Leucippe
Portrait idéal de Leucippe
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Leucippe (en grec ancien Λεύκιππος / Leúkippos) est un philosophe présocratique grec (v. 460 – 370 av. J.-C.), considéré comme inventeur de l'atomisme philosophique même si Anaxagore a élaboré une théorie similaire. Actif vers 440 av. J.-C., maître de Démocrite (actif vers 433 av. J.-C.).
Biographie
Peu de choses de sa vie sont connues. Selon la tradition, Leucippe est né à Milet vers 460 av. J.-C. (comme Démocrite aussi peut-être). Selon d'autres sources (Diogène Laërce, IX, 30), à Élée ; enfin, on le fait parfois citoyen d'Abdère. Il aurait été le contemporain d'Empédocle et Anaxagore, et l'élève de Zénon d'Élée ou même de Parménide. Pour certains (dont Erich Frank, 1923), Leucippe était sous influence pythagoricienne.
Comme nous ne possédons que peu de fragments se rapportant au philosophe, Leucippe pourrait être considéré aussi bien comme un homme qu'une femme, ainsi que le propose Jean-Paul Dumont.
Doctrine
Physique : atomes et vide
Leucippe est probablement le fondateur de l'atomisme, bien que le nom de Mochos, un Phénicien dont on ignore tout et qu'on connaît par la seule allusion de Sextus Empiricus qui lui prête l'invention de l'atome, une position physique à laquelle on peut vraisemblablement associer, en vertu du principe transcrit chez les suivants, de Leucippe à Lucrèce en passant par Épicure, une éthique hédoniste. Nous ne possédons aucune de ses œuvres à proprement parler : elles sont comprises dans celles de Démocrite, et il est pratiquement impossible de distinguer leurs idées respectives. L'existence même de Leucippe est sujette à caution : selon Diogène Laërce, Épicure doutait de son existence. Aristote et Théophraste le citent explicitement comme étant à l'origine de la théorie atomiste. On lui attribue un traité Sur l'intellect bien que selon certains historiens[1] ce traité ne soit qu'un extrait d'un ouvrage plus vaste dit La grande Cosmologie.
Selon cette théorie, les principes premiers de la réalité sont le plein, le vide et le mouvement :
- « Il estimait que toutes les choses sont illimitées et se transforment mutuellement les unes dans les autres, et que l'univers est à la fois vide et rempli de corps. » (Diogène Laërce, IX, 30)
Cette pensée radicale retire aux dieux leurs potentialités spirituelles, fait de l'âme une chose matérielle et rend les arrière-mondes impossibles. Les dieux, l'âme et les autres mondes deviennent de ce fait réalité perceptibles, concrètes. Selon Michel Onfray, « Leucippe arrime les hommes à la seule dimension du réel ». Remarquons que cette pensée est émise au moment où les mythes, fables et religions commencent à être mis en doute.
Les différences entre les choses sont analysables en fin de compte par une combinaison de qualités des atomes qui les forment. Leur poids, leur forme, leur vitesse, leur direction, leurs positions respectives donnent à chaque chose sa configuration caractéristique. L'atomisme de Leucippe a été repris et popularisé par son élève Démocrite. Aux théories physiques et cosmologiques originales, celui-ci ajoutera en propre les conséquences éthiques qu'il convient de tirer de la physique de Leucippe. Il est cependant possible que Leucippe ait également une éthique, découlant logiquement de sa physique matérialiste.
Dans son ouvrage De ira Dei (De la Colère de Dieu), écrit vers 320 apr. J.-C., Lactance qui combat les idées de Leucippe écrit : « Les anciens philosophes expliquaient que tout est constitué par quatre éléments. » Lui [Leucippe] n'a pas voulu de cette explication par peur de paraître marcher sur les traces d'autrui ; mais il a prétendu que ces éléments eux-mêmes avaient pour origine d'autres éléments que l'on ne pouvait ni voir, ni toucher, ni percevoir par aucune partie du corps ; ils sont si ténus dit-il, qu'il n'y a pas de lame de fer assez fine pour pouvoir les couper et les diviser ; par la suite, il leur a donné le nom d'atome. (Lactance 10, 1, 5)
Physique : les simulacres
L'agencement des atomes, chez Leucippe, forme toute chose de l'univers et produit des simulacres. Ces derniers sont en fait de petites particules en suspension dans le vide qui vont pénétrer dans l'être humain pour y apporter des informations. Les simulacres stimulent ainsi les cinq sens humains. La vérité se trouve donc uniquement dans les phénomènes[2].
D'après la tradition cette idée philosophique des simulacres serait liée à la contemplation du philosophe d'un rai de lumière faisant apparaitre la poussière en suspension.
Éthique
Cette physique matérialiste amène logiquement une éthique, comme le faisaient à cette époque de nombreux philosophes. Ainsi, les dieux ne peuvent plus exister que sous une forme matérielle, ils ne peuvent plus s'occuper des humains, les juger et leur envoyer toutes sortes de souffrances et de catastrophes. Cela met l'homme face à lui-même, sous son propre jugement et non sous celui d'une divinité. Selon l'interprétation de Michel Onfray, « Les dieux s'effacent doucement et laissent la place aux hommes : le matérialisme de Leucippe prépare l'éviction du divin et rend possible le sacre de l'humain ». On pourrait avancer que cette physique débouche sur une éthique hédoniste, en l'occurrence sur une morale de la joie :
« Et, à vrai dire, le péripatéticien Lykos disait, comme Leucime, que la joie authentique est le but de l'âme : c'est la joie que procurent les choses belles. » (Clément d'Alexandrie, Stromates, II, 129)
Leucime pourrait bien être Leucippe. Pour Jean-Paul Dumont, qui a classé le fragment avec les autres fragments rapportés au philosophe, il s'agit bien de Leucippe. Difficile de tirer quelque chose de ce maigre fragment. On peut tout de même dire que le terme joie équivaut au plaisir. Bailly nous apprend que les mots grec charis et hédoné se superposent la plupart du temps et ont la même signification par exemple chez Sophocle (le Gorgias), chez Platon (le Sophiste) ainsi que chez Plutarque. Homère (L'Illiade), Xénophon et Platon confirment cette thèse, comprise dans toutes ses acceptions, sensuelle et sexuelle inclus. Les approches hédoniste et eudémonique sont, de ce fait, superposées, voire indifférenciées.
Sources
- Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres [détail des éditions] [lire en ligne] ;
- Les Écoles présocratiques, p. 383-400.
- Jean-Paul Dumont et al., Les Présocratiques, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1988
- Michel Onfray, Contre-histoire de la philosophie 1 : Les Sagesses antiques, Grasset, 2006, ISBN 2-246-64791-6, p.41-51.
Références
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