Louis le Pieux
Louis Ier | |
Miniature contemporaine de l'école de Fulda datant de 826 représentant Louis le Pieux. Liber de laudibus Sanctae Crucis, Codex Vaticanus Reginensis latinus 124. |
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Titre | |
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Roi des Francs et Empereur d'Occident | |
– (26 ans 3 mois et 23 jours) | |
Prédécesseur | Charlemagne |
Successeur | Francie orientale : Louis II Francie médiane : Lothaire Ier Francie occidentale : Charles II Royaume d'Aquitaine : Pépin Ier |
Roi d'Aquitaine | |
781 – 814 | |
Monarque | Louis Ier |
Prédécesseur | Chorson de Toulouse |
Successeur | Pépin Ier |
Biographie | |
Titre complet | Roi d'Aquitaine (781-814) Empereur d'Occident Roi des Francs (814-840) |
Dynastie | Carolingiens |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Casseuil ou Chasseneuil-du-Poitou (France) |
Date de décès | (à 62 ans) |
Lieu de décès | Ingelheim près de Mayence (Allemagne) |
Père | Charlemagne |
Mère | Hildegarde de Vintzgau |
Conjoint | Ermengarde de Hesbaye (798) Judith (819) |
Enfant(s) | Avec Ermengarde de Hesbaye : Lothaire Ier (795-855) Pépin Ier (797-838) Hildegarde (abbesse de Saint-Jean de Laon) Louis II (v.806-876) Rotrude Avec Judith de Bavière : Gisèle (v. 819/820-874) Charles II (823-877) Avec Theudelinde de Sens : Alpaïs Arnulf (v.794-vers 841) |
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Louis Ier dit « le Pieux » (parfois « le Débonnaire ») est né en 778 à Cassinogilum, dont la localisation n'est pas certaine et varie entre Casseuil près de Bordeaux[1] et Chasseneuil-du-Poitou dans la Vienne, et mort le à Ingelheim près de Mayence[2], est roi d'Aquitaine jusqu'en 814, puis empereur d'Occident de 814 à sa mort. Il décède à 62 ans, un âge respectable pour l'époque.
Son règne est marqué par de nombreuses menaces sur l'unité de l'Empire carolingien : non seulement il doit faire face aux raids des Vikings, mais ses fils se révoltent contre lui en plusieurs occasions. Les ambitions des grandes familles aristocratiques s'affirment de plus en plus, menaçant le pouvoir impérial.
Nom et surnoms de Louis Ier
Louis, parfois latinisé en Hludovicus ou Ludovicus, est un prénom traditionnel que l'on trouve dans la généalogie royale franque et qui commence avec Clovis, forme francisée du nom latin Clodovicus de même origine germanique.
Le qualificatif « le Pieux » est attesté de son vivant (en latin : pius), en particulier par la biographie écrite par le chorévêque de Trèves, Thégan (avant 800-vers 850), l'un de ses trois biographes : Vita Hludovici Pii, et dans le texte écrit par son conseiller Agobard de Lyon, pourtant très critique envers Judith, sa seconde épouse, fervent soutien de Lothaire et principal artisan de la déposition de Louis en 833 : Libro duo pro filiis et contra Iudith uxorem Ludovici Pii.
Ce surnom est lié à sa politique religieuse, nettement plus favorable à l’Église que celle de Charlemagne. Durant son règne, Louis réforme les monastères et change de politique à l'égard de la papauté en s'engageant à respecter le Patrimoine de Saint Pierre et à ne pas intervenir dans les élections pontificales. Le pape retrouve ainsi, après le contrôle exercé par Charlemagne, une certaine indépendance politique.
Il est possible aussi que son surnom de pieux lui ait été valu par sa propension à fondre en larmes lorsqu'il entrait dans des lieux saints, comme ce fut le cas lorsqu'il se recueillit sur la tombe de son père Charlemagne à Aix-la-Chapelle[3].
À la cour, il s'entoure de clercs qui le conseillent, comme Agobard (769?-840), Frédegis († 834) et Benoît d'Aniane (750-821). En 822, il accomplit une pénitence publique à Attigny. En somme, la politique religieuse de Louis le Pieux a pour objectif de renforcer l'unité de l'Empire, un empire carolingien fondamentalement chrétien.
- Louis « le Débonnaire »
Quant à son surnom de « débonnaire », il n'apparaît qu'une seule fois, durant le haut Moyen Âge, dans la biographie de l'Astronome, la Vita Hludovici. Il n'emploie le superlatif latin mitissimus ("très doux"), que l'on traduit par "débonnaire", qu'une seule fois dans son récit (chap. 21). Mais ce terme est repris en 1275 par un clerc à Saint-Denis nommé Primat dans les Grandes Chroniques de France, puis par d'autres chroniqueurs et historiens qui lui donnent une importance injustifiée.
