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Techniques diagnostiques de prévision météorologique

Techniques diagnostiques de prévision météorologique

Météorologiste à l'œuvre à Norman (Oklahoma)

Plusieurs techniques diagnostiques de prévision météorologique ont été développées au cours des siècles et en particulier au cours du XXe siècle, avant le développement des ordinateurs. On parle parfois de "règles du pouce".

Historique

Depuis que les hommes regardent le ciel, l'observation des conditions météorologiques sur de longues périodes a permis de faire des relations entre les conditions et leur variation à plus ou moins long terme. La technique la plus simple a été de croire à la persistance du temps, suivie de la tendance climatologique et des statistiques par cas similaires.

L'École norvégienne de météorologie a répandu le modèle de cyclogénèse des systèmes dépressionnaires des latitudes moyennes, dès 1919, en reliant les variations des conditions de pression et de température avec la dynamique du fluide atmosphérique. En 1922, Lewis Fry Richardson proposait une façon de calculer itérativement les équations primitives atmosphériques pour évaluer le déplacement de ceux-ci. Cependant, avant le développement des ordinateurs, il n'y avait aucun moyen de résoudre les équations en temps utile.

Plusieurs météorologistes ont alors regardé des cas typiques de développement de systèmes météorologiques et en ont tiré des règles qui permettaient de savoir la vitesse et l'intensité de l'évolution des dépressions selon les paramètres initiaux disponibles. Il s'agit en fait de techniques qui se basent sur les théories météorologiques et les statistiques. Elles ne sont donc pas le fruit du hasard ni de l'intuition.

Depuis les années 1970, les ordinateurs ont graduellement permis d'utiliser les données météorologiques afin de résoudre les équations en temps réel. La prévision numérique du temps ainsi obtenue, s'améliore d'année en année, tant dans la longueur de la période de prévision que dans la résolution spatiale. Les modèles numériques ont cependant par définition des instabilités de calcul, dues à la nature chaotique de l'atmosphère, qui peuvent fausser les résultats. Les techniques empiriques sont donc toujours utilisées pour donner au météorologiste une évaluation indépendante de la situation météorologique.

Méthodes primitives

Persistance

La méthode la plus simple pour prévoir le temps est de tenir pour acquis que les conditions ne changeront pas. C'est une technique plutôt limitée car, par définition, l'atmosphère est en évolution. Cependant, dans certaines conditions stables, la persistance peut être utilisée. Ces conditions se rencontrent en particulier en été sous les Tropiques où la circulation atmosphérique des alizés est constante et le temps subit un cycle diurne de réchauffement donnant des orages, suivi d'un cycle nocturne stable avec ciel dégagé. La même chose se produit dans des situations de blocages météorologiques où la circulation d'altitude est faite de dépressions coupées de la circulation générale. Selon le cas, la persistance peut être utile pour quelques heures à quelques semaines[1].

Variation barométrique

La variation de la pression atmosphérique est utilisée par les navigateurs et les prévisionnistes depuis le XIXe siècle. Les premiers utilisaient celle-ci pour juger du type de systèmes atmosphériques qui se dirigeait vers eux. Ainsi, une baisse de pression indique l'arrivée d'un creux barométrique ou d'une dépression, signe habituel de mauvais temps. Par contre, une hausse est signe de l'arrivée d'un système anticylonique de beau temps. Dans ce contexte, plus le changement de la pression est rapide plus le changement dans les conditions est rapide et intense[2].

Les métérologistes, par contre, tracent des cartes de pression et de sa variation à partir des rapports des stations météorologiques pour avoir une vue d'ensemble de l'atmosphère. Il a été noté qu'une variation de plusieurs hecto-Pascal par heure est reliée à une intensification du mouvement vertical. Ceci implique la production de nuages et de précipitations si la pression baisse et un dégagement si elle monte. Le repérage de ces variations sur les cartes permet au prévisionniste de faire des extrapolations à court terme.

Observations du ciel

Cirrus en cheveux d'anges montrant la présence d'humidité en altitude, un signe avant-coureur d'un front chaud

L'observation du ciel, des nuages et de leur forme permet d'extraire des informations qui permettent de prédire à court terme les changements. Ces observations étaient jadis traduites en dicton tels que « Soleil rouge le soir indicateur de beau temps pour le lendemain ». Les rapports météorologiques envoyés régulièrement par les stations météorologiques comportent une foule d'informations sur le type de nuages, le plafond, leur épaississement ou diminution de couverture. Avant l'introduction des images des satellites météorologiques, c'était la seule façon d'extrapoler l'étendue de la couverture des nuages à partir des observations. Cette connaissance des conditions du ciel et de leur tendance est toujours essentielle à court terme.

