El Niño
El Niño (littéralement « l’Enfant (Jésus) », car il apparaît peu après Noël), désigne à l'origine un courant côtier saisonnier chaud au large du Pérou et de l'Équateur mettant fin à la saison de pêche[1]. Le terme désigne maintenant par extension le phénomène climatique particulier, différent du climat usuel, qui se caractérise par des températures anormalement élevées de l'eau dans la partie Est de l'océan Pacifique Sud, représentant une extension vers le Sud du courant chaud péruvien[1]. Il a été relié à un cycle de variation de la pression atmosphérique globale entre l'Est et l'Ouest du Pacifique, nommé l'oscillation australe, et les deux phénomènes sont réunis sous le titre de ENSO (El Niño-Southern Oscillation)[1].
El Niño est une conséquence régionale d'une perturbation dans la circulation atmosphérique générale entre les pôles et l'équateur. Son apparition déplace les zones de précipitations vers l'Est dans l’océan Pacifique et empêche la remontée d'eau froide le long de la côte de l’Amérique du Sud, ce qui coupe la source de nutriments pour la faune de ces eaux et nuit considérablement à l’industrie de la pêche[1]. Sans que toutes les relations physiques soient encore expliquées, El Niño fait partie des anomalies dans la circulation qui peuvent dérouter les cyclones tropicaux de leurs routes habituelles, déplacer les zones de précipitations et de sécheresse ainsi que changer localement le niveau de la mer par le changement de la pression moyenne[1]. Cependant, à mesure de leur éloignement du bassin Pacifique, les relations entre ces effets sont moins connues.
Description
En temps normal (appelé anti-Niño ou La Niña), les côtes du Chili, du Pérou et de l'Équateur sont baignées par le courant froid de Humboldt se dirigeant vers le Nord et balayées par les alizés maritimes, qui soufflent du Sud-Est vers le Nord-Ouest. Ces derniers chassent les eaux chaudes superficielles résiduelles du rivage et provoquent un vide qui est comblé par une remontée d'eaux froides des profondeurs, c’est le phénomène connu comme upwelling en anglais. Ces eaux, venant d’une profondeur de 100 à 200 m, sont riches en nutriments (azote, phosphore principalement) et permettent un fort développement planctonique qui attire les poissons, les oiseaux et favorise l’activité de la pêche.
Tous les ans, peu après Noël et ce jusqu’au mois d’avril, un faible courant côtier inverse se met en mouvement et s’écoule vers le Sud. Par intervalles irréguliers, ce courant d’El Niño est plus important et descend davantage vers le Sud. Les eaux froides sont remplacées par des eaux plus chaudes et les poissons disparaissent des côtes, affectant lourdement l’activité des pêcheurs. Dans la même période, les régions littorales habituellement peu pluvieuses du Nord du Pérou et de l’Équateur connaissent des précipitations abondantes[1]. Ainsi, autrefois, une année El Niño était considérée pour l’agriculture dans ces régions comme une année d’abondance.
Données fossiles et archéopaléontologiques
Les données fossiles attestent du phénomène dans le passé, ses évolutions et leurs causes sont encore mal comprises et les données anciennes semblent pour certaines contradictoires.
À titre d'exemple, parmi les données récentes (2014), figure une étude sur sept sites d'amas de coquilles de palourdes, qui, grâce à la datation au carbone 14 et à des analyses isotopiques fines (isotopes de l'oxygène fixés dans la coquille toutes les deux à quatre semaines durant la vie de la palourde), ont permis de reconstituer de manière plus fine les variations climatiques (température maximale et minimale de chaque année où la palourde a vécu) ayant eu lieu depuis 10 000 ans devant le littoral péruvien en sept points[2].
Explication actuelle
L’explication est fondée sur le modèle de la circulation de Walker que les nombreuses missions scientifiques de ces dernières années n’ont pas intrinsèquement modifié. Dans cette optique, El Niño résulte d’un déplacement atmosphérique de la circulation de Walker, qui est mal expliquée et qui revient périodiquement, modifiant le parcours d'un courant marin d’une taille comparable à une fois et demie celle des États-Unis. Ces modifications surviennent exceptionnellement certaines années, en moyenne une ou deux fois par décennie, le long des côtes péruviennes à la fin de l’hiver, vers décembre-janvier[3],[4],[5],[6],[7] .
