Perceval ou le Conte du Graal
Perceval ou le Conte du Graal | ||||||||
Auteur | Chrétien de Troyes | |||||||
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Genre | Roman courtois | |||||||
Date de parution | XIIe siècle | |||||||
Pays d'origine | France | |||||||
Chronologie | ||||||||
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Perceval ou le Conte du Graal est le cinquième roman de Chrétien de Troyes. Sa date de composition est inconnue mais elle est souvent placée vers 1180 bien que d'autres médiévistes reculent cette date jusqu'en 1190. Le roman est dédié au protecteur de Chrétien, le comte de Flandre Philippe et raconte l'histoire de Perceval, jeune homme devenu depuis peu un chevalier redoutable, ayant pour but la « quête » (recherche) du Graal.
Chrétien affirme avoir travaillé d’après une source fournie par Philippe. Le « conte », « roman » ou « poème » relate les aventures et les épreuves sans cesse croissantes du jeune chevalier Perceval, croisées avec celles de messire Gauvain, et il se termine abruptement après seulement 9 000 vers. L'œuvre, restée inachevée, nous est connue par quinze manuscrits ou fragments[1]. Par la suite, d'autres auteurs ont ajouté jusqu'à 54 000 vers (voir ci-dessous, « Continuations »). Perceval est le premier texte où il est fait mention du Graal.
Résumé
Après la mort de son mari et de deux fils, une femme se cache dans une forêt du Pays de Galles avec son dernier enfant, « Percevaus » (Perceval), et essaye, pour le préserver, de l'élever loin de la civilisation, dans l'ignorance complète du monde et de la chevalerie meurtrière. Malgré toutes les précautions de la mère, Perceval rencontre un jour un groupe de chevaliers à la brillante armure. Il en est si enthousiasmé qu'il quitte aussitôt le refuge et sa mère malgré les supplications de celle-ci qui ne voulait pas aussi le perdre. Il se rend à la cour du Roi Arthur à Carduel où une jeune fille lui prédit un grand avenir, malgré les railleries de Keu le sénéchal.
Perceval se fait remarquer par la rusticité de ses manières ; cependant, il sort vainqueur de son premier combat et s'empare de l'armure de son adversaire, le Chevalier Vermeil.
« Gurnemanz de Goorz » (Gornemant de Goort), un vieux chevalier plein d’expérience prend Perceval sous sa protection et lui enseigne les façons courtoises. Il lui apprend aussi les vertus chevaleresques : épargner un adversaire vaincu, montrer de la retenue dans le discours, protéger les dames et fréquenter les églises. Grâce à sa noble origine et à son ardeur, Perceval fait de rapides progrès et il peut bientôt voler de ses propres ailes.
Il s'en va donc à l'aventure et conquiert par sa beauté et son courage « Blancheflor » (Blanchefleur) qui devient son amie. Perceval insiste pour partir parce qu'il veut voir si sa mère est toujours en bonne santé, mais il promet de revenir et d'épouser Blanchefleur après.
Après maintes péripéties, un soir qu'il cherchait un gîte, Perceval est reçu par le « Roi Pescheor » (Roi Pêcheur). Des valets l'habillent d'écarlate et l'introduisent dans une vaste salle carrée au milieu de laquelle gît, à demi couché sur un lit, un homme vêtu de zibeline.
Pendant que Perceval s'entretient avec lui, il est témoin d’un spectacle étrange : un valet qui tient une lance resplendissante de blancheur s'avance. « À la pointe du fer de la lance perlait une goutte de sang et jusqu'à la main du valet coulait cette goutte vermeille ». Deux autres valets suivent avec des chandeliers en or. Puis vient une belle jeune fille richement parée. Elle porte un Graal d'or pur orné de pierres précieuses. Chrétien de Troyes souligne : « Il vint alors une si grande clarté que les chandelles perdirent la leur, comme les étoiles quand le soleil ou la lune se lève ». Une autre jeune fille porte un tailloir ou plateau en argent. L'étrange cortège va d'une pièce à l'autre tandis qu'on prépare un splendide souper. À chaque plat, le cortège réapparaît avec le Graal, sans que les assistants semblent y faire attention. Par contre bouleversé et intrigué, Perceval, se demande « À qui s'adresse le service du Graal ». Mais, prisonnier de l'éducation reçue, il n'ose le demander car il se souvient des conseils de Gurnemanz qui lui a recommandé de réfléchir avant de parler et de ne pas poser de questions indiscrètes. Après le repas, le châtelain, qu'un mal mystérieux semble ronger, se fait porter dans sa chambre par quatre serviteurs. Perceval s'endort à son tour. À l'aube, en se réveillant, il trouve le château vide. Actionné par des mains invisibles, le pont-levis s'abaisse devant lui. Perceval reprend la route, mais il est bien décidé à élucider le mystère et surtout à retrouver un jour le Graal.
Peu de temps après, une dame d’aspect horrible, telle qu’on en voit dans les légendes celtiques, arrive à la cour et reproche à Perceval de ne pas avoir interrogé son hôte à propos du Graal, car la question aurait eu le pouvoir de guérir le roi blessé et en même temps de lever la malédiction qui pesait sur ses terres.