Techniques reliées aux fronts

Injection d'air froid

Article détaillé : Cyclogénèse.
Injection froide à 850 hPa: les isothermes en lignes pointillées rouges et les flèches à barbules sont les vents

La théorie des fronts météorologiques développée par les norvégiens décrit le cycle de vie d'une dépression aux latitudes moyennes le long du ruban de températures qui sépare les masses d'air sur Terre. Tout y est relié au déplacement de l'air froid vers l'équateur et l'air chaud vers les pôles. La chose primordiale est donc de repérer les zones où le ruban d'isothermes peut être courbé pour donner ce déplacement. La technique de l'injection de l'air froid tente d'estimer cela.

L'établissement d'un courant d'air froid, qui ne s'étend que sur quelques centaines de kilomètres de large et qui de façon évidente traverse les isothermes du froid vers le chaud, est ce qu'on appelle une injection froide. Un tel phénomène est habituellement relié à un creux à 850hPa et se révèle très efficace comme mécanisme de cyclogénèse. Pour arriver à une prévision de développement d'une dépression météorologique, on suit les étapes suivantes:

  1. Déterminer la présence d'une injection froide.
  2. Déterminer l'heure et le lieu de l'injection froide.
  3. Vérifier s'il y a présence de mécanismes qui empêchent la cyclogénèse.
  4. Vérifier si les conditions dans lesquelles se produit l'injection froide sont favorables au creusement d'une dépression déjà existante ou à une nouvelle cyclogénèse.
  5. Déterminer l'heure et le lieu de la cyclogénèse.

Pour déterminer la présence d'une injection froide vraiment efficace, on recherche un ruban d'isothermes qui se situe au sud de 38 °N sur la carte de 850 hPa, dont la différence de température entre les deux côtés du ruban d'isothermes soit d'au moins l5°C et dont la vitesse des vents, qui amène l'air froid, dépasse 40 km/h. Une fois qu'on a trouvé une telle situation, on suit le centre de la zone d'air froid sur les cartes météorologiques disponibles et on extrapole son mouvement futur.

Pour vérifier si l'injection sera favorable à un creusement, il ne faut pas que l'injection soit au sud du flot général et l'angle entre le flot d'air et l'injection doit être assez grand (non parallèles). Ce qui favorise le plus le développement d'une dépression de surface sera : un creux de pression à 500 hPa dont l'amplitude est importante et une position de l'injection froide de 850 hPA qui se trouve à l'ouest de ce creux. Selon la position et l'intensité de ces paramètres, des tables permettent d'estimer la possibilité et l'intensité du développement d'une dépression de surface dans les 12 à 18 prochaines heures.

Technique de George

Position possible des dépressions de surface (points) sous un flux ouvert à 500 hPa
Calcul de la différence de hauteur des isohypses à 500 hPa pour l'estimation de l'intensification
Position de dépressions de surface (centres hachurés) et d'une certaine circulation à 500 hPa. Les flèches montrent les directions de déplacement

La technique de George a été développée pour prévoir les développements explosifs sur la côte est des États-Unis d'Amérique pendant l'hiver. Cette méthode trouve son utilité car il s'agit d'une région où peu de données sont disponibles et, encore aujourd'hui, les modèles numériques éprouvent des difficultés à prévoir ce type d'événements. Elle fut mise au point en compilant les données de plusieurs cas de développement maritime. Elle a donc une nature statistique et donne des indications sur le creusage, la vitesse et la direction du déplacement des dépressions. Les trois paramètres utilisés comme prédicteurs sont :

  1. La position du centre de dépression par rapport au patron à 500 hPa
  2. L'intensité de la circulation à 500 hPa au-dessus de la dépression
  3. Le gradient de température à 500 hPa. C'est-à-dire la différence entre la température au-dessus de la dépression et celle à l000 milles marins au nord-ouest de celle-ci

Développement

On a constaté que de façon générale les dépressions de surface qui se développent ont tendance à se trouver sous une circulation d'altitude à 500 hPa qui suit des contours ouverts, c'est-à-dire que les lignes des isohypses s'écartent l'une de l'autre. Celles qui se comblent ont tendance à se retrouver sous des contours fermés. Les dépressions qui se développent beaucoup ont tendance à se situer au centre du courant à 500 hPa tandis que celles qui se développent moins se trouvent plus au bord du courant. De la même façon, les dépressions qui se comblent beaucoup se trouvent à l'intérieur d'un plus grand nombre de contours fermés que celles qui se comblent moins.

Intensité de creusage

On a constaté que les dépressions qui s'intensifient sont en général associées à un courant et un gradient thermique à 500 hPa intenses. De plus, les dépressions qui se développent (comblent) de façon explosive se déplacent presque toujours rapidement (lentement). Le creusage de la dépression peut être déterminé à l'aide des deux paramètres suivants:

  1. La différence de hauteur de la 500 hPa pour des points situés à 7,5 degrés de latitude de part et d'autre de la dépression de surface. On mesure perpendiculairement au courant et on n'inclut que les contours ouverts
  2. La différence entre la température à 500 hPa au-dessus de la dépression et la température la plus froide (encore à 500 hPa) dans le quadrant nord-ouest à une distance inférieure à 15 degrés de latitude

En utilisant un tableau des différences de hauteur comparées aux différences de température, spécialement conçu à cet usage, le météorologiste peut estimer la vitesse de creusement de la dépression de surface au cours des prochaines 24 heures. Cependant cette technique ne donne pas de méthode pour la vitesse de comblement des dépressions.

