Deuxième guerre civile centrafricaine
Carte de l'avance des rebelles et des combats en République Centrafricaine.
Date |
- (3 mois et 14 jours) |
---|---|
Lieu | Centrafrique |
Issue | Victoire de la Seleka |
République centrafricaine Afrique du Sud FOMAC (MICOPAX) | Seleka
|
François Bozizé | Michel Djotodia |
3 500 à 4 500 soldats 400 soldats[1] MICOPAX : 400 soldats dont:
| 3 000 hommes |
49 morts 27 prisonniers 13 morts 27 blessés 1 disparu 3 morts | 500 morts ou blessés au moins (selon l'Afrique du Sud) |
Batailles
La deuxième guerre civile centrafricaine est un conflit situé en République centrafricaine qui éclate en décembre 2012 entre le gouvernement centrafricain et les opposants regroupés au sein de la Seleka.
Il y eut entre 2004 et 2012 de nombreux affrontements entre divers mouvements rebelles et les Forces armées centrafricaines, mais jamais de véritable guerre civile. Les rebelles accusent le président centrafricain François Bozizé d'avoir failli à respecter les accords de 2007 qui mirent fin à la précédente guerre civile. Les membres de la Seleka démarrent alors une offensive militaire le , s'emparant de plusieurs villes majeures dans le centre et l'est du pays. Les Forces armées centrafricaines ne parviennent pas à faire face. Le Tchad voisin, répond aux appels du président Bozizé et accepte d'envoyer des troupes d'interposition. La France en revanche refuse dans un premier temps de s'engager, Bozizé étant arrivé au pouvoir à la suite d'un coup d'État en 2003 provoquant la guerre civile de Centrafrique. Le , Bozizé s'enfuit au Cameroun, la Seleka annoncent la prise du palais présidentiel et son chef Michel Djotodia s'auto-proclame président de la République[2]. Incapable de rétablir l'ordre, la situation s'enlise et la crise débouche sur des affrontements inter-religieux.
Contexte
Le , un accord de paix est signé entre le gouvernement et l'UFDR à Birao. Celui-ci prévoit une amnistie pour l'UFDR, sa reconnaissance en tant que parti politique et l'intégration de ses combattants dans l'armée[3].
Des négociations complémentaires ont par ailleurs abouti à un accord en 2008 pour une réconciliation nationale, un gouvernement d'union nationale et la planification d'élections locales en 2009 ainsi que des élections parlementaires et présidentielles en 2010[4]; le nouveau gouvernement a été formé en janvier 2009[5].
Le , Birao repasse sous le contrôle de l'armée centrafricaine mais est immédiatement reprise par les rebelles de la Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix (CPJP)[6]. Le , l'armée tchadienne réintervient une nouvelle fois pour reprendre la ville aux rebelles au nom du gouvernement centrafricain[7],[8].
La coalition rebelle de Séléka, formée par des membres de la Convention des patriotes pour le salut du Kodro (CPSK), de la Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix (CPJP), de l’UFDR, et du Front démocratique du peuple centrafricain et dirigée par Michel Am Nondokro Djotodia[9], a repris les armes le 10 décembre 2012 et conquis un certain nombre de villes au nord, au centre et à l'est du pays (dont Bria, Bambari, Ouadda, Ndélé, Batangafo, et Kaga-Bandoro le 25 décembre[10],[11]), afin selon ses porte-paroles « de faire respecter les accords de paix[12]».
Déroulement
Avancée de la Seleka
La Seleka commence son offensive le 10 décembre. Après avoir pris cinq villes depuis le début de l'offensive, le 18 décembre, la coalition prend la ville minière de Bria, tuant 15 soldats gouvernementaux. Elle prend également la ville de Kabo. Le président centrafricain en appelle à son homologue tchadien afin de recevoir son aide militaire. Le Tchad accepte d'envoyer des troupes, 150 hommes environ et une vingtaine de véhicules, précisant qu'ils se cantonneraient à un rôle d'interposition[13].
Le 20 décembre, les rebelles chassent les forces gouvernementales de la ville de Batangafo, mais ces dernières parviennent à reprendre Kabo, prise deux jours avant par les rebelles. Ceux-ci démentent la contre-attaque de l'armée, mais acceptent de suspendre leurs opérations à la veille d'une rencontre de la CEEAC[14].
Le 23 décembre, la coalition prend la ville de Bambari, la troisième ville du pays. Le 25, elle prend le contrôle de la ville de Kaga-Bandoro tandis que le président Bozizé reçoit ses conseillers militaires dans la capitale, Bangui.
