Acidification des océans
L'acidification de l’océan est la diminution progressive du pH des océans. C'est l'autre problème induit par l'augmentation des émissions de CO2 (the other CO2 problem[1],[2]).
Il a été estimé que de 1751 à 2004, le pH des eaux superficielles des océans a diminué, passant de 8,25 à 8,14[3].
Selon les modèles biogéochimiques disponibles, d'importants changements dans la chimie et biochimie océaniques sont à attendre[4], de même que des impacts délétères sur les écosystèmes. Les effets sur les récifs coralliens[5] sont très étudiés (dont en mésocosmes[6] et les plus médiatisés, mais d'autres effets existent et sont attendus dans la plupart des milieux aquatiques. Selon l'OMM, cette acidification pourrait en partie expliquer l'augmentation annuelle record mesurée en 2013 en termes d'augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphère, et donc contribuer au dérèglement climatique. Selon les données réunies par l’OMM en 2013-2014, l'océan mondial absorbe actuellement un quart environ des émissions anthropiques de CO2, soit environ 4 kg de CO2 par jour et par personne[7] (c'est-à-dire près de 22 millions de tonnes de CO₂ absorbée par jour de manière globalisée) [8][9]. Cette effet "pompe à carbone" contribue fortement à réduire la quantité de CO2 de l’atmosphère, dont le CO2 issu des combustibles fossiles, mais cette capacité semble se dégrader en raison des effets combinés du réchauffement et de l'acidification qui affectent la production et la fixation de carbonates marins (principal puits de carbone planétaire)[7]. Selon l'ONU et ses agences, le pompage océanique du carbone est en 2013 70% moins efficace qu'au début de l'ère industrielle, et il pourrait encore être réduit de 20% avant 2100[7] et le taux actuel de d'acidification des océans semble, qui a déjà atteint un niveau sans précédent au moins pour les 300 derniers millions d'années (selon les données paléoenvironnementales disponibles) et il ne pourra qu'augmenter au moins jusque 2015[7] (et au-delà si d'importants efforts ne sont pas faits). Le rapport 2014 du GIEC puis celui de l'OMM[7] ne décèlent d'ailleurs pas d'amélioration dans les tendances en termes de concentration croissante du CO2 émis dans l'air ; et « le scénario retenu par la plupart des scientifiques conduit à une diminution du pH, d'ici la fin du siècle, de 0,3. Si a priori ce chiffre semble faible, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une grandeur logarithmique, soit une acidité multipliée par deux »[10]
Causes
Cette acidification a au moins trois causes anthropiques identifiées :
- l'absorption de dioxyde de carbone atmosphérique d'origine anthropique[Note 1],[7]. C'est la première cause identifiée, et probablement la plus importante ;
- l'absorption par l'océan de pluies ou d'eaux météoritiques ou de ruissellement acidifiées par divers composés azotés anthropiques dits azote réactif. Ces composés sont issus (directement ou indirectement par photochimie) de la circulation motorisée, de l'agriculture et du chauffage qui dégageant des oxydes d'azote, source d'acide nitreux et d'acide nitrique qui contaminent l'atmosphère puis les mers via les pluies et les cours d'eau (Les analyses isotopiques montrent que l'Homme a plus que doublé la quantité d'azote réactif (Nr) annuellement entrant dans la biosphère, essentiellement à partir de 1895 ± 10 ans (± 1 pour l'écart-type) avec une forte augmentation dans les années 1960 à 2010, principalement dans l'hémisphère Nord[11]);
- l'absorption de composés soufrés issus des combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz). Le soufre, lors de la combustion se transforme en effet en dioxyde de soufre, source d'acide sulfureux et d'acide sulfurique. La plupart des navires de marine marchande et de marine de guerre utilisent encore des combustibles lourds très polluants et notamment sources d'aérosols soufrés. Ils sont une source importante d'aérosols atmosphériques (particulates (en)).
Ces trois facteurs associés pourraient avoir des effets environnementaux synergiques, et acidifient les eaux côtières plus rapidement que ne le prévoyaient les premières modélisations.
Environ six téramoles d’azote actif et deux téramoles de soufre seraient annuellement injectées dans l’atmosphère, ce qui est bien moins que les 700 téramoles de CO2, selon une étude[réf. nécessaire] récente pilotée par Scott Doney (Institut océanographique de Woods Hole, Massachusetts, USA). Cet azote aurait déjà sur certains littoraux un impact équivalent à 10 à 50 % de celui du CO2. L'océan lointain est moins touché, mais les zones côtières et proches du plateau continental sont largement les plus importantes pour l'Homme (pêche, activité économique et touristique).