La partie suivante du roman est consacrée au meilleur chevalier d'Arthur, Gauvain, défié en duel par un chevalier qui prétend que Gauvain a tué son seigneur. Gauvain sert en même temps de contraste et de complément à la naïveté de Perceval et ses aventures nous présentent un chevalier courtois qui doit agir dans des situations contraires à la courtoisie.
Les aventures de Gauvain le conduisent à un château gouverné par trois femmes : une reine, sa fille et sa petite-fille. Après avoir réussi l'épreuve du « Lit des Merveilles », Gauvain apprend qu'il s'agit en fait d'Ygerne, la mère d'Arthur, de l'épouse du roi Loth, sa propre mère, et de Clarissant, qui est donc sa sœur.
Par la suite, on ne parle plus de Perceval que brièvement avant la fin de la partie achevée par Chrétien de Troyes : Après cinq années de vaines recherches, il rencontre un ermite, son oncle, qui l'instruit dans les voies de l'esprit et lui révèle que le Graal est un calice (objet sacré contenant une hostie). Apportée chaque jour en procession solennelle au père du roi, cette hostie lui permet depuis quinze ans de se maintenir en vie.
Après les sages conseils de l'oncle adressés à Perceval, l'intrigue revient à Gauvain. Le poème inachevé se termine alors sans être revenu à Perceval.
Texte
Le roman de Perceval est conservé dans quinze manuscrits : sept sont à la Bibliothèque nationale de Paris, deux à Londres et un manuscrit dans chacune des villes de Florence, Berne, Montpellier, Mons, Clermont-Ferrand, Édimbourg. La situation des manuscrits est telle qu'il est impossible de dresser un stemma permettant de voir quels sont les liens de filiation que l'on pourrait établir entre les manuscrits[B 1]
L’influence de Perceval
Quoique Chrétien ne l’ait pas achevé, son roman exerça une énorme influence sur le monde littéraire du Moyen Âge. Perceval fit connaître le Saint Graal à une Europe enthousiasmée et toutes les versions de l’histoire du Graal remontent à lui directement ou indirectement. La plus célèbre des versions issues de Chrétien de Troyes est le Parzival de Wolfram von Eschenbach, l'une des plus grandes œuvres littéraires de l’Allemagne médiévale. L'œuvre de Wolfram a inspiré deux opéras de Richard Wagner: Parzifal et, de façon moins directe, Lohengrin. Un autre personnage dérivé de Perceval est le Gallois Peredur, fils d’Efrawg, héros d’un des trois romans gallois associés au Mabinogion.
Continuations du Conte du Graal
Quatre poètes au talent inégal ont repris l'histoire là où Chrétien l’avait laissée et ont essayé de la conduire jusqu’au bout.
Première Continuation
La première Continuation a ajouté au roman de 9 500 à 19 600 vers (selon les manuscrits). Elle a été autrefois attribuée à Wauchier de Denain et c’est pourquoi on l’appelle parfois encore Pseudo-Wauchier. Il existe une version courte, une moyenne et une longue ; la courte est la plus ancienne et la plus mal reliée au travail de Chrétien. Roger Sherman Loomis croyait que cette version représentait la vraie tradition du Graal, sensiblement différente de celle de Chrétien. Cette première Continuation comprend les aventures antérieures de Gauvain ; sa mère et sa grand-mère sont allées voir Arthur, car la sœur de Gauvain, Clarissant, doit épouser Guiromelant. Gauvain s'oppose d'abord au mariage mais se réconcilie avec Guiromelant, et rejoint Arthur pour assiéger avec lui deux châteaux. Finalement, il visite le château du Graal au cours d’une scène décrite de façon remarquable.
Les versions les plus longues comprennent deux romans apparemment indépendants mais imbriqués dans l'action principale. Le Livre de Caradoc a pour héros Caradoc, un chevalier d'Arthur, dans lequel celui-ci explique comment il a reçu son surnom « au court bras » ; l'autre raconte les mésaventures du frère de Gauvain, « Guerrehet » (Gaheris ou Gareth), sur un bateau tiré par un cygne.
Deuxième Continuation
Peu de temps après que la première Continuation eut été achevée, un autre auteur ajouta 13 000 vers à l’ensemble. Cette section aussi a été attribuée à Wauchier de Denain et pourrait bien, elle, être de lui. Composée surtout d'aventures, cette suite montre Perceval retournant au Château du Graal et réparant l'épée de Trébuchet. Toutefois, une mince fêlure (osque: le mot a été conservé dans la moitié sud de la France) subsiste dans la lame, signe que l'âme de Perceval n’a pas encore atteint la perfection.
La Continuation de Gerbert
17 000 vers ont été ajoutés par cette continuation. L'auteur, d'habitude identifié comme Gerbert de Montreuil, a composé sa version indépendamment de Manessier mais vers la même époque. Il avait écrit une fin, malheureusement supprimée dans les deux copies subsistantes, qui insèrent ce texte amputé – mais encore de longueur respectable – entre la deuxième Continuation et celle de Manessier. Gerbert essaye de se rattacher aux finales des manuscrits laissées par Chrétien et par les autres auteurs, et l'influence de Robert de Boron y est sensible. Il est remarquable que Gerbert ait inclus dans son récit un épisode complet de Tristan qui n'existe nulle part ailleurs.
