Représentation de groupe
En mathématiques, l'idée générale de la théorie des représentations est d'étudier un groupe G en le faisant agir sur un espace vectoriel V de manière linéaire : on essaie ainsi de voir G comme un groupe de matrices (d'où le terme représentation). On peut ainsi, à partir des propriétés relativement bien connues du groupe des automorphismes de V, arriver à déduire quelques propriétés de G.
Réciproquement, en tant qu'objets de la théorie, et non plus comme outil, théorie, on est naturellement amené à la question : Quelle est la dimension minimale des matrices (cas fini) qui font représenter tel sous-groupes de GLn(R); Peut-on alors imposer aux coefficients de la matrice d'être entiers ?
Définitions
Soit G un groupe, K un corps commutatif et V un espace vectoriel sur K. On appelle représentation du groupe G une action linéaire de G sur V, autrement dit un morphisme de groupes de G dans le groupe linéaire GL(V). Plus explicitement, c'est une application
Pour qu'une application ρ de G dans l'espace des endomorphismes de V vérifiant ρ(g1)∘ρ(g2)=ρ(g1g2) soit en fait à valeurs dans GL(V), il suffit que l'un des ρ(g) soit un automorphisme.
Pour écrire l'action d'un élément du groupe sur un élément de l'espace vectoriel à travers la représentation , on notera parfois , ou même s'il n'y a aucune ambiguïté. On note parfois une représentation . On dit parfois également (et abusivement) que V est une représentation de G.
Un morphisme de représentations de G, ou « opérateur d'entrelacement », d'une représentation vers une représentation , est une application K-linéaire φ de V dans W telle que pour tout g appartenant à G on ait
On dit alors aussi que φ est un morphisme G-équivariant de V dans W.
Un cas important est celui où φ est un isomorphisme : les représentations et sont dites isomorphes ou équivalentes s'il existe un isomorphisme φ de V dans W qui soit G-équivariant, c'est-à-dire qui vérifie, pour tout g appartenant à G :
V et W ont alors même dimension.
Exemples
- La représentation unité de G sur la droite vectorielle K est celle qui à tout élément de G associe l'identité de K.
- Si G est un sous-groupe de GLn(K), G agit naturellement sur Kn. La représentation associée est appelée représentation standard.
- Si G est le groupe cyclique fini ℤ/nℤ, la donnée d'une représentation de G sur V équivaut au choix d'un élément f de GL(V) tel que f n = idV.
- À partir d'une action de G sur un ensemble X, on peut définir une représentation de G sur l'espace KX des applications de X dans K, en posant :
et la restreindre à divers sous-espaces stables, comme : - le sous-espace K(X) des applications à support fini, dont la base canonique (δx)x∊X (où δ désigne le symbole de Kronecker : δx(y) vaut 1 pour y=x et vaut 0 pour les autres y∊X) est permutée par chaque élément du groupe : ρ(g)(δx)=δgx. Pour l'action à gauche de G sur lui-même, la représentation correspondante de G sur K(G) est appelée la représentation régulière gauche de G.
- le sous-espace des fonctions continues sur X, si G est un groupe topologique et X un espace topologique et si l'action est continue ou même si on a seulement, pour tout g∊G, continuité de l'application X→X, x↦g.x.
Glossaire des représentations
- Comme toute action de groupe, la représentation est dite fidèle si le morphisme ρ est injectif. Cette notion est différente de celle de module fidèle : le K-espace vectoriel de la représentation étant un module sur l'algèbre K[G] du groupe G (cf. infra), si ce module est fidèle alors la représentation de G est fidèle, mais la réciproque est fausse.
- La représentation est dite matricielle si l'espace V est de la forme Kn pour un certain entier naturel n, auquel cas le groupe (GLn(V),∘) s'identifie canoniquement au groupe GLn(K) des matrices carrées d'ordre n à coefficients dans K inversibles (autrement dit : de déterminant non nul), muni du produit matriciel. Via cette identification, deux représentations matricielles R et S sont donc équivalentes si et seulement s'il existe une matrice inversible P telle que pour tout élément g de G, Rg=P -1.Sg.P.
- La dimension de V est appelée degré de la représentation. Si V est de dimension finie n (ce que l'on suppose toujours implicitement dans la théorie des représentations d'un groupe fini), la représentation est équivalente à une représentation matricielle, via le choix arbitraire d'un isomorphisme φ de Kn dans V.