Il semble de plus que les estuaires et les zones mortes ne remplissent plus leur rôle de puits de carbone, et que l'acidification est un phénomène qui puisse — parfois (comme dans le cas du drainage minier acide) et dans une certaine mesure — s'autoentretenir[réf. nécessaire].
Perturbation du cycle du carbone
Dans le cycle du carbone naturel, la concentration de dioxyde de carbone (CO2) représente un équilibre de flux entre les océans, la biosphère terrestre, et l'atmosphère. Les activités humaines telles que l'utilisation de combustibles fossiles et la production de ciment entraînent un nouveau flux de CO2 dans l'atmosphère. Une partie reste dans l'atmosphère, une autre partie est absorbée par les plantes terrestres, et une dernière partie d'environ 25 % est absorbée par les océans.
Quand le CO2 se dissout, il réagit avec l'eau pour former un équilibre d'espèces chimiques ioniques et non-ioniques : dioxyde de carbone libre dissous (CO2 (aq)), acide carbonique (H2CO3), hydrogénocarbonate (HCO3-) et carbonate (CO32-). La proportion de ces espèces dépend principalement de l'alcalinité de l'eau et secondairement de facteurs tels que la température et la salinité de l'eau de mer qui décline localement (là où les glaces ou glaciers fondent rapidement).
(voir l'article consacré à la pompe de solubilité de l'océan (solubility pump (en)) pour plus de détail).
Perturbation du cycle de l'Azote
Si à échelle planétaire, les apports d'azote ne contribuent que modestement à l'acidification de l'océan (loin derrière le CO2), à proximité des continents (où l'on trouve une grande partie de la biodiversité marine, également utilisée comme ressource alimentaire), les apports anthropogéniques de soufre et d'azote (0,8 Tmol/an de soufre réactif et 2,7 Tmol/an d'azote réactif au tout début du XXIe siècle[12]) et leurs effets acidifiants sont plus sérieux. Les apport azotés de l'atmosphère à l'océan sont notamment en forte augmentation dans le nord-ouest du Pacifique[13]
Dans l'hémisphère nord, le bilan des entrées de ces deux éléments dans les couches supérieures de l'océan est clairement acidifiant. Sous les tropiques, il est initialement plutôt basique, mais in fine acidifiant en raison du taux de transformation de l'ammoniac en nitrate dans l'écosystème[12]. Sur la planète, le bilan final est presque partout acidifiant et il réduit sur les littoraux la quantité de CO2 que l'océan peut dissoudre.
Ailleurs, des cyanobactéries fixatrices d'azote comme celles du genre Trichodesmium (en) sont à l'origine d'une partie importante de la productivité primaire) des zones océaniques pauvres en éléments nutritifs spectacle a augmenté les taux de carbone et la fixation de l'azote et augmenté rapports C / N sous pCO2 (Hutchins et al., 2007, Barcelos e Ramos et al., 2007). Au niveau de 750 ppmv de CO2, les taux de fixation de CO2 ont augmenté de 15 à 128 % et des taux de fixation de N2 ont augmenté de 35-100 % par rapport aux tarifs en conditions actuelles de CO2 de jour (Hutchins et al., 2007).
Dans le cycle global de l'azote[14], l'azote anthropique (NOx), avec les oxydes de soufre atmosphériques contribue à l'acidification des mers[12]. Et cette acidification diminue les capacités de nitrification des écosystèmes marins[15]. La part anthropique de l'Azote[16] est en augmentation presque partout dans l'hémisphère nord et dans une partie de l'hémisphère sud.
Les apports terrigènes d'azote et de phosphore des cours d'eau à l'Atlantique Nord ont été mesurés à pour 14 grandes régions d'Amérique du Nord et du Sud, d'Europe, d'Afrique : le bassin amazonien domine le flux global de phosphore (c'est aussi le flux le plus élevé de phosphore par unité de surface) mais il est maintenant dépassé en termes de flux total d'azote par les bassins versants du nord-est des États-Unis, qui dépassent tous 1 000 kg d'azote par km 2/an[16].