La Continuation de Manessier
La Continuation de Manessier (appelée aussi troisième Continuation parce que c’est sa place dans les manuscrits qui n’incluent pas Gerbert, mais cela prête à confusion) a ajouté 10 000 vers et (enfin) un dénouement. Manessier a fondu ensemble un grand nombre de fins imprécises venant des auteurs précédents et il a inclus plusieurs épisodes pris dans d’autres œuvres, en incluant la Joie de la Cour, une aventure d’Erec de Chrétien de Troyes et la mort d’Énide et de Calogrenant telle qu’on la raconte dans la partie consacrée à la Queste del Saint Graal dans le cycle du Graal de Lancelot. Le conte se termine avec la mort du Roi Pêcheur et la montée de Perceval sur son trône. Après sept ans de règne, Perceval s’en va mourir dans les bois, et Manessier suppose qu’il emporte avec lui au ciel le Graal, la Lance et le Plat d’argent.
Analyse
Dans le roman apparaît une critique de la chevalerie, non pas dans son idéal, mais dans ce qu'elle devient dans la réalité. Chrétien oppose une chevalerie rêvée et une activité réelle qui devient un moyen d'obtenir la gloire. Alors que le chevalier doit faire le bien sans espérer d'honneur - et celui-ci s'imposera de lui-même par la suite - les personnages des romans de Chrétien cherchent la gloire, et la défense de l'opprimé n'est plus une fin mais un moyen. Cette adhésion à la superficialité de la chevalerie réelle amène Perceval, lorsqu'il est en présence du roi Pêcheur et du Graal, à ne pas suivre son désir de poser la question sur ce qu'est le Graal et à ne pouvoir amener la guérison du roi[2].
Interprétations
Selon Philippe Jouët, l’épisode central de la présentation du Graal et des questions que Perceval n’a pas posées seraient la trace d’un verbal contest de passage de l’année. Le roi méhaigné représentant un cycle temporel et politique à son déclin et le Graal un récipient nourricier lié à la partie diurne de l’année. La faute de Perceval serait alors de ne pas avoir su assurer le renouvellement du cycle et symboliquement le rétablissement du Roi pêcheur et de sa terre[3].
Notes et références
Notes
Références bibliographiques
Keith Busby, Le Roman de Perceval ou Le Conte du Graal. Édition critique d'après tous les manuscrits
- ↑ p. XIV
Autres références
- ↑ Walter 1997, p. 58
- ↑ (en) Norris J. Lacy, The Craft of Chrétien de Troyes : An Essay on Narrative Art, Brill Archive, , 136 p. (ISBN 9789004061910, lire en ligne), p. 5
- ↑ Philippe Jouët, L’Aurore celtique dans la mythologie, l'épopée et les traditions, Fouesnant, Yoran embanner, (ISBN 978-2914855334), p. 32-33
Bibliographie
- Keith Busby, Le Roman de Perceval ou Le Conte du Graal : Edition critique d'après tous les manuscrits, Tübingen, Niemeyer, , 583 p. (ISBN 9783110922431, lire en ligne)
- Estelle Doudet, Chrétien de Troyes, Tallandier, , 360 p. (ISBN 978-2-84734-340-3)
- Jean Frappier, Chrétien de Troyes : l'homme et l’œuvre, Hatier,
- Jean Frappier, Chrétien de Troyes et le mythe du Graal : Etude sur Perceval ou le Conte du Graal, Paris, Hatier
- (en) Leslie T. Topsfield, Chrétien de Troyes : A Study of the Arthurian Romances, Cambridge University Press, , 376 p. (ISBN 978-0521155298)
- Jean-René Valette, La Pensée du Graal : Fiction littéraire et théologie (XIIe-XIIIe siècle), Honoré Champion, coll. « Nouvelle bibliothèque du Moyen Age », (ISBN 978-2745316165)
- Philippe Walter, Chrétien de Troyes, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », (ISBN 978-2130483885)
- Philippe Walter, Perceval : Le Pêcheur et le Graal, Paris, Imago, (ISBN 978-2911416927)
- Perceval et le Graal. Deuxième et troisième continuations d'après le manuscrit français 12 577 de la B.N., traduction par Simone Hannedouche, Triades, 1958
Voir aussi
Articles connexes
- Dandrane
- Graal
- Perceval
- Cycle arthurien
Iconographie
- Série : Manuscrit de Perceval, Bibliothèque de la Faculté de Médecine, Montpellier, H249 24 enluminures. BIUM Montpellier, collections numérisées
- Exposition BNF BnF, Manuscrits Français 12577 et Dossier
Liens externes
- Texte en ligne
- Perceval le Gallois: ou, Le conte du Graal, traduction Manessier, Charles Potvin
- Site consacré au Conte du Graal
- Autre site (Académie de Versailles)
- Cours sur la quête du Graal donné par Michel Zink au Collège de France en 2008-2009.
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