Analyse financière
L'analyse financière consiste en un examen approfondi des comptes d'une entreprise et de ses perspectives, afin de fournir :
- soit une évaluation de l'entreprise, destinée la plupart du temps à d'actuels ou de possibles futurs actionnaires ;
- soit une évaluation de sa seule solvabilité, afin de déterminer si l'entreprise analysée peut-être une contrepartie acceptable (fournisseur, banque, agence de notation) ;
- soit un diagnostic interne servant de support à des choix stratégiques concernant les modes de financement ultérieurs.
Le but de cette analyse est de fournir, à partir d'informations d'origines diverses mais surtout d'informations comptables, une vision synthétique qui fait ressortir la réalité de la situation et qui doit aider le dirigeant, l'investisseur et le prêteur dans leur prise de décision. Les aspects les plus souvent étudiés sont la profitabilité, la solvabilité et la liquidité de l'activité.
Histoire
L'économiste américain Benjamin Graham (1894 – 1976), est reconnu mondialement comme le « père de l’analyse financière »[1], à la suite de son œuvre phare, L'investisseur intelligent, parue en 1949. Également auteur de Security Analysis, dès 1934 avec David Dodd, il fut l’un des premiers à seulement utiliser une méthode d’analyse financière méthodique et codifiée pour diriger ses investissements, ce qui en a fait le mentor du célèbre investisseur américain Warren Buffett, après avoir contribué au Securities Exchange Act de 1933, la première loi à exiger des sociétés cotées de fournir des relevés comptables certifiés par des commissaires aux comptes indépendants[1].
Différence entre analyse financière et autres analyses
L'analyse financière se fonde sur la comptabilité de l'entreprise et sur son business plan, en le confrontant à l'environnement connu ou prévu, pour définir les forces et faiblesses financières de l'entreprise. À partir du business plan, elle définit une suite de cash flows (flux de trésorerie) actualisés qui, pondérés par un taux d'actualisation permettent d'arriver à un objectif de cours ou une valorisation.
Le but de l'analyse financière est de réaliser une évaluation d'entreprise rapide et souvent à des fins tactiques, selon le cas :
- soit pour évaluer la solvabilité de l'entreprise (pour lui consentir un crédit par exemple, et plus généralement pour nouer des relations d'affaire avec elle) : analyse crédit ;
- soit pour estimer la valeur de l'entreprise dans une optique de cession de participation ou d'achat ou de vente d'actions en bourse : évaluation d'actions.
- et en interne, à des fins stratégiques, elle sert de support à un diagnostic et à des décisions d'investissement et de financement[2] : pour le futur, faut-il privilégier le recours à l'endettement ? Augmenter ou diminuer le capital ? Est-il souhaitable d'accorder un crédit aux clients pour des raisons commerciales ou faut-il à l'inverse diminuer le besoin en fonds de roulement ?.
Dans le cas d'une analyse boursière elle peut côtoyer d'autres types d'analyse : analyse comportementale, analyse technique et analyse quantitative, en ce sens qu'elle porte directement sur les fondamentaux économiques et comptables de l'entreprise elle-même, sans faire référence aux comportements du marché boursier. C'est pour faire cette distinction que les investisseurs l'appellent souvent analyse fondamentale.
Les métiers de l'analyse financière
Le terme "analyste financier" recouvre plusieurs réalités qui correspondent à des méthodes et des objectifs différents.
- analystes sell side (du côté du vendeur) sont chargés d'informer et conseiller les investisseurs en bourse. Les sell side exerçaient leur activité en société de bourse (Exane, Aurel Leven, Oddo, AlphaValue, Portzamparc, etc.), et désormais au sein d'entreprises d'investissements, sur un secteur donné de la cote (small & mid caps, large caps Europe…)
- analystes buy side (du côté de l'acheteur) sont chargés d'évaluer et sélectionner des actifs sur lesquels investir. Les buy side retraitent les informations fournies par les sell side. Ils opèrent dans les sociétés d'investissement (Gestion d'actifs), (Amundi, Tocqueville, La Financière de l'Echiquier, etc.)
- analystes financiers en entreprise (des "contrôleurs de gestion"), chargés de surveiller la situation financière interne afin de prévoir les besoins financiers.