Les flux d'azote déversés dans l'Atlantique-Nord par chaque bassin versant sont corrélés à la densité de population du bassin (comme cela a avait déjà été observé pour les flux de nitrate de grands fleuves du monde) ; les auteurs de cette étude jugent « frappante » la forte corrélation linéaire entre les flux d'azote total et la somme des apports d'azote d'origine anthropique dans les régions tempérées (engrais, dépôts atmosphériques des NOx anthropiques, fixation par les légumineuses, et importation/exportation d'azote via les produits agricoles). Les fleuves des grandes régions de l'étude apportent en mer environ 25 % de l'azote introduit par l'Homme dans les écosystèmes (le reste étant éliminé par dénitrification dans les écosystèmes humides et aquatiques qui semblent être le puits d'azote dominant ; mais la forêt semble aussi avoir de l'importance en termes de stockage/pompage de l'azote[16]. Les eaux souterraines en stockent et dénitrifient un peu et localement, mais sont un « très petit puits d'azote » à l'échelle des continents.
L'agriculture est principalement responsable dans de nombreuses régions (dans le bassin du Mississippi et les bassins de la mer du Nord notamment). Les retombées de NOx sont la première cause d'exportation d'azote vers la mer dans plusieurs régions (dont au nord-est des États-Unis).
Si l'on considère les zones peu anthropisées comme référence, les auteurs estiment que le flux d'azote terre → mer a – dans presque toutes les régions tempérées – augmenté de 2 à 20 fois (selon les régions) de l'époque pré-industrielle au début du XXIe siècle. Seules certaines régions (ex : Nord du Canada) ont peu changé de ce point de vue[16]. Les flux d'azote venant des bassins de zone tempérée qui alimentent la mer du Nord, ont eux augmenté de 6 à 20 fois. Le flux provenant du bassin de l'Amazone est au moins 2 à 5 fois plus important que les flux estimés à partir des régions de la zone tempérée « intacte », malgré la densité de la population et ses faibles apports directs d'azote d'origine anthropique dans la région. Ceci suggère que les flux d'azote naturels ou causés par la déforestation tropicale peuvent être significativement plus élevé qu'en zone tempérée[16]. Comme la tendance est à la déforestation, à l'artificialisation des sols et aux apports d'engrais en zone tropicale, les auteurs s'attendent à une « spectaculaire augmentation de la charge d'azote de nombreux systèmes fluviaux tropicaux »[16].
Effets sur les animaux à coquilles calcaire
Certains de ces animaux et en particulier leurs larves ont des difficultés à synthétiser leur thèque, squelette planctonique ou coquille[17].
Le dioxyde de carbone absorbé dans l'océan réagit avec les molécules d'eau pour former de nombreux ions tel que l'hydrogénocarbonate (équivalent au bicarbonate). La formation de ces ions réduit la concentration en ions carbonates qui sont nécessaires à la formation de carbonate de calcium. Or le carbonate de calcium est nécessaire à la calcification des coraux et des coquillages. Cette réaction chimique empêche donc la formation normale des coraux et des coquilles[18].
Une étude sur les effets de l'acidification en Antarctique chez les ptéropodes (ou papillons de mer) montre qu'à partir d'un certain taux d'acidité de l'eau, les individus meurent (en à peine quarante-huit heures[19]), or ces animaux sont à la base du réseau trophique dans cette région et comme certaines algues (coccolithes) qui sécrètent des coquilles à base de calcium, ils jouent un rôle important dans le cycle du carbone.
Évolution de l'« acidité » des océans, accélération de l'acidification
L'acidité des océans aurait augmenté de 30 % environ depuis le début de la révolution industrielle. Ceci correspond à une chute de 0,1 du pH, pour atteindre 8,1 ou 8,14 selon les sources aujourd'hui (les océans sont ainsi alcalins et non acides, leur pH se situant au-dessus de 7)[20],[21].
La diminution du pH des eaux de surface de l’océan et l'augmentation de la pression partielle de CO2 (pCO2) se fond à des vitesses différentes selon les régions, mais elles déjà détectées in situ depuis plusieurs décennies[7] dans de grandes régions subpolaires aux zones subtropicales et tropicales[7]. Les variations les plus extrêmes figurent dans les séries chronologiques enregistrées dans les zones subpolaire, ce qui s'explique par le fait que les différences saisonnières de température et de productivité biologique y sont les plus marquées[7].
