Hermès
Dans la mythologie grecque, Hermès (Ἑρμῆς / Hermễs en grec, Ἑρμᾶς / Hermãs en dorien) est une des divinités de l'Olympe. Il est le messager des dieux, donneur de la chance, l'inventeur des poids et des mesures, le gardien des routes et des carrefours, des voyageurs et du commerce. Il guide les héros et conduit leurs âmes aux Enfers. Il est également le maître des voleurs.
Il correspond au Mercure des Romains, à Sarmis ou Armis chez les Daces, Armes chez les Scythes, Taaut pour les Phéniciens, Thot en Égypte et Sarruma en Anatolie[1],[2][réf. à confirmer],[3]. Les hermétistes (qui lui doivent leur nom) et les alchimistes se réclament de lui sous le nom d'Hermès Trismégiste. L'adjectif référant à Hermès est hermaïque.
Hermès dans l'Antiquité
Mythe antique
Jeunesse
Fils de Zeus et de Maïa[4], et donc petit-fils d'Atlas, il naît un matin dans une caverne du mont Cyllène en Arcadie « pour être le tourment des hommes mortels et des dieux immortels[5] ». Selon le premier Hymne homérique qui lui est consacré, il bondit de son berceau quelques instants seulement après sa naissance, et se met en quête du troupeau d'Apollon[6]. Sur son chemin, il rencontre une tortue qu'il tue ; de la carapace, il fabrique une lyre sur laquelle il célèbre sa propre naissance ainsi que la demeure de sa mère[7]. Quelque temps plus tard, il inventera la flûte de Pan ou syrinx[8].
Poursuivant son premier dessein, il gagne le soir même la Piérie où paissent les troupeaux divins[9]. Il dérobe cinquante bœufs à son demi-frère Apollon, soit la moitié d'une hécatombe[10]. Il en profite pour inventer les raquettes, pour effacer ses traces quand il pousse les bêtes devant lui, mais aussi marcher d'un pied plus léger[11]. En cherchant à faire cuire deux des animaux, il trouve l'art de faire le feu en frottant des morceaux de bois l'un contre l'autre[12], puis consacre la viande aux douze dieux. Lui-même s'abstient de toucher au sacrifice. Après avoir dispersé les cendres, il retourne chez sa mère à qui il annonce avec assurance son intention d'embrasser le meilleur des métiers, c'est-à-dire celui de voleur[13].
Quand Apollon découvre son voleur, Hermès commence par prétendre être un nouveau-né sans malice, proposant même de jurer de son innocence sur la tête de Zeus[14]. Le dieu archer n'est pas dupe, et veut saisir son demi-frère par le bras quand Hermès l'arrête par un éternuement. L'affaire est finalement portée devant Zeus. De nouveau, Hermès proteste de son innocence. Amusé par la précocité de son fils, le roi des dieux ordonne la réconciliation ; Hermès devra également révéler l'endroit où il a caché le troupeau[15]. Hermès charme son frère en jouant de la lyre, puis lui donne l'instrument ; Apollon lui accorde en échange une baguette d'or, le futur caducée[16], et le don de prophétie mineure par le biais de l'oracle des Thries (femmes-abeilles)[17].
Selon Pausanias, il est élevé par Acacos, fils de Lycaon, par ailleurs fondateur d'Acacésion en Arcadie, d'où son épiclèse d'« Acacésien ».
Amours et descendance
Il apparaît souvent sous les traits d'un jeune homme « à sa première barbe, dans le charme de cet âge »[18]. Il se plaît en la compagnie des Charites et des Heures. Devant le spectacle d'Arès et d'Aphrodite faits prisonniers par Héphaïstos, il s'exclame que lui aussi aimerait dormir dans les bras de la déesse, fût-ce au prix de trois fois plus de chaînes.