Biographie
Origines et débuts
Il est le sixième enfant et le quatrième fils de Charlemagne ; le cinquième enfant et le troisième fils de sa seconde[4] épouse Hildegarde de Vintzgau, de la famille bavaroise des Agilolfing[5].
Au moment de sa naissance, durant l'été 778, alors que Hildegarde met au monde deux jumeaux, Louis et Lothaire (qui meurt peu après), Charlemagne est parti en expédition en Espagne. La naissance se déroule dans une des résidences royales, la villa Cassinogilum, qui correspondrait à l'actuelle commune de Chasseneuil-du-Poitou (département de la Vienne), ou Casseuil (département de la Gironde) sur la Garonne[1], selon les historiens[6].
Le , au cours de la célébration de la fête de Pâques à Rome, Charlemagne le fait couronner roi des Aquitains par le pape Adrien Ier[7]. Il n'a donc pas encore trois ans. Cette cérémonie voit aussi le couronnement du troisième fils qui n'a pas quatre ans, Pépin, roi d'Italie. Peu après, malgré son jeune âge, Louis est envoyé en Aquitaine sous la garde d'un tuteur, Arnold, et d'autres officiers[8].
Roi d'Aquitaine (781-814)
Durant son règne en Aquitaine, le gouvernement est d'abord assuré par Charlemagne, qui nomme des comtes francs. À partir des années 790 (12ans), Louis joue aussi un rôle dans le gouvernement de son royaume.
Parmi les personnalités du royaume d'Aquitaine, les principales sont Benoît d'Aniane, conseiller de Louis, d'origine wisigothe ; Guillaume, comte de Toulouse à partir de 788 en remplacement de Chorso, battu par un corps de l'armée musulmane. On peut aussi citer Bégon, gendre de Louis à partir de 806, et Hélisachar, son chancelier en 814.
Durant cette période, Louis vit le plus souvent dans ses domaines aquitains, à Doué, près de Saumur, Anjac, Cassinogilum et Ebreuil[9], ou encore Jocundiacum (Le Palais-sur-Vienne, près de Limoges).
Il est, à plusieurs reprises, appelé par Charlemagne à venir passer quelque temps à la cour :
- en 785 (il a 8 ans) à Paderborn[10] (en pays saxon à plus de 1 000 km ).
- en 791 (il a 14 ans) à Ratisbonne[11], où Charlemagne l'arme d'une épée.
- en 797 (il a 20 ans) à Herstelle[12] (Saxe), avec Pépin et Charles.
- En 795, il épouse Ermengarde de Hesbaye ; de ce mariage naîtront : Lothaire en 795, Pépin en 797 et Louis en 806, ainsi que deux filles, Hildegarde et Rothrude (cf. paragraphe « Généalogie »).
- En 800, il a une entrevue avec Charlemagne à Tours[13], alors que celui-ci parcourt le nord de la Gaule avant de se rendre à Rome ; Charlemagne semble avoir pensé à le faire venir à Rome en décembre 800, puis y avoir renoncé[14].
- En septembre 813, alors que ses frères aînés sont décédé récemment, il est à Aix-la-Chapelle pour être proclamé empereur par l'assemblée des grands, puis être couronné le 11 par Charlemagne[15] ; c'est la dernière rencontre du père et du fils qui repart en Aquitaine.
Les expéditions militaires de Louis:
- À partir des années 790, il prend part à plusieurs expéditions militaires : en 792, il est envoyé avec Pépin dans une campagne contre le duché de Bénévent[16]. Mais il s'agit surtout de campagnes en Espagne musulmane, où le pouvoir est détenu depuis 756 par l'émir omeyyade de Cordoue, en rébellion contre le califat abbasside de Bagdad. Les opérations des Francs au sud des Pyrénées bénéficient de l'action des rois asturiens dans l'ouest de la péninsule et de l'autonomie des gouverneurs musulmans, dont certains pactisent avec Charlemagne.
- En 797, Louis mène le siège de Huesca[17] ;
- En 800-801, il est à la tête de l'armée franque qui assiège, puis prend Barcelone[18]
- En 809, il fait partie de l'expédition contre Tortosa[19], qui échoue.
- De nouveau en 811, avec succès cette fois[20]. La marche d'Espagne atteint donc le bas cours de l'Ebre, tandis que Saragosse (objectif de l'expédition de 778) reste sous le contrôle des Musulmans.