Sur la base des prévisions du GIEC (ou IPCC en anglais), l'augmentation actuelle du taux de CO2 dans l’atmosphère devrait encore diminuer le pH des eaux du globe de 8,14 actuellement à 7,8 d'ici la fin du siècle[22]. Un rapport du PNUE fait part d'une diminution du pH de 0,3 d'ici 2100, tandis qu'un communiqué de presse du CNRS avance une baisse de 0,4[23],[24].
En 2014, le rapport sur les effets de l'acidification des océans sur la biologie marines (synthétisant une centaine d'études sur ce thème), présenté à la 12e réunion de la Convention sur la diversité biologique (CDB) à Pyeongchang (Corée du Sud) confirme que l'acidification a progressé en moyenne de 26 % depuis l'époque pré-industrielle et que si, depuis deux siècles, l'océan a absorbé plus du quart du CO2 anthropique, contribuant à acidifier le milieu océanique, « de façon quasiment inévitable, d'ici 50 à 100 ans, les émissions de dioxyde de carbone vont encore augmenter l'acidité des océans à des niveaux qui auront des impacts massifs, le plus souvent négatifs, sur les organismes marins et les écosystèmes, ainsi que sur les biens et les services qu'ils fournissent »[25]. « De nombreuses études montrent une réduction des taux de croissance et de survie des coraux, mollusques et échinodermes [étoiles de mer, oursins, concombres de mer, etc.]. » Certaines espèce supporteront mieux l'acidification que d'autres. Certaines subiront une dégradation de leurs systèmes sensoriels induisant des anomalies de comportement (poissons, certains invertébrés)[25]. Les cycles biogéochimiques du carbone, de l'azote du fer et du calcium en seront affectés, dans les habitats côtiers plus qu'en haute mer et plus vite en Arctique qu'en Antarctique (plus froid)[25]. « Le coût global des impacts de l'acidification des océans sur les mollusques et les récifs coralliens tropicaux est estimé à plus de 1000 milliards de dollars par an d'ici la fin du siècle[25]. » Des phénomènes d'acidification ont déjà eu lieu, dont au Paléocène-Éocène (il y a 56 millions d'années), mais il semble aujourd'hui trop rapide pour qu'un grand nombre d'espèces puisse s'y adapter. « Même si les émissions de CO2 sont réduites de manière significative, l'acidification des océans se poursuivra durant des dizaines de milliers d'années, les modifications considérables pour les écosystèmes, et la nécessité d'apprendre à vivre avec ces changements semblent donc certains[25]. »
Conséquences environnementales, halieutiques et pour les services écosystémiques
En perturbant et dégradant certains écosystèmes (coralliens notamment[26]), l'acidification des mers dégrade d'importants services écosystémiques et de manière générale tous les écosystèmes. Elle met en péril de nombreuses espèces[26],[27],[28].
En affectant les animaux à coquilles, l’acidification peut conduire à une dégradation de la qualité de l'eau et des sédiments, faute d'animaux filtreurs tels que les moules et les huîtres[29] qui filtrent et nettoient quotidiennement de grands volumes d'eau[30].
Certains oursins se montrent sensibles à de faibles baisses de pH (proches de celles qui sont attendues d'ici quelques décennies), qui dégradent leurs capacités de reproduction[31].
Menaces pour la santé alimentaire
En 2013, les 540 experts et scientifiques réunis au 3e symposium de Monterey sur l'acidification des océans[32],[33] (de 2012) ont voulu ré-attirer l'attention des décideurs sur cet enjeu planétaire en rappelant que – alors que la coquille d'escargots aquatiques commence à être érodées dans certaines parties de l'océan – le chiffre d'affaires généré par les activités des éleveurs de moules et huîtres et pêcheurs d'échinodermes (oursins), de crustacés (crevettes, crabes) et de poissons approche les 130 milliards de dollars (96,5 Md€), et que la régression ou disparition de certaines espèces consommées par l'Homme (poissons notamment) aurait des conséquences sur la sécurité alimentaire[34]. Ils ajoutent que via la protection du littoral et de la faune côtière contre la houle et les tempêtes, et via le tourisme et la pêche qu'ils favorisent, les récifs et sables coralliens fournissent des services dont la valeur a été estimée comprise entre 30 et 375 Md$ (22 à 278 Md€) par an (selon les modalités de calcul)[34]. Les huîtres sont d'ailleurs aussi partie majeure dans la ligne de mire de ce phénomène, car dans impossibilité de se développer convenablement étant donné la faible production de coquilles agissant comme élément protecteur dans leur croissance[35].