- analystes crédit chargés d'évaluer la capacité de remboursement de crédits bancaires demandés par les entreprises, les professionnels ou les particuliers. Peut être décisionnaire sur les demandes de crédits sollicités ou peut ne formuler qu'un avis.
- analystes d'agence de notation chargés d'évaluer la probabilité de défaut d'un émetteur.
- analystes quants chargés de développer des modèles d'analyse statistique du marché ou d'un type d'instruments.
- analystes Corporate Finance (dans les fusion-acquisition, l'émission d'action et l'émission d'obligation) chargés d'évaluer les entreprises et leur conseiller des solutions de financement/croissance externe
- analystes financiers indépendants interviennent en expertise dans le cadre de « fairness opinion » (opinion théoriquement indépendante du vendeur et des acheteurs potentiels) ou dès qu'un conflit d'intérêts potentiel existe au sein des instances décisionnelles de la société concernée par une offre ou une opération financière'. Ils opèrent donc dans des structures indépendantes d'analyse financière (AlphaValue, Duff & Phelp, Eurocif, Sorgem…).
Le rôle de ces derniers est de déterminer les valeurs d'acquisition des entreprises convoitées et les valeurs de revente des activités devant être cédées.
La plupart des analystes financiers sont employés d'une entreprise d'investissement, anciennement société de bourse en tant que sell side, d'après les statistiques de la Société Française des Analystes Financiers[Quand ?].
Les méthodes d'analyse financière
L'analyse financière, ne se limite pas à un simple examen plus ou moins approfondi et critique des comptes. Elle suppose aussi des comparaisons (dans le temps et par rapport au secteur d'activité), et surtout une étude des perspectives financières en fonction des caractéristiques de l'entreprise et de son environnement économique (c'est-à-dire dans le cadre de la stratégie d'entreprise).
Elle comprend donc plusieurs tâches :
L'analyse comptable
Il s'agit d'analyser les comptes d'une entreprise — Bilan, Compte de résultat, Flux de trésorerie, Hors bilan et annexes — (voir Comptabilité générale) pour détecter ses performances financières et en dégager les points forts, les points faibles et les points douteux à éclaircir. Ces données comptables doivent faire l'objet de nombreux retraitements, tenant compte entre autres des normes utilisées (IFRS, Plan comptable général et leurs options...).
L'analyse de l'Excédent brut d'exploitation (EBE) est fondamentale pour fournir un crédit à l'entreprise. En effet, une part de celui-ci représente le montant maximum d'échéance du crédit que peut supporter l'entreprise. C'est de l'EBE que l'on extrait le cash flow réel par la formule : Cash flow réel (flux de trésorerie réel) = Excédent de trésorerie d'exploitation (ETE) = EBE - variation du Besoin en fonds de roulement d'exploitation.
Un autre type d'analyse est de forme patrimoniale : elle consiste à analyser la valeur de l'entreprise non pas en termes de futurs dégagements de trésorerie, mais sa valeur à l'instant t, pour répondre à la question : que vaudrait l'entreprise si elle devait être dissoute aujourd'hui ? Dans ce cas, une attention particulière est donnée à la valeur des postes du bilan : stocks, immobilisations dont en particulier les immobilisations incorporelles, créances et dettes.
Dans une optique de diagnostic interne, l'analyse financière s'attachera à caractériser les grands équilibres du bilan, et à identifier les voies d'amélioration afin que l'entreprise ne soit pas fragilisée par un recours trop important à l'endettement à court terme, tout en en satisfaisant à des critères de rentabilité des fonds propres investis.
L'analyse comparative
Elle consiste essentiellement à tirer des ratios (de solvabilité, de rentabilité…, voir ratio financier) entre diverses séries de postes comptables et à comparer leur évolution dans le temps et par rapport à ceux d'autres entreprises ayant une activité similaire. L'analyse des comparables explique notamment les décotes de holding que subissent les groupes diversifiés tels que Bouygues (téléphone, BTP et télévision), Wendel Investissement ou Bolloré (opérateur logistique en Afrique, industrie, médias) (exception notable : General Electric). Il n'existe pas de bons comparables pour les évaluer (en plus du problème de la remontée des dividendes).
L'analyse extra comptable (ou "économique")
L'analyse extra comptable, dite aussi analyse économique, vise à déterminer les perspectives d'évolution de l'entreprise et leur incidence sur ses comptes prévisionnels pour vérifier l'opportunité d'un crédit (capacité future de remboursement) ou d'un placement ou rachat (rentabilité attendue, et notamment évolution prévisionnelle du bénéfice par action).