Avec Aphrodite justement, Hermès engendre Hermaphrodite, divinité bisexuée, mais aussi Éros dans les traditions plus tardives[19]. Il est, selon les auteurs, le père de dieux rustiques à la sexualité débridée tels Pan, son fils par « la fille de Dryops » (Hymne homérique à Pan) ou par la nymphe Thymbris ou Hybris (pseudo-Apollodore), ou par la nymphe Pénélope (les Dionysiaques), voire par Pénélope, femme d'Ulysse (divers récits post-homériques) ; comme Pan ou comme le dieu phallique Priape, parfois également donné pour son fils (Hygin, Fables), il est d'ailleurs souvent représenté sexe dressé (il aime la beauté humaine), et ses amours sont aussi bien féminines (nymphes) que masculines (Pollux, frère jumeau de Castor et archétype du guerrier valeureux, ou le bel Anthéos d'Assessos par exemple). La tradition hésiodique lui prête des amours avec la nymphe-déesse Calypso, rencontrée par Ulysse dans l’Odyssée, qui le rend père du peuple des Céphalléniens (Hésiode, Catalogue des femmes[réf. incomplète]). On le range également volontiers parmi les prétendants de Perséphone et divers chants des Dionysiaques (notamment le chant VI) lui reconnaissent pour épouse Péitho, la déesse de la Persuasion. Pindare, enfin, lui attribue la paternité d'une fille, la déesse messagère Angélia ou La Renommée, sans toutefois indiquer le nom de la mère de cette dernière[20].
Hermès est également le père d'amants mythologiques célèbres, comme Abdère (amant d'Héraclès) ou Daphnis (de Pan ou Apollon).
Parmi ses autres enfants, on compte notamment :
- Autolycos avec Chioné
- Céryx
- Échion et Éthalidès, deux argonautes
- Les satyres, avec la nymphe Arémosyne
Fonctions
Lors de la guerre de Troie, il prend parti pour les Achéens mais ne participe guère à la bataille. Cependant il se retrouve face à Léto mère d'Apollon et d'Artémis mais refuse de la combattre. Il se contente d'être le messager et l'interprète (on rapproche son nom du mot ἑρμηνεύς / hermêneús, « interprète ») de Zeus. Ainsi, il guide au mont Ida Aphrodite, Athéna et Héra qui concourent pour la pomme d'or, afin de les soumettre au jugement de Pâris. Il escorte Priam, venu chercher le corps d'Hector, dans le camp grec ; il avertit (sans succès) Égisthe de ne pas tuer Agamemnon ; il transmet à Calypso l'ordre de libérer Ulysse. Après la guerre, c'est lui qui amène Hélène en Égypte.
De même, c'est lui qui, d'après le pseudo-Apollodore, devant enlever Io sur demande de Zeus, tue Argos aux cent yeux, placé en surveillance par Héra, d'où son épiclèse d'« Argiphonte » (Ἀργειφόντης / Argeiphóntês, « tueur d'Argos ») — l'interprétation de cette épithète est pourtant sujette à caution : la légende d'Argos est probablement postérieure à Homère, qui emploie déjà cette épiclèse ; une autre interprétation traduit par « à la lumière blanche, éblouissant ». Guide des héros tout comme Athéna, il conduit Persée dans sa quête de Méduse et guide Héraclès dans les Enfers.
C'est le conducteur des âmes vers Hadès, d'où son épithète de Πομπαῖος / Pompaĩos, puis plus tard « Psychopompe » (en grec Ψυχοπομπός / Psukhopompós). À la fin de l'Odyssée, on le voit ainsi conduisant les âmes des prétendants dans le pré de l'Asphodèle. L'hymne orphique consacré à l'Hermès souterrain, chthonien ou infernal, le dit fils de Dionysos et d'Aphrodite (Hymnes orphiques, 57).
Les cultes antiques d'Hermès
Le culte d'Hermès en Grèce antique
C'est avant tout la personnification de l'ingéniosité, de la mètis (intelligence rusée) et de la chance. L'étymologie du mot « coup de chance », lorsqu'un bienfait arrive inopinément, se dit en grec ancien Ἑρμαιον / hermaíon) et évoque le dieu également. Dans ses Caractères, le philosophe Théophraste rapporte ce proverbe antique : Ἑρμῆς κοινός[21], « Hermès est à tout le monde », qui signifie que le dieu est loué pour avoir apporté la bonne fortune, le bon hasard. Hermès est, avec Héraclès, le patron des gymnases et palestres, où son buste est toujours présent. Il protège donc les sportifs et est le fondateur des concours de lutte. C'est donc le dieu du commerce, des voyageurs et des voleurs, des pasteurs et de leurs troupeaux, ainsi que des orateurs ou des prostituées. Il est, parmi les dieux grecs, le plus proche des hommes et le plus bienveillant à leur égard : il leur donne l'écriture, la danse, les poids et mesures, la flûte et la lyre, le moyen de produire une étincelle lorsque le feu s'est éteint. Il était de coutume de placer des empilements de pierres en son honneur aux carrefours : chaque voyageur ajoutait une pierre à l'édifice. Ces tas de pierres ont été peu à peu supplantés par des bornes en pierre de forme phallique placées le long des routes, pour aboutir à la forme équarrie et quadrangulaire des hermès, surmontés de la tête du dieu et portant, en leur centre et en relief, ses attributs virils (voir le scandale de la mutilation des Hermès, Hermocopides, où fut mêlé Alcibiade). Toute rencontre, tout événement, tout accident imprévu sur une route est appelé « don d'Hermès » (en grec ἕρμαιον / hermaion qui désigne aussi de notre coup de chance). Les offrandes préférées d'Hermès, comme dieu des orateurs, sont le lait mêlé de miel et les langues d'animaux. C'est Hermès qui donna le don de parole à Pandore la première femme et l'emmènera aux hommes. Bien qu'il soit un dieu très populaire, son culte public est peu développé. Plusieurs régions de la Grèce, au premier chef l'Argolide, intègrent dans leur calendrier un mois qui lui est dédié, Ἕρμαιος / Hermaios (mi-octobre à mi-novembre). Il semble avoir été associé à une fête des morts. Dans une symbolique similaire, un sacrifice lui est offert, toujours à Argos, le trentième jour suivant des funérailles. À Athènes, au troisième jour des Anthestéries, une offrande de gruau de graines est consacrée à Hermès Chthonien.