La fin du règne de Charlemagne: En 806, Charlemagne organise un partage de ses territoires en trois royaumes attribués à ses trois fils légitimes : Charles, Pépin et Louis. En plus de l'Aquitaine, Louis aura les régions de l'ancienne Gaule au sud du plateau de Langres (royaume de Bourgogne, Provence). Le titre impérial n'est attribué à personne. Mais ce projet est finalement inutile, puisque Pépin et Charles meurent en 810 et 811.
« Au mois de septembre de cette même année (813), le susdit empereur Charles réunit une grande assemblée du peuple au palais d'Aix. Venant de tout son royaume et empire s'assemblèrent évêques, abbés, comtes, prêtres, diacres et assemblée des Francs auprès de l'empereur à Aix ; et là ils élaborèrent quarante-six chapitres sur ce qui était nécessaire à l'Église de Dieu et au peuple chrétien. Ensuite se tint une assemblée avec les dits évêques, abbés, comtes et nobles du royaume franc, et ils firent de son fils Louis un roi et un empereur. Ce à quoi tous consentirent pareillement, déclarant que cela était justifié ; et cela plut au peuple, et avec le consentement et l'acclamation de tout le peuple, il fit son fils Louis empereur avec lui, et il perpétua l'empire par la couronne d'or, le peuple acclamant et criant : Vive l'empereur Louis ! Et ce fut une grande joie dans le peuple ce jour-là[21]. »
L'avènement et le sacre (814-816)
En février 814, Louis apprend la mort de son père alors qu'il se trouve dans son palais de Doué-la-Fontaine.
Revenu à Aix-la-Chapelle après un voyage d'un mois, il procède à différents changements dans le personnel dirigeant, ses conseillers étant promus et ceux de Charlemagne écartés (en particulier ses cousins Adalard et Wala). Il renvoie du palais un certain nombre de femmes qui s'y trouvaient, y compris ses sœurs, qui sont placées dans des monastères.
Contrairement à Charlemagne, il renonce à s'intituler encore roi des Francs et des Lombards ; le seul titre qu'il porte est celui d'empereur, indiquant par là que son autorité est aussi universelle que celle du pape et s'étend comme elle à tous les chrétiens[22].
Le 5 octobre[23] 816, il est couronné et sacré par le pape Étienne IV à Reims[24],[25]. Il est le premier monarque sacré à Reims, pratique suivie par presque tous les rois de France après lui[26].
Le partage de 817 et la révolte de Bernard d'Italie (818)
Louis fut tout de suite confronté à une question qui avait été épargnée à son père et qui allait permettre d'éprouver la solidité de l'Empire. Il avait trois fils : Lothaire, Louis et Pépin. Comment fallait-il régler sa succession ? L'idée du partage égal entre les fils du souverain avait toujours été appliquée depuis l'origine de la monarchie franque. D'autre part, le pouvoir impérial était, par sa nature même, aussi indivisible que le pouvoir du pape. Fallait-il donc considérer l'Empire comme si indissolublement confondu avec l’État que la succession à celui-ci serait régie par le même principe que la succession à celui-là ? ou bien, distinguant entre l'un et l'autre, procéder au partage de l’État, en réservant à l'un des héritiers l'autorité impériale[27] ?
Louis le Pieux se décida en faveur d'une mesure qui, sans rompre entièrement avec la coutume du partage, la subordonnait au principe de l'unité. En juillet 817, par l'acte appelé Ordinatio Imperii, il s'associe, comme corégent de l'Empire, Lothaire, son fils aîné, et le désigne comme son héritier. Ses deux autres fils reçoivent des territoires restreints et subordonnés : Pépin reçoit l'Aquitaine et Louis la Bavière. En agissant ainsi, Louis se prononçait contre l'ancienne conception de la monarchie laïque telle que l'avaient pratiquée les Mérovingiens et en faveur de la nouvelle conception ecclésiastique de l'Empire[27].
Ces dispositions provoquent la révolte de son neveu Bernard, petit-fils de Charlemagne, roi d'Italie. Il gagna la Gaule et reçut le soutien de Théodulf, évêque d'Orléans[28]. Néanmoins, Louis rassemble sans mal des forces afin de mater l'insurrection et Bernard est fait prisonnier et amené à Aix. Il est condamné à mort, gracié par Louis le Pieux, mais doit subir le châtiment de l'aveuglement. Il meurt deux jours après ce supplice. L'empereur, accablé de remords et poussé par son fidèle Benoît, abbé d'Aniane, se sentira obligé de faire publiquement pénitence mais seulement quatre ans plus tard, en 822, ce qui fera penser aux aristocrates nobles francs que l'empereur est faible et que seuls les ecclésiastiques forment un rempart à la prise du pouvoir de l'aristocratie[28].