La zone de convergence des alizés, appelée zone de convergence intertropicale (ZCIT), est l'endroit où se situe le mouvement ascendant dans la circulation de Walker. Quand les alizés soufflent à leur pleine puissance, les remontées d'eau froide des profondeurs (upwelling) le long de l'Océan Pacifique équatorial refroidissent l’air qui les surplombe. Cela crée ainsi une différence de température entre la côte Est du Pacifique et le large. Un régime de brise s'établit donc entre ces deux zones, ce qui crée une subsidence de l'air le long de la côte et une ascendance au large. Dans ces conditions, la vapeur d'eau contenue dans l'air près de la côte ne peut se condenser et former des nuages ou gouttes de pluie. Ainsi l’air reste libre de nuages pendant les années « normales » dans l'Est du Pacifique. La pluie dans la ceinture équatoriale est alors largement confinée dans l’extrême Ouest du bassin, au voisinage de l’Indonésie.
Mais lorsque les alizés s’affaiblissent et régressent vers l’Est pendant les premiers stades d’un évènement El Niño, la remontée d'eau des profondeurs se ralentit et l’océan se réchauffe. Cela égalise la température entre le centre et l'Est du Pacifique et coupe la circulation de Walker vers l'ouest. L’air humide à la surface de l’océan se réchauffe également, permettant la génération de fortes pluies lorsque la ZCIT, qui se déplace dans son mouvement nord-sud, n'est pas inhibée près de la côte de l'Amérique du Sud par de l'eau froide. Cette modification des températures de surface océanique est donc responsable du déplacement vers l’Est du maximum de pluie sur le Pacifique central. Les ajustements atmosphériques associés correspondent à une baisse de pression dans le Pacifique central et oriental et à une augmentation de pression dans le Pacifique Ouest (Indonésie et Australie), propice à un plus grand retrait des alizés.
Le premier signe d’apparition d'El Niño est un renforcement considérable des alizés du Sud-Est. Ils entraînent une accumulation d’eaux chaudes dans le Pacifique Ouest, faisant monter le niveau de la mer sur les côtes australiennes, et un abaissement relatif le long de la côte sud-américaine[6]. Mais dès que les vents du Sud faiblissent, les eaux « chaudes » du Pacifique Ouest envahissent celles du Pacifique Est. C’est alors le début du phénomène El Niño. Ce dernier est donc relié à un affaiblissement temporaire, et très prononcé, de l’anticyclone de l'île de Pâques présent au milieu du Pacifique, ce qui diminue la force des alizés du Sud-Est. Le reflux en masse de l’eau chaude accumulée dans la partie occidentale du Pacifique Sud vers l'Est agit selon le principe d'un effet de seiche[3].
La durée d'El Niño est en général d’environ dix-huit mois. Ce délai passé, les eaux froides se propagent vers l’Ouest. C’est alors la fin du phénomène, qui peut être suivi de son inverse La Niña. Une corrélation est constatée entre les pressions atmosphériques de l’Est et de l’Ouest du Pacifique. Quand elles augmentent à l’Ouest, elles diminuent à l’Est, et inversement. Ce phénomène accélère les vents de surface d’Est en Ouest, du Pérou jusqu’en Indonésie ou il diminue en période El Niño[3].
En 2010, El Niño fait encore l’objet de nombreuses recherches dans le but de découvrir les causes de ce phénomène marin.
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Étude et prévision du phénomène
Débuts de l'étude d'El Niño
- Sir Gilbert Walker et l'oscillation australe
Scientifique britannique et chef du service météorologique indien, Gilbert Walker fut affecté en 1920 en Inde, afin de trouver un moyen de prévoir la mousson asiatique. Brillant scientifique, il s'attela à la tâche avec détermination. Il se mit en contact avec des scientifiques Sud-Américains qui lui fournissaient le résultat de leurs études sur les effets locaux d'El Niño. En étudiant ces données climatiques et atmosphériques et celle qu'il avait à sa disposition, il parvint à établir, en 1923, une corrélation temporelle entre les relevés barométriques à l'Ouest et à l'Est du Pacifique Sud. En effet, il se rendit compte que la pression augmentait à l'Ouest quand elle diminuait à l'Est (phénomène El Niño), et inversement. Du fait de cette situation d'équilibre et de balance, il nomma ce phénomène Southern Oscillation (oscillation australe en français).