Ce point fait ressortir qu'une analyse fondamentale, qu'elle vise à évaluer le risque de crédit propre à une entreprise ou à obtenir sa valorisation (cours de bourse potentiel, valeur d'achat en cas de reprise..), exige une connaissance de l'environnement économique général, du secteur d'activité considéré, du fonctionnement et du positionnement de l'entreprise dans le secteur, de ses projets, et naturellement des concurrents et de leurs projets. Une étude qui se bornerait à aligner les chiffres passés de l'entreprise et, concernant le futur, à prendre des taux de croissance plus ou moins extrapolés de l'historique comptable, ne constituerait en aucune façon une analyse. C'est une facilité à laquelle certains analystes peuvent se laisser aller en délaissant cette partie de l'analyse.
Méthode d'évaluation par actualisation des flux de trésorerie
La principale méthode repose sur l'analyse fondamentale (à distinguer d'autres méthodes d'analyse financière), autrement dit l'étude
- des comptes de l'entreprise,
- de ses capacités techniques et commerciales
- de sa gestion
- de son environnement économique.
Pour ce qui est de l'analyse des comptes à fin d'évaluation, elle comporte deux principaux volets qui se complètent :
- méthode statique (ou « patrimoniale »): à partir de l'analyse des actifs et des dettes au bilan, pour déterminer par différence la situation nette réelle.
- méthode dynamique (ou « économique »), laquelle :
- analyse l'évolution sur plusieurs années du compte de résultat
- puis établit, en fonction de prévisions économiques et stratégiques, des scénarios probabilisés (espérance mathématique) de résultats futurs (bénéfices, capacité d'autofinancement)
- et applique à ces prévisions un taux de rendement espéré, en général le taux risqué observé couramment sur les marchés financiers,
- où
- est le cash flow prévu l'année n, ou l'ETE (voir ci-dessus)
- i est le taux d'actualisation (généralement le taux dit « non risqué » de l'emprunt sans risque, e.g. obligataire d'un État solvable, auquel on ajoute une prime de risque propre aux entreprises privées)
- N le nombre d'années sur lesquelles on a établi des prévisions
- Valeur Terminale : valeur à laquelle on prévoit que la société sera évaluée à l'année N (c'est généralement ce terme - difficile à évaluer - qui a la plus forte valeur dans la somme ; c'est pourquoi cette méthode ne donne qu'un résultat indicatif)
Les méthodes dynamiques permettent de déterminer la valeur de l'entreprise. En soustrayant le montant des dettes nettes figurant au bilan (ou en ajoutant la trésorerie nette si la société est en trésorerie positive) on obtient la valeur du capital[pas clair]. En divisant par le nombre d'actions (y compris les actions "virtuelles" telles que celles à émettre dans les BSA ou les stock options et en rajoutant alors dans le capital le montant de la levée de fonds correspondant) on obtient un cours objectif[Informations douteuses] [?].
La difficulté majeure est la détermination du taux d'actualisation. Celui-ci dépend de la prime de risque et du taux sans risque. ces paramètres changent en fonction de l'endettement de la société (la dette est remboursée en premier), de la taille de la société (les grosses supportent mieux les aléas), du secteur (la high tech est plus risquée que la distribution) et la liquidité (les sociétés non cotées sont moins facilement vendables). Il n'y a pas vraiment de formule donnant un taux stable et invariable, ce qui explique l'existence d'un marché des valeurs. En pratique, le taux d'actualisation évolue actuellement autour de 4 % pour le taux sans risque, autour de 7 % pour un marché coté, de 15 % pour les plus risquées des sociétés cotées et jusqu'à plus de 25 % pour les sociétés dépendantes dune problématique de type capital risque.
Notons que la méthode d'actualisation s'applique soit aux cash flows libres opérationnels (actualisés par le cout moyen pondéré du capital, y compris la dette) soit aux dividendes (actualisés par le cout moyen pondéré des fonds propres).