Du remariage (819) au repartage (829)
Peu de temps après la mort de Bernard, Louis s'engage dans une campagne contre les Bretons ; Ermengarde, qui l'accompagne, meurt à Angers, où elle est inhumée.
Louis se remarie en 819 avec Judith de Bavière, de la dynastie des Welf, qui lui donne une fille, Gisèle[29], et surtout un autre fils, Charles (né en 823), le futur Charles le Chauve. La naissance de Charles remet en cause le partage de 817 : il faudra possessionner ce nouveau descendant. Judith s'allie avec Louis et Pépin et s'assure le concours d'une partie de l'aristocratie, pour réclamer le partage de la succession entre tous les fils de l'empereur. On assiste en réalité à la formation de deux clans, l'un autour de Judith et l'autre autour de Lothaire, qui s'arrachent les soutiens nobles en offrant divers présents et promesses. L'aristocratie, déjà exaspérée par la politique de Louis Ier, semble y trouver son compte et prépare les prochaines révoltes[30].
Très vite, Lothaire, bien que parrain de Charles, refuse toute modification des décisions de 817 et rassemble autour de lui plusieurs aristocrates, formant un parti de l'unité impériale : un grand nombre d'évêques de Gaule, en particulier Jonas d'Orléans et Frédéric d'Utrecht, ainsi que les comtes Hugues de Tours (son beau-père), Matfrid d'Orléans et Lambert de Nantes.
De son côté, Judith favorise l'ascension de sa famille : sa mère devient abbesse de Chelles, son frère Rodolphe abbé de Saint-Riquier et de Jumièges ; son frère Conrad devient abbé de Saint-Gall et épouse une fille d'Hugues de Tours ; sa sœur Emma épouse (827) Louis de Bavière. Les échanges entre Louis le Pieux et l'empereur grec de Byzance, Michel II, aboutissent à des emprunts religieux et culturels : au cours d'une ambassade en 827, l'empereur byzantin lui fournit l'ensemble des œuvres de Denys l'Aréopagite dont le roi franc souhaitait une traduction[31].
Au cours de ces années, un autre personnage joue un rôle de plus en plus important : le marquis de Septimanie, Bernard, fils de Guillaume de Gellone, un soutien de Judith et de Charles. Marié en 824 à Aix avec Dhuoda, il bénéficie ensuite de son action dans la défense de Barcelone attaquée par les musulmans de Cordoue en 826, défense qu'il a dû mener seul malgré les dispositions prises par l'empereur pour lui envoyer des renforts avec Hugues de Tours et Matfrid d'Orléans. Ceux-ci n'ayant pas agi conformément aux ordres sont destitués. Bernard de Septimanie devient un des principaux conseillers de l'empereur.
En 829, lors de l'assemblée annuelle, tenue à Worms, Louis le Pieux modifie sa succession pour y intégrer Charles, à qui sont attribués des territoires en Alsace, Rhétie et Bourgogne, avantages qui ont pour résultat d'amener Louis et Pépin à se rapprocher du parti de Lothaire. Celui-ci est privé de son titre de régent et s'en va en Italie soumettre sa querelle au pape[32]. Wala est également écarté (au monastère de Corbie), tandis que Bernard devient chambellan et reçoit la responsabilité de l'éducation de Charles.
À la suite de ces changements, Bernard de Septimanie et Judith sont l'objet d'une campagne de dénigrement de la part des partisans de Lothaire dirigés par Wala : à l'extrême, ils sont accusés d'adultère, voire de sorcellerie et de tentative d'assassinat. Bernard est accusé d'accaparer tout le pouvoir à Aix, au détriment d'un empereur trompé et envoûté[33].
La période des révoltes et des guerres civiles (830-835)
La révolte de 830
Une première révolte éclate en 830 : Pépin et Louis s'emparent du palais impérial et de l'empereur et le contraignent à enfermer Judith dans un monastère, Charles étant lui aussi confié à des moines. Bernard de Septimanie a dû partir en hâte et se réfugie dans ses domaines du midi. Lothaire, revenu d'Italie, maintient son père au pouvoir, mais sous son contrôle d'empereur associé.