Axant ses recherches sur l'oscillation australe, Gilbert Walker réussit à déterminer, toujours en 1923, un index auquel il donna son nom. Ce dernier aurait pour fonction de mesurer l'écart de pression entre l'Est et l'Ouest de l'océan Pacifique. Quand l'indice, et donc l'écart, augmentait, la pression était élevée à l'Est du Pacifique, et les alizés étaient plus forts. Lorsque l'indice était plutôt bas, les alizés étaient moins puissants, entraînant des hivers plutôt doux dans le Canada et l'Amérique occidentale. Le tout est accompagné par des sécheresses en Australie, en Indonésie, en Inde et certains secteurs africains.
L'un de ses collègues l'attaqua à ce sujet dans une revue scientifique, trouvant « parfaitement ridicule l'idée que des conditions climatiques de régions du globe aussi distantes l'une de l'autre puissent être liées entre elles de la sorte ». Ce à quoi Gilbert Walker répliqua qu'une explication plus précise devait exister, mais qu'elle « exigerait vraisemblablement une connaissance des structures du vent à des niveaux autres que le sol ». Cela impliquait des notions et des moyens d'observation inconnus à l'époque mais les méthodes de recherche actuelles ont effectivement confirmé la théorie de l'index de pression Walker.
- Jacob Bjerknes et le phénomène ENSO
Dans les décennies qui suivirent, les chercheurs étudiant les variations climatiques se penchèrent sur l'énigme des îles désertiques du Pacifique central équatorial. Ces îles, bien que recevant (selon des statistiques climatiques américano-canadiennes) la même quantité de pluie que leurs voisines luxuriantes, étaient désespérément stériles. En fait, cette stérilité était due à une variation de l'index de pression Walker : la plupart du temps, l'indice de ce dernier était plutôt élevé, entraînant de très faibles, voire inexistantes, précipitations annuelles. Cependant, au cours d'une période qui se répétait tous les deux à sept ans environ, ces îles subissaient un véritable déluge qui durait plusieurs mois, de décembre à la mi-juin.
Le lien, apparemment évident entre cet étrange phénomène et El Niño, ne sera pourtant établi qu'au cours des années 1960, par le météorologue norvégien Jacob Bjerknes. Il fut le premier à remarquer, en 1967, le rapport entre les observations de Gilbert Walker et El Niño. Les deux phénomènes concordant en tout point, il eut même l'idée de compléter le nom d'El Niño en y associant la découverte du Britannique : le phénomène se nommerait désormais ENSO, soit El Niño Southern Oscillation (El Niño Oscillation australe).
Jacob Bjerknes a également établi, quelques années plus tard, le lien entre les changements de températures à la surface de la mer, la puissance des alizés et les fortes précipitations qui accompagnent habituellement les creux barométriques à l'Est comme à l'Ouest du Pacifique. Ce qui correspond aux phases d'un index de Walker d'indice bas.
Un intérêt grandissant vers la fin du XXe siècle
Depuis 1982, date d'un ENSO ayant dévasté toute la ceinture des pays de la ceinture intertropicale et même affecté le climat européen, des milliers de scientifiques et de chercheurs du monde entier ont essayé de comprendre le phénomène. Durant cette période, seuls deux programmes apportèrent des réponses à certaines interrogations.
- TOGA
Lancé en 1985, le programme de collaboration internationale Tropical Ocean and Global Atmosphere (TOGA : « Étude des océans tropicaux et étude globale de l'atmosphère »), a permis de mieux comprendre le couplage océan-atmosphère. Il a duré onze ans et a servi de base au lancement de ses successeurs. Il s'est penché tout particulièrement sur les variations du couplage dues à El Niño.
- WOCE
Programme lancé cinq ans après le TOGA par 44 pays, dont tous ceux de l'Union européenne de l'époque, le World Ocean Circulation Experience (WOCE : « Expérience sur la circulation océanique à l'échelle mondiale ») avait pour but d'établir une description océanique globale. Il a notamment permis d'établir un modèle climatique pouvant plus ou moins prévoir les années durant lesquelles frapperait le phénomène ENSO.