Déplacement

La vitesse de déplacement est obtenue en mesurant les gradients de hauteur et de température à 500 hPa au-dessus de la dépression. L'unité de mesure est 7 degrés de latitude et le point central est la dépression elle-même. Comme pour le creusage, quand on mesure le gradient de hauteur on ne tient compte que des contours ouverts. Un autre tableau donne la vitesse en degrés de latitude par jour à partir des deux paramètres mesurés.

Pour prévoir la direction du déplacement, on a classifié les différentes situations à 500 hPa en 8 catégories qui dépendent de la position de la dépression de surface sous le flot d'altitude (sur le bord extérieur, au centre, près du bord intérieur, avant ou après un creux) et sur la forme du flot lui-même (concave, convexe, avec un centre fermé, etc.). Il s'agit premièrement de trouver celle qui correspond le mieux à la situation du moment. Une fois cela fait, on suit les indications données pour la catégorie dans laquelle on se trouve.

Règle d'Henry

Une dépression froide stationnaire doit être délogée selon la règle de Henry

Un des problèmes difficiles qu'un météorologiste opérationnel doit résoudre est la détermination du moment où une dépression froide va commencer à s'ouvrir et à se déplacer en aval, dans le courant au niveau 500 hPa. Une dépression froide (où l'on retrouve un dôme d'air froid ou goutte froide) étant une circulation dont les contours de pression sont fermés de la surface à 500 hPa et dont les isothermes (lignes de températures égales) sont parallèles aux isobares. Les dépressions froides peuvent demeurer quasi stationnaires durant plusieurs jours, gardant des conditions nuageuses et des précipitations sous forme d'averses tant qu'elles demeurent froides et fermées. Cependant, elles finissent par s'ouvrir et les régions qui étaient nuageuses depuis plusieurs jours se dégagent alors. Les modèles numériques ont, à l'occasion, des difficultés pour déterminer ce moment.

Il existe cependant certains signes qui sont précurseurs de l'ouverture d'une dépression froide. Le météorologue W. K. Henry, du National Weather Service, a fait une étude exhaustive du phénomène, et il en a tiré une règle qui porte son nom[3] :

Une dépression froide s'ouvrira et commencera à se déplacer dans le courant lorsqu'un creux de pression majeur dans le même courant que la dépression froide, s'approchera à moins de 1 200 milles marins (20 degrés de latitude) du centre de la dépression froide.

Cyclones tropicaux

Technique de Dvorak

Article détaillé : Technique de Dvorak.

La technique de Dvorak, développé en 1974 par Vernon Dvorak, est une méthode d'évaluation subjective de l'intensité des cyclones tropicaux basée sur l'étude des photos satellitaires des spectres visibles et infrarouges. La technique a été développé en recherchant dans des cyclones tropicaux de même intensité des similitudes entre leur apparence dans les photos visibles et leur température dans celles infra-rouges. La technique tient compte également du changement de ces caractéristiques lors du développement ou de l'affaiblissement des systèmes. La structure et l'organisation des systèmes tropicaux sont comparées dans le temps à chaque 24 heures pour en tirer leurs stades de développement[4],[5].

Dans le spectre visible, on classe le stade de développement selon l'apparence des nuages au centre du système et dans les bras en spirales qui l'entourent par rapport à des patrons connus[6]. Dans l'infra-rouge, on recherche la différence de température entre l'œil chaud, s'il existe, et le sommet des orages qui l'entourent pour estimer l'intensité du cyclone (plus la différence est grande, plus le sommet des orages est élevé et plus ils sont intenses).

Plusieurs centres de prévision des cyclones à travers le monde utilisent cette technique[7].

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références

  1. (en) « Persistence Forecasting: Today equals Tomorrow », Université de l'Illinois à Urbana-Champaign (consulté le 7 juin 2012)
  2. (en) « Applying The Barometer To Weather Watching », Weather Doctor, Weather Doctor (consulté le 25 mai 2008)
  3. (en) Walter K. Henry, « The Southwest Low and "Henry's Rule" », National Weather Digest, vol. 3, no 1, , p. 6-12 (lire en ligne [PDF])
    Règle de Henry en conclusion
  4. (fr) « La Technique de Dvorak », Cyclone Extrême (consulté le 28 décembre 2007)
  5. (en) Satellite and Information Service Division, « Dvorak Current Intensity Chart », National Oceanic and Atmospheric Administration, (consulté le 12 juin 2006)
  6. (en) « "Tropical Cyclone Forecasters Reference Guide" », Naval Research Laboratory (consulté le 29 mai 2006)
  7. (en) « Objective Dvorak Technique », University of Wisconsin (consulté le 29 mai 2006)
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