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Capital humain

Capital humain

Le capital humain est l'ensemble des aptitudes, talents, qualifications, expériences accumulés par un individu et qui déterminent en partie sa capacité à travailler ou à produire pour lui-même ou pour les autres[1].

Histoire du concept

Le concept de « capital humain » est développé pour la première fois en 1961, par l’économiste américain Theodore Schultz qui l’exprime en ces termes : « Alors qu’il apparaît évident que les individus acquièrent des savoir-faire et des savoirs utiles, il n’est pas si évident que ces savoir-faire et savoirs constituent une forme de capital [et] que ce capital soit pour une part substantielle le produit d’un investissement délibéré. » À partir de 1965, Gary Becker approfondit le concept et le vulgarise, obtenant en 1992 le prix Nobel d’économie pour son développement de la théorie du capital humain. Des chercheurs en gestion comme Flamholtz et Lacey, dès 1980, ou plus tard Lepak et Snell contribuent alors à la diffusion de la théorie et à son utilisation pratique.

Une nouvelle façon d’appréhender l’individu et le marché du travail

La théorie du capital humain

La théorie du capital humain fonctionne par analogie à celle du capital financier ou physique. On considère que le capital humain est formé de trois éléments qui, ensemble, déterminent une certaine aptitude de l’individu à travailler :

De même que le capital physique, le capital humain peut s’acquérir (notamment par l’éducation), se préserver et se développer (par un entretien à travers des formations continues et/ou l’attention portée à la santé de l’individu au titre de son capital santé). De même, il doit pouvoir produire un bénéfice (les revenus perçus lors de la mise à disposition des compétences).

On peut distinguer le capital humain spécifique, qui comprend les compétences non transférables à un tiers ou à un système de savoir, et le capital humain générique avec ses compétences transférables. Selon la mise en valeur de l’un ou de l’autre par l’investissement, l’individu est pris en compte différemment dans l’économie de gestion.

Investir dans le capital humain

Qui dit capital, dit investissements. Avec ce nouveau concept de capital humain, s’ouvre toute une gamme d’investissements autour des axes majeurs de l’éducation et de la santé. L’investissement en capital humain consiste donc dans l’ensemble des dépenses effectuées dans ce sens. Ces dépenses sont estimées en deux temps : on a d’une part les coûts directs (frais de scolarité, de médecine…) et de l’autre les coûts d’opportunité. Ces derniers résident dans l’arbitrage des individus dans leur gestion du capital humain. Exemple : choisir de poursuivre ses études universitaires, plutôt que d’entrer immédiatement après le Bac dans la vie active, a un coût d’opportunité estimé, le plus souvent, avantageux par rapport à la situation inverse. Dans tous les cas, on espère un retour d’investissement.

Deux façons de comprendre et d’appliquer la théorie

Ou bien on assimile l’individu à son capital humain, ce qui a pour conséquence de l’objectiver et de le traiter concrètement comme un bien nécessitant une gestion, comme tout autre bien. Ou bien on considère l’individu comme son propre investisseur, ce qui revient à le percevoir comme un acteur à part entière sur le marché du travail, un acteur ayant d’autant plus de poids qu’il apporte lui-même son capital. L’analyse démontre que, logiquement, la première version est celle qui est la plus souvent rencontrée du côté des entreprises, tandis que du côté des individus la seconde version est la plus revendiquée.

Richesses et limites de la théorie

Particularités du capital humain

La double interprétation soulignée plus haut résulte en réalité du fait économiquement exceptionnel que le capital humain est indissociable de son détenteur. Cette incorporation du capital humain a deux conséquences : son inappropriabilité (ou sa personnalisation) et sa limitation. Parce qu’il est nécessairement personnel, le capital humain implique l’individu tout entier dans une démarche d’investissement constante (l’individu s’enrichit en permanence de nouveaux savoirs et expériences). De plus, le capital humain, contrairement au capital financier, ne peut devenir propriété d’un tiers ; il est simplement mis à disposition par l’individu. D’autre part, le capital humain est limité à l’individu qui l’incorpore : il dépend de ses capacités physiques et mentales, de son cycle vital.