- CLIVAR et GODAE
La suite de ces programmes fut prise par le Climate Variability and predictability programme (CLIVAR : « Programme d'étude de prévision et de variation du climat ») qui étudiait le climat et les interactions océan-glace-atmosphère à l'échelle de la planète, et par le Global Ocean Data Assimilation Experiment (GODAE) qui, en 2003-2005, préparaient la mise en place d'un système mondial de surveillance et de prévision climatique.
Les années 2000
Après des débuts balbutiants, l'étude d’El Niño connut un véritable essor au XXIe siècle. Les nouvelles techniques et les nouveaux moyens mis à la disposition des chercheurs permirent d'effectuer des progrès considérables dans l'analyse du phénomène.
- Institut de Recherche pour le Développement
En 2000, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) a lancé le programme ECOP (Étude climatique de l'océan Pacifique tropical) pour étudier les variations climatiques dues à ENSO et à son opposé, La Niña. La même année, l'IRD lançait également, avec un budget de 132 000 €, le programme PALEOCEAN qui, de son côté, étudiait les coraux. La technique du carottage du corail, récemment développée, lui permit d'utiliser les coraux comme paléothermomètres. Ces derniers contiennent de l'uranium et du strontium, dont la quantité présente varie en fonction de la température de surface de la mer, et qui est mesuré par spectrométrie. Ces éléments-témoins datent les coraux et attestent de la fluctuation du niveau de la mer au cours des ans.
- Un satellite bien particulier
En 1992, la NASA et le Centre national d'études spatiales (CNES) s’unirent pour lancer le satellite Topex/Poseidon avec la fusée Ariane 4. L’engin de 2,4 tonnes fut envoyé à une altitude de 1 336 km, faisant un tour de la Terre toutes les 112 minutes, et pouvant observer jusqu'à 90 % des océans. Le CNES et la NASA mirent les 50 000 mesures quotidiennes de Topex/Poseidon à la disposition de la communauté scientifique dès juillet 1993. Plus de 600 scientifiques de 54 pays exploitèrent ces mesures, distribuées via deux banques de données : l’une située aux États-Unis, l’autre, le centre AVISO, se trouvant à Toulouse. Ce centre produisait tous les mois un cédérom regroupant toutes les données collectées par le satellite, soit près de deux millions de mesures mensuelles.
En octobre 2005, un incident technique a fait perdre au satellite ses capacités de manœuvre sur orbite, se mettant ainsi dans l’impossibilité d’acquérir de nouvelles données scientifiques. Le satellite a donc terminé sa mission le , après treize ans dans l’espace et plus de 60 000 révolutions autour de la Terre.
Prévisions
Les observations de TOPEX/Poseidon s’insérèrent dans plusieurs grands programmes scientifiques internationaux, parmi lesquels WOCE, TOGA, CLIVAR, et GODAE (avec MERSEA sa composante européenne). Les organismes de météorologie, eux aussi, puisaient dans les données du satellite. Ainsi, ces mesures se révélèrent bientôt indispensables, et il devint évident qu'un nouveau programme devrait prendre la suite de TOPEX/Poseidon.
- Le programme Jason
Depuis son lancement par Delta II le , le satellite Jason-1, successeur de TOPEX/Poseidon, livre des données exploitables en temps réel (environ trois heures après la réception des données). Le programme Jason a été conçu comme une série de satellites. Ainsi le satellite Jason-2, dont le lancement est prévu en 2008, a entamé sa phase de développement en 2004. Le satellite Jason-1 est cinq fois plus léger que TOPEX/Poseidon (seulement 500 kilogrammes pour trois mètres d'envergure) et environ deux fois moins cher[réf. nécessaire]. Il permet une précision au moins égale, si ce n'est supérieure, à celle de son prédécesseur, du fait de la collaboration entre ses mesures et celles prises, directement à la surface océanique de la Terre, par des navires spécialisés ou des bouées météorologiques.