Louis le Pieux va alors bénéficier de l'appui des évêques de Germanie et engager des négociations avec Pépin et Louis qui rompent avec Lothaire. Lors de l'assemblée tenue à Nimègue en 830, Lothaire accepte de repartir en Italie. Louis se décide alors à rompre le partage de 817 pour redécouper de nouveau le territoire mais cette fois-ci en quatre. Le partage est officiel en 831 : Lothaire garde l'Italie et conserve le titre impérial jusqu'à sa mort, le reste de l'empire est partagé entre Pépin, Louis et Charles. Les royaumes deviendront indépendants à la mort de Lothaire.
- La confiscation de l'Aquitaine (832)
Malgré cela, Pépin et Louis continuent de s'agiter. Pépin, au service de qui Bernard de Septimanie s'est placé, s'étant rebellé, l'empereur procède à la confiscation de leurs domaines.
La révolte de 833 et la destitution de l'empereur
En 833, Judith entame une négociation avec Lothaire en vue d'un partage de l'empire entre lui et Charles.
- Le « Champ du mensonge » (juin 833)
Lothaire, à la tête d'une armée, franchit les Alpes, accompagné du pape Grégoire IV, rejoint ses frères et marche avec eux contre leur père. La rencontre eut lieu à la fin du mois de juin en Alsace, dans un lieu appelé ensuite « Champ du mensonge »[34]. Durant les négociations[35], les partisans de Louis le Pieux l'abandonnent l'un après l'autre. Ce résultat est notamment dû à l'action du pape, qui renforce par la même occasion son influence. Au nom de la paix de l'Église, dont l'Empire n'était que la forme temporelle, il revendiqua le droit d'intervenir, rétablit Lothaire dans sa dignité primitive[32] et emmena Judith en Italie. Charles est placé au monastère de Prüm.
- La pénitence de Soissons (novembre 833)
En novembre, Lothaire, soutenu par les évêques de Gaule, notamment Agobard de Lyon et Ebon de Reims, impose à son père une pénitence publique qui se déroule dans l'abbaye Saint-Médard de Soissons devant une assemblée de clercs et de laïcs[36]. Louis est obligé de confesser ses nombreux « crimes » et, cette fois, est contraint d'abdiquer la dignité impériale.
En 834 Hugues (802-844), abbé laïc de nombreuses abbayes, devient archichancelier.
La guerre civile de 834 et le rétablissement de Louis le Pieux
Les résultats obtenus par Lothaire en 833 ne correspondaient pas aux vœux de Louis et de Pépin. Ils reprirent les armes et la lutte continua. Une coalition entre Louis le Pieux, Louis de Bavière et Pépin (avec Bernard) se forme de nouveau contre Lothaire. Une armée est rassemblée à Langres. Lothaire réussit à s'emparer de Chalon, où sont exécutés Gaucelme et Gauberge, frère et sœur de Bernard de Septimanie. Mais il est finalement contraint de repartir en Italie.
En 835, Louis retrouve son titre d'empereur lors du concile de Thionville.
La fin du règne : une relative accalmie (835-840)
En 837, Louis le Pieux attribue à Charles un royaume à partir de territoire de la vallée de la Meuse, auxquels il ajoute, en 838, à la suite de la mort de Pépin, l'Aquitaine, malgré la présence d'un héritier légitime, ce qui amène une tension avec les aristocrates aquitains.
Judith, après avoir fait assassiner l'évêque Frédéric d'Utrecht, conçoit le projet d'un rapprochement de Charles avec Lothaire, à qui en 839, lors de l'assemblée d'Aix, l'empereur accorde les territoires à l'est du Rhin. Dès lors, c'est Louis de Bavière qui devient l'ennemi principal.
Mais Louis le Pieux meurt peu après dans une île du Rhin, à Ingelheim, au cours des préparatifs pour une campagne contre son fils. Il est inhumé auprès de sa mère dans l'abbaye Saint-Arnould de Metz[37]. Après sa mort, les hostilités reprennent entre les fils, aboutissant à un nouveau partage de l'empire lors du traité de Verdun (843).
Généalogie
Voir aussi Carolingiens
┌─ Pépin dit le Bref (v.715-† 768), maire du palais de Bourgogne (741), de Neustrie (741), d'Austrasie (747), roi des Francs (751). ┌─ Charles dit le Grand ou Charlemagne (747-814), roi des Francs (768), empereur d'Occident (800). │ └─ Bertrade de Laon (?-783). │ Louis Ier dit le Pieux │ │ ┌─ Gérold Ier de Vintzgau (v.725-v.786) └─ Hildegarde de Vintzgau (v.757-† 783). └─ Emma d'Alémanie (?-?). Fille de Nébi.
