Robert King Merton
Robert K. Merton (1965)
Naissance |
Philadelphie |
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Décès |
(à 92 ans) New York |
Robert King Merton, né à Philadelphie en Pennsylvanie le et mort à New York le est un sociologue américain En 1994, il a reçu la National Medal of Science pour ses contributions et la fondation de la sociologie de la science[1]. Il a développé des concepts notables tels les "conséquences inattendues", "role model", "prophéties auto-réalisatrices", et a contribué à la consolidation de théories de "moyenne portée" (groupes de référence). Il est généralement présenté comme le fondateur de la sociologie des sciences. Il a introduit le concept de sérendipité en sociologie.
Biographie
Étudiant à Harvard, Robert King Merton a été l'élève de Pitirim Sorokin et de Talcott Parsons. Il est le fondateur de la sociologie des sciences. Il se situe juste avant les interactionnistes, et il est tenant d'un fonctionnalisme dit de « moyenne portée ». Il est le père de l'économiste Robert Merton « Prix Nobel » en 1997.
Les prophéties auto-réalisatrices
Reprenant l'idée du sociologue William I. Thomas, Robert K. Merton décrit le mécanisme de prophétie auto-réalisatrice (self-fulfilling-prophecy) en ces termes : « La prophétie auto-réalisatrice est une définition d'abord fausse d'une situation, mais cette définition erronée suscite un nouveau comportement, qui la rend vraie ». Exemple : Les actionnaires imaginent que le marché va s'écrouler et, cela étant, vendent leurs actions, ce qui provoque effectivement un crack boursier. Il souligne également des phénomènes inverses : lorsque la prédiction d'un évènement empêche celui-ci de se réaliser. Exemple : La crainte d'un embouteillage peut amener à différer son départ et rendre le trafic plus fluide.
La construction typologique
Dans Éléments de théorie et de méthode sociologique, un recueil d'articles, R.K. Merton établit une typologie d'adaptation individuelle à la société :
- le conformisme (l'individu se soumet aux attentes du groupe),
- l'innovation (l'individu accepte les valeurs du groupe mais ne fait pas siennes les normes sociales et procédures habituelles),
- le ritualisme (l'individu reste figé dans un mode de comportement donné),
- l'évasion (l'individu vit en marge de la société),
- la rébellion (l'individu rejette les buts et les moyens culturellement valorisés par une société donnée, mais vise à en suggérer, voire en imposer d'autres).
Ces modes d'adaptation peuvent représenter des styles de vie de certains groupes sociaux.
Normes et valeurs scientifiques
En 1942, il publie un article The normative Structure of Science dans The sociology of science (Chicago University Press), fondateur d'une tradition d'analyse des normes et valeurs qui régissent le comportement social des scientifiques[2]. Il distingue deux types de normes interdépendantes qui régissent les comportements scientifiques : les normes méthodologiques relatives aux techniques et les normes éthiques. Ces dernières sont au nombre de quatre : l'universalisme, le communalisme, le désintéressement et le scepticisme organisé.
La sérendipité
Robert Merton s'est toujours intéressé au concept de sérendipité.
Il en pose en 1945 la définition suivante : La découverte par chance ou sagacité de résultats pertinents que l'on ne cherchait pas. Elle se rapporte au fait assez courant d'observer une donnée inattendue, aberrante et capitale (strategic) qui donne l'occasion de développer une nouvelle théorie ou d'étendre une théorie existante[3].
Il la reformule en 1949 dans : Social Theory et Social Structure : « Le processus par lequel une découverte inattendue et aberrante éveille la curiosité d'un chercheur et le conduit à un raccourci imprévu qui mène à une nouvelle hypothèse.
2004: The Travels and Adventures of Serendipity: A Study in Sociological Semantics and the Sociology of Science
Déviance et criminalité
Merton part de l'observation que les individus dans une société agissent en fonction d’objectifs et grâce à des moyens. Le sociologue prend l'exemple, dans les années 1950 aux États-Unis, d’individus ayant pour objectif de s’enrichir mais qui, ne possédant pas les moyens de le faire (manque d'argent, d'éducation, etc). vont utiliser des moyens illégaux pour s'enrichir.
Merton les appelle innovateurs même si ceux-ci sont considérés comme des criminels. En les valorisant, il déplace le problème de la criminalité. L’origine du problème se trouve dans la vie sociale, comme le prouverait l'exemple, aux États-Unis, de l’enrichissement personnel avec des moyens différents selon les individus.
Le sociologue est à l'origine de la notion de dysfonction sociale : lorsque les conséquences d’un fait social empêchent le système de s’adapter et risquent de rendre difficile ou impossible son maintien (Par exemple la criminalité urbaine entraîne des conséquences dysfonctionnelles comme l'insécurité, certaines dégradations, etc.).