Les données altimétriques fournissent également en temps presque réel des observations océaniques permettant l’élaboration de prévisions météorologiques. Grâce aux mesures de Jason-1, Météo-France fournit ainsi des bulletins réguliers sur l’état de l’océan mais aussi des alertes météorologiques en cas de dégradation des conditions météorologiques. Jason-1 s’insère dans le projet d’océanographie opérationnelle Mercator, lancé en 1997 et devenu un Groupement d’Intérêt Public en 2002 (partenariat entre le CNES, le CNRS/INSU, l’IFREMER, l’IRD, Météo-France et le SHOM). Mercator permet d’effectuer une surveillance en temps réel des océans (réalisation de bulletins hebdomadaires de l’état de la mer), mais aussi des prévisions à long terme concernant les phénomènes bioclimatiques tels qu'El Niño.
Observations
El Niño provoque de nombreux bouleversements climatiques. Les océans et l’atmosphère sont en continuelle interaction. Les modifications induites sur la température de surface de la mer vont affecter les vents.
Ainsi, l'El Niño de 1982-1983 a produit des effets dramatiques sur les continents. En Équateur et dans le Nord du Pérou environ 250 cm de pluie tombèrent pendant six mois. Plus vers l’Ouest, les anomalies du vent ont dérouté les typhons de leurs routes habituelles, vers Hawaï ou Tahiti non préparées à de telles conditions météorologiques.
Le phénomène peut affecter par ondes de choc les conditions climatiques dans les régions les plus éloignées du globe. Ce message d’échelle planétaire est convoyé par des déplacements des régions de pluies tropicales, qui affectent ensuite les structures de vent sur toute la planète. Les nuages tropicaux porteurs de pluie déforment l’air qui les surplombe (8 à 16 km au-dessus du niveau de la mer). Les vents qui sont formés dans l’air au-dessus de ces nuages vont déterminer les positions des moussons et les routes des cyclones et ceintures des vents intenses séparant les régions chaudes et froides à la surface de la Terre. Pendant des années El Niño, quand la zone de pluie habituellement centrée sur l’Indonésie se déplace vers l’Est, vers le Pacifique central, les ondes présentes dans les couches hautes de l’atmosphère sont affectées, causant des anomalies climatiques sur de nombreuses régions du globe.
Les impacts d'El Niño sur le climat aux latitudes tempérées sont les plus évidents en hiver. Par exemple, la plupart des hivers El Niño sont doux sur le Canada occidental et sur des régions du Nord-Ouest des États-Unis, et pluvieux sur le Sud des États-Unis (du Texas à la Floride). El Niño affecte également les climats tempérés durant les autres saisons. Mais, même pendant l’hiver, El Niño n’est qu’un des nombreux facteurs qui influencent le climat des régions tempérées.
Ainsi, la version 1997 d'El Niño provoqua des sècheresses et des feux de forêts en Indonésie, de fortes pluies en Californie et des inondations dans la région du Sud-Est des États-Unis. La température moyenne estimée du globe, en surface, pour les zones terrestres et maritimes, a également augmenté. Fin de décembre 1997, une tempête battant des records a déversé jusqu’à 25 cm de neige dans le Sud-Est des États-Unis. Des vagues atteignant 4 mètres de haut ont déferlé au Sud de San Francisco. De violentes tempêtes engendrées ont sévi en Floride, avec des tornades atteignant 400 km/h. Selon le rapport de l'ONU, El Niño a en 1997-98 fait plusieurs milliers de morts et blessés, et provoqué des dégâts estimés entre 32 et 96 milliards de dollars[8].
En juin 2002, un certain effet de El Niño se faisait sentir dans les régions tropicales d’Amérique du Sud. De violents orages, les pires des huit dernières décennies, ont touché le Chili. Vers la fin du mois de décembre, l’Australie subissait la pire des sécheresses d’un siècle surnommé la « super-sèche ». Des tempêtes meurtrières se sont également déchaînées sur la côte Ouest des États-Unis. Cinq journées entières de grosses pluies et de grands vents.
Déjà en 2014, les eaux du Pacifique était plus chaude que la normale et depuis le début de 2015 un déplacement du cœur le plus chaud s'est effectué vers la côte ouest de l'Amérique du Sud sous l'influence d'une circulation d'ouest. En août 2015, la mesure de la température des eaux de la mer a confirmé qu'un épisode d’El Niño avait débuté. Celui-ci pourrait être classé parmi les quatre plus intenses depuis 1950 et les simulations informatiques du Met Office britannique montraient qu'il se poursuivrait de façon similaire à celui de 1997-98[9]. Les impacts d'un tel épisode a réduit dès juin les quantités de pluie tombées en Asie du Sud-Est, en Amérique centrale et dans le nord-est de l'Amérique du Sud. Selon le rapport du Met Office, son effet serait une augmentation des risques de sécheresse en Afrique du Sud, en Asie de l'Est, et des risques d'inondations en Amérique du Sud, le tout localement catastrophique[10].