Conséquences sur la relation de travail

Il est risqué pour un employeur d’investir dans le capital humain dans la mesure où celui-ci ne présente aucune garantie de rentabilité. L’individu étant libre et seul propriétaire réel de son capital humain, il peut à tout moment soustraire celui-ci à l’employeur (en allant travailler ailleurs par exemple). Certains, pensent donc qu'il n'est pas judicieux, pour l'employeur, d'investir dans le capital humain d’un individu à partir d’un certain âge (que ce soit un particulier ou une entreprise). Cela reste discutable. En effet, un employé d'un âge "certain", soit à forte compétences (savoirs + expériences), est moins enclin à quitter son entreprise et recherche plus de stabilité (causes = charges, maison, enfants...). L'investissement est donc moins risqué puisque son seul départ risque d'être celui de la retraite. C'est pourquoi, délaisser les seniors est une erreur car ces derniers ont des compétences à transmettre aux plus jeunes. L'investissement doit donc se faire à ce niveau du capital humain. Enfin, l’individu fait des choix dans l’investissement de son propre capital, tout comme l’employeur fait des choix de coût d’opportunité dans sa gestion du capital humain. Il peut traiter l’individu comme un partenaire commercial, comme un simple rouage économique ou bien encore le considérer comme un investisseur au même titre que les investisseurs financiers.

Une théorie dynamique

Comme le dit J-P. Jarousse dans Formations et carrières, les limites de la théorie font paradoxalement sa richesse. Du fait de son particularisme, le capital humain oblige les agents économiques à repenser les mécanismes du marché du travail et à trouver de nouvelles façons de s’y adapter (certaines entreprises vont jusqu’à créer des départements du capital humain), à développer des nouvelles stratégies de gestion de ressources humaines. Au-delà même de la stricte économie du travail, le capital humain influence désormais l’économie de l’éducation, ou plus largement celle du savoir : introduit dans les mentalités, le concept pousse à la prise de conscience par l’individu (et la société) de son potentiel économique. Il s’ensuit un désir d’optimisation de ce potentiel qui bouleverse nécessairement les processus traditionnels conduisant l’individu à l’employeur. Il convient cependant de souligner que la théorie du capital humain, parce qu’elle ne peut clairement définir son concept clef, risque d’être trop largement utilisée : on a tendance à parler de capital humain pour tout ce qui a trait à « l’immatériel » chez l’individu et dans la société. De plus, la théorie nie d’une certaine façon tout processus collectif d’accumulation des savoir-faire et être. Or l’expérience prouve que ce processus existe bel et bien.

Le rôle économique

La prise en compte du capital humain dans l'analyse économique a constitué une avancée importante. L'accumulation de capital humain est un facteur essentiel de croissance économique : la diffusion des connaissances permet des rendements croissants et génère des externalités positives. De ce fait, il s'agit d'un concept central de l'économie du développement, de l'économie de l'éducation et plus largement de l'Économie du savoir (capital-savoir). Cette théorie a également permis de réhabiliter l'idée d'une hétérogénéité du facteur travail, et ainsi de rendre compte de la structure des salaires et des formes de rigidités sur le marche du travail. L'analyse fondatrice dans le domaine du capital humain est celle de l'économiste Gary Becker.

Le capital culturel collectif qui favorise le capital humain

Pierre Bourdieu a développé les théories d'Émile Durkheim concernant le « capital culturel » d'un individu, concept proche de celui de capital humain, qui lui est plutôt relatif à un groupe d'individu mais qui favorise la transmission et l'enrichissement potentiel du capital humain au fil du temps.

Le capital culturel est tridimensionnel :

  • le « capital culturel incorporé » : il est le fruit de la socialisation différenciée selon les milieux sociaux (langage, aptitudes scolaires diverses, façons de se tenir et de se comporter en société...) ;
  • le « capital culturel objectivé » : il désigne les outils de culture qui se matérialisent sous forme d'objets possédés par une personne (tableaux, bibliothèque, piano, etc.). Ce capital n'a de valeur que par la transmission de la manière de s'en servir ;
  • le « capital culturel institutionnalisé » : il consacre la transformation d'une culture personnelle en titres et diplômes sanctionnant une aptitude socialement reconnue.

De la théorie à la pratique

Évaluation « macro » du capital humain

En France, le Centre d'Analyse Stratégique en traitant de la délicate question de l'évaluation a résumé l'état de la recherche européenne en la matière en mettant en exergue les travaux d'un think tank qui retient 4 critères pour mesurer à l'échelle d'un État ce capital:

  • les dépenses formelles et informelles en faveur de la formation initiale ou continue cumulées par un individu moyen ;
  • la proportion de personnes formées effectivement employées en proportion de la population totale ;
  • le ratio du PIB au capital humain employé ;
  • le potentiel de croissance numérique de la population à horizon de 25 ans (qui tiendra compte du vieillissement de la population).