Menace climatique
L'acidification des eaux dégrade aussi le puits de carbone océanique planétaire, déjà malmené par la réduction de la couche d'ozone et la pollution de l'eau et la surpêche [34].
Perturbations graves du comportement de certains poissons
Dans les années 2000, sur la base de diverses expériences en laboratoire ou in situ, on a compris que les odeurs portées par l'eau peuvent jouer un rôle important pour les larves et les juvéniles[36] de poissons de récifs qui les utilisent pour s'orienter[37], détecter et éviter des prédateurs [38] ou trouver des zones favorables à leur survie et future croissance ; l'odeur du récif fait que les larves ne se laissent pas emporter vers la pleine mer[39]. Les larves de poissons récifaux, dès leur éclosion, bien que ne mesurant que quelques millimètres disposent d'un système sensoriel efficace leur permettant de capter les odeurs en solution dans l'eau[40],[41].
On a longtemps cru que les larves de poissons corraliens étaient emportés à grande distance et qu'elles pouvaient coloniser d'autres récifs, alors que leur récif natal pouvait être colonisés par des juvéniles nés ailleurs. Une étude basée sur le marquage de 10 millions d'embryons de Pomacentrus amboinensis (en) prélevées sur la grande barrière de corail et relâchés en mer a montré qu'au contraire les larves regagnent leur récif natal[42], probablement en reconnaissant sa signature biochimique et olfactive. La plupart des larves vont en réalité s'installer très près du lieu de leur naissance[43],[44]. L'odorat a une importance vitale pour les larves des poissons coralliens étudiés ; il leur permet de détecter la présence d'autres poissons (dont prédateurs) dans le récifs[45], et expliquerait leur fidélité au récif, caractéristiques de nombreux poissons coralliens[46] ou à un individu d'une espèce symbiote (anémone pour l'amphiprion par exemple[47]).
En 2009, une étude montre que chez le poisson clown utilisé comme espèce modèle, les larves de poissons exposés à une acidification de l'eau perdent leur capacité à distinguer l'odeur des habitats coralliens qu'elles devraient rechercher pour atteindre l'état adulte ; pire, à un pH de 7,8 (qui sera celui des mers chaudes vers 2100 selon les études prospectives) elles sont alors fortement attirées par des stimuli olfactifs qui normalement les repoussent, et au-delà d'un pH 7,6, elles ne semblent plus percevoir aucun stimuli olfactif[48].
Des travaux plus récents effectués en laboratoire puis vérifiés in situ sur un récifs du centre de la barrière de corail de Papouasie-Nouvelle-Guinée naturellement acidifié par un dégazage volcanique sous-marin permanent de CO2 ont montré qu'une eau acidifiée (comparable à celle qui baignera la plupart des récifs coralliens du monde entier dans 50 à 80 ans, selon les chercheurs) a un effet comportemental inattendu et très marqué sur certains poissons : ils ne fuient plus l’odeur de leur prédateur, et ils s’exposent anormalement, de manière suicidaire au risque d’être mangé[49] (très bien montré dans un documentaire australien diffusé sur Arte en 2014[19]). Les poissons carnivores semblent plus touchés par ce phénomènes que les poissons herbivores[10]. On ignore si c'est l'acidification ou l'effet du CO2 en tant que molécule sur le poisson qui est en cause.
Pour toutes ces raisons Munday & al (2010) estiment que la reconstitution des populations de poissons sur des zones récifales dégradées en cours de restauration sera de plus en plus difficile, voire menacée par l'acidification des océans[50] qui pourrait donc dégrader les capacités de résilience écologique des océans. Le fait qu'à 700 ppm de CO2, de nombreux poissons se montrent attirés par l'odeur de prédateurs et qu'à 850 ppm de CO2 ils perdent la capacité de sentir les prédateurs et que les larves exposées à concentration élevée de CO2 se montrent anormalement actives et imprudentes les expose à un risque accru d'être mangé (elles subissent une mortalité 5 à 9 fois supérieure à la normale et plus le taux de CO2 augmente, plus élevée est la mortalité par prédation). Sans odorat normal beaucoup de larves pourraient en outre ne pas trouver le récif ou le lieu du récif où elles devraient s'installer et se perdre et mourir en mer.
En 2011, une autre étude montre que l'audition du poisson clown (Amphiprion percula) est également dégradée (dès le stade juvénile) quand l'eau est acidifiée, ce qui perturbe par exemple leur capacité à se diriger vers le récifs ou vers un lieu particulier[51].