Louis Ier dit le Pieux 1) ép. vers 794 Ermengarde de Hesbaye 2) ép. en 819 Judith (cf. Welfs)
├─De 1 Lothaire Ier (795- † 855), empereur d'Occident (840-855) épouse en 821 Ermengarde de Tours (cf. Étichonides) │ ├─De 1 Pépin Ier d'Aquitaine (v. 797-838), roi d'Aquitaine (817-838), épouse en 822 Ringarde. │ ├─De 1 Rotrude (v. 800- † ?). │ ├─De 1 Hildegarde (v. 803 - † 857), épouse de Gérard d'Auvergne[38], abbesse de l'abbaye Saint-Jean de Laon. │ ├─De 1 Louis dit le Germanique (v.806-876), roi de Germanie (843-876). │ ép. en 827 Emma (cf. Welfs) │ ├─De 2 Gisèle (v. 819/822 - † 874)) épouse d'Eberhard de Frioul (cf. Unrochides)→ Famille des Unrochides. ├─De 2 Charles II dit le Chauve (823- † 877), roi de Francie occidentale (840-877), empereur d'Occident (875-877). │ ├─Avec une concubine dont le nom n'est pas connu ├─Aupaïs (vers 793 - † 852) épouse de Bégon de Paris, fils de Gérard Ier de Paris ├─Arnulf (v.794- † vers 841) comte de Sens en 817
À noter que Gisèle étant née en 820, elle est plus probablement la fille de Judith de Bavière
Tombeau de Louis le Pieux
- Charlemagne avait fait de l'abbaye Saint-Arnoul de Metz la nécropole d'une partie de sa famille : sa femme Hildegarde, ses sœurs, ainsi que ses fils, dont l’empereur Louis le Pieux, y furent enterrés. Il s'agirait originellement d'un sarcophage du Ve siècle sorti des ateliers d'Arles ; seuls des reliefs sculptés de la face antérieure ont alors pu être conservés, toutes les autres parties du sarcophage ayant été détruites ou dispersées depuis la Révolution. Les fragments conservés permettent de reconnaître l'iconographie du Passage de la Mer Rouge[39].
- Selon l’abbé Thibault (1239), les souverains étaient inhumés avec grand soin (il retrouva vêtements de soie, gants, anneaux, bâtons et couronnes dans certaines tombes).
- Le siège de Metz par Charles Quint en 1552 entraîna la destruction de l’abbaye. Elle fut transférée, avec les tombeaux impériaux, à l’intérieur des remparts dans le couvent dominicain des Prêcheurs, construit en 1221, couvent qui, à l’exception de l’église, fut reconstruit au XVIIe siècle. On peut aujourd’hui voir ces bâtiments, avec en particulier le cloître, l’ancien réfectoire et l’ancienne sacristie.
- Après la translation de 1552, Henri II, roi de France fit élever un mausolée dans la nouvelle abbatiale, du côté de l'épître. Le nom du sculpteur n'est pas connu mais un dessin du XVIIIe siècle permet d'en apprécier la majesté. Il s'agit d'un tombeau-effigie, aux formes verticales dominantes, tombeau grandiose qui répond au goût du XVIe siècle. Moins grand que les tombeaux royaux renaissants de Saint-Denis, le monument se devait de célébrer la gloire impériale carolingienne dont le Valois se voulait l'héritier. Le gisant de Louis le Pieux est couché directement sur la dalle-couvercle et occupe quasiment toute la longueur du sarcophage antique incorporé dans le nouvel arrangement. L'empereur est couronné, il tient le sceptre dans la main droite ; sa tête est appuyée sur un coussin, les pieds se dressent sans appui. Deux colonnes engagées ou adossées reposent sur la dalle-couvercle ; elles supportent un couronnement qui termine harmonieusement le tout. La partie inférieure du tombeau est constituée du sarcophage antique, amplifié par des pilastres ou des colonnes cannelées, disposées latéralement, agrémentées de coquilles et de artouches. La cuve repose sur trois protomés de lion à tête anthropomorphe. Les lions tiennent entre leurs pattes des écussons bipartites avec lys royal et aigle impérial[39].
- Lors de la Révolution, elle fut confisquée comme bien national, les religieux furent expulsés et les tombeaux impériaux carolingiens détruits.
- Une partie du tombeau de Louis le Pieux se trouve aujourd'hui au musée de Metz.