Effets écologiques et écoépidémiologique
La température et la pluviométrie sont deux facteurs naturels majeurs de « contrôle » écologique, du niveau des biomes et des écosystèmes à celui des individus, des organes et du métabolisme d'organismes minuscules. Bien que les masses d'eau marines aient une inertie thermique importante, les écosystèmes marins et insulaires sont très sensibles aux changements climatiques et aux oscillations climatiques[11]
Un des effets les plus spectaculaires et connu est la disparition provisoire de nombreuses espèces de poissons à l'Ouest des côtes du Nord de l'Amérique du Sud (et le retour de la bonite dans le Pacifique ouest[12]), mais partout où les changements du climat sont longs et significatifs, les écosystèmes peuvent être affectés, notamment là où les incendies de forêt, les tempêtes, les sécheresses ou au contraire les inondations sont plus intenses et inhabituellement longs. La pêche, l'agriculture, la sylviculture, la chasse de subsistance, etc. peuvent en être affectés. Les bouleversements épisodiques d'El Niño peuvent aussi accélérer la dégradation d'espèces ou d'habitats rendus vulnérables par la pollution ou leur surexploitation par l'Homme (récifs coralliens notamment[13]). Nombre des catastrophes induites par El Niño (comme par exemple dans le Pacifique intertropical de juillet 1982 à avril 1983[14] peuvent aussi avoir des impacts secondaires sur l'environnement.
Les effets sont aussi écoépidémiologiques : Certaines maladies à vecteur peuvent aussi se développer ou se réduire quand les oscillations d'El Niño concernent leur vecteur biologique (tiques, moustique, mouches...), phénomènes qui pourraient avoir eu une importance dans l'Histoire humaine et d'autres espèces[15].
Un phénomène considéré comme mondial
Dans les années 1990 une corrélation entre la période chaude et les changements climatiques planétaires à court terme a été mise en évidence. Un des résultats obtenus est la découverte du prolongement d’El Niño dans les régions tropicales de l’océan Indien et de l’océan Atlantique. Elle a été rendue possible grâce à une analyse de la surface de ces océans avec plus de 650 000 mesures effectuées par bateau. La somme de données utilisées couvre une période d’environ quinze ans. Un réchauffement cyclique de la surface de l’océan Atlantique équatorial a été observé douze à dix-huit mois après la fin du phénomène El Niño dans l'océan Pacifique. Il semblerait qu’il s’agisse d’une réponse passive au changement de pression atmosphérique et des alizés (entraînés par El Niño) dans la région. Cette réaction de l’océan Atlantique n’est pas vraiment expliquée à ce jour, mais tend à montrer la propagation à l’échelle mondiale des conséquences d'El Niño.
Le fait qu’El Niño soit désormais considéré comme un phénomène mondial, avec des répercussions dans les trois principaux océans tropicaux, devrait faciliter l’explication des perturbations du climat sur toute la planète. Les modifications de la température océanique peuvent donc, à l’échelle locale, modifier l'humidité absolue de la circulation atmosphérique, entraînant l’augmentation de la pluviométrie des régions environnantes. Cela permet de donner de façon intuitive une idée des mécanismes qui entraînent les conséquences observées surtout dans la région du Pacifique, mais aussi dans une moindre proportion dans le reste du monde. Cette modification est d'autant plus grande, fréquente et durable, que l'énergie de l'atmosphère augmente, avec la température, par effet de serre.
El Niño contribue à ces anomalies ou modifications de l’hygrométrie d’une manière mal expliquée, mais dont il est presque sûr qu’il en est le responsable et c’est en ce sens que l’humidité peut être considérée comme un des moteurs de l’atmosphère terrestre. Les applications de ces recherches permettront alors de mieux prévenir les conséquences désormais indéniables d'El Niño sur le système climatique global.