En 2012, une étude conclue que la fonction de neurotransmission du système olfactif des poissons qui est affectée par l'acidification[52].
On ignore encore si ces comportements anormaux et nocifs pour les espèces qui les adoptent pourraient (et à quelle vitesse) disparaitre (via les mécanismes de la sélection naturelle).
Recherche
L'Allemagne a lancé le 1er septembre 2009 un programme national de recherche sur l'acidification des océans (BIOACID[53] pour "biological impacts of ocean acidification") avec 8,5 millions d'euros sur 3 ans (dont 2,5 millions pour l'Leibniz-Institut für Meereswissenschaften de Kiel qui coordonne le programme) apportés par le Ministère fédéral de l'enseignement et de la recherche (BMBF). Dès 2009, plus de 100 chercheurs (biologistes, chimistes, physiciens, paléontologues, mathématiciens, etc.) venant de 14 instituts y contribueront, ainsi qu'une entreprise en pointe dans la technologie des capteurs. Le programme portera sur la mer du Nord et la Baltique, ainsi que sur des zones polaires ou tropicales particulièrement vulnérables à l'acidification.
Des partenariats avec d'autres pays sont prévus, dont avec les scientifiques anglais du programme de recherche sur l'acidification des mers (« UKOA ») lancé en 2010[54], les États-Unis et l'Union européenne (don avec le programme EPOCA). Selon ses initiateurs, c'est le premier programme de cette importance dans le monde[55].
Une des difficultés est de mieux comprendre les effets synergiques qui existent entre l'acidification, la montée en température, les zones d'anoxies et d'autres modifications anthropiques des milieux, qui pourraient aggraver et/ou accélérer les changements globaux[56]
Des recherches sur les impacts de cette acidification montrent que plus le taux d'acidification est important, plus les espèces ayant des coquilles (plancton microscopique à la base de la chaîne alimentaire, coquillages, mollusques ou coraux) ont des difficultés à les fabriquer[57].
Illustrations scientifiques
Cartographie
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pH de l'eau de surface (années 1990)
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Alcalinité contemporaine
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pression anthropique liée au CO2 (années 1990)
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Inventaire vertical CO2 (années 1990)
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Carbone inorganique total contemporain
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Carbone inorganique total pré-industriel
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CFC-11 (contemporain)
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CFC-12 (contemporain)
Expérimentation, mesure in situ
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(AOML) in situ taux de CO2 / sensor (SAMI-CO2) (étude coraux / NOAA)
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(PMEL) Mesure du CO2 lors d'études sur l'acidifcation (NOAA)
Notes et références
Notes
- ↑ Il est à noter qu'en théorie ce sont bien, directement, les émissions de CO2 qui sont en causes, ou les apports accélérés d'eau douce, et non directement le réchauffement climatique. Cependant he State of Greenhouse Gases in the Atmosphere Based on Global Observations through 2013 selon l'OMM en 2014 (voir page 4), si la vitesse et l'importance de l'acidification sont peu affectées par le réchauffement, leurs effets approchent néanmoins en importance un peu moins de 10% des changements dus à l'augmentation de CO2, et d'importants apports d’eau douce et froide issus de la fonte des glaces pourraient significativement accélérer et aggraver l'acidification et ses effets écologiques et climatiques
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- ↑ UK Ocean Acidification Research Programme
- ↑ Brève 60383, d'après le communiqué de presse de l'Institut Leibniz de sciences marines de Kiel du 2009/09/01
- ↑ Pörtner HO, Langenbuch M, Michaelidis B (2005) Synergistic effects of temperature extremes, hypoxia, and increases in CO2 on marine animals: From Earth history to global change. J Geophys Res 110:C09S10.
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Voir aussi
Articles connexes
- pH
- Acidification des sols
- Acidification des eaux douces
- Pluies acides
- Énergies fossiles
- Alcalinité de l'eau
Bibliographie
- Harley CDG & al. (2006) The impacts of climate change in coastal marine systems. Ecol Lett 9:228–241.
Filmographie
- Film pédagogique de l'INRA sur l'histoire de la prise de conscience du phénomène des pluies acides et de leurs conséquences, sur le site inra.fr
- [vidéo] Laurence Jourdan et Nicolas Koutsikas Documentaire "Tipping Point" 52 min sur l'acidification des océans, sur le site ebu.ch
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