Hommages et citations
- Odonymie
- Rue Louis le Pieux : Thionville (cela semble être le seul cas d'utilisation publique du nom de Louis le Pieux, en France)
- Rue Louis le Débonnaire : Attigny, Metz, Saint-Benoît-sur-Loire, Soissons
- Citations
- Napoléon Ier parlant aux évêques de France en 1809 : « Messieurs, vous voulez me traiter comme si j'étais Louis le Débonnaire. Ne confondez pas le fils avec le père… Je suis Charlemagne…. »
Annexes
Sources et bibliographie
Textes médiévaux
- Nithard, Histoire des fils de Louis le Pieux (édition de Philippe Lauer), Les Belles-Lettres, Paris, 1964[40].
- Ermold le Noir, Poème au roi Louis le Pieux suivi de Épîtres au roi Pépin (édition d'Edmond Faral), Les Belles Lettres, Paris, 1964
- Thégan, Gesta Hludowici (édition d'E. Tremp), Hanovre, 1995
- L'Astronome , Vita Hludowici, (édition d'E. Tremp), Hanovre, 1995
- Annales regni Francorum ab anno 741 usque ad annum 829 (édition F. Kurze), Hanovre, 1895
Certains de ces textes ont été récemment publiés aux éditions Paleo:
- Ermold le Noir/L'Astronome, La Succession de Charlemagne : la vie de Louis le Pieux, Paleo, Clermont-Ferrand, 2001, (ISBN 9782913944442). Cet ouvrage semble regrouper les textes de ces deux chroniqueurs sur la vie de Louis le Pieux.
- Hilduin de Saint-Denis, La Succession de Charlemagne (trad. F. Guizot et R. Fougères), Éditions Paleo (ISBN 2913944442).
- Nithard, Histoire des fils de Louis le Pieux : 814-843 (traduction de F. Guizot et R. Fougères), Éditions Paleo (ISBN 2-84909-482-X).
Ouvrages généraux
- François Louis Ganshof, The Carolingians and the Frankish Monarchy, 1971
- Olivier Guillot, Albert Rigaudière, Yves Sassier, Pouvoirs et institutions dans la France médiévale, Paris, Armand Colin, 1994
- Georges Minois, Charlemagne, Paris, éditions Perrin,
- Christian Settipani, La Préhistoire des Capétiens (Nouvelle histoire généalogique de l'auguste maison de France, vol. 1), Villeneuve d'Ascq, éd. Patrick van Kerrebrouck, , 545 p. (ISBN 978-2-95015-093-6)
- Adriaan Verhulst, « La construction carolingienne, VIIIè siècle-840 », dans Georges Duby (dir.),, Histoire de la France des origines à nos jours, Paris, Larousse, , p. 156-185
- Jean-Charles Volkmann, Bien connaître les généalogies des rois de France, Éditions Gisserot, , 127 p. (ISBN 978-2-87747-208-1)
Travaux sur Louis le Pieux
- Des travaux sont menés par le Groupe international de recherche Hludowicus ; ils sont disponibles en ligne[41].
- Egon Boshof, Ludwig der Fromme, Wissentschafliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 1996. Actuellement l'ouvrage le plus détaillé sur le sujet, il n'est pas encore traduit en français.
- Geneviève Bührer-Thierry, L'Europe carolingienne (714-888), Armand Colin, Paris, 2001, Chapitre 4 : « Louis le Pieux ou comment conserver l'Empire chrétien », pages 44–53.
- Philippe Depreux, Prosopographie de l'entourage de Louis le Pieux (781–840), Thorbecke, Sigmaringen, 1997.
- Philippe Depreux, « Louis le Pieux reconsidéré ? À propos des travaux récents consacrés à "l'héritier de Charlemagne" et à son règne », in Francia, no 21/1, 1994, [lire en ligne].
- Peter Godman et Roger Collins (dir.), Charlemagne's Heir. New Persp
- Martin Gravel, « De la crise du règne de Louis le Pieux : Essai d'historiographie », dans Revue historique, 658, avril 2011, pages 357-390. Cet article passe en revue les points de vue des historiens sur Louis le Pieux et son règne depuis le XIXe siècle, principalement à travers la question des causes de l'éclatement de l'empire de Charlemagne.
- Louis Halphen, Charlemagne et l’empire carolingien, Albin Michel, coll. « L’évolution de l’humanité », Paris, 1947 (rééditions : 1968, 1995). Un chapitre est consacré à Louis le Pieux.
- Michel Mourre, Le Petit Mourre. Dictionnaire d'Histoire universelle, Éditions Bordas, (ISBN 978-2-04-732194-2) - article « Louis le Pieux »
- Pierre Riché, Les Carolingiens, une famille qui fit l'Europe, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », (réimpr. 1997), 490 p. (ISBN 2-01-278851-3), Troisième partie, chapitre 1 : « Le règne de Louis le Pieux : tentative et échec d'une empire unitaire », pages 167-181.