Notes et références
- 1 2 3 4 5 6 « El Niño », Comprendre la météo, Météo-France (consulté le 8 décembre 2009)
- ↑ Eli Kintisch (2014) Ancient piles of clams reveal peek into El Niño's past ; August 2014 ; Climate, Paleontology
- 1 2 3 (en) Michael Pidwirny, « Chapter 7: Introduction to the Atmosphere », Fundamentals of Physical Geography, physicalgeography.net, (consulté le 30 décembre 2006)
- ↑ (en) « Envisat watches for La Nina », BNSC, (consulté le 26 juillet 2007)
- ↑ (en) « The Tropical Atmosphere Ocean Array: Gathering Data to Predict El Niño », Celebrating 200 Years, NOAA, (consulté le 26 juillet 2007)
- 1 2 (en) « Ocean Surface Topography », Oceanography 101, JPL, (consulté le 26 juillet 2007)
- ↑ (en) « South Pacific Island Reports », Sea Level and Climate Monitoring Project, Bureau of Meteorology (consulté le 26 mai 2008)[PDF]
- ↑ (en) Programme environnemental des Nations Unies, « Un épisode coûteux : El Niño, 1997-98 », GEO 3 (Global Environment Outlook), ONU
- ↑ (en) Adam Scaife, Rob Allan, Stephen Belcher, Anca Brookshaw, Mike Davey, Rosie Eade, Chris Folland, Margaret Gordon, Leon Hermanson, Sarah Ineson, John Kennedy, Jeff Knight et Julia Slingo, Big Changes Underway in the Climate System?, Met Office (lire en ligne [PDF])
- ↑ Petra Schrambmer, « http://www.rfi.fr/science/20150914-rechauffement-climatique-el-nino-courant-temperatures- », RFI, (lire en ligne)
- ↑ Georges, J. Y., & Le Maho, Y. (2003). Réponses des écosystèmes marins et insulaires aux changements climatiques Responses of marine and insular ecosystems to climate change. Comptes Rendus Geoscience, 335, 551-560 (résumé).
- ↑ Georges JY & Le Maho Y (2003) Réponses des écosystèmes marins et insulaires aux changements climatiques. Comptes-rendus Geoscience, 335(6), 551-560.
- ↑ Salvat, B., Aubanel, A., Adjeroud, M., Bouisset, P., Calmet, D., Chancerelle, Y., ... & Villiers, L. (2008). Le suivi de l'état des récifs coralliens de Polynésie Française et leur récente évolution. Revue d'écologie de la Terre et de la Vie, 63(1-2), 145-177 (résumé)
- ↑ Doumenge, F. (1983, July). Déséquilibres hydroclimatiques et catastrophes dans le Pacifique intertropical juillet 1982-avril 1983. In Annales de géographie (pp. 403-413). Armand Colin (extrait et résumé)
- ↑ Rodhain, F. (1998). Impacts sur la santé: le cas des maladies à vecteurs. Impacts potentiels du changement climatique en France au XXIème siècle. Paris, 111-121.
Annexes
Bibliographie
- Florent Beucher, Manuel de météorologie tropicale : des alizés au cyclone, t. 1, Paris, Météo-France, (ISBN 978-2-11-099391-5, présentation en ligne, lire en ligne [PDF]), chap. 5 section 5.1 (« Variabilité saisonnière et interannuelle du système océan-atmosphère »), p. 333-335
Articles connexes
- Circulation atmosphérique
- ENSO
- La Niña
- Oscillation de Madden-Julian
- Oscillation décennale du Pacifique
- Onde équatoriale
Liens externes
- [vidéo] Institut de Recherche pour le Développement, « L'impact d'El Niño dans la zone intertropicale », (consulté le 15 février 2010)
- Service météorologique du Canada, « El Niño: Perspective Canadienne », Environnement Canada, (consulté le 8 décembre 2009)
- [flash] « El Niño », Comprendre la météo, Météo-France (consulté le 8 décembre 2009)
- « El Nino », Futura-sciences, (consulté le 8 décembre 2009)
- Even Rouault et Marianne Espinassous, « El Niño et le réchauffement climatique : quels liens de causes à effets ? », Polyglots.free.fr (consulté le 8 décembre 2009)
- (en) National Weather Service, « El Niño and La Niña Related Winter Features over North America », NOAA, (consulté le 8 décembre 2009)
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