Soit (ei)i=1,...,n l'image par φ de la base canonique de Kn. La donnée de cette base de V permet d'associer à chaque endomorphisme a de V une matrice carrée d'ordre n, dont les coefficients aij sont les éléments de K donnés par les égalités suivantes :
L'application qui à un endomorphisme a associe la matrice définie précédemment est un isomorphisme d'anneaux, de l'anneau L(V) des endomorphismes de V dans celui, Mn(K), des matrices carrées d'ordre n à coefficients dans K. Ce morphisme induit un isomorphisme de groupes entre les groupes des inversibles de ces deux anneaux : les groupes GL(V) et GLn(K). Par composition avec cet isomorphisme de groupes, toute représentation de G sur V est équivalente à une représentation matricielle, avec φ pour isomorphisme d'entrelacement.
- Une sous-représentation de (V, ρ) est la représentation (W,σ) obtenue par restriction à un sous-espace vectoriel W stable sous l'action de G.
On suppose que pour tout élément g de G, W est stable par ρ(g). On peut alors définir chaque endomorphisme σ(g) de W comme la restriction de ρ(g) à W. Les σ(g) vérifient σ(g1)∘σ(g2)=σ(g1g2) et l'image par σ de l'élément neutre de G est la restriction à W de l'identité de V, donc c'est l'identité de W, qui est bien un automorphisme de W. Les conditions suffisantes sont remplies pour que σ soit une représentation de G sur W.
- Une représentation de degré non nul est dite irréductible si elle n'admet pas d'autre sous-représentation qu'elle-même et la représentation de degré nul, autrement dit si V n'a pas de sous-espace propre stable par l'action de G. En termes matriciels, cela signifie qu'on ne peut pas trouver de base dans laquelle la représentation de G soit donnée par des matrices ayant toutes la même structure triangulaire supérieure par blocs (avec au moins deux blocs diagonaux).
- La somme directe d'une famille de représentations (Vi, ρi) de G est la représentation ρ sur l'espace vectoriel somme directe des Vi définie par : ρ(g) = ⊕i ρi(g). En termes matriciels, cela signifie qu'en juxtaposant des bases des Vi pour former une base de leur somme directe, la représentation ρ est faite par des matrices diagonales par blocs, chaque bloc correspondant à l'une des représentations ρi.
- Une représentation est dite complètement réductible si elle est somme directe de représentations irréductibles.
- Deux représentations sont dites disjointes si elles n'ont aucune composante irréductible commune, ou encore s'il n'existe aucun morphisme non nul entre elles.
- Si V est un espace de Hilbert dont le produit scalaire est invariant sous l'action de G, on dit que la représentation est unitaire (en).
- Si G est un groupe topologique et V un espace vectoriel topologique, la représentation ρ est une représentation continue si l'application G × V → V, (g, v) ↦ g.v est continue.
Lien avec les K[G]-modules
La K-algèbre de G, notée K[G] et constituée des combinaisons linéaires finies formelles d'éléments de G à coefficients dans K, est une K-algèbre associative dont la multiplication étend naturellement la loi du groupe G.
On peut alors étendre, et ce de façon unique, la représentation en un morphisme de K-algèbres de K[G] vers End(V), en posant
Ceci fait de V un K[G]-module. On dit également que V est un G-module (en).
Réciproquement, la donnée d'un K[G]-module fournit une représentation de G.
Via ce « dictionnaire » :
- un morphisme de représentations correspond à un morphisme de K[G]-modules ;
- la représentation régulière (cf section « Exemples » ci-dessus) correspond à la structure naturelle de K[G] vu comme module à gauche sur lui-même ;
- une représentation est irréductible si et seulement si V est simple en tant que K[G]-module ;
- elle est complètement réductible si et seulement si V est semi-simple.
Irréductibilité
Le fait de considérer des représentations irréductibles permet de beaucoup simplifier certains raisonnements : par exemple, d'après le lemme de Schur, un morphisme entre deux modules simples est soit nul, soit inversible.
On peut souvent ramener l'étude des représentations de G à l'étude de ses représentations irréductibles : si V n'est pas irréductible, on peut toujours considérer un sous-espace vectoriel de V qui soit stable par G. Si jamais V est de dimension finie, on pourra ainsi finir par trouver un sous-module simple.
Théorème de Maschke — Si G est un groupe fini et si la caractéristique de K ne divise pas card(G), alors tout K[G]-module est semi-simple (ou de façon équivalente : toute représentation de G sur un K-espace vectoriel est complètement réductible).
Ce théorème se généralise partiellement aux représentations continues de groupes compacts.
Si G est un groupe fini, toute représentation irréductible complexe (de degré fini) de G est équivalente à une sous-représentation de la représentation régulière.
Référence
Jean-Pierre Serre, Représentations linéaires des groupes finis [détail des éditions]
Articles connexes
- Théorie des représentations
- Représentation d'algèbre (en)
- Représentation d'algèbre de Lie
- Représentation d'un groupe de Lie
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