Notes et références
- 1 2 Albert Dauzat et Charles Rostaing, Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, Paris, Librairie Guénégaud, , 738 p. (ISBN 2-85023-076-6), p. 152
- ↑ Cf. Généalogie de Louis le Pieux.
- ↑ Jean-Joseph Julaud, L'Histoire de France pour les nuls, tome 1, p. 26
- ↑ Cf. Riché, Tableau VI : Enfants de Charlemagne. Celui-ci a été marié à Désirée, qu'il a répudiée ; il a eu un fils d'une concubine, Himiltrude.
- ↑ Cf. Riché, Tableau V : Familles de Bavière et d'Alémanie.
- ↑ T. de L., Notes diverses, Cassinogilum et M. Jullian, Revue de l'Agenais, (lire en ligne)
- ↑ Ernest Lavisse, Histoire de France depuis les origines jusqu'à la Révolution, AMS Press, 1969, lire en ligne, p. 292.
- ↑ Minois 2010, p. 214.
- ↑ Pierre Riché, page 167.
- ↑ Minois 2010, p. 250
- ↑ Minois 2010, p. 276
- ↑ Minois 2010, p. 326
- ↑ Minois 2010, p. 350
- ↑ Minois 2010, p. 352
- ↑ Stéphane Lebecq, Les origines franques Ve-IXe siècle, Seuil (Nouvelle histoire de la France médiévale, 1), 1990, p. 275.
- ↑ Minois 2010, p. 280
- ↑ Minois 2010, p. 324
- ↑ Minois 2010, p. 389
- ↑ Minois 2010, p. 439
- ↑ Minois 2010, p. 451
- ↑ Chronicon Moissacense…, no 813, éd. G.H. Pertz, Scriptores, t. 1, M.G.H., Hanovre, 1826, p. 310.
- ↑ Henri Pirenne, Histoire de l'Europe des invasions au XVIe siècle, Paris-Bruxelles, Alcan-N.S.E., 1939, p. 74
- ↑ Michel Rouche, Le baptême de Clovis, son écho à travers l'histoire, Presses Paris Sorbonne, 1997
- ↑ Laurent Theis, Clovis de l'histoire au mythe, éditions Complexe, 1996, p. 93.
- ↑ Gilles Baillat, Reims, éditions Bonneton, 1990, p. 57.
- ↑ Henri IV par exemple a été sacré à Chartres, et non à Reims, mais c'est une exception). En ce qui concerne Clovis, il n'a pas été sacré, mais baptisé à Reims. Il n'a du reste jamais été sacré, pas plus que les rois mérovingiens.
- 1 2 Henri Pirenne, Histoire de l'Europe des invasions au XVIe siècle, Paris-Bruxelles, Alcan-N.S.E., 1939, p. 75
- 1 2 Verhulst 1999, p. 163.
- ↑ Selon Pierre Riché, Tableau VII, Gisèle est la fille d'Ermengarde et non pas de Judith.
- ↑ Verhulst 1999, p. 164.
- ↑ Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont Saint-Michel, Seuil, 2008, p. 36.
- 1 2 Henri Pirenne, Histoire de l'Europe des invasions au XVIe siècle, Paris-Bruxelles, Alcan-N.S.E., 15e éd., 1939, p. 76.
- ↑ Ces éléments de propagande apparaissent sous une forme développée dans la biographie de Wala par Paschase Rodbert, citée longuement par Pierre Riché, page 174. Nithard note sous une forme sobre que « Bernard abusa de son pouvoir dans l’État ».
- ↑ Situé entre Colmar et Sigolsheim, mais plus près de cette dernière ville.
- ↑ Pierre Riché, page 177, n'évoque pas de combats.
- ↑ Certaines pages parlent de la « Diète d'Empire », mais ce terme n'est pas employé par Riché.
- ↑ À la suite de la destruction de l'abbaye et à de nombreux transferts, le sarcophage de Louis le Pieux se trouve actuellement au Musée de la Cour d'Or de Metz.
- ↑ Cf. Riché, Tableau VII : Enfants de Louis le Pieux.
- 1 2 M.-A. KUHN, Le sarcophage de Louis le Pieux, une œuvre du Ve siècle sortie des ateliers d'Arles, Académie nationale de Metz, 1998.
- ↑ sur google livres
- ↑ http://www.flsh.unilim.fr/Rech/hludowicus/
Liens externes
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