Le 26 décembre, des centaines de protestataires pro-Bozizé s'en prennent à l'ambassade de France, accusant Paris de ne pas les soutenir contre la rébellion. Plusieurs dizaines de soldats français ont empêché les manifestants d'entrer dans la bâtiment, où une cinquantaine de ressortissants français ont pu trouver refuge. La compagnie Air France décide de suspendre ses liaisons quotidiennes Paris-Bangui, et fait faire demi-tour à un avion. Washington et l'ONU annoncent le retrait de leurs employés non-indispensables. Le ministre de l'Intérieur centrafricain, Josué Binoua, remercie la condamnation des rebelles par la France et fait appel à Paris pour aider le gouvernement à trouver une issue au conflit[15]. Plus tard dans la journée, des sources militaires et humanitaires font état d'une présence rebelle dans la ville de Damara, signifiant que la coalition a pu passer à Sibut sans que les troupes tchadiennes cantonnées dans la ville n'interviennent[16].
Le 27 décembre, le président Bozizé demande l'aide de la France et des États-Unis. Le président François Hollande affirme son désir de ne pas s'impliquer dans le conflit, mentionnant que les troupes françaises ne sont présentes que pour protéger les ressortissants français, et non pour intervenir dans un conflit interne au pays ou protéger un régime[17]. Il appelle au dialogue pour mettre fin à la crise. Alors que le général Jean-Felix Akaga, commandant de la force de la MICOPAX de la CEEAC annonce que Bangui était complètement sécurisée par ses troupes, le Gabon et le Cameroun, deux pays participants à la mission de la MICOPAX précisent qu'aucune décision n'a été prise concernant le rôle de la mission dans le conflit[18]. Le soir du 27 décembre, les États-Unis décident de fermer leur ambassade et d'évacuer leur ambassadeur. Dans la capitale, l'activité est réduite, et les banques ont été prises d'assaut par leurs clients venus retirer leurs économies[13].
Le vendredi 28 décembre, les forces régulières ont lancé une contre-offensive sur la ville de Bambari. Les soldats centrafricains sont mis en déroute et se replient, laissant les rebelles du Séléka s'emparer des lieux, alors à trois cent kilomètres au nord-est de la capitale Bangui.
Dans la nuit du vendredi 28 au samedi 29 décembre, le ministère de la Défense français annonce le déploiement de 150 militaires français dans une base à Libreville, appartenant à une compagnie d'infanterie de parachutistes, alors que la France a déjà 250 soldats dans la base M'Poko, située près de l'aéroport de Bangui, dans le cadre de la mission Boali. Cependant, le ministère affirme qu'il s'agit d'une « mesure de précaution » pour « la protection des ressortissants français et européens », marquant la volonté de ne pas s'ingérer dans les affaires internes de la république africaine.
Le même jour, les forces de la Seleka avancèrent un peu plus, en prenant cette fois la ville de Sibut, située elle à environ cent soixante kilomètres de Bangui. La prise de cette ville s'est faîte sans aucun combat. À la suite de la chute de la ville aux mains des rebelles, Djouma Narkoyo, un des chefs de la Seleka, a confirmé : « Nous continuons à progresser et nous avons récupéré Sibut ». Les armées centrafricaines, soutenues militairement par le Tchad, ont envoyé des troupes à Damara, dernière « ville-verrou » pour sauver Bangui, où des technicals patrouillent. Malgré cette avancée, les rebelles se sont dits prêts à « négocier sans conditions » avec le gouvernement centrafricain.
Signature d'un accord
Le vendredi 11 janvier 2013, le gouvernement annonce officiellement la signature d'un accord entre les forces gouvernementales et les rebelles. Cet accord stipule que le président en fonction, François Bozizé, restera à la tête du pays jusqu'en 2016, date où sont prévues les prochaines élections présidentielles. Le samedi 12 janvier, le Premier ministre Faustin-Archange Touadera est démis de ses fonctions par le dirigeant centrafricain, conformément à l'accord passé entre le gouvernement et la Seleka. Le texte stipule qu'un « nouveau Premier ministre issu de l'opposition » devra être nommé par le chef de l’État, et ne sera pas révocable. Également, une dissolution de l'Assemblée nationale devrait avoir lieu, afin d'organiser des élections législatives dans les douze mois à venir. « Le Premier ministre ainsi que les autres membres du gouvernement ne peuvent être candidats à la prochaine présidentielle » de 2016, signale ledit accord, alors qu'un « retrait de toutes les forces militaires étrangères » est prévu, excepté la Fomac (Forces multinationales de l'Afrique centrale).
Reprise des combats et prise de Bangui par la Seleka
Le 17 mars à Sibut, à une centaine de kilomètres de Bangui, les rebelles de la Seleka rompent les négociations avec le gouvernement centrafricain auquel ils lancent un ultimatum. Ils réclament la libération de leurs prisonniers, la validation des grades des officiers rebelles, l'intégration de 2 000 de leurs combattants dans l’armée nationale et le départ des militaires sud-africains. La Seleka affirme que si ces exigences ne sont pas accordées dans les trois jours, elle reprendra son offensive[19].