Analyse et évaluation
Lorsqu'ils n'ont pas le temps de se livrer à une analyse financière approfondie, les investisseurs utilisent des méthodes rapides d'évaluation. Ces méthodes peuvent différer selon que l'entreprise est accessible au public par une cotation boursière (notion juridique et financière anglo-saxonne de public company) ou non cotée sur le marché (notion de private company)
Sociétés cotées
Pour les sociétés ayant des actions cotées en bourse, mais aussi pour les autres, avec des critères de comparaison (benchmarks boursiers)
- il est courant, par facilité, de les évaluer à partir du ratio cours de bourse / bénéfice par action (le PER, que les analystes financiers utilisent peu et uniquement retraité)
- certains utilisent encore d'autres méthodes : analyse technique, analyse quantitative, analyse comportementale
Sociétés non cotées
Concernant les entreprises non cotées en bourse, qui sont les plus nombreuses,
- Leur évaluation se fait là encore principalement à partir des flux mais elle doit appliquer une "décote" du fait de l'absence de liquidité (difficulté pour revendre sa participation en l'absence d'un marché accessible)
- La valeur comptable (Book value) est une méthode parfois utilisée pour évaluer les unités de production ou les entreprises de distribution. Cette méthode déduit simplement les dettes et engagements au Passif du montant total de l´Actif. Cette démarche simple permet de dégager la valeur nette (Net worth)
- L´évaluation des entreprises prestataires de services doit par contre prendre en compte la clientèle, le management et les employés (considérés comme faisant partie de l´actif, bien que ceci ne se voie pas en termes comptables). L´évaluation des entreprises prestataires des services peut paraitre plus difficile que celle des entreprises purement industrielles ou de processus dans la mesure où la performance est souvent fonction des relations entre le management et la clientèle.
- Une technique d´évaluation dénommée coût de début ou "entry cost", qui consiste à évaluer une entreprise en prenant comme référence le coût pour créer (lancer) une entreprise similaire. Elle est peu usitée car les compagnies présentes sur un marché développent des actifs intangibles (marque, réputation, ancienneté des relations clients) peu aisément évaluables.
Quelques analystes financiers célèbres
- Benjamin Graham dont l'ouvrage L'Investisseur intelligent est considéré comme la référence de l'analyse financière moderne.
- John Bollinger, analyste financier certifié (CFA) et analyste technique certifié (CMT), ancien de Financial News Network et de CNBC, qui a popularisé le chartisme.
- Malcolm Forbes
- Henry Blodget, symbole de la bulle Internet et de l'affaire des analystes financiers de 2002.
- Mary Meeker, autre symbole de la bulle Internet et analyste de la banque Morgan Stanley.
- Jack Grubman, analyste de Salomon Brothers, qui avait recommandé avec beaucoup d'insistance l'action WorldCom a comme Henry Blodget été banni de la profession[3] lors de l'affaire des analystes financiers de 2002.
- En France, il faut surtout citer[réf. nécessaire] Marc Alexandre et Jean-Michel Détroyat, qui ont fondé chacun leur société d'analyse (resp. Atlantic Finance et Détroyat Associés).
- Édouard Tétreau, administrateur de la SFAF et vainqueur du Prix des lecteurs du livre d'économie 2005
Notes et références
- 1 2 « Benjamin Graham, père de l’analyse financière », par LAURENT CURAU, FONDATEUR @ CAFEDELABOURSE.COM, LE 11 FÉVRIER 2013
- ↑ Jean-Paul Couvreur, Georges Hübner, Pierre-Armand Michel Finances d'entreprise, une approche globale pour les juristes, Kluwer, 2003
- ↑ "Ex-Analyst Grubman Is Said to Sell His Townhouse", dans le New York Observer du 16 mars 2010
Voir aussi
Articles connexes
- Analyse technique
- Ratio financier
- Société française des analystes financiers
- Évaluation du prix d'une action
Liens externes
Institutionnels et privés
- SFAF - La Société Française des Analystes Financiers
- EFFAS - La Fédération Européenne des Associations d'Analystes Financiers
- ACIIA - L'association Internationale des Analystes financiers
- CFA Institute - L'association mondiale des analystes financiers
- CAFI - Compagnie des Analystes Financiers Indépendants : ce lien ne fonctionne plus
- FFI - First Finance Institute
Cours d'analyse financière
- Cours de Pascal Quiry (HEC), en Français
- Cours de Pascal Quiry (HEC) et Marce Bertonèche (HBS), en Anglais
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