Comme pour la comparaison des systèmes scolaires, Suède et Danemark sont en tête du classement. Leur capacités d'innovation pour l'avenir seront portées par ce capital collectif.

Évaluation « micro » du capital humain

Le MEDEF dans sa brochure intitulée La place de l'Homme dans l'entreprise, le management du XXIe siècle (2009) indiquait: "Parce que la valorisation du capital humain est devenue une question cruciale, dans un environnement très concurrentiel, un nombre croissant d’entreprises place l’engagement des salariés au centre de leur politique RH".

Comme le confirme l'Observatoire de l'Immatériel, les DRH sont au centre de l'évaluation de ce capital fluctuant[2].

La méthode suggérée tente d'évaluer non seulement l'efficacité des actions ou politiques DRH en faveur de la rétention et la bonification de ce capital immatériel selon une méthode appropriée (« ISO, EFQM ou tableau de bord prospectif ») mais aussi envisage d'évaluer l'état du stock de compétences que représente chaque collaborateur mis en interaction au sein de l'organisation.

Les travaux de recherche engagés permettront sans doute de mieux quantifier cet actif essentiel que constitue le collaborateur. Par les différentes formes d'intelligence qu'il déploie, chaque collaborateur dynamise et pérennise les actifs matériels mis à sa disposition.

Dans le cas contraire faute d'évaluation et d'investissement, le gâchis du capital humain guette lorsqu'il est abusé au profit du « court-termisme » qui semble parfois devenir le maître étalon du management moderne. Selon Christophe Dejours, psychiatre et titulaire de la chaire de psychanalyse santé-travail au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers) : "Nous souffrons beaucoup du court-termisme des dirigeants. Économistes et politiques exaltent le système qui consiste à ramasser le maximum d'argent dans un minimum de temps. Or ces bénéfices sont de plus en plus déconnectés du travail. Le "vivre ensemble" n'est pas rentable immédiatement, mais il est fondamental pour la pérennité du système. (...) On ne peut pas constamment pomper le capital humain et l'intelligence collective sans se préoccuper des conséquences. Parce qu'au bout d'un moment, il n'y aura plus rien à pomper, nous aurons une société invivable, et le système économique ne fonctionnera plus. On a peut-être déjà atteint ces limites" [3].

Évaluation personnelle de son capital humain

C'est sans doute là avec la pratique du bilan de compétences que ce capital humain est le mieux apprécié par son détenteur et où les méthodes convergent le plus. La volonté d'un bilan marque la volonté d'investissement sur soi. Il constitue un jalon nécessaire au-delà de l'entretien annuel avec son employeur.

Hors de la sphère du monde du travail, différentes méthodes de bilan de son capital sont mise à disposition du grand public avec les ouvrages de développement personnel.

Notes et références

  1. Introduction à l'économie de Jacques Généreux.
  2. observatoire-immateriel.com
  3. Le Monde du 23/07/2007

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Géza Ankerl, L'épanouissement de l'homme dans la perspective de la politique économique. Sirey, Paris 1966
  • Michel Fourmy, Ressources humaines, stratégie et création de valeur, vers une économie du capital humain, Éditions Maxima, 2012.
  • Stéphane Trébucq "Capital humain et comptabilité sociétale : le cas de l'information volontaire des entreprises françaises du SBF 120", Revue Comptabilité Contrôle Audit, mai, tome 12, vol. 1, pp. 103-124, 2006.
  • Fabienne Autier, « Vous avez dit "capital humain ?" », Gérer et comprendre, n°85, septembre 2006.
  • Jean-Marie Albertini et Ahmed Silem, Lexique d’économie, Dalloz, Italie, 1999.
  • Jean-Pierre Jarousse, Formations et carrières : contribution de la théorie du capital humain à l’analyse du fonctionnement du marché du travail, Presses de l’université de Bourgogne, Dijon, 1991.
  • Michelle Riboud, Accumulation du capital humain, Economica, Paris, 1978.
  • Henri Lepage, Demain le capitalisme, Livre de Poche, 1977.
  • Gary Becker, Human Capital, A Theoretical and Empirical Analysis, with Special Reference to Education, NBER-Columbia University Press, 1964, 187p. (en) « lire en ligne » (consulté le 10 juin 2014)
  • Portail de l’économie
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