On distinguerait donc « fonction manifeste » et « fonction latente » :
- Fonction manifeste : volontaire, voulue, comprise. Il y a des conséquences objectives qui contribuent à son ajustement ou son adaptation.
- Fonction latente : involontaire, pas comprise, ni voulue. Les conséquences sont du même ordre que la fonction manifeste mais elles sont involontaires et inconscientes.
À travers cette distinction figure une tentative d'analyse de pratiques qui paraissent socialement irrationnelles en allant plus loin que les jugements moraux. L'analyse fonctionnaliste que Merton utilise se fait en cinq étapes : description spécifique de ce qui est étudié ; indication des types d'alternative ; évaluation de la signification de l'activité déviante ; identification des motifs de conformisme ou de déviance et description des modèles non reconnus.
Dans le même ordre d'idées, Merton étudie le système politique. Il montre qu'une élection recouvre les deux fonctions écrites précédemment : la fonction manifeste pour le vainqueur est de gagner l'élection, et la fonction latente est que l'élection peut jouer le rôle d'ascenseur social.
Distinctions et honneurs
- Docteur honoris causa de l'université jagellonne de Cracovie en 1989[4]
- Lauréat de la National Medal of Science
- Membre de l'Académie royale des sciences de Suède
- Membre de l'Académie nationale des sciences des États-Unis
- Membre de l'Académie américaine des arts et des sciences
- Membre de l'Academia Europaea
- Membre de la British Academy
- Membre de la Société américaine de philosophie
Bibliographie
- (en) The normative Structure of Science (1942)
- (en) Social Theory and Social Structure (1949)
- Éléments de théorie et de méthode sociologique, Plon, 1re éd. 1953, 2e 1965.
- (en) Continuities in Social Research (1950)
- (en) The Sociology of Science (1957)
- (en) Sociological Ambivalence (1976)
- (en) On the Shoulders of Giants: A Shandean Postscript (1985)
- The Travels and Adventures of Serendipity: A Study in Sociological Semantics and the Sociology of Science, 2004
- (en) Robert K. Merton & Elinor Barber, The Travels and Adventures of Serendipity: A Study in Sociological Semantics and the Sociology of Science, …, 2004
Bibliographie critique
- Realino Marra, Merton e la teoria dell’anomia, in «Dei Delitti e delle Pene», V-2, 1987, p. 207-21.
- Charles Crothers, Robert K. Merton, Ellis Horwood, Chichester, 1987.
- Jon Clark, ed, Robert K. Merton : consensus and controversy, The Falmer Press, London, 1990.
- Renate Breithecker-Amend, Wissenschaftsentwicklung und Erkenntnisfortschritt : zum Erklärungspotential der Wissenschaftssoziologie von Robert K. Merton, Michael Polanyi und Derek de Solla Price, Waxmann, Münster, 1992.
- Markus Schnepper, Robert K. Mertons Theorie der self-fulfilling prophecy : Adaption eines soziologischen Klassikers, Lang, Frankfurt, 2004.
- Gönke Christin Jacobsen, Sozialstruktur und Gender : Analyse geschlechts-spezifischer Kriminalität mit der Anomietheorie Mertons, VS Verlag, Wiesbaden, 2007.
- Craig J. Calhoun, ed, Robert K. Merton : sociology of science and sociology as science, Columbia University Press, New York, 2010.
- Arnaud Saint-Martin, La sociologie de Robert K. Merton, La Découverte, coll. "Repères", Paris, 2013.
- Piotr Sztompka, Robert K. Merton: an intellectuel profile, Macmillan Education, London, 1986.
Notes et références
- ↑ name="Robert K. Merton">(en) « Robert K. Merton »
- ↑ Dominique Vinck, L'ethos de la science, Sciences et Avenir, octobre/novembre 2005, page 17.
- ↑ Éléments de théorie et de méthode sociologique, Plon, 2e éd., 1965, p. 47-51 et note p. 429-430.
- ↑ (pl) Doktorzy honoris causa, sur le site de l'université jagellonne de Cracovie
Voir aussi
Articles connexes
- déviance, criminalité,
- interactionnisme
- Sociologie des sciences
Liens externes
- Notices d’autorité : Fichier d’autorité international virtuel • International Standard Name Identifier • Bibliothèque nationale de France • Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès • Gemeinsame Normdatei • Bibliothèque nationale de la Diète • Bibliothèque nationale d'Espagne • WorldCat
- (en) Page sur Merton (www.faculty.rsu.edu)
- (en) Bibliographie de Merton (www.garfield.library.upenn.edu)
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