Orléans, Boston, Baltimore et Philadelphie.
Sources et bibliographie
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Lombard banking » (voir la liste des auteurs).
- Pierre Racine, Les Lombards et le commerce de l'argent au Moyen Âge, novembre 2002, Lire en ligne
- Pierre Racine, « Paris, rue des Lombards, 1280-1340 », in Comunità forestiere e "nationes" nell' Europa dei secoli XIII-XVI a cura de G. Petti Balbi, Naples, 2001, p. 95-111
- C. Piton, Les Lombards en France et à Paris, leurs marques, leurs poids monnaies, leurs sceaux de plomb, Paris, 1892
- J. Schneider, « Les lombards en Lorraine », in Annuaire de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Lorraine, 1979, t. LXXIX p. 65-98
- Cesare Cantù, Histoire des Italiens, volume 7, Firmin Didot frères, fils & Cie, 1860 p. 97 Lire en ligne
- Jacques Le Goff, Marchands et banquiers du Moyen Âge, coll. Que sais-je ?, PUF, 2006.
- Ange Blaize (de Maisonneuve), « Juifs - Caorcins - Lombards » in Des monts-de-piété et des banques de prêt sur gage en France et dans les divers États de l'Europe, vol. 1, chap. 1, Pagnerre, 1856.
Articles connexes
- La finance italienne et les premières banques
- Lombard Odier Darier Hentsch & Cie
- rue des Lombards
- Lombard Street
- famille Tolomei (Sienne)
- Famille Peruzzi (Florence)
- famille Bardi (Florence)
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