Le 22 mars, les forces rebelles sortent de Sibut, s'emparent de Damara et forcent un barrage de la force africaine sur la route de Bangui. La Seleka est alors à 55 kilomètres de Bangui[20],[21].
Le 23, les combats se poursuivent sur l'axe routier Bangui-Damara-Sibut, à hauteur du PK 55, à 55 kilomètres de la capitale. Plus à l'ouest, une deuxième colonne rebelle s'empare de Bossembélé et de Bouali. Les forces sud-africaines sont prises à revers par la deuxième colonne et subissent des pertes. Le soir du 23 mars, la Seleka prend position à 12 kilomètres du centre-ville de Bangui. Pendant la nuit, les rebelles coupent l'électricité dans la ville[22],[23].
Le dimanche 24 mars 2013, les rebelles de la Seleka annoncent la prise du palais présidentiel. Le président François Bozizé se serait réfugié en République démocratique du Congo en traversant le fleuve Oubangui.
Conséquences
Destructions et réfugiés
Fin décembre 2012, plus de 3 000 Centrafricains se sont réfugiés dans la province d'Équateur, en République démocratique du Congo[24].
Selon Human Rights Watch (HRW), des centaines de civils ont été tués, plus de 10 000 habitations ont été incendiées et environ 212 000 personnes ont fui leur foyer pour vivre dans des conditions désespérées dans la brousse profonde du nord de la RCA[25].
Naissance de conflits inter-religieux
Le chef de la Seleka Michel Djotodia s'auto-proclame président de la République[26]. Incapable de rétablir l'ordre, la situation s'enlise et la crise débouche sur des affrontements inter-religieux.
Face au risque de génocide, la France annonce, le , l'envoi d'un millier de soldats pour rétablir la sécurité dans le pays (Opération Sangaris)[27].
Le 5 décembre, les milices anti-balaka prennent part à la bataille de Bangui le 5 décembre 2013, épaulés par des anciens membres des Forces armées centrafricaines. Ils auraient également pris le contrôle de la ville de Bossangoa[28].
Notes et références
- ↑
- ↑ http://actualites.sympatico.ca/nouvelles/international/le-president-de-la-republique-centrafricaine-francois-bozize-demande-lasile-au-benin
- ↑ (en) Central African Republic, rebels sign peace deal, USATODAY, 13 avril 2007
- ↑ (en) CAR president dissolves government, vows unity, TaipeiTimes, 20 janvier 2009
- ↑ (en) Touadera names rebels in new Central African Republic govt, AFP, 19 janvier 2009
- ↑ (fr) Centrafrique: attaque rebelle sur Birao dépêche AFP du 24 novembre 2010.
- ↑ (fr) Les autorités centrafricaines affirment avoir repris la ville de Birao sur Radio France international le 27 novembre 2010.
- ↑ (fr) Centrafrique: l'armée tchadienne a bombardé Birao pour Bangui (rébellion) dépêche AFP le 28 novembre 2010.
- ↑ Duel entre François Bozizé et Michel Am Nondokro Djotodia, leader de Séléka sur Jeune Afrique le 24 décembre 2012.
- ↑ Centrafrique: Bangui sous la menace des rebelles dans Le Figaro du 27 décembre 2012.
- ↑ La France n'est pas en Centrafrique pour y protéger «un régime» dans Libération du 27 décembre 2012.
- ↑ Centrafrique : les rebelles du Séléka sont aux portes de la capitale dans L'Humanité le 26 décembre 2012
- 1 2 Centrafrique : Washington ferme et évacue son ambassade
- ↑ journaldebangui.com: RCA: La coalition Séléka suspend ses opérations
- ↑ lemonde.fr: Centrafrique : Paris, Washington et l'ONU protègent leurs ressortissants
- ↑ Central African Republic wants French help as rebels close in on capital
- ↑ Les enjeux du conflit par Roland Marchal dans Le Monde du 27 décembre 2012.
- ↑ The Daily Star: CAR leader appeals for help to halt rebel advance
- ↑ RFI : RCA : la Seleka menace de reprendre les armes si Bangui n'accède pas à ses revendications
- ↑ RFI : RCA : les rebelles centrafricains de la Seleka forcent un barrage de la force africaine sur la route de Bangui.
- ↑ RFI : Centrafrique : inquiétude à Bangui à l'approche des rebelles de la Seleka
- ↑ RFI : Les rebelles de la Seleka poursuivent sans relâche leur avancée vers Bangui
- ↑ RFI : RCA: les rebelles de la Seleka sont désormais aux abords de Bangui
- ↑ Équateur : plus de 3 000 réfugiés centrafricains enregistrés au Nord-Ubangi
- ↑ RCA: HRW demande des sanctions contre les dirigeants de la Séléka
- ↑
- ↑ Le Point - 26/11/2013 - Centrafrique : pourquoi la France entre en guerre
- ↑ Le Figaro, 06/12/2013: Centrafrique : la France déclenche l'opération militaire
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