Il est célébré sous le nom de Kadmilos au sanctuaire des Grands Dieux de Samothrace comme le compagnon d'Axieros-Déméter, la Grande Mère.
Épithètes, attributs et sanctuaires
- Ses attributs : le pétase (chapeau rond), le caducée, les sandales ailées (grec πέδιλα / pedila, latin talaria) , la bourse d'argent et le sexe
- Ses animaux favoris : le bélier, la tortue ;
- Épiclèses :
- Acacésien (Ἀκακήσιος / Akakếsios),
- Argiphonte (Ἀργειφόντης / Argeiphóntês),
- Chtonien (Χθόνιος / Chthónios),
- Psychopompe (Ψυχοπομπός / Psukhopompós) ;
- Épithètes :
- « à la houlette d'or » (Χρυσόρραπις / Khrusórrapis) ;
- Sanctuaires : spécialement en Crète et au mont Cyllène ; en Arcadie et à Pharai.
Syncrétismes avec d'autres religions antiques
Vers la fin de l'Antiquité, notamment dans l'Égypte hellénisée, Hermès se confond avec Thot (nom grec — le nom égyptien était Djehuty), le dieu des savoirs cachés, et devient ainsi l'auteur mythique, sous le nom d'Hermès trois fois le plus grand, ou trismégistos, ou Hermès Trismégiste, d'une véritable bibliothèque ésotérique qui nourrit par la suite, notamment, les travaux des alchimistes du Moyen Âge.
Dans la Rome antique, Hermès est assimilé au dieu romain Mercure.
Dans l'islam, Idris-Hermès est associé à Hénoch, fils de Yared, arrière-grand-père de Noé[22], il est mentionné dans le Coran (XIX, 57 ; XXI, 85).
Les trois Hermès
« La généalogie la plus classique d'Hermès à l'époque hellénistique fut élaborée au IIIe ou IIe siècle avant Jésus-Christ. Elle fait commencer la série des Hermès par Thot, qui grava sa science sur des stèles et la cacha. Son fils fut Agathodémon… Le fils d'Agathodémon est le deuxième Hermès, c'est lui que plus tard, au IIe siècle de notre ère, on appelle souvent Trismégiste… Et le fils du Trismégiste est Tat » (Antoine Faivre)[23].
Cicéron compte cinq Mercure (De la nature des dieux, III) :
- « Pour ce qui concerne Mercure, le premier a pour père le Ciel et pour mère le Jour, et, d’après la tradition, pour avoir été frappé par la vue de Proserpine, il fut saisi d’une frénésie obscène ; le deuxième, fils de Valens et de Phoronée, vit sous terre, et il est identifié à Trophonios ; le troisième est le fils du troisième Jupiter et de Maia ; de lui et de Pénélope, suivant la tradition, naquit Pan ; le quatrième eut pour père le Nil, et les Égyptiens considèrent comme une impiété de prononcer son nom ; le cinquième [Hermès Trismégiste] est vénéré à Phénée : on raconte qu’il tua Argus et, pour cette raison, il se réfugia en Égypte et donna aux Égyptiens leurs lois et l’alphabet ; les Égyptiens l’appellent Thôt, nom par lequel ils désignent aussi le premier mois de l’année. »
Robert de Chester, en 1144, compte trois :
- « Nous lisons dans les anciennes histoires des dieux qu'il y eut trois Philosophes dont chacun s'appelait Hermès. Le premier fut Hénoch… Le deuxième fut Noé… Le troisième fut l'Hermès qui, après le Déluge, régna en Égypte. » (préface au Liber de compositione alchemiae).
Hermès au Moyen Âge et à la Renaissance
Au Moyen Âge, Hermès apparaît notamment dans les travaux des alchimistes sous le nom d'« Hermès Trismégiste ».
Hermès dans les arts après l'Antiquité
Littérature
Au XIXe siècle, certains poètes français, appartenant au courant du Parnasse, aiment à traiter des sujets antiques empruntés notamment à la mythologie grecque. José-Maria de Heredia inclut ainsi une épigramme « À Hermès Criophore » (porteur de bœuf) dans son recueil Les Trophées publié en 1893.
À partir du XXe siècle, dans les littératures de l'imaginaire, notamment la fantasy, Hermès apparaît régulièrement parmi les autres grandes divinités grecques dans les romans qui les mettent en scène. Il apparaît ainsi dans la série romanesque Percy Jackson de l'auteur américain Rick Riordan, publiée entre 2005 et 2010.
Notes et références
- ↑ (fr) Nicolae Densuşianu, « Sarmis », sur GK.ro (consulté le 6 avril 2011).
- ↑ (en) « PREHISTORIC DACIA PART 6 », sur Pelasgian.org (consulté le 16 mai 2011).
- ↑ (fr) Emmanuel Laroche, « Divinité lunaire d'Anatolie », sur Persee.fr (consulté le 6 mai 2011).
- ↑ Homère, Odyssée [détail des éditions] [lire en ligne], XIV, 435 ; Hésiode, Théogonie [détail des éditions] [lire en ligne], 938-939 ; Hymnes homériques [détail des éditions] [lire en ligne] : à Hermès I, 1-5 et II, 1-6.
- ↑ Hymne à Hermès I, 160-161. Extrait de la traduction de Jean Humbert pour les Belles Lettres, 1936.
- ↑ Hymne à Hermès I, 20-23.
- ↑ Hymne à Hermès I, 16 et 24-61.
- ↑ Hymne à Hermès I, 511-512.
- ↑ Hymne à Hermès I, 68-70.
- ↑ Hymne à Hermès I, 73-74.
- ↑ Hymne à Hermès I, 79-86.
- ↑ Hymne à Hermès I, 108-111.
- ↑ Hymne à Hermès I, 162-181.
- ↑ Hymne à Hermès I, 261-277.
- ↑ Hymne à Hermès I, 389-396.
- ↑ Hymne à Hermès I, 528-532.
- ↑ Hymne à Hermès I, 550-566.
- ↑ Odyssée, X, 278. Extrait de la traduction de Philippe Jaccottet.
- ↑ Cicéron, De natura deorum [détail des éditions] [lire en ligne], III, 23.
- ↑ Pindare, Olympiques, Ode VIII, vers 106-107.
- ↑ Les Caractères (XXX Le Cupide).
- ↑ http://www.relianceuniverselle.com/article-26854610.html
- ↑ Antoine Faivre, D'Hermès-Mercure à Hermès Trismégiste, in Présence d'Hermès Trismégiste, Albin Michel, coll. Cahiers de l'hermétisme, 1988, p. 28.
Bibliographie
- (en) Walter Burkert (trad. John Raffan), Greek Religion [« Griechische Religion des archaischen und klassichen Epoche »], Oxford, Blackwell, 1985 (éd. orig. 1977) (ISBN 978-0-631-15624-6), p. 156-159.
- (en) Timothy Gantz, Early Greek Myth, Johns Hopkins University Press, [détail de l’édition], p. 105-112.
- Jaillard, Dominique, Configurations d'Hermès : une "théologie hermaïque", Liège, Centre international d'étude de la religion grecque antique, Kernos supplément n°17, 2007.
- Kahn, Laurence, Hermès passe ou les Ambiguïtés de la communication, Paris, Maspero, 1978.
- (fr) Louis Séchan et Pierre Lévêque, Les grandes divinités de la Grèce, Éditions E. de Boccard, Paris (1966)
- (de) Henning Wrede, Die Antike Herme, Mainz am Rhein, Ph. von Zabern, cop. 1986.
Voir aussi
Articles connexes
- Baal
- Pétase, Caducée et Talaria
- Divinités olympiennes
- Hermès et Hermocopides
- Hermétisme
- Koush
- Mercure
Liens externes
- L'Hermès